Eyne, petit village cerdan des Pyrénées Orientales, a vu en 1972 la création d' Eyne station de ski affiliée au domaine skiable Cambre d' Aze.
C'est du parking de la station, 1750 m, que je prends le départ à pied pour une rando inédite allant vers les crêtes- que je contemplais la veille depuis la vallée - par un "chemin noir", en pointillés sur la carte, dont j'imagine ne trouver nulle trace.
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Le paysage de la vallée d' Eyne tout en jaune |
Le matin est resplendissant alors que je me trouve à la croisée de chemins bien verts, j'ai pris mes repères et j'y suis. C'est une jolie piste qui s'enfonce en forêt, dans la verdure et la lumière tamisée des grands sapins. Je ne loupe pas le départ du "chemin noir", même s'il n'en reste rien. Un étroit passage en creux, je devine un ancien chemin muletier de débardage. Il va être vite encombré d'arbres morts, signe qu'il "n'existe plus" dans la réalité.
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Départ d' Eyne |
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Le chemin noir désaffecté |
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Juste à côté |

Je vais donc le suivre un grand moment au GPS dans la pénombre et le silence de la forêt. J'adore. Soudain, m'approchant de la ligne de crêtes je rencontre une clôture sous laquelle je me glisse et là, premier regard aérien sur la vallée d' Eyne à ses débuts : quel dénivelé !
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1 er contact aérien avec la vallée |
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1er appel des crêtes |
Je découvre avec surprise que ces crêtes dentées et crochues que je voyais la veille sont, sur le terrain, une ligne herbeuse et douce donnant sur le vide brutal: ce sont les barres rocheuses en gradins qui donnent cet aspect d'arête déchiquetée, illusion d'optique parfaite depuis la vallée.
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Vu d'en bas, la veille |
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Même chose, l'eau en plus |
Je vais ensuite suivre la clôture, doublée d'un sentier pour son entretien, ce sera très facile, toujours dans une forêt épaisse, déserte et silencieuse. Les insectes bruissent dans les rais lumineux et les oiseaux rivalisent de gaîté. Le chant de l'Eyna tout en bas se faufile dans la pente, c'est grandiose.
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Petite piste veloutée |
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Suivre la clôture |
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Dans l'air bleuté la valse des insectes et des graines |
La clôture rencontre la piste de ski, puis une jolie piste toute en pelouse et genêts avant que de devenir le sentier humain des raquettistes et me voilà au débouché du chemin noir : le roc de las Fades (des fées), j'apprendrai son nom plus tard, merci Frédéric.
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La civilisation s'est invitée |

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Oh la belle vue! Plaine cerdane et ligne des hauts sommets |
Ce roc, à 2063 m, est double, séparé par une petite plate forme emmurée, une ancienne pâture. Je me juche sur le roc et je contemple. Inutile de rêver à descendre, comme la veille inutile était de rêver à grimper là haut. C'est vraiment étonnant.
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Pas carrossable la pente |
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Et ici non plus |
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Depuis le Roc de la Fades. 2063 m |
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Petite plate forme pastorale |
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Au zoom, la vallée d'Eyne |
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Même chose |
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La plate forme pastorale |
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Mur pastoral sur les crêtes
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Résultat d'épierrage sans doute |
Il n'y a pas de cabane pastorale, le sentier raquettes finit brutalement, il doit, en hiver bifurquer vers la forêt et les pistes de ski., tout en haut. Je continue donc pour le fun et je parviens à un autre roc, rouge, se découpant sur les genêts d'or. Pour gagner le suivant il me faut traverser une mer de genêts par une sente peu évidente et je crains non plus les tiques qui m'ont dévorée à Py mais la vipère qui pourrait parfaire l'oeuvre des 94 morsures .
Prudence donc car je suis en short.
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Déclivité |
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Contraste |
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Tout en bas la vallée |
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La montagne habillée d'or au parfum puissant |
Et pourtant, cette sente peu lisible porte des traces de pas humains, récentes, grosses chaussures, il semble que cela ait été fort fréquenté. Mais bien sûr ! me dis je, c'est à l'évidence des "chasseurs de Molopospernum Peloponnesiacum", qui n'ont rien d'un molosse, ni venus du Péloponèse, mais les très recherchés "coscolls" catalans !
Qu'es aixo ?? Un végétal fort prisé des catalans qui peut vous expédier paraît-il au Paradis tant c'est bon et plein de vertus (je n'ai jamais voulu y goûter) mais aussi bien en Enfer si vous vous trompez de végétal et allez cueillir son presque sosie mortel, Aconitum Napellus. Le coscoll (couscouill) se récolte en juin et pousse à plus de 1000 m d'altitude, pour certains catalans c'est une vraie institution. Evidemment j'en vois quelques beaux exemplaires que je ne touche pas.
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Les crêtes frontalières |
Et me voilà arrivée sur un perchoir grandiose, à 2103 m, qui s'escalade un peu et offre une mini terrasse sur vide avec point de vue imprenable. Sans balustrade et très vertigineux ou du moins très exposé. Le regard portant loin vers la frontière, 30 m de vide en surplomb sous mes pieds, 350 m de dénivelé avec la Vallée d'Eyne, 150 m à gravir si je voulais arriver sur les cimes, mais c'est la descente sur la vallée qui me tente.
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Décor, plan large |
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Depuis mon perchoir à 2103 m, une idée de la déclivité |
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Et je n'ai pas fait exprès de mettre du jaune ! Même mes chaussettes sont jaunes...mdr |
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Plongée vers la rivière |
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Le perchoir de mes rêves et les deux rives de la vallée |
Je savoure longuement une immense paix, ce sentiment d'avoir pour un instant la montagne pour moi seule, l'envers du décor d'hier mais pas seulement, l'envers de la vie aussi.
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les dentelles de roche que l'on voit d'en bas |
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La falaise où j'étais perchée et une idée de la plongée vers la vallée |
C'est une longue langue de terre et rocs bien inclinée qui descend vers le torrent, un tapis velouté de vert amande et de jaune d'or, avec au final une forêt, un pierrier et la rivière enfin.
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Le trajet pour aller en bas |

J'étudie le parcours idyllique mais...et les "mais" sont multiples; je suis en short, c'est à proscrire. Au cas où la vipère... Mais également les tapis verts et or veloutés ne sont qu'horribles buissons vus de près , de près de 1 m de hauteur, infranchissables ou du moins éreintants, et pas à faire en short.
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Pas facile de marcher là dedans |
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J'ai du en traverser une partie : pas rassurée quand même |
Quant au pierrier, il indique gentiment, si on sait lire, que sans doute des barres rocheuses habitent sous les arbres.
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Au zoom, les arbres du bord du torrent |
Donc la sagesse veut qu'on reste en haut et qu'on étudie de près cartes et vues aériennes à la maison. Et bien m'en aura pris. Il y a bien des barres .Toutefois, un tracé assez aisé sur le côté permet la descente.
Je reviendrai.
Je me dore au soleil qui semble être le premier de l'été.
Bien sûr il n'y a personne et bien sûr cela me plait. Je scrute le défilé des chenilles processionnaires que sont les humains en bas sur le sentier, dont je faisais partie hier...quelle horreur me dis-je alors que la vallée était pourtant enchanteresse.
Cependant cet envers du décor m'était indispensable et a autant de valeur. C'est sublime.
C'est juste un apéritif pour de prochaines escapades estivales.
Je reprends sans hâte le chemin du retour, m'offrant la visite d'un tronçon de "la voie blanche" et enfin suivant la clôture d'un bout à l'autre qui va, surprise ! me ramener presque au parking. Et dire que j'ai navigué au GPS ! Oui mais...le charme désuet du "chemin noir ", n'est ce pas ?
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Forêt décimée |
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Retour par le sentier de la clôture |
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La forêt est décimée par la mortalité |
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Retour velouté |
En chiffres :
Distance : 7.6 km
Dénivelé : environ 400 m
Temps de marche : 2 h 24
Le trajet (aller en rouge et retour en jaune)
Bises
RépondreSupprimerAmusant
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