Bien sûr c'est en dérision que je lui donne ce nom. Parce que , vu sous l'angle qu'il veut bien montrer, il en a un petit air, Mais...quand j'ai vu récemment, en revenant d' Albanyà, ce monument se profiler un instant devant mes yeux, émergeant d'une colline boisée qui le cachait, j'ai été conquise.
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La face est |
Restait plus qu'à le conquérir. Et surtout en trouver l'accès. Ce ne fut pas facile. Sur la carte oui, mais...le chemin, nanti de panneaux, qui part de Terrades, est barré d'une très haute clôture : chasse privée de 800 hectares. Les habitants des lieux ont eu beau protester, rien ne leur a réouvert leurs chemins.
Depuis la piste de Terrades, il a une sacrée allure; déjà je me projette un peu moins sur cette canine !
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La piste de Terrades |
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Face ouest de l'arête |
Je tente donc l'accès, sur indication, par St Llorenç de la Muga, à pied. Rapidement je tombe sur une clôture derrière laquelle hurle un molosse. Je m'introduis dans la ferme mais on me renvoie à une autre piste. Sur la carte, le chemin est là, je vais contourner sur 2.7 km pour éviter les 30 m de cour de ferme, et retrouver le chemin le plus direct. Au GPS, indispensable. A l'autre bout de la ferme, molosse et roquets m'ont repérée et au retour, je créerai mon propre chemin allant traverser la rivière; je tiens à mon moteur : les mollets.
Ce trajet ne m'inspire pas et finalement j'en trouverai un autre que nous empruntons ce matin avec Eric, le seul candidat à vouloir m'accompagner. Un chemin part de San Antoni, avec le superbe pont médiéval sur la Muga.
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Pont de San Antoni |
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Sur le pont médiéval |
La piste asphaltée se mue vite en sentier magnifique débusqué par Eric, et met le début de l'arête à environ 2 km du village. Ce n'est pas le chemin d'accès conventionnel, mais un ancien sentier d'exploitation devenu de chasseurs. Nous devrons le quitter pour l'arête
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Le sentier |
L'arête commence par une descente (que nous monterons au retour), se partage dans la clue au passage du ruisseau qui a fait toboggan et cascade et remonte doucement: nous y grimpons immédiatement après avoir rencontré la clôture de la chasse privée. Nous voilà sur le fil de l'arête, sans aucun vide mais nantis d'une tramontane inattendue. Nous allons pendant un moment nous élever en douceur, entre fil de l'arête, rognons rocheux à escalader, arbres à contourner et rafales à éviter.
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Aperçu géographique : en rouge l'arête, en bleu la rivière |
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La chute d'eau de la clue (Ph Eric) |
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L'arête dans toute sa splendeur, face ouest |
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Cette fichue clôture ! |
Déjà le paysage s'ouvre, la hauteur devient conséquente à notre droite, au sud, et faible à notre gauche au nord.
Les rafales sont de plus en plus violentes et s'aider des mains est une protection pour moi. On se régale déjà et notre bonne humeur ne nous quittera pas. Eric et moi avons un point commun : un enthousiasme de jeunesse préservé (e).
Si évitement il y a c'est toujours à notre droite, falaises plus hautes mais mieux inclinées, permettant un abri un peu plus sûr contre le vent. Une jolie fenêtre est ouverte dans la roche, appel d'air garanti et les arbres témoignent du tourment de leur vie. Il fait chaud , le vent est desséchant.
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Je touche mon rêve du doigt |
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Eric a passé le gendarme |
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Gendarme |
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Elle est là ! |
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Evitement |
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Les lointains vers l'ouest |
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Jardin |
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En suivant le fil : une avenue |
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Face sud, la chasse privée |
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Première ouverture |
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Genévrier tourmenté |
Eric se hisse sur quelques hauteurs que j'évite et ma petite corde est une aide sécurisante dans les désescalades. On suit au mieux le fil, c'est toujours mon souhait dans les arêtes. Pourtant il faudra abdiquer et descendre d'un étage : trop compliqué pour moi, Eric le pourrait mais avec le vent c'est très insécure.
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Salto de caballo (Ph Eric) |
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Grimpe |
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Et moi aussi (ph Eric) |
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Il s'amuse franchement |
Eric n'aime pas toujours me voir jouer avec le fil de l'arête, moi je n'aime pas toujours le voir grimper des murs, finalement chacun est bienveillant et attentif à l'autre.
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Allongé sur la crête |
Et on va devoir pendant quelques minutes, cheminer dans la face sud, il fait chaud, et "c'est chaud" : arbres à éviter, terrain croulant, quelques pas difficiles, pour moi évidemment.
Enfin on doit se rendre à l'évidence le sommet va nous passer sous le nez et rester au dessus de notre tête. Impossible à atteindre, pourtant je sais qu'il y a un accès. Nous montons jusqu'à la fenêtre de l'arête mais le dernier pas est ardu, risqué et on le délaisse pour un petit casse croûte à l'ombre.
Face à nous, la chasse privée, sa clôture, ses forêts, son sol propre et désert. Son silence.
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Versant sud la chasse privée et clôturée |
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Ouverture |
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Le sommet est en haut, trop venté Eric est au niveau de l'ouverture |
Je grimpe un peu et je découvre un morceau d'arête exceptionnel : un orifice ouvrant sur le nord fait une sorte de niche basse de plafond et monoplace où l'on peut (doit) s'allonger et profiter d'une fraîche ventilation : le must. On va bien s'y amuser à tour de rôle. La vue porte sur San Llorenç, ses ponts, son clocher, plus tard on pourra avoir cette vue inverse.
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La drôle d'ouverture |
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San Llorenç et ses ponts depuis l'ouverture |
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Et la vue inverse (l'arête est au bout de la flèche) |
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Au zoom les ouvertures, depuis San Llorenç |
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Le sommet est à la verticale (Ph Eric) |
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Dans l'ouverture monoplace |
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On n'y tient qu'allongé |
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On se marre (Ph Eric) |
On va bien profiter de cet intermède puis on reprend le chemin. On est à peu près à l'aplomb du sommet mais suivre le fil est impossible : trop escarpé et surtout trop venté.
Alors on continue à longer la crête, en louvoyant entre arbres, escalades et leur contraire, quelques tronçons d'arête d'où la vue est superbe, jusqu'aux confins des Pyrénées, la mer, la baie de Rosas, paysage toujours spectaculaire, même à si basse altitude.
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Il ne peut s'empêcher de courir ! |
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Une des brèches de l'arête |
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Je grimpe ! |
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Il a grimpé ! |
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Perchée |
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Perché (Eric dans le cercle jaune) |
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L'arête finit dans la chasse privée |
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San Llorenç au 1er plan et les lointains vers la France |
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Photo souvenir, on a retrouvé l'arête, on a loupé un morceau dommage, mais trop exposé et venté |
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La baie de Rosas |
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Le Neulós et les Albères |
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La fin de l'arête |
Et on finit l'arête non pas à son terminus qui n'est qu'une fine pellicule rocheuse mais à la haute clôture qui barre notre route et qu'il faut à tout prix franchir. Jeu d'enfant pour les jambes d' Eric le Trailer, plus compliqué pour moi mais les grandes mailles me serviront de barreaux d'échelle.
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En tierra prohibida |
Et nous terminons l'arête dans la réserve, sur une piste, ancien chemin qui fend l'arête : est ce la main de l'homme qui, il y a très longtemps, trancha la roche comme Roland le fit à Roncevaux ?
Trêve de plaisanterie car il faut re franchir la clôture pour le retour; toujours facile pour lui, toujours compliqué pour moi, mais je ne peux y couper puisque je ne peux découper la clôture alors j'escalade et désescalade ces drôles de barreaux d'échelle qui se tordent sous mes pieds, ouf c'est passé.
La grimpe est facile, on remonte l'arête sur le plancher non des vaches mais des bouquetins quand soudain, elle est là, proche, séduisante et haute : la grotte. Oui une belle gueule ouverte dans la falaise, on y monte, on escalade, Eric un étage plus haut, mais le pas de trop est glissant, alors il loge son appareil; photo et cela donne ça : il y a un trou là haut...qu'est ce qu'on loupe. Moi je cherche la plaquette d'escalade salvatrice...rien...on redescend.
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Faut refranchir la clôture pour aller longer la falaise |
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La grotte dans la falaise |
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Montée à la grotte |
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Ouverture de la grotte |
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Il n'ira pas plus haut |
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a loa fenêtre |
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Ce qu'on voit d'en haut, intérieur de la grotte |
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Intérieur de la grotte |
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Je n'irai pas plus haut |
On remonte ce drôle d'accent circonflexe que fait le sentier au ras de la falaise: fossiles à profusion, ombre bienfaisante, soif dévorante, jambes usées (pour moi), et le sommet est là, toujours au dessus de nos têtes. Eric se déleste de son sac et attaque la falaise, moi je fais trois pas et je devine : l'accès est là.
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Fossiles |
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Fossiles |
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Insolite ce figuier accroché à la roche et à un filet d'eau |
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Le sentier longe la falaise |
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Vers l'amont |
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Vers l'aval |
Quatre marches, une plate forme, une goulotte pour personnes minces, quelques pas bien escarpés et la plate forme sommitale est sous nos pieds, balayée de vent, semée de fientes et habitée par un olivier, chose exceptionnelle. De là, un mince fil file vers l'est, file vers l'ouest : l'arête ! On est plus qu'heureux car le sommet nous manquait vraiment. Le vent nous ébouriffe comme en proue de navire, un petit vertige s'offre à la fatigue, mais que c'est beau.
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Chemin pour le sommet |
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Le goulet menant au sommet |
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Etroit mais facile |
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Sommet : La Penya 481 m et l'arête vers l'est |
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Même chose vers l'est |
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Là on est complètement heu-reux ! |
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Vers Albanya : c'est depuis ces champs que j'ai découvert la Penya |
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Eric est dans la voie qui mène au sommet |
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Etonnant olivier au sommet |
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Trous d'eau au sommet (Ph Eric) |
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Photo Eric |
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Orifice dans la falaise: on peut y voir un baiser ou une raie manta |
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C'est bluffant ! |
Redescendre est assez aisé, même si un pas me fait peur, et l'on redescend le circonflexe de l'accent que fait le sentier. L'arête à franchir une dernière fois, la clôture qui nous nargue, le saut de la cascade vide, le tronçon de la clue qu'on remonte et enfin la douce et reposante descente jusqu'à la Muga où l'on se jetterait bien, le retour au parking, un petit dépoussiérage liquide avant que d'aller siroter quelque chose au bar du village sous le regard indolent de chats repus , en Catalogne les chats errants sont soignés comme des princes des villes.
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Le long de la clôture |
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Dernier regard |
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Au zoom |
Merci Eric ! Tu as posé candidature pour d'autres sorties un peu folles et bien je crois que nous allons bien nous régaler, j'ai encore quelques cailloux à t'offrir!
Situation géographique, en Catalunya
Ah au fait, le vrai c'est lui : Cervin, Suisse, 4478 m.
Pas vrai qu'il y a un air de ressemblance ? Toutes proportions gardées...
Encore un récit captivant. J'irais sans doute par là-bas. Où tu t'extasies devant ce caillou, je pense pouvoir apprécier le village, ses ponts, sa tour... aperçus sur tes photos. Je crois avoir déjà vu des festivités dans ce village dans des reportages sur Facebook. Je vais regarder cela. Il reste ce blog orné des jolies photos, des textes ciselés avec des expressions originales fort séduisantes. Merci Amedine pour tes talents divers et affirmés.
RépondreSupprimerGV
Il est magnifique ce petit Cervin. C’est une belle aventure si bien racontée qu’elle ne laisse pas indifférent. Rien ne vous résiste, bravo ! De très belles photos d’un beau paysage minéral. Josy.
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