jeudi 8 juin 2017

De la lumière à tous les étages : la Serra de Vingrau (2 eme)

Je n'ai pas attendu une semaine et quoi de tel qu'un jour d'ascension pour aller  "ascensionner" les étages de la Serra de Vingrau. D'autant que la lumière promettait d'être fort belle. Pas de bagages inutiles dans mon sac à dos mais près de 3 l de breuvage, c'est un vrai pays de la Soif.
Grand Canyon ? Non Serra de Vingrau
(au fond Tautavel)

 Je démarre pourtant dans l'ombre fraîche de la Combe, je vais suivre une vallée sèche au 1er étage, le but étant de grimper ensuite sur le toit avant que de revenir par le sentier sur le toit (précédent article).
Sentier  dans les buissons

J'espère bien, pour ce faire, trouver une "cheminée" soit un couloir adéquat histoire de grimper un peu en éboulis. Finalement ce ne sera pas par le toit que je reviendrai mais je ne le sais pas encore. Tout comme dans ma vie je laisse grande part à l'improvisation.
Donc me voilà dans l'ombre froide de ce petit matin sur un sentier qui se cabre, en longeant la falaise, en une sérieuse prise de dénivelé.  Cela sent le vaste plateau Castillan, quand la chaleur n'écrase pas encore les parfums des végétaux, les obligeant à se replier  sur eux mêmes et à enfermer leurs parfums.  Les végétaux respirent, et moi avec eux. le Silence. Un lointain jappement, des chants d'oiseaux, le vol pressé d'un insecte sont mes compagnons de route.

Originalité

Le soleil darde ses rayons dans la vallée, je suis à faible altitude et c'est grandiose comme à la montagne.
Vingrau : les vingt marches.
Le Pas de l'Escale : le passage de l'échelle.

Dans mon dos, paysage viticole de Vingrau
Souvenirs du temps d'avant la route où le passage de cette montagne était escarpé.


J'avance, toujours au 1er étage,  dans un univers végétal agressif qui griffe mes jambes nues; le sentier est souvent un sillon creusé par l'eau et bordé de murailles végétales. La vallée sèche est barrée de murettes qui parlent du temps où tout était cultivé ici. Il n'était pas une pente, pas une colline, pas une combe où n'étaient exploités quelques arpents de terre ingrate. Les photos aériennes sont saisissantes, elles montrent cette vie disparue, que l'on ne peut plus lire sur le terrain. Ainsi le toit de l'autre jour n'était qu'une succession de parcelles entourées de cailloux!

Une cabane qui s'apparente à un refuge n'est autre, je pense, qu'un témoin désuet de cette époque révolue.
La cabane
J'avance dans l'ombre pendant deux heures, le soleil se cache derrière les hautes falaises dont la raideur, le relief, les creux et failles sont très impressionnants. Falaises d'escalade, gorges miniatures, tours et arches font de cet étage un saisissant paysage. Le tout dans la plus parfaite solitude.
L'arche dans le site d' escalade du Petit Dru

Oui j'ai envie d'y aller !


Elles viennent à moi, à gauche, à droite, partout


Soudain je rencontre le soleil et tout de suite cette grande lumière allume cette steppe, dissipe les parfums de nuit et fait briller les fleurs. Des fleurs bleues se mettent par deux sur mon passage, j'ai juste à leur présenter mes "godillots" et l'illusion est parfaite.

Jusque sur mes pieds (illusion d'optique elles sont sur leur tige)

Ce faisant, entre falaises et fleurs , j'arrive devant un couloir qui me plait , alors je bifurque et, en quelques minutes je me juche sur le toit où je prends le temps de m'asseoir, les jambes pendantes. Que je suis bien !

Le couloir vu d'en bas (pente écrasée)
La montée est facile mais ça glisse tout le temps 

Le couloir vu d'en haut et le sentier d'où je viens



C'est là que je décide de changer de cap et au lieu de revenir vers l'ouest, je file plein est toujours sur le toit pour continuer le périple du dimanche précédent. Une idée m'est venue, un peu folle...le parcours sera long, escarpé, désert et solitaire (pour changer ? euh...) et surtout me ramènera au rez de chaussée, reste à trouver le passage . J'ai une carte mais les sentiers n'y sont pas indiqués. Je n'ai plus qu'à lire le paysage . Et trouver le passage.
Entre deux étages , la combe que je viens de parcourir

Ligne de crête
Côté mer et étangs  avec la forteresse naturelle du château d' Opoul

le sentier sur le toit




Pendant longtemps je vais longer la crête, bifurquant tantôt côté sud tantôt côté nord, mon préféré car plus frais. Côté sud c'est la fournaise, l'incandescence. parfois inquiétante car je perds du dénivelé, m'éloigne de la cime mais les marques jaunes sont toujours là.


Parcours sur la faîtière En dessous, la vallée d'où je viens

Un parcours musclé

et surchauffé (face sud)

La vallée que j'ai parcourue, entre deux étages , vue depuis le "toit"

Morte de soif


En dessous les crêtes que je vais rejoindre

Je vais devoir rejoindre ce mas Llensau en ruines (au zoom)

Passage d'un col

Je commence à en avoir sérieusement assez de cette incertitude colorée de jaune rassurant quand, soudain, à la désescalade d'un tronçon escarpé, je me trouve quasi nez à nez avec un groupe de chevaux. Et leurs cavaliers. Ils viennent de franchir le col que je cherche et ont un passage difficile bien négocié par des bêtes confiantes. Je n'en perds pas un instant. Ravie de voir de la vie, ravie de voir cette agilité.
Le col que je cherchais et que franchissent les chevaux
Près du Trau del cavall


Altitude 427 m, zénitude
Alors je consens à me poser. Pas n'importe où ! Je grimpe un rocher, je m'installe sur une petite plate forme au dessus du vide, le vent frais venu du nord puis de la mer me balaie, je m'attarde. Soudain j'ai la journée devant moi...la vie même devant moi...IL me semble que je pourrais passer des jours et des nuits (euh, dangereuses) , perchée sur ce rocher. Des insectes pressés, des oiseaux et des corbeaux sont mes compagnons.

Le rocher que je n'ai pas cherché à gravir
Il y a sans doute un accès par la crête


A gauche mon perchoir, à droite celui que je n'ai pas essayé de gravir
Au milieu le passage pour le retour
Quand j'amorce le retour, l'heure chaude bat son plein. je vais faire, en rez de chaussée, le plein de  km, de chaleur, de lumière et d'asphalte. L' horreur du randonneur.


Un long très long retour, avec des surprises : un énorme serpent vert, une belle faucille crantée trouvée et un dessert de cerises...oui ! Dérobées !! Rouges et  jaunes mais un dessert d'autant plus apprécié dans ce désert.

le mas Llensou



Détail à l'intérieur

La Serra vue du rez de chaussée en pente est une muraille crantée et régulière,

difficile d'accès car précédée par une infâme broussaille, anciennes vignes où l'on devine le pied mère et les racines noueuses, alternant avec des fruitiers. Ce paysage occupé dans les années 60 par une agriculture bien portante est un mouroir. Des sentiers indiquent les accès des grimpeurs. Je marche d'un pas cadencé ma bouteille à la main. Que ma voiture est loin.



Paysage d'aujourd'hui : vignes en ruines

Unique survivance du paysage d'autrefois



Je la rejoindrai enfin, après un bain de mes pieds douloureux dans le ruisseau, la traversée de Vingrau et la montée de  la côte jusqu'à l'auto alors que j'ai vidé quasi mes 3 l d'eau. Que d'eau....

Et tout au bout mon kangoo ensoleillé
la boucle est bouclée
12 km


8 commentaires:

  1. CC... Je t'admire... de tes périples tu ramènes toujours de magnifiques clichés et de savoureuses anecdotes !!!
    MERCI de ces merveilleux partages :)
    Douce soirée, Bisous, Câlins @ tes Félins

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  2. Parce que je m'amuse vraiment...Bises à toi

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  3. Ce circuit très minéral est magnifique et quelle vue ! Nous l'avons fait 2 fois en passant par le trou du Caball. C'est vrai qu'il y fait très soif... Ça fait du bien de se rafraîchir les pieds...
    Jolies photos et texte toujours aussi pétillant, c'est un plaisir de te lire, bravo. Bises.

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    1. Je suppose Josy que ce Trou du caball c'est ce petit col entre les deux hauts rochers (avec la croix) à moins qu'il n'y ait un aven ? Plus loin est le trou du colom, connais tu ? Bises

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    2. Oui, c'est ça, je ne me souviens pas de la croix mais plus loin c'est bien le trou colom. Il n'y a pas d'aven. Bises.

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    3. Merci j'irai de toute façon y refaire un tour mais là je laisse la voiture au Mas Llensou

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  4. Merci Amédine pour Cette Très Belle Balade sur Les Terres de Nos Corbiéres :) Si Vous Le voulez dimanche à 12h55 Sur La 3 il Y a Cap Sud Ouest en visite aux Chateaux Cathares à Quéribus entre autre Celui que J affectionne particulièrement en Souvenir de Mon Enfance :) Continuez Amédine à Nous amener avec Vous sur Les Sentiers qui Nous font Rêver :) Calinous aux Minous Bisous à Vous Pensées pour Lison :)

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    1. je n'ai pas fini d'explorer ces Corbières que je préfère aux Albères car j'aime énormément les paysages calcaires. Je me souviens avoir eu cette attirance en étant étudiante à Montpellier (1969) j'explorais à mes heures libres toute cette campagne calcaire en 2cv alors, beaux souvenirs de découverte . Bises

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