mardi 7 mai 2024

Albères : l'énigme de la Massane

 Je ne suis pas archéologue et n'ai pas la prétention de m'y assimiler.

Je suis juste une curieuse de tout qui ne se lasse de rien. Et qui ne lâche rien. Qui ne s'arrête que lorsqu'elle atteint ses limites. Dans cette énigme là, je ne suis pas arrivée au bout, et pourtant je doute fort d'y arriver. 

Je n'ai pas résolu l'énigme. Ni atteint mes limites.

Je connais à présent assez bien la vallée de la Massane, rivière de moyenne montagne. Mais il y a plein de choses qui m'y échapperont à jamais. C'est un joyau enchâssé entre deux hautes rives hérissées d'aiguilles rocheuses. Que j'ai remonté plusieurs fois en mode acrobaties et émerveillement.


Le site de ma rando

Et là où je vais : à cet instant de prise de vue je ne le sais pas encore

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C'est ainsi que tout a commencé : un jour j'ai découvert sur une carte deux lieux dits qui m'ont interpelée; Correc de la Teularia (ravin de la tuilerie) et Collet del Teuler (Petit Col du Tuilier). Pour le premier site, il n'y avait guère de difficulté à résoudre l'énigme. Ce fut très rapide lorsque je décidai de m'y pencher. L'énigme fut résolue.

Mais le Collet del Teuler, c'était une autre histoire au vu de sa situation géographique. Et c'est lui qui m'a posé double problème : comment y accéder? ça se résout avec une dose d'énergie. Mais le pourquoi de ce nom ici perché.... Je ne suis pas arrivée à l'élucider et personne ne m'y aidera jamais. C'est trop ancien.

Alors mon imagination prend le relais et je me raconte des histoires toutes plus folles sur ce malheureux tuilier qui n'y mit peut être jamais les pieds.

Mais commençons par le facile : le Correc de la Tuilerie indiquait donc la présence d'une tuilerie. Quelques investigations en marge d'autres randos m'ont conduite à ceci.

J'ai trouvé l'emplacement du bâtiment originel; il a été remplacé par une cabane sans âme. Mais en cherchant bien, yeux rivés au sol, j'ai trouvé, juste en contrebas, des amas de débris de tuiles enfouis sous la coûte de terre, nulle trace de four de cuisson et une source dans le ravin qui coulait encore malgré la sécheresse et emplissait un creux dans le ravin. Indispensable pour travailler l'argile. Hélas aucun vestige du four.

Le site de la tuilerie



Emplacement de la tuilerie, cabane plus récente



Le point d'eau dans le ravin de la tuilerie



Vestiges


Vestiges empilés dans le sol


Un débris de tuile lavé dans La Massane

Manquait le matériau, soit l'argile nécessaire. J'ai fouillé les environs, rives du ravin et autres sites, empli des sachets d'échantillons et essayé la matière mouillée et pétrie. Là aussi j'ai trouvé. Jaune, la terre devenait sans doute rouge à la cuisson. Sa particularité : un peu grossière, la cuisson révélait plein de petits cristaux de quartz.

Le grain de cette terre cuite

Alors pourquoi une tuilerie ici, si loin dans la vallée et si loin dans le temps ? 

Facile aussi; il y eut l'église du hameau de Lavail, 12 eme S: sur le sol gisent des tessons de l'ancienne toiture; même facture.


L'église de Lavail, 12 eme, vue du Montbran


Et puis la Tour de la Massane ou Torre de Perabona dont les environs sont constellés de tessons; édifiée en fin de 13 eme S pour servir de tour à signaux. Des tas de tessons l'entourent, je ne les ai pas examinés avec attention, dommage. 

La Tour de la Massane ou de Perabona


Et pour terminer il y a le roc de Montbran qui fut nanti de tours, d'un petit site de garde et de bâtiments; des stocks de tuiles y dorment encore. Les tessons qui jalonnent le site sont de même facture.

Le Montbran

 Donc j'en ai conclu que la petite tuilerie alimenta Montbran (quel roc escarpé doté d'un sentier muletier jadis), l'église de Lavail, facile d'accès, la tour de la Massane  et peut être la Torreta au dessus du hameau, pourquoi pas ?

Il avait bien du travail ce tuilier !

Et j'ai donc imaginé que pour se rendre à la Massane il avait trouvé pour sa mule et lui un accès le moins agressif possible.

Je me lance sur ses traces, au pas lent du chercheur, regard traînant au sol. Mon but est de retrouver le chemin du tuilier, bien que le passage par le col soit assez incohérent : le relief y est tellement accidenté qu'un raccourci par les crêtes est invraisemblable. Mais j'ai l'imagination rapide et je voulais simplement vérifier si à ce petit col on pouvait voir des vestiges de tuiles. Car les tuiles ça tombe et ça se brise.

Après, j'avais quelques hypothèses farfelues, vérifiables seulement in situ.

Donc me voilà partie, après les pluies. La Massane a gonflé et je ne la traverse pas, je choisis le sentier sur la rive droite de la rivière, qui évitera la séquence pieds dans l'eau.

Je remonte tranquillement la piste, à partir du parking de Lavail, je longe l'élevage et je continue sans guère m'élever, la prise de dénivelé est ridicule.

J'ai étudié la carte et cherché la cohérence du chemin du tuilier. Car son existence se situe il y a un bon nombre de siècles, alors trouver un sentier des 12 eme, 13 eme siècles ou avant, c'est de la pure folie.

Je continue à remonter la Massane par une ancienne piste de débardage, je connais bien le secteur et je sais que tout tesson a filé au fil des crues démoniaques.

Soudain mon regard est attiré par un muret dans la roche que je me hâte de rejoindre, et je tombe sur deux morceaux de tuiles. ça alors ! Et je découvre, taillé dans le roc, un court tronçon rescapé de l'emprise de la piste (à hauteur du fragment cimenté), sentier taillé dans la roche, étroit mais assez large pour une mule : pas de doute, c'est le chemin du tuilier.


L'ancien sentier


Ses reliques


Et son petit mur

La piste reprend ses droits, un peu plus loin elle bifurque vers la montagne, je la connais, c'est un chemin de débardage, il me conduit aux abris sous roche et aux cascades. 


Le départ de la piste



Mon flair me fait grimper hors piste et je découvre une 2nde piste, un étage plus haut, malmenée par la vie, mais lisible. De cette piste démarre une esquisse de sentier que seul un oeil averti peut déceler. Je me lance, au hasard, une paroi rocheuse inclinée est sur mon chemin et j'y trouve deux morceaux de tuiles. J'exulte !

La piste 

C'est sur cette paroi que je trouve 2 tessons




Y a d'la tuile dans l'air














Je balise mon trajet car il faudra revenir. Rien n'est plus très lisible mais mon instinct me guide et enfin, je rencontre un vrai sentier : vrai car encore lisible et assez horizontal. Je le poursuis, rubalise en bandoulière, pas une trace de tuile. Je continue. Rumeur du torrent en contrebas, silence dans les bois, forêt de chênes verts tourmentés et bruyères contorsionnistes, j'ai l'impression de marcher longtemps. En fait je scrute mon environnement, à la recherche du moindre indice. Ce sentier, dans ce site aussi perdu, quelle aubaine. 

Sentier et mon balisage

Le sentier



Une idée du décor

Il n'est pas très long et se termine brusquement sur d'anciennes charbonnières et sur une redoutable falaise : mais bien sûr ! Tuilier ou pas ? Charbonnier en tout cas. Pas un seul débris de tuiles, hélas. Pour moi c'est la tuile. Fatigue, découragement, je repars en sens inverse. Poursuivre est pure folie, c'est un tout droit dans une pente stérile de rocs fracassés.




Ancienne charbonnière

Le chemin charbonnier



Muret de plate forme


Retour à la voiture, j'ai parcouru 8 km.

Deux jours après, je reviens. Cette fois, le sentier m'étant familier, je ne m'étends pas en vaines recherches, je pose un cairn un peu avant sa fin et je pique droit dans la pente ardue. 


C'est sous ce couvert végétal que je vais évoluer

Nulle trace de sentier, quelques cheminements incertains, je louvoie bercée par le silence du bois et le chant des cascades quand soudain un muret vient à moi : une charbonnière. D'autres encore jalonnent le parcours et je finis par rejoindre la falaise en me guidant à l'indispensable GPS. Je suis admirative de ce travail charbonnier en un site aussi inhospitalier, drôle de tourisme que je fais, dans un décor repoussant, qui me conduit aux falaises. Alors que rien n'évoque le moindre chemin de tuilier ! 


Progression malaisée


Un mur de plate forme charbonnière


Progression assez facile


Les falaises


Les falaises

Je rectifie un peu ma trajectoire, en mode chèvre cette fois, dans la roche, je suis montée trop haut pour accéder au petit col.

Gardien de la vallée

Sans le GPS je n'eusse jamais trouvé l'entrée de ce couloir infâme qui y conduit. J'aurai alors la certitude, dès mes premiers pas que nul chemin de tuilier n'exista ici. Mais allons quand même au petit col. Parcours malaisé, qui est le plus fou ? Moi ou ce bonhomme qui peut être n'a jamais mis les pieds ici? Pourtant, pourquoi ce nom alors que nul autre lieu ici ne porte de nom? Il y a bien quelque chose non ? 

Silence sépulcral. Décor rebutant. 

Je me guide au GPS

Pavé d'embûches le chemin


Un point bleu qui se balade, que c'est rassurant !



Le couloir

Dans le couloir














Les murs du couloir

Le sommet se dessine, petit col frangé de chênes se découpant sur le bleu du ciel, et c'est l'enchantement : une vue plongeante sur le canyon tout en bas, des reliefs hérissés d'aiguilles à perte de vue, la ligne de crête habillée de hêtres vert tendre, et, au sol, pas un tesson de tuile, évidemment.


Le petit col du tuilier


Arrivée au col



Tout le paysage environnant n'est qu'aiguilles

Je me mets en pause, casse croûte, bain de soleil, grimpette sur les rochers, observation de tous les alentours, non, le chemin du tuilier ne passait pas ici, non il ne pouvait s'agir d'un raccourci, même pour rejoindre un éventuel domicile de l'autre côté de la frontière (frontière actuelle car autrefois, nous étions un seul et même pays), non il est quasi impossible de rallier la vallée par ce versant abrupt et dangereux, ni remonter le versant opposé, non ce n'est pas le meilleur endroit pour rejoindre le "Chemin d'Espagne à Argelès", non le tuilier n'avait rien à faire ici...et moi non plus. Mais quelle beauté ce site où personne ne met jamais les pieds. Impression extraordinaire d'une aventure unique en son genre.


La descente c'est par ici...euh !!

Duel au sommet



Ceci est une arête que contourne le torrent



Et ceci une arête que suivent les chèvres


Alors, ce tuilier ? Aimait il venir s'y poser pour contempler ? Ou bien peut être un jour grimpa t'il ici et y perdit il la vie ? C'est si facile d'y perdre la vie, tant c'est dangereux. Justement mon smartphone vire au noir brutalement.

Vais je faire comme le tuilier ? Personne ne sait où je suis et je n'ai plus de moyen d'être secourue si...


Baiser rocheux


Alors je descends l'infâme couloir avec prudence, une superbe charbonnière trône à ses pieds, je continue mon tout droit parfait, retrouve le chant des cascades, et j'arrive au petit cairn que j'ai posé, avec la précision d'un GPS, d'une chèvre ou d'un sanglier. Sans avoir résolu l'énigme du tuilier.

Lecteurs, si vous la connaissez, pouvez vous me la conter ? 

Et son chemin, alors ? Je ne l'ai pas trouvé, tout est à recommencer ? 

Additif : 1ere suggestion, poste de guet . C'est sur que la vue sur la vallée comme les hauteurs est exceptionnelle. Merci Michel Prim

Le trajet : 




jeudi 2 mai 2024

Tavertet (Cat) : El Morro de l' Abella, par les échelles

 Je poursuis ma série de périples autour de Tavertet, 853 m d'altitude, 100 habitants, petit village catalan de caractère, mais les environs sont truffés de pépites, surtout celles qui ne sont pas signalées. Le pic de la Força ? Jadis indiqué semblerait-il...l'itinéraire est muet. Et on peut y rajouter une belle couche d'adrénaline en y ajoutant "le périphérique" soit le tour en falaise ! Le Moli Bernat est signalé, il est à la portée de tous les pieds. Et à ne pas louper. Les Balmes? Faut savoir trouver un site catalan qui les recense, les décrit et invite à les découvrir. Faut comprendre le catalan. 

Et le site del Sunyer ! A découvrir absolument : balma, moulin du 16 eme S, escaliers taillés dans la falaise etc...souvent le plus sportif réside dans la localisation. Ce n'est pas vraiment quelque chose qui m'inquiète !Malgré l'absence de GPS. Mais j'ai mes astuces.

C'est ainsi que partie de rien, juste sachant qu'il y avait des échelles de métal peint en vert accrochées à une paroi de grès rouge, mais sans connaître leur destination, juste une évocation, j'ai cherché. Oh j'ai eu du mal, mais j'ai trouvé. J'ai compris que là bas, les sentiers communs (attention ! quoique musclés!) sont bien marqués, mais les plus "originaux" sont muets. Faut connaître donc le langage des signes. Et il est un peu universel, quelle que soit la langue. Ainsi un départ discret sous le Molí Bernat, m'a dit "viens voir!". Et j'y suis allée. Et je n'ai rien loupé. Le but était le Morro de l'Abella (de morro = surplomb). Le Morro, d'où qu'on le voit, il impressionne. Et pourtant il a un accès facile depuis la route et un parking payant (fermé en ce moment).





Le Morro de l'Abella


Je supputais un autre accès, esquissé lors de ma sortie au Puig de la Força, il existe. Les topos consultés m'ont dit en catalan "il y a plein d'accès au Morro, c'est à chacun de trouver...". On est riche avec ça ! Juste ce que j'aime, l'Aventure.

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Alors en ce matin du 21 avril, gris et frais, je m'aventure. Descente au Salt del Molí Bernat par le Baixant de las Tunes (grottes), à travers la forêt, dans le petit matin enguirlandé des chants des rossignols; un régal ! 

Plongée


C'est là bas, à droite, que je vais




El salt del Molí Bernat et un tesson très ancien


Couleurs gréseuses

Arrivée au saut, tout le monde se tait et mon chemin inconnu commence. Quelques points jaunes délavés par le temps, un tracé lisible, un sentier qui grimpe et se campe sous la falaise, je ne bougerai plus de là, entre roches verticales, pâles ou colorées de l'ocre au rouge, et forêt de chênes verts plongeant jusqu'au Balá, la rivière de là. Les oiseaux chantent avec bonheur; je suis seule avec bonheur. Je rase les murs et pour cause, les genévriers vieux et tourmentés, immobiles dans leur tourment, jalonnent mon avancée et je m'émerveille. Par ce que j'ai sur la tête, sous les pieds et en face, cet en face que je connais à présent.

Voilà le départ du sentier

Il grimpe et atteint la falaise



Au centre le Saut du Moulin soit la cascade



Le sentier va longer la falaise
Genévrier tourmenté

Le chemin



Et encore le chemin

Sur la rive en face

J'ouvre grands mes yeux, j'apprécie cette découverte en solitaire, j'ai une petite appréhension des échelles. Le grand bleu d'hier est absent, dommage, c'est lui qui fait chanter les couleurs. Il y a un peu plus d'une heure que je marche lorsque le relief se complique, un virage sec s'annonce et juste après je les vois ! Les échelles ! Elles sont deux, la 2 eme, la plus haute est bien verticale. Oui c'est impressionnant ! A leur base, la falaise rouge plonge vers la rivière, et au bas de ce toboggan, les arbres font un coussin euh...même pas rassurant. Car si on y arrive en un superbe roulé boulé, j'imagine qu'on n'a déjà plus l'heur de les apprécier !


Grandiose paysage



Les escalas













Bon on oublie, on loge les bâtons dans le sac, on se hisse à la corde d'abord, de loin, pour mes petites jambes, le morceau le plus dur ! Ensuite je grimpe l'échelle oblique et je pose les pieds sur une étroite vire où 12 marches verticales attendent mains et pieds. Je monte, c'est facile, il faut juste regarder droit devant et oublier ce qu'on a dans le dos. Voire au dessus de la tête. L'arrivée au sommet présente une rampe rouge et raide, bon, une formalité et le parcours continue : falaise à droite, arbres à gauche, paysage au delà, très beau : forêts ourlées de falaises ou falaises plongeant dans la forêt, quel que soit le point de vue, c'est pareil. Une belle grotte, en face ouvre une gueule béante, la Cova del Castell, accessible mais difficile à trouver.


Du haut en bas et au delà


On continue ?



Les parois se délitent




Ancien abri ?

Le passage devient très étroit




Le grandiose en couleur


Ce ravin s'escalade (pitons)

Moi, je longe la falaise



Un vestige, assurément

Les genévriers adorent s'appuyer à la falaise





Une saignée dans la falaise ? un lit calcaire a teinté le grès




Le paysage s'ouvre : avant première du décor prochain

Justement, je sais que je vais rencontrer deux covas (grottes), voisines et accessibles. Les Pixarellas. Je les ai vues l'autre jour, sans la moindre idée que je passerais un jour à leur pied. C'est cela, partir à l' Aventure, voir les pièces d'un puzzle s'assembler.




Vues de l'autre rive, au zoom

Face à face : la balma del Castell

En attendant les grottes, le parcours devient plus accidenté, le relief plus tourmenté mais le chemin reste facile. Les chênes verts envahissent le parcours, la forêt se resserre, la rive en face est soumise au même régime, je l'ai parcourue, austère, par la piste monotone; je préfère ce parcours aérien. Soudain voici la grotte, qui regarde d'un oeil sombre sa voisine d'en face. Quel fut le relief voilà des millions d'années? ces deux orifices devaient constituer un même tunnel que les eaux partagèrent en deux et éloignèrent l'un de l'autre.

Une corde fixe permet de se hisser avec commodité, des marches semblent avoir été taillées dans la roche et une porte cadenassée interdit l'entrée. Toute proche, une seconde ouverture, murée par de la roche, ne me laisse pas entrer mais je sais que les deux galeries communiquent au bout de 5 m. Je pense que l'entrée est possible dans le coin haut gauche mais je n'essaie pas.


Bon, la corde, par temps sec c'est du luxe

Dans la grotte 



Une grotte rose

Et celle du Castell, en face




La voisine, une autre fois j'y entrerai


Pas un seul moment je n'ai conscience que la route passe juste au dessus de moi, elle est si peu fréquentée...

A présent j'arrive au terminus de ce chemin, car une fracture dans la falaise indique une pente ardue en forêt, c'est l'accès au Morro de l' Abella. 

Le Morro de l' Abella en 2nd plan


Des rossignols saluent mon arrivée et les piverts leur répondent du tac au tac dans le tréfonds de la forêt. J'ai la surprise de rencontrer un ancien chemin muletier qui en quelques lacets bien escarpés et pavés me conduira  sur l'étonnante plate forme du Morro. Jadis, il conduisait à la rivière et son moulin, puis au fleuve, jusqu'au Grau aujourd'hui englouti et au village de Saü englouti aussi, bref un chemin qui menait à la grande vallée.


Je vais grimper dans la forêt : sentier muletier


En haut; j'arrive de la base de la falaise





Le Morro, vu d'en haut est un long et étroit éperon fendant le vide : c'est peu impressionnant peut être à cause des arbustes, ou de ma tolérance au vide. 4 jeunes filles s'y trouvent, ma première rencontre humaine.




J'irai au delà, jusqu'à me hisser à l'extrémité où une plaque de rappel conte d'autres délices autrement aériens. Alors je savoure longuement. Ce bout du monde fendant le ciel, les paysage vertigineux, les jeux du soleil qui m'offre quelques facéties en rouge et vert, et puis le silence, troué par les sonnailles de boeufs dont certains autrefois ont donné le nom à la grande cascade de plus de 50 m, el Salt de Tirabous. Tout un programme ! Les boeufs tombaient ils ? Y jetait on les cadavres ? 






A présent je sais qu'on peut aussi se promener à flanc de cette cascade. Elle présente un petit "lagon", que la chute a du creuser profondément dans le grés rouge.


La cascade se descend en rappel (50m)
Le "lagon" noir de la chute d'eau




Je profite de ma grande solitude au sommet, il m'appartient un long moment. 


Vues sur la barrage et la confluence du Balá et du Ter


Je découvre la végétation rabougrie de très vieux arbustes, et surtout un étonnant conglomérat de fossiles, la roche n'est que fossile, d'une seule espèce, les nummulites, espèce vivant au début du tertiaire, dans des fonds marins peu profonds et de taille réduite, allant de quelques mm à quelques cm. J'ai un beau panel sous mes pieds et dans mes mains. La roche se délite comme petites billes se fendant pour dévoiler une spirale alvéolée du plus joli effet. Pour l'anecdote les premières pyramides égyptiennes furent construites avec ce type de matériau. Autre curiosité, les grés rouges qui se trouvent sous le calcaire étaient à cette époque là en surface et les calcaires sous l'eau marine. Montagne inversée, depuis.







Puissance de vie et présence d'eau !


La pause casse croûte s'impose et les os de ma cuisse de poulet font un savant vol plané.

Plus tard je découvrirai que le site a quelques interdits; je dirai que ma seule légalité fut de n'avoir pas de chien !




Je reprends le chemin à l'envers, dévale le Baixant, et vais faire un petit tour  sous le Morro, c'est impressionnant vu d'ici. L'intuition qu'en contournant le monolithe je pourrais avoir de belles surprises, un sentier peut être qui me conduirait dans l'antre de la cascade, ou plus encore, se vérifiera à la maison sur les merveilles de l'ordinateur. Un parcours magnifique, je reviendrai. 


Un prochain parcours; en bas se trouvait un moulin englouti à présent



Vautours : à droite, elle couve


Et me voilà sur le chemin du retour, je choisis le même chemin pour l'exception du trajet.. Sauf que je vais jeter un coup d'oeil verftical sur le Morro vu d'en bas (pas complètement en bas car cela descend encore très bas).


Cette fois je rencontrerai du monde; s'il n'y a aucun décalage horaire avec la Catalogne, il y en a un bien ancré dans le mode de vie.

Je virevolte sur les vires, je savoure les couleurs et le soleil retrouvés, je salue quelques vestiges de la vie d'autrefois, j'empoigne les échelles sans la moindre appréhension, j'ose même le regard sur le vide.

Roche gravée; j'ai trouvé un tesson de céramique tout près



La lumière est revenue

Grès formés de conglomérats



La descente, j'ose le regard

Et c'est gagné, je l'avoue c'est facile.



Le Salt del Molí se devine avec sa cascade sèche.



Vivement de l'eau (vive évidemment)


Enfin, je vais pouvoir délasser mes pieds dans l'eau fraîche du bassin du moulin.


Elle vient de la résurgence juste au dessus


Arrivée à mon nouveau van, le luxe de mon installation nouvelle va me ravir : repas chaud, douche brûlante et sieste avec une Nina qui ne désensommeille jamais. Comme tout chat qui se respecte.




Le trajet aller / retour : 15.5 km, 4 h de marche