jeudi 18 avril 2024

Catalunya : Tavertet, le Puig de la Força, 739 m

 Ne vous fiez pas à ces petits 739 m d'altitude.  C'est un parcours que l'on peut rendre très "chaud" selon son envie, et d'ailleurs, aucun panneau n'en indique l'accès. Comment je l'ai trouvé ? A la faveur d'un cairn posé sur le bord d'une piste et qui a éveillé ma curiosité. Un cairn n'est jamais anodin.

Le Pic vu depuis le barrage

Ce récit est le fruit de deux sorties que je vais condenser . Datées des 2 et 15 avril.

C'est un petit village nommé Tavertet, dans la Comarca de Osona, non loin de Vic. En Catalogne. On s'y rend par une route de 12 km, étroite et sinueuse, qui longe une vallée profondément encaissée, environ 150 m de profondeur entre des falaises calcaires. Un air de Causse.

Tavertet, posé bien à plat est un village très ancien  dont beaucoup de maisons sont datées du 18 eme siècle. 

Tavertet


Si on quitte le village en suivant une piste sur plus de 2km, on arrive à un "mirador", un belvédère surmontant le barrage de Saü, créé en 1963 et qui a englouti un village, des fermes, un pont roman, une région fertile en bord du fleuve Ter. Seul le clocher de l'église émergeait et les canoës s'amusaient à le traverser, balade incongrue. Aujourd'hui, en période de terrible sécheresse, les ruines sont mises à nu et font l'objet d'un "tourisme de sécheresse". "Turisme de secada"...tristement. Je vous ferai visiter ce site, amis lecteurs. Aujourd'hui, seul le pont reste englouti.

L'église de San Roma de Saü


Vue sur le barrage avec un bâtiment immergé


Eglise San Roma 11 eme S
Style roman lombard


Nous allons au Puig de la Força (fortia du latin fortia, force, devenu au 12 eme murailles. Toponymie L Basseda).

Ce Pic qui n'en est pas un est un relief tabulaire avançant sur le lac comme un éperon, impressionnant vu de partout.

Quelques points de vue.







Depuis la route


Il est une étrave entre le Ter et son affluent le Bala. Les falaises sont rouges et blanches, rouges pour le grès et blanches pour le calcaire, la ligne de séparation semble tracée à la règle et au crayon .

Je quitte le village, prends la piste sur 3 km environ, et la quitte en essayant de louvoyer au plus près des falaises, pour des vues imprenables. C'est splendide mais vertige s'abstenir, la coupure entre plateau et vide est très brutale. Dans ces falaises évoluent des chèvres.


Etonnant relief

La piste après le "mirador" est décapée et son socle, comme cimenté, est émaillé de fossiles. 


La piste et les petits fossiles incrustés

Un cairn posé près du vide est une invitation et là commence l'enchantement.

On descend par un sentier escarpé un premier étage de falaises et sous le regard stupéfait, un escalier taillé dans le roc est sidérant ! Il ne compte pas moins de 40 marches, certaines effondrées demandent un peu d'équilibre. On arrive ainsi sur une sente autrefois protégée par un grillage et très vite on est au coeur de la falaise, sous un vaste encorbellement calcaire, profond et ouvrant sur les eaux vertes du lac en contrebas derrière une frange d'arbres. Sur un vide impressionnant.


Escalier dans la falaise


Une vraie construction  : escalier et murs


Sentier en corniche


Au cas où ça voudrait tomber...




Et le panorama depuis cet avant toit


Oui le panorama est le barrage de Sau


C'est isolement et solitude absolus, c'est enchantement et émerveillement, c'est impression de début du monde. Hors du temps et de l'espace conventionnels. 

Une partie du trajet en corniche


Si on regarde la base du Pic de la Força, on remarque des murailles ruinées en partie mais incroyables !

Etranges murailles sur vide

Plus loin, un passage en roche et en dévers peut impressionner de vieilles jambes, et un petit cairn, dans l'axe attire le regard . Là une rampe pavée descend la falaise, empierrée, style calade, surprenante, inquiétante ,mais sûre, taillée par des humains il y a très très longtemps, ceux qui bâtirent ces murailles.


Vu d'en bas


Vu d'en haut













On arrive alors à un petit col, nanti d'un semblant de chemin rectiligne d'une dizaine de mètres et d'un panneau. 


Le petit passage au col


On comprend alors que cette fortification habillait la partie "fragile " du site. Il y avait là un château, le "Castell de Cornil" , première mention en l'an 917. Ces ruines ont 1107 ans. 


Vestiges: ils se sont suspendus sur le vide pour construire
il y a plus de 1100 ans

Le "puig" est comme une grosse molaire, séparée du reste de la mâchoire par un col qui ouvre sur deux pentes presque sordides ! L'une se descend avec une corde fixe, je n'en connais pas la suite, l'autre est un sentier dévalant dans la pente, que j'emprunterai après ma 2nde visite.



Ce n'est guère inspirant au vu
de ce qui suit ce départ !

Le seul panneau directionnel: cascades



















En ce 2 avril, je me juche d'abord sur le pic, plate forme fendant l'air (et l'eau) comme une étrave. Des arbres, de la roche, du vide et un panorama éblouissant. Le chemin d'accès, vaguement empierré, très escarpé frôle une petite ruine aux murs de pierre, assise sur le vide ; l'intérieur porte des traces d'enduit, la citerne. Un plancher dont on voit l'emplacement protégeait l'eau et permettait de puiser l'eau. Même style qu'à Montbran (Albères).

la citerne



vestiges d'enduit

Un morceau de tuile ou de brique grossière




Le mur externe de la citerne 

Je me hisse au sommet, où seraient les restes d'une tour selon les archéologues (maigres traces d'un mur), je savoure sans compter et reviens sur mes pas. Près de la citerne je remarque une sente qui part vers ma droite, (droite en descente) et je la suis; herbeuse, en dévers, elle me procurera enfin le délicieux appel du vide. Chant des Sirènes à proscrire. Les vautours planent et les choucas les coursent pour les éloigner de leur territoire, à grands cris: heureusement, ils mettent un peu d'animation !


tout au bout de l'étrave



Vue imprenable sur le Ter et le confluent avec le Bala

Confluence



Au loin le Morro de l' Abella



Et plus loin, la Pedraforca et la Serra del Cadi, le 2 avril


Cette sente suit la falaise, se glisse dans la roche, avec vues superbes, je suis sous le nez de l'étrave dans une balme construite différemment des autres : ce n'est pas un abri pastoral, c'est un ouvrage militaire afférent au château, qui surveillait la vallée du Ter et de son affluent le Bala, voies de pénétration. Je reviens sur mes pas, je sais déjà que je dois revenir ici après une documentation plus précise à la maison











Ce sera chose faite le 15 avril avec mon nouveau van, le luxe à présent. Cette fois je m'abstiens de rouler sur la piste, modernité (et interdiction) oblige.


Mais je longerai avec bonheur les falaises, l'eau est un peu remontée dans le barrage et le pont ne montre pas son dos voûté. Personne ne l'a plus revu depuis son engloutissement. L'église par contre est la seule en Europe à avoir résisté à 60 années d'immersion totale : un record mondial; elle avait déjà survécu à un tremblement de terre au 15 eme S.


Tout en bas, l' église San Roma,11 eme S


Le temps est moins ensoleillé, la veille ce fut quasi la canicule .

Je marche vite, me penche sur le vide, je descends des marches, virevolte sous corniche, franchis le col, remonte à la citerne et là je vois une esquisse de sentier partir dans la direction opposée de celle que j'avais parcourue; sous un haut étage de falaises. Je m'aventure et ce sera sublime. Une balme démolie, autre poste de garde sans doute, me salue au passage et je file bon train dans la broussaille au travers de laquelle se lisent le bras vide de l'affluent, les falaises rouges et blanches, les chevelures de chênes et le plateau de l'autre côté. 



Les eaux vertes et basses du barrage sont en ligne de mire et c'est le passage impressionnant. Le vide est grand, le passage étroit, soit sous la roche effondrée soit en la contournant, je préfère la sécurité des murs et je me glisse en traînant les fesses et le dos, je me coule sous le roc. Je ne risque rien mais je frissonne. Ensuite, je savoure. Un peu plus loin, la falaise est abrupte et une chaîne permet un passage un peu sécurisé, je ne lâche rien. certes j'ai une longe et un ceinturon dans le sac, mais ne soyons pas "frileuse". Je rejoins ainsi la balme militaire, j'ai bouclé le tour de l'étrave, le passage "chaud" de la dernière fois me laisse de glace, j'ai fait bien pire. Une 3 eme fois me laissera de marbre au pays du calcaire.

Faut passer par là : contourner ou traverser


                                                                                        

Impressionnant, de toute façon avec du
vertige, on n'arrivera jamais ici





Je traverse



Et là je ne suis pas rassurée



En rouge , site du passage étroit et de la chaîne
En jaune l'abri sous roche


Une idée du relief


Vers l'amont du barrage



Et vers l'aval : dans les prairies ruines du village englouti

Et puis je remonte au sommet : cette fois je vais visiter un éperon rocheux ; la première partie est facile, la suite est séparée par une faille profonde et peu large que l'on franchit grâce au tronc couché d'un vieux genévrier vivant; j'ose l'acrobatie.

Pont aérien et vivant


Le bout du bout, la confluence, Ter et Bala, en très basses eaux

A présent, revenue au petit col, je file droit dans la pente vers la vallée du Bala; un gros feutre noir a inscrit "cascades": quelle descente ! 


L'aval de la vallée du Bala

Descente en sous bois


Je ne la ferais pas en montée! La forêt de chênes verts me sert d'accroche, de bâtons naturels. Et au terme d'un interminable toboggan, passé du blanc au rouge, je rencontre une piste rouge non en déclivité mais en couleur. Plus de réseau, aucune carte papier ou numérique, va falloir espérer arriver à bon port. Je déteste les pistes malgré le charme de celle ci, ancienne piste d'exploitation forestière. Je la quitterai pour aller à la rivière, le sentier remonte sur l'autre rive mais je préfère ne pas m'aventurer, je présume trop de longueur et je ferai le bon choix. Un petit bain me décrasse de la fatigue; la rivière est pauvre mais un filet d'eau assure une jolie baignade en piscine. Revenue à la piste, je suivrai sagement, espérant qu'elle ne termine pas en cul de sac au pied des redoutables falaises m'obligeant au demi tour. Mais non, une trace de moto va me rassurer et, semi entretenue, semi  végétalisée, cette piste me ramènera gentiment à Tavertet en une pente équilibrée. Toutefois, ce parcours monotone vaut par les vues sur les falaises; des cascades immenses, actuellement à sec se jettent dans le vide ou ruissellent de gradin en gradin, des grottes ouvrent des yeux mi clos sur le monde et un promontoire en étrave, el Morro de l'Abella, me dit "viens" !! Et maintenant je sais, par où on y va et comment on accède aux grottes : mais par des échelles en fer bien sûr !


Les couleurs de la piste









Le Morro de l'Abella : on peut aller au sommet



Site de cascades 


Descente à la rivière, ma piscine



Il y a un accès haut perché, j'irai

Un des visages de la piste



C'est quand même le prrintemps

Il n'y a plus qu'à remonter jusqu'au niveau du plateau; fatigant.


Mission accomplie...fatigue assurée

Revenue à ma forteresse de luxe, après 12 km, je vais pouvoir me reposer. Oh pas longtemps, la rando prévue pour le lendemain, et bien j'y vais, puisque je dois rentrer un jour plus tôt que prévu, alors ne perdons pas de temps et je refile entre falaises, sentiers ardus, etc etc...au Mouli d'En Bernat...oh ça alors ! Faut que je vous le présente.

A suivre...


Douceur du soir qui tombe, le décor vu de "ma maison"

La rando :
Distance parcourue, 11.5 km (j'ajouterai ensuite 5.3 km pour la rando du soir, prochain récit)
Niveau de rando : exigeant au niveau prudence et au niveau rando.
Et surtout, prévoir de la boisson, je bois peu, j'ai consommé 1.5 l. Les pentes sont très escarpées, le parcours énergivore (à tempérer, au vu de mon âge, pour ces précisions).