J'avais envie de grands espaces et de cieux immenses, j'avais besoin de ruisseaux pétillants et de solides rochers, je rêvais de pelouses vert tendre et de fleurs multicolores, je désirais voir des animaux et entendre le silence, surtout je ne voulais plus d'arbres, il me fallait respirer....
|
Du ciel, de l'espace, le Pic de Trespunts, 2624 m |
Alors j'ai poussé mes roues jusqu'au Puymorens et après une nuit que je crus solitaire au milieu de nulle part, je me réveillai à l'aube entourée d'une centaines de bovins, allongés, muets et silencieux. Aussitôt ils s'ébrouèrent, rallumèrent leurs sonnailles et je mis mon camion loin d'eux, au delà des barrières, ils adorent se gratter et frotter leurs cornes sur une carrosserie à leur gabarit. Le chemin serait plus long, ma tranquillité plus grande.
6 h 45, il fait 4 °, je suis emmitouflée de vêtements légers, le short dans le sac, c'est parti pour une randonnée sauvage et en solitaire là où quasi personne ne va.
Je monte la piste jusqu'à la portella de la Coume d'en Garcia, vent de face, glacé, gants aux mains, à part mon visage, rien n'est à l'air libre. Le soleil me rejoint, ce ne sera pas vraiment un ami, il est face à moi, bas et cinglant. Je dois bricoler une protection bien solide pour protéger ma tête de l'envol des couvre chef. A ma gauche, le cadre de mes festivités, 400 m plus haut, à ma droite, un projet voit le jour. 400 m plus haut, lui aussi. Le ruisseau m'accompagne, des mouflons grimpent droit vers ma destination, des brebis un peu plus loin, des oiseaux, je ne verrai personne de la journée. Objectif le Trespunts qui m'avait appelée un jour d'été dernier.
|
Gelée |
|
Champignon andorran |
Le Trespunts est fait de 3 sommets qu'on ne voit que sous de rares angles, sinon c'est une montagne aux visages variés, pointue, le plus souvent. Ou mollement arrondie, sans envergure....En fait elle a une très forte personnalité que je vais découvrir au fil des pas.
|
Le Trespunts (à gauche) et la vallée de Coma d'en Garcia |
|
Le choix de la couleur |
Le coup de coeur naquit ce 22 août 2020, alors que nous faisions route vers le Pedrós....
Portella d' en Garcia, 2534 m, un vaste névé gelé barre le passage, je bifurque à gauche, abandonnant ainsi le sentier et la "civilisation" mais renouant avec un décor à perte de vue : j'en rêvais, je l'ai trouvé. Des lieux familiers ou non, j'ai des années de randonnées devant et autour de moi. Des années de joie, les regrets viendront un jour...
|
Dernier névé : gelé aussi
|
|
Autre angle de vue: au retour, le névé et l'arête du Pedrós |
Le vent et le froid m'assaillent en plein soleil, en plein ras des 2601 m de la Tossa Rodona. Direction la crête. Je redescends, un pierrier accueille mes pas heureux, je note sur mon carnet, je fais des croquis. 2548 m, une crête c'est ça, monter et descendre sans cesse. Je vais suivre la limite Pyrénées Orientales / Ariège.
|
Pic Pedrós (2842), portella Roja et Pic de Coma d'Or (2826) |
|
Pic sans nom 2655m Cresta dels Llosers |
|
Sommet de Tossa Rodona 2601 m |
|
Le trajet à suivre jusqu'au Trespunts |
|
La belle arête du Pedros, parcourue l'été dernier |
|
La coume d' en Garcia : col du Puymorens, la piste que j'ai parcourue, et les sommets frontière Andorre en fond |
A présent la dorsale est du Trespunts est face à moi, et je grimpe. Sur le fil de l'arête, je ne sais pas encore que je pars pour 2.5 km d'arête. Premier "Punt", 2590 m, second "Punt" 2604 m et enfin le pic, 2624 m, ça ondule, j'en ai rêvé j'y suis.
|
Premier "punt" 2590 m, gelée !! |
Le paysage est superbe, surtout face à moi, où les Pyrénées s'étendent à perte de vue, à ma droite et dans mon dos, avec ce magnifique Pedros qui n'en finit pas de dévoiler sa majesté. Côté Ariège, le vide est profond, la paroi lisse et d'énormes pierriers n'en finissent pas d'habiller 400m de pente jusqu'aux Bésines : la Clote de Trespunts; je ne vois ni le GR 107, ni l'étang des Bésines 700 m en contrebas, que j'ai tant parcourus autrefois.
|
Clota de Trespunts, 2250m en moyenne et vallée des Bésines |
|
Reliefs...en fond le Pedrós |
|
Toujours coiffé, le Fontfrède, 2733 m |
Du sommet, une arête descend rapidement vers l'ouest, un escalier géant qui s'étire et que je vais descendre pas à pas en oubliant le petit cheminement d'évitement : j'aime l'arête ? Soyons puriste.
|
Toute l'arête à descendre |
Soyons prudente, ces trucs là se montent mieux qu'ils ne se descendent. Les vues sont belles mais je garde des yeux au bout des doigts.
|
Pendant la descente, plaisir du regard, toutes les Pyrénées |
|
Jardin d'arête |
|
Jardin d'arête |
|
Descente depuis le sommet |
|
Descente aigüe |
|
Au plus près du fil de l'arête |
|
Au zoom la Basse de Mercader |
2523 m, et 61 m plus bas, et bien...je vais remonter. Devant moi, la Basse de Mercader, petit étang suspendu que je n'ai jamais aussi bien vu, a quitté sa couleur sombre pour un turquoise où brillent deux yeux. Je navigue sur des 2560 fleuris de bouquets sauvages, une petite pelouse devient tapis, puis la roche ne me quittera plus. Cap de Beçatet, Cap de la Clota de Trespunts, les noms sont typiquement ariégeois, l'altitude grimpe ou descend sans trop d'efforts, moi j'en fais car je ne veux pas quitter le fil. A ma gauche, la pente est brutale mais inclinée et rassurante, à ma droite c'est du couloir, des murs, des failles, de l'à pic.
|
Côté Ariège |
|
Le Trespunts en majesté : à gauche pente brutale sur l' Ariège A droite, sur les Pyrénées Orientales |
|
En fond, le Querforc En premier plan, cap de Beçatet 2560 m |
|
Une des cheminées plongeant sur l'Ariège |
Je suis à l'aise comme un poisson dans l'eau sur cette arête car je sais que je peux éviter la moindre difficulté; un pas de désescalade trop haut me force à remonter en force, les bras tremblent, un autre très vertical mais bref est nanti d'un fer dont je me demande l'origine tout en m'étirant pour l'atteindre.
|
Vire de descente |
|
Autre cheminée |
|
Se frayer un passage... |
Pourquoi chercher la difficulté alors qu'il y a une sente ? Par auto défi, me mesurer à moi même, voir de quoi je suis encore capable alors que mon âge monte verticalement, animer mes forces physiques et mentales, cultiver ce qui me reste et dégringole inexorablement. Vaine tristesse d'une vieillesse qui se refuse à exister...
Et là je vis, j'exulte, je me grise, seule sur ces rocs, dans ce paysage grandiose battu du vent glacé...
|
Et remonter allègrement |
|
Descente d'un passage étonnant |
|
Même site |
|
Par monts et par cols |
Déjà le Querforc (le rocher fourchu) me tend les bras, haut perché, 2585 m, au bout de son arête redressée. J'hésite, la fatigue s'installe, vieillie par la fatigue agricole, mais le mental me pousse vers les ruines d'une étrange cabane . 2467 m, des ruines de vastes bâtiments quasi enfouis au ras du sol, avec d'hétéroclites tôles et plastique : c'est moche mais quand on pense à l'effort pour monter ça ici, le bâtisseur est à demi pardonné. Toutefois, que faisait il ici ?? La sente invite à la redescente sur le petit lac mais la beauté ne réussit pas à dévier ma route.
|
Encore loin le Querforc , et du dénivelé |
|
La basse de Mercader |
|
La surprenante cabane à 2467 m |
Plus fort, le Querforc, m'appelle avec son arête enchevêtrée, que je vais gravir aisément, par le chemin le plus malaisé, riche en petites rencontres : une dalle, des fenêtres, des troncs noueux...et des vues !...
|
Du chemin devant moi |
|
Escarpé comme je l'aime |
|
Du chemin derrière moi |
|
Le décor en est l'offrande |
Et il y a les rencontres !
|
Le cerbère du coin |
|
Fenêtre sur ciel et sur vide |
|
Fenêtre météo : grand bleu |
|
Genévrier |
Querforc : le rocher fourchu...on se croit arrivé à ses 2585 m, et c'est une antécime, un petit col la sépare de la cime. Et pas question de finir en queue de poisson, j'arpente jusqu'au dernier rocher à ras du sol ! L'arête de 2.5 km finit là. Plus bas que le Trespunts, il demande une telle énergie que l'on se croit plus près du Canigou avec ses 199 m d'élévation supplémentaire.
|
C'est l'antécime, encore un effort ! |
|
Le sommet et le bout du bout de l'arête |
|
Au centre et au soleil le pic d' Esquifolaygue, 2404 m |
Là je résiste sans peine à l'ivresse de la randonnée. Il y a
le Pic d' Esquifolaygue, dont je découvris un jour le nom étrange. Je le vois, au bout d'une arête descendante, dans un sec virage à droite, 181 m plus bas, 1500 m d'arête aller retour, une folie!
|
En rouge l'arête parcourue, vue depuis le sommet du Querforc |
Un petit temps de repos contemplatif et il est temps de redescendre. Comment ? De la meilleure façon, droit dans la pente, cela paraît escarpé mais lisse à souhait, je négocie chaque pas avec mon pied souffrant, c'est pas son "truc", il préfère crier dans les rochers que hurler sur la pelouse inclinée à plus de 30 degrés.
|
Droit vers l'aval ! Les barres rocheuses sont invisibles |
|
Une source pleure ses gouttes |
Fausse pente lisse ! Ce type de terrain réserve toujours des surprises, il y a de petites terrasses accueillantes, chacune dissimule une barre rocheuse et, d'évitement en désescalade, de petits ruisseaux en louvoiements, je garde la trajectoire; demi heure après, 431 m de dénivelé plus bas et 1.3 km de zigzags serrés, je foule le sol de la piste, il ne me reste plus que 2.6 km aseptisés, éblouie par le soleil et fustigée par le vent de face, tout le monde a changé son cap à 180 ° depuis le matin. Comme des tournesols. Ce ne sont que des genêts flamboyants et odorants qui bordent la piste.
En chiffres:
Dénivelé positif cumulé : 900 m
Temps de marche : 5 h 25
Distance parcourue : 13.24 km
Et la route...128 km (x2)
|
En vert, ligne Ariège / Pyrénées Orientales Mon trajet en pointillés rouges |
Bravo,ça fait du bien de voir au loin, magnifiques photos !
RépondreSupprimerMerci! encore un itinéraire pour mes baroudeurs de prédilection !!
SupprimerBeau reportage félicitations,merci,bravo! Un regal e
RépondreSupprimerMerci beaucoup, alors double régal pour moi : l'avoir fait et vous avoir régalé
Supprimermagnifique !
RépondreSupprimerMerci Guy !
SupprimerMagnifique cette vallée qui conduit à la Coume d’or et au Pedros, j’avais dû apercevoir le Trespunts et le Querfort mais je ne les connaissais pas, merci pour cette belle découverte. Un paysage grandiose, acho me grade. Bises.
RépondreSupprimerAixo te agrada i ho pots fer. Oui vous pouvez le faire mais il y a du caillou dont on peut éviter les passages les plus ardus. Enfin ça reste sportif quand même. >Bises
Supprimer