La vallée d' Eyne, classée Réserve Naturelle depuis 1993, est également appelée "vallée des fleurs".
Plus de 800 espèces y ont été répertoriées et depuis le 17 eme siècle, elle est terrain de recherches des botanistes.
C'est un fleuron du département des Pyrénées Orientales; il m'a été donné de la parcourir une fois en partie et dans le sens descendant, en 2016, parce que, revenant d'une randonnée à la Tour d' Eyne (2831 m), j'y étais parvenue au terme d'une descente merveilleuse dans la pente depuis les crêtes.
Cette fois j'ai décidé de renouer avec la civilisation après quelques épisodes printaniers plutôt hors sentier, et j'avoue être impatiente de revenir sur le droit chemin. Ce n'est pas une vaine expression car la vallée quasi rectiligne offre au fond de son profil en V une rivière bondissante (l' Eyna), un chemin ancien, le Cami de Nuria, Nuria étant un sanctuaire de l'autre côté de la frontière, oui la vallée d' Eyne se termine dans une cuvette surmontée de cimes de plus de 2700m, voire plus de 2800, avant de plonger côté espagnol.
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Départ matinal, 1567 m |
La vallée est longue et fréquentée, je n'imagine pas à quel point. C'est dimanche de Pentecôte en ce jour clair et ensoleillé, je quitte mon parking à 7 h35 du matin. A Eyne. 1567 m d'altitude.
Le chemin va suivre la rivière : celle ci, longue de 11 km est affluent d'un autre torrent qui se jette dans le Sègre, fleuve catalan. L'ancien chemin de Nuria, sur le cadastre de 1827, passait en partie sur l'autre rive.
Je sais la vallée longue, et je sais aussi mon manque d'entraînement pour ...les sentiers humains !
Le départ est beau, chemin pavé, qui s'enfonce en forêt sur une longue distance; je ne reconnais pas les lieux, je comprends qu'à mon dernier passage il ne faisait pas partie du parcours. Un canal longe le chemin, en forêt, un peu au dessus, je l'entends et vais le saluer.
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En forêt |
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Le canal rive gauche (il en est un autre rive droite) |
Les chants d'oiseaux font vibrer les sous bois et percent le chant de l'eau mais les fleurs sont timides en sous bois. Les promeneurs ne sont pas légion et j'avance dans la paix du matin, à l'ombre. Dans le parfum des résineux. Je laisse filer un groupe, il me faut le calme et la solitude. J'ai rejoint la rivière, torrent blanc d'écume et bondissant, joyeux dans le matin saupoudré de nuages et de vent.
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Je rencontre la rivière |
Par les trouées de la forêt j'entrevois les crêtes rocheuses tourmentées, sur ma gauche, hérissées de crocs et tourelles. L'air mauvais. Je n'imagine pas me promener sur cette dentelle. Mais je la scrute.
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Les pentes et leur dentelle de roche |
Le chemin émerge de la forêt à plus de 2000 m d'altitude et l'ancienne vie pastorale esquisse ses ruines. Des cabanes ou orris, une jaça (pâture) , la Jaça dels anyells, avec son enclos et sa cabane en pierres, je traverserais bien la rivière pour aller voir mais je joue la discrétion, la présence humaine me gêne.
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Jaça dels Anyells |
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Et sa cabane de pierres toute ronde au pied des éboulis |
Je n'ai aucun but, aucun sommet, aucun col, juste avancer et regarder. Le regard se perd sur le trajet de l'eau mais surtout sur les fleurs; la période de floraison n'est pas à son maximum, mais des tapis bleus, mauves, roses jaunes et blancs, de fleurs discrètes et lumineuses sont un vrai plaisir.
Ajoutons à cela le vert intense et les coussins jaune d'or des genêts purgatifs qui recouvrent les pentes de leur parfum âcre et capiteux, le tableau est dressé. Surmonté d'un ciel bleu et de rocs noirs ou rougeâtres. Au loin, les névés de haute altitude zèbrent les pentes . C'est simplement beau.
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En fond la chaîne des Puigmal, Péric et autres hauts sommets |
Les promeneurs s'intensifient, tous partis après moi et montant à grandes enjambées, même en courant. Rares sont ceux qui prennent le temps. Je commence à ressentir le stress que me procure "le monde" ; oui, il y a trop de monde.
Heureusement la rivière est une partenaire de rando joyeuse, fraîche, omniprésente dans tous ses états, un vrai plaisir de la contempler.
Un des sites majeurs est cette cascade ; un petit sentier discret y conduit. Elle se jette des très haut, grandiose, superbe. C'est par elle que j'avais découvert en 2016 cette vallée: venant des cimes à travers pente, j'étais arrivée là dans un grand craquement de genêts, hors sentier, sous le regard médusé des badauds.
Mon arrivée là bas en 2016 |
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La cascade aujourd'hui |
Versant ouest la pente est raide et inhospitalière. Versant est, elle est moins rude, et je la connais, je me souviens de cette pente, des barres rocheuses et d'une cabane de pierres.
Photo 2016 pendant ma descente vers la vallée tout au fond |
Et la cabane solitaire que j'avais rencontrée |
Le décor accompagne mes sensations et, arrivée à la côte 2320 m, au Pla de Beguda, dépourvu de végétation, je n'ai plus envie de continuer, d'aborder la lourde pente terminale menant au col à 2683 m. Je suis fatiguée, jambes lourdes, le monde me lasse, le sentier me lasse.
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Le Pla de Beguda. 2300 m |
Une des particularités de ces montagnes sont les "Aiguaneix" (l'eau qui naît), une série de sources dans les pentes, petits ou grands affluents des rivières. On trouve ces sources de part et d'autre de la frontière
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Auguaneix |
Alors ici, je fais peut être l'interdit, on est en Réserve Naturelle, et je file sur ma droite, je grimpe vers une cascade attirante, issue de névés. Il n'y a pas de sentier et cela me plait. Je suis "chez moi"! Je grimpe dans un site nu, escarpé, dans lequel coulent deux ruisseaux bondissant en une blanche écume et se rejoignant. Ils seront faciles à traverser, car étroits. Une horde d'isards m'observe sans crainte, des marmottes courent sur les pentes, on dirait qu'ils m'invitent chez eux. Je reste discrète, fondue au paysage, paisible. Admirative.
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J'ai adoré ce décor |
J'ai envie de me baigner, de patauger, de me poser, mais je n'ose pas. En bas je vois s'agiter la foule des marcheurs, ils sont dans la légalité. Moi pas.
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Vers le nord : les Péric |
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Confluence de cascades |
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En bas le pla de Beguda |
Altitude 2450, 10 km, je vais entamer le retour. Aller plus haut ne me dérangerait pas puisque je suis loin des humains. Alors je choisis tranquillement de suivre le petit ruisseau dont la profonde vallée me dissimule. Mais tout a une fin. Le flot coloré de chapeaux et tee shirts est de retour, les rares salutations sont catalanes ou espagnoles, les autres sont de véritables robots dont l'impolitesse est la plus flagrante des dotations.
Je croise finalement peu de monde, ils sont assis par troupeaux entiers broutant leur gamelle. Au premier troupeau j'ai la même angoisse que si c'était un troupeau de vaches. Mais ils sont si immobiles, si absents de leur environnement que finalement tout se passant bien, j'affronterai les troupeaux suivants avec un peu moins d'appréhension : et oui je deviens agoraphobe.
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Restaurant d'altitude : on ne contemple que les gamelles. Je passe à côté d'eux, personne ne me verra. |
Je me concentre sur le paysage.
La pente sur ma droite offre au regard quelques rondes cabanes de pierre nommées orris, attenantes parfois à un enclos pour bétail. Je sais que beaucoup plus haut, s'en trouve une autre que j'avais rencontrée en 2016 lors de ma descente sauvage. Mais ce que j'ignore encore c'est qu'un ancien chemin, doublant le "Cami de Nuria", à flanc de pente, allait d'un orri à l'autre, chemin de bergers passant par la Font de l'Orri, la source indispensable, à l'écart de LA voie de communication, perdu aujourd'hui et qui me donne très fort envie depuis....oh on ne va pas recommencer quand même !
Heureusement je l'ignore et pour deux jours encore !
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En bleu la rivière En jaune le chemin actuel En rouge, le chemin en 1827 En vert, le chemin passant dans la pente, desservant les pâtures, cabanes et la Font de l'Orry, (sources) |
Chemin faisant, parmi les fleurs, je parviens, solitaire, à mon gîte sur roues, au terme d'une jolie, magnifique, "échappée florale".
Est ce la pleine saison, ou est elle déjà dépassée ? Ce n'est pas le moment optimal, c'est certain. Où sont les lys martagon et les rhododendrons ?
En chiffres :
Distance AR : 19 km
Dénivelé positif : 900 m
Temps de "promenade" : 5 h 54
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La vallée d' Eyne, Pyrénées Orientales |
un endroit que je connais et que j'aime. La dernière fois je l'ai trouvé un peu long pour mon organisme. Mes yeux, pourtant se sont régalés. Cette année je veux enfin atteindre le Cambre d'Aze qui nous a échappé par deux fois. Merci Amedine pour cette belle balade dans le teste et las photos. Tu vas donner envie à pas mal de monde.
RépondreSupprimerGV
"dans le texte et les photos". Je n'ai relu qu'après avoir publié.
RépondreSupprimerT'inquiètes ces foutus appareils écrivent ce qu'ils . C'est l'IA non ? Donner envie peut être, mais donner envie de prendre du temps, de contempler, j'espère. Je compte y revenir rapidement et visiter l'ancien chemin et la pente. Tu verras mon prochain article, la vallée vue d'en haut. Je vais essayer de rédiger ce soir, demain je pars dans le Massif du Canigou, secteur Batère pour de l'inconnu. Amitiés
SupprimerMerci beaucoup pour le partage de ce lieu magique. A notre âge nous faisons parti des pas 👣 pressés.
RépondreSupprimerPierrette et Jean-François.
Je crois que j'ai aussi la même raison que vous et la Vallée justement nous convient car on a le temps de savourer. Il y a tant de lieux qui méritent un peu de contemplation. merci pour votre commentaire
Supprimerun sacré périple pour une marcheuse accablée par la foule mais j'ai vite compris que tu as su éviter ces attroupements et ainsi profiter des fleurs et des animaux bien sauvages ceux là. Tu pars pour les Canals ? Amitiés
RépondreSupprimerTu auras vu ma publication facebook à propos des Canals. Il faut aussi que j'apprenne à redescendre dans la "civilisation". Amitiés
SupprimerQuel plaisir - réel pour toi et virtuel pour le lecteur - que de cheminer le long de ces eaux vives de montagne qui s'offrent avec toute leur vigueur printanière ! Les vieux orris veillent sur ces flancs que la nature pare de magnifiques couleurs, ne manque que le tintement des clochettes que l'on peut aisément imaginer pour peu que l'on laisse nos pensées remonter vers un passé pas si lointain, en définitive ! Eh oui, j'imagine aussi ton envie de retourner en ces lieux en mode "solitaire" mais, tu sais, comme le dit le "dicton commercial" : la montagne, ça vous gagne.... donc... bien choisir sa période ! 😄 Merci pour cette belle balade tant bucolique que rafraîchissante ! P.D.S.
RépondreSupprimerLa rançon du succès, comme pour le Canigou ou Carlit attire les foules. Mais c'est vrai que habituée à "avoir la montagne rien que pour moi", est un peu bousculant mentalement. Je pense que tu connais cette vallée, elle donne envie de la découvrir sous d'autres saisons malgré l'absence de fleurs , elle doit avoir un charme hivernal dans son dépouillement à n'en pas douter. Mais j'ai déjà d'autres projets dans le coin pour prendre un peu de hauteur. Juste il faut un peu plus de vigueur.
SupprimerMerci pour ces belles photos d’une vallée que nous ne pouvons plus arpenter (chiens interdits). Il y a de plus en plus de monde en montagne, ça ne nous arrange pas à nous les "salvabges"….. Tu as su trouver des sentiers secrets pour te balader en solitaire c’est l’essentiel. Une vallée emblématique et magnifique même si elle est surfréquentée. Josy.
RépondreSupprimerIl eut été dommage de s'en priver, et c'est vrai que l'absence de chiens se remarque, c'est surprenant car à présent qui n'a pas son chien ? Je n'ai jamais vu les chiens faire des dégâts ni se ruer sur les animaux mais bon il en est ainsi. Encore bravo pour votre ascension du Canigou.
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