L'autre jour, sur les crêtes du Trespunts, le vent m'a apporté un mot : Régalecio. Il ne m'était pas inconnu, mais je ne lui donnais aucune identité, il trottait juste dans ma tête sur l'arête. Sans cesse, comme le refrain d'une chanson lancinante. Parce qu'il est beau, ce mot.
Bien sûr je palliai ce manque et c'est ainsi que ce 28 juin, je marche d'un bon pas dans l'aube ouatée de brume vers le Régalecio qui est un pic mais aussi un lac. Ce sera pic. 2569 m. Je connais son visage vu sur internet, il a du pic tout le piquant : du rocher pointu, de l'arête, pas de sentier, aucun topo si ce n'est "un pas de III". ça c'est limite pour moi, et bien on verra ...
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Le Regalecio 2569 m |
Je pars de l'Hospitalet près l'Andorre, petit village de 82 habitants, il a plu, la brume est épaisse mais un coin de ciel bleu permet l'espoir.
Le sentier permet une prise de dénivelé rapide, je le connais et le retrouve avec joie. Il y a de l'eau, des fleurs, des cascades, une conduite forcée, la forêt encore et un paysage qui s'éclaire, la brume est refoulée dans les vallées, c'est magique, c'est l' Ariège. Mon département de coeur.
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Le sentier au départ : L'Hospitalet. 09 |
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Au milieu des fleurs et de l'eau |
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Panorama floral |
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Jeux de brume |
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Arc en ciel blanc |
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Image de montagne |
Lorsque j'arrive au croisement des sentiers, j'ai parcouru 2.3 km, moins d'une heure de marche et 320 m de D+, j'ai la forme et le souffle est bon. Je vais remonter le ruisseau de Siscar, ce sera une débauche d'eau, de verdure, et de fleurs : une carte SD ne suffirait pas à les saisir toutes!
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Ruisseau du Siscar |
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Sentier bordé de fleurs au long du ruisseau |
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Cascades en série : le saut du Taureau |
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Un des 4 petits ponts de pierre |
J'essaie de compter les variétés pour tuer le temps, mais je m'embrouille, alors je scrute le paysage, les rochers, les lumières, les petits ponts de pierre, c'est féérique. Les premiers lys des Pyrénées montrent leurs fleurs, dans une semaine ce sera des champs de lys épanouis, impressionnants. La cadence est bonne, les oiseaux m'accompagnent, je laisse passer quelques randonneurs pour être seule.
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Le merveilleux lys des Pyrénées |
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Couleurs catalanes |
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Et tout en bas la mer...de nuages |
Les km et le dénivelé s'ajoutent:
1979 m, 4.7 km, le premier lac.
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Le 1er lac, sans nom |
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Genêts d'or |
2108m, 6.3 km, au bout d'une vallée plane où serpente le ruisseau, une cabane à 6 couchages est accueillante.
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Le vaste cirque du Siscar et d' Escobes |
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La cabane à 2108 m |
Une rude montée bien balancée et l'étang de Siscar montre son nez avec son étonnante cabane haut perchée comme un sémaphore. Depuis un moment le Cirque d' Escobes étale son pic, ses crètes, arête et éboulis, et surtout son "cylindre", celui là il m'aimante depuis toujours.
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Pic d' Escobes 2779 m(droite) et Cylindre d' Escobes (centre) Etang du Siscar et sa cabane |
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Pic de Regalecio 2659m |
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Le cylindre 2670 m |
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L'étonnante cabane du Siscar |
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La cabane et le Regalecio |
Je musarde un peu, fascinée par l'objet de mes désirs, le Regalecio qui enfin s'est dévoilé. Pas très haut mais élancé, imposant, envoûtant. Je l'étudie. Comme il n'y a ni sentier ni topo, il faut bien évaluer par où monter. L'évidence, entre carte et terrain s'impose, j'entame donc la montée de la Portella de Sisca, 2340 m.
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Montée à la Porteilla : Etang du Siscar |
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Impressionnante arête du Regalecio |
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Le Regalecio |
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Sommet en tête animale avec oeil bleu |
Quelques gouttes de pluie sous le ciel bleu me font croire au délire mais un voile fin de brume se déplace. Il fait froid, le vent est glacé, au col je vais remballer bras et jambes nus, grignoter un peu, parée pour le couloir raide qui m'attend, sous sa chevelure verte. Je découvre le versant Pedourrès où je me mets à l'abri du vent incisif. La pente du Regalecio est si raide que, après 9.1 km de marche, 1014 m de dénivelé positif, je crains la grosse fatigue.
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A la Porteilla: 2440 m |
Et c'est parti : en quelque pas, sans souffrir, je prends de l'altitude; un vague tracé en terre me permet de croire à une esquisse de sentier humain; animal il serait sans lacets. Et qu'irait faire un animal là haut ?
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Vue de mon trajet |
Je prends de la hauteur, surprise jusqu'au vertige du plan très incliné que je viens de grimper comme une chèvre. Les escarpements rocheux délimitent le ciel, l'espace et bordent les lacs qui s'amenuisent.
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Etang du Siscar |
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La direction à prendre : suivre l'alignement |
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La Porteilla tout en bas Pente bien raide |
Je prends le temps de fractionner ma folle montée pour admirer, on ne vient pas ici tous les jours autant se régaler. En 19 minutes, me voici au pied de la façade rocheuse, que les rhododendrons caressent de leur teinte cramoisie. La falaise sommitale, en surplomb est redoutable, pourtant à ses côtés une paroi striée de marches naturelles met le premier passage escarpé au rang de formalité. Me voici dans un petit col entre antécime style chicot et paroi abrupte où il faut que je loge mon régal.
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Le sommet: une citadelle |
Dans ces cas là, lorsqu'on est novice, ce n'est pas la paroi qu'il faut lire en priorité mais le sol; repérer et suivre la trace des passages faits par l'homme, la terre battue où rien n'a poussé, la teinte terreuse du rocher et il n'y a plus qu'à suivre la trace. C'est ainsi que je grimpe aisément malgré l'escarpement.
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Etang de Pedourrès au fond Et l' Ariège sous la brume |
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ça se grimpe |
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Gardien du site |
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Un bel endroit, il faut se glisser dans cette ouverture |
Une fine fissure m'assure le chemin, quelques prises faciles me servent d'échelle et je me trouve au fameux pas de III (échelle de difficultés) où je vais rester un moment pour vaincre le passage. Il n'y a pas de prises, j'arrive à me hisser un peu, équilibre précaire mais je ne franchirai pas.
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La fissure facile |
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J'ai mis la corde pour descendre mais inutile |
Au pas de III, une fissure latérale va bien à mes mains, mais rien pour les pieds. Aucun autre passage. Je prends ma corde, la mets en double pour l'épaisseur, je fais un noeud que je loge au sommet du passage entre deux roches pour la coincer mais j'ai peur que ça lâche et de me retrouver en vol plané arrière...où il y a du vide ! Par prudence, je renonce, le sommet me nargue à 3 ou 4 m au dessus, la vue y aurait été si belle...
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Le pas de III |
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Incapable de monter ça ! |
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Le pas de III vu de loin au zoom |
Je redescends, un peu frustrée, je m'assure un peu avec la corde qui n'est pas utile, mais les efforts m'ont fatiguée et pour tromper ma déception je vais m'amuser sur le chicot, jolie antécime escarpée et effilée. Comme toujours, je ne descendrais plus dès qu'un perchoir, même aussi inconfortable, est sous mes pieds!
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Mon trajet |
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L'antécime facile à escalader |
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Au sommet de l'antécime, la cime en fond |
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Du sommet, vue sur le Siscar |
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Mon trajet depuis la Porteilla |
Je peux admirer le chemin qui reste à faire, sentier filiforme vers l'étang de Padourrès par les Clotes de la Vaillete, 300 m en contrebas. Deux promeneurs montent, personne n'imagine être observé depuis ce nid d'aigle. Des ruisseaux serpentent dans les prairies, la brume rôde déjà sur les sommets d' Escobes et je "disfrute" mot espagnol synonyme d'un état d'âme proche de la béatitude.
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Retour par le Pedourrés; Clotes de la Vaillette 2200m |
Le difficile est de s'arracher...ce sera une folle descente, 8 minutes plus tard je débarque au col pour remonter aussitôt en direction du Pic de Nérassol. Je n'irai pas bien loin, juste contempler le Régalecio et essayer de trouver un autre passage, en vain.
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La brume s'avance |
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Jardins de pierres |
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Le Regalecio vu autrement |
Donc, je reprends le chemin du retour, il sera long, solitaire, pas triste, bien moins fleuri, mais bien irrigué, je connais le parcours, je m'autorise un bain dans l'étang de Pedourrès, comme si j'allais à la rencontre du sommet du Regalecio qui se mire sur l'eau, un peu de carburant fraîcheur doublé de carburant calorique pour la route.
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Se baigner au milieu des reflets |
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Les couleurs de la montagne |
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Rhododendrons en majesté |
La brume, cette fois, ne monte pas des vallées mais descend des sommets. Un hélico rôde autour de moi, cherche, effleure le sol, grimpe sur une crête: petit sur place et départ rapide, je ne le reverrai pas. Je marche d'un pas vif et sûr, les yeux dans le vaste décor et les parois rocheuses désertes d'animaux.
Le paysage défile, je me retourne souvent, aussi. Le Puymorens, le Tossal Mercader évasé comme un parapluie qui domine l' Hospitalet, strié de pare avalanches et surligné d'une conduite forcée, la vie qui revient, des moteurs, deux jeunes randonneurs au pas vif, la brume qui enveloppe, le petit pont de pierre, les fleurs, la bonne fatigue, le régal d'une journée bien emplie.
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Le Col du Puymorens en fond |
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Courbes sinusoïdales |
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Ruisseau de Val d' Arques |
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Tossal Mercader 2547 m et L'Hospitalet |
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Une idée de la pente ! |
Une journée comme je les aime, active, colorée, vivante quoique solitaire et sauvage, une saine fatigue, un temps de pause, oui, de pause ! dans une vie trépidante, celle d'en bas, qui me fatigue, autrement....
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Les gardiens du sentier |
En chiffres
Dénivelé positif cumulé : 1203 m
Distance parcourue : 19 km
Temps de marche : 7 h 06
LE TRAJET
superbe, attirant et si impossible (pour moi). Merci Amedine
RépondreSupprimerMerci Guy, tu vois même moi je n'en suis pas venue à bout ! Par contre la vallée du Siscar à cette saison c'est dans tes cordes et ça c'est du beau !! Bises
SupprimerSuperbe comme toujours !
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RépondreSupprimerJ'ai supprimé le "triplé"; allez on le fera ensemble et ce sera " Trio pour le Regalecio". Bises
RépondreSupprimerDésolée Amedine je ne le vois pas immédiatement, ce fichu réseau de village oublié.
SupprimerMagnifique rando très fleurie, nous l’avons faite il y a quelques années sans faire le régelacio sans doute trop difficile pour nous…. Un régal de te lire, c’est vraiment très beau, merci d’avoir ravivé mes souvenirs de ce bel endroit. En ce moment je randonne en maison de retraite…. Tu as égayé ma journée, bises.
RépondreSupprimerL'Ariège est un terrain de découvertes extraordinaire, la simple balade par la magie de l'eau, des lacs et cascades et surtout des fleurs est un vrai dépaysement. A découvrir en camping car, cela ajoute au charme, surtout quand le camping car est de taille à se faufiler partout, car les routes minuscules abondent. Je connais pas mal ce département, j'y ai fait des milliers de km. Bises
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