vendredi 30 mai 2014

Ma vigne en robe des champs

C'était ce lundi matin, juste après l'averse de la nuit, dans un paysage qui embaumait le sous bois, ces sous bois du midi au parfum rare d'humus , ce drôle d' humus de la végétation sèche qui s'exprime rarement mais en puissance. Acre, violent, éphémère. 
Que l'on respire à pleins poumons 
comme pour faire provision.
C'est la poussière qui ternit les fleurs des champs, cependant après l'averse, on pourrait presque les voir s'ébrouer comme un jeune chien fou de bonheur.

Alors, ce matin là, comme je ne pouvais marcher, j'ai regardé et visité la couleur de champs.
Autour de mes vignes.



















Lui ? Le Canigou ?
 Il passe son temps à nous surveiller, même haut perché (2784 m) , même si loin
 (50 km à vol d'oiseau) mais bien aux aguets.
 Et ici, on l'aime !




Tellement que lorsque les nuages le cachent, il nous manque quelque chose, comme si on nous l'avait volé, ou bien comme si on n'était plus chez nous !



mardi 27 mai 2014

Privée de montagne....mais....pas de.....

Pas de désert ni de dessert !
L'un comme l'autre étant mes Garrotxes préférées....

En ce samedi 24 mai, je retourne sur "ma " route alors que le ciel est maussade et que quelques gouttes de pluie réveillent la nature.

Les Garrotxes dans le département 66
Situation géographique

En préambule: situation des Garrotxes, région particulièrement aride et désertique.







La montagne, aux alentours de Cabrils (cf mon précédent billet), au fil des siècles, s'est désertifiée, a perdu toute son économie vivrière et compte aujourd'hui de rares habitants et plus aucune culture.
L'été elle revit avec le tourisme rural, un festival de musique classique et bien sûr la montagne environnante: le Massif des Madres qui attire les randonneurs.
L'hiver c'est la léthargie tranquille des villages de moins de 30 habitants, villages de charme cependant.
A la rencontre desquels j'aime aller, ce n'est un secret pour personne.
Me voici donc dans un paysage que le printemps fait chanter malgré l'averse, comme chante tout au fond
le Cabrils grossi par la fonte des neiges.



Ma "route 66" s'étire comme un serpent que le printemps réveille
Les Garrotxes comptent peu de villages, j'en choisis deux ce jour : Railleu et Sansa, tous deux situés à 1360 m d'altitude.
Raillleu -15 habitants- est niché dans une profusion de fleurs : j'ai imaginé que le maire était une femme pour fleurir aussi élégamment son village. Car cette profusion se double d'élégance. Une touche féminine..
(Pardon si je fais erreur!)

Eglise Saint Julien 17 ème S

Au fil des rues

Pas un chat ?

Il y en a au moins deux !

Dans le village je ne rencontre quasi personne mais je ne peux dire "pas un chat" car celui ci me fait les honneurs des ruelles ...à distance prudente toutefois.
Railleu est escarpé, fleuri, impeccable, et prépare les élections européennes. La mairie bruisse de voix humaines en attendant les voix muettes des votes.
Je me rends à l'église, l'actuelle, St Julien, haut perchée avec des allures de château fortifié.




Le cimetière attenant , long et étroit, sous lequel veillent des jardins et un épouvantail, peut s'énorgueillir de cette vieille couronne de perles, objet d'un autre âge, surmontant une tombe : ces couronnes de verroterie me fascinent toujours malgré les ans (les leurs et les miens surtout).

Railleu eut un vieux village comme tous les villages des Garrotxes : l'ancien village situé au-dessus de l'actuel mourut des guerres franco espagnoles du temps où la région était espagnole (avant 1659) et où les Français brûlèrent et détruisirent les villages, au 16 ème S. A cela s'ajouta la peste, qui eut les mêmes effets destructeurs et les Garrotxes perdirent la vie bien avant de la reperdre au 20 ème siècle pour d'autres raisons (économiques et guerre de 14/18).
Je me rends donc à ce vieux village dont il ne reste rien, juste un pan de la chapelle du 13 ème siècle.
Et quelques tas de pierres, vestiges des modestes demeures de l'époque.



C'est dans ces ruines que je vais sceller mon sort : me priver de montagne.
Une méchante ferraille fichée dans le sol mord cruellement ma plante de pied bien chaussé, dans une fulgurante douleur dont je ne suis pas encore guérie à l'heure où j'écris ces lignes.
Rien de grave mais invalidant : moi qui galope, je fais connaissance avec le bâton de rando en guise de béquille.

Railleu est le pays du granit: ses carrières servirent à un grand nombre de réalisations au XX ème siècle : ponts, usines, murs etc...dont le célèbre Pont Séjourné du petit train jaune.



Quelques kilomètres plus loin, Sansa  sera mon hôtel de nuit.


Sansa : 20 habitants.
Le village a subi le même sort que son voisin mais la première église est intacte, remarquable d'ailleurs.
Ainsi le village compte deux églises, la seconde reconstruite au 19 ème "en haut" ainsi que le "nouveau" village, contrairement à Railleu où ce fut "en bas".
Cette église romane survécut ce qui n'empêcha pas le nouveau village d'éloigner le mauvais sort en en construisant une 2 ème.

La nouvelle




10 ème siècle
















19 ème & 20 ème siècles
Eglise St Jean









Je campe au pied de l'église, avec, depuis mon "balcon" une vue imprenable sur les Pyrénées

Le regard de Lison s'effare ! Et pour cause....Eux ne la verront même pas! Mais ils assisteront à tout mon repas, sous le regard outré de la Dame de Céans.


Dimanche matin, je visite les environs de mon hôtel:

Balade en rues, en couleur


Murs de maison, de four et de soutien
En granit
















 Je me rends à la mairie, non pas pour voter mais pour me renseigner.
L'accueil est chaleureux d'autant que les électeurs sont peu nombreux.
Alors je glane une moisson de renseignements sur ce village extrêmement vivant ; une mise en valeur du patrimoine y est très ardente: création de sentiers à thèmes (l'eau, les cabanes, les moulins), mise en place de panneaux pédagogiques, un engagement sûr et efficace.
Qui me conduit donc sur cette piste vers le Pla de l'Orri.

Piste du Pla de l'Orri et du Col de Sansa
Vestiges de terrasses et cultures

Piste qui croise le Cabrils gonflé d'eau, arrogant et puissant. Bouillonnant et bruyant.


 A plus de 1700m le Pla de l'Orri ouvre sur un vaste horizon enneigé, des montagnes à perte de vue et , à mes pieds, un parterre de fleurs dans la pelouse, de l'eau qui chantonne, une biche affolée, un vent frisquet...et une merveilleuse solitude. Doublée d'un bon repas.






Cortal Delcasso : 24 m x 7 m, voûtes en ogives, accueillait 300 moutons

Ici, on l'appelle "la cabane" : c'est une immense bergerie de pierres, couverte d'une toiture végétale, dotée d'arches et de solides granits, en "espérance de réhabilitation".

Je marche -péniblement et en douleur - au long d'une piste qui me conduit à une cabane de berger, un "orri" comme on dit en pays catalan, avec sa coupole de lauzes et son regard grand ouvert vers le soleil.
L'orri de Monsieur Hullo
Un peu plus haut un autre orri pointe son nez mais je n'irai pas jusqu'à lui.
Par contre je découvre des restes de scories qui attestent de l'ancienne présence de forges et la falaise du "llosaïre"! Si l'orri est en granit, ici même se trouve la limite schiste et granit; l'un comme l'autre entraient dans l'architecture locale; le llosaïre faisait provision de lauzes pour construire les toits !
Le marché du "llosaÏre"

De l'une ....aux autres
Avant de quitter Sansa où j'ai ramené mes roues plus à l'aise que mes pieds, je vais visiter le sentier des moulins.
Je verrai le mouli del magre (le moulin du maigre), récemment réhabilité....Il y a un an jour pour jour.

Moli del Magre
Moulin à farine traversé par une dérivation du Cabrils (la voûte en arche)

Les meules mues par l'eau

Un peu en aval, les ruines du moulin de Blazi, alimenté lui aussi par un canal dérivé de la rivière


Murs du Moulin de Blazi

Je n'ai pas su trouver les ruines du moulin du "serraïre" (de serra = scie) soit le moulin du scieur de long.
Et puis mon pied enrageait d'être aussi maltraité....


Mais que cette rivière "le Cabrils" était belle!




Et si elle ne fait plus tourner les moulins, elle fait chanter la vallée.



jeudi 22 mai 2014

De l'autre côté de la route...

En septembre 2013, je vous emmenais découvrir ma route préférée.(clic)
Depuis cette route en corniche, je voyais une petite chapelle "Cabrils" que je me plaisais à dessiner ou peindre, selon mes envies.
Et qui m'attirait irrépressiblement.



Cette fois, j'ai décidé d'aller voir de près cette chapelle, de l'autre côté de ma route.
C'est une piste d'abord en terre puis asphaltée, étroite, sinueuse, courant dans les bois puisque ce n'est pas le versant sud.

Ciste cotonneux

Quelques km plus loin, j'arrive à Cabrils.
Une fontaine, un bassin, une tour clocher, une minuscule chapelle et une grande maison de pierre qui disparaît dans les ombrages : voilà Cabrils et me voici encore une fois l'unique habitante des lieux.
Une habitante qui ne se laisse pas désorienter : visite des lieux, séquence dessin et aquarelle, repas somptueux sur une grande dalle de schiste roux et sieste au grand soleil sur un promontoire, derrière la chapelle, figure de proue au pied de laquelle chante une rivière, le Cabrils.


Cabrils : chapelle et tour















Repas de fête à Cabrils
Joues de porc en civet, coca de "cabells d'angel", Rocamadour fermier et...vin rosé

Les cerises de Cabrils


En arrivant ici, je ne savais pas que cela me renverrait à Joseph, voici plus de 30 ans en deçà...


Etonnante histoire. Qui m'invite à revisiter le passé.



Joseph a atterri en ma maison il y a plus de 30 ans. 
C'était le nouveau curé du secteur et il faisait connaissance avec les paroissiens.
Nous (nous étions 2 en ce temps là)  qui ne fréquentions ni églises ni curés, nous l'avons gardé des heures, on a mangé ensemble, discuté avec  un homme extraordinaire, natif des Pays Bas.
Un prêtre atypique. Il avait 46 ans environ.
Il ne cherchait ni à convaincre ni à prêcher; juste parler, écouter. Il aimait les âmes en souffrance...Il aimait les gens.Il avait fait de sa foi une philosophie de vie. En toute simplicité.
Joseph a fait son chemin, nous le nôtre, on s'entrevoyait sans plus.
Un jour il a tout quitté pour devenir ermite dans les Garrotxes, cette région sauvage près d' Olette..
puis à Villefranche de Conflent, nous avions vu sa 2CV atypique comme lui.
Plus tard on a appris sa mort.

Quand j'arrive à cette chapelle de Cabrils, je suis loin de penser à Joseph.
C'est le nom écrit sur la boite aux lettres de la maison de pierres.
R... un nom invraisemblable: le nom de Joseph...
Son frère Raphael, que je ne connais pas, arrive et on fait connaissance.
Quel regard bleu chez cet homme...Et ce léger accent, bien qu'il soit catalan de naissance!
Alors il m'ouvre la chapelle, en souvenir de Joseph, son frère.




Joseph, le prêtre




Sculpture de Pierre Raaymakers



Et me conte l'histoire de cette famille hors du commun :
Il y a des années, leurs parents sont arrivés ici, depuis les Pays Bas; le père, Pierre, peintre et sculpteur, la mère et 9 enfants.
D'autres naîtront ici, dans ces terres arides des Garrotxes.
13 enfants comptera la famille, 12 vivants, un petit frère est mort à 2 ans, noyé, en Belgique. Gabriel.
Raphael a 17 ans de moins que Joseph, 19 ans de moins que l'aîné. Raphael est le plus jeune.60 ans, aujourd'hui.

Un jour, Joseph, âgé de 24 ans a décidé de construire en ce site où seule existait une tour et la maison en pierres de ses parents une chapelle en hommage au petit frère mort.


Et en 1961 Joseph posa la 1ère pierre en laquelle repose un parchemin expliquant l'histoire...
D'autres pierres suivront et c'est Raphael qui terminera la chapelle, petite, ronde, avec une superbe coupole en granit. En l'année 1965.




Le maître autel en chêne vert
et la plaque tombale de Joseph






Pierre, le père, un peu fantasque, l'ornera de tableaux symboliques et d'une vierge blanche qui danse, qui danse....
La vierge qui danse





La tour, une ancienne tour à signaux de l'an 1007, sera dotée d'un clocheton et la cloche si elle sonne en mon honneur, sonne aussi, claire dans la vallée pour une ou autre rare cérémonie.
Joseph est décédé en l'an 2012 après d'impensables souffrances et ses cendres reposent dans la chapelle, sous une plaque gravée, dans un orifice creusé par Raphael.
Les cendres de Joseph, sous la plaque d'ardoise
1937-2012



La famille est dispersée, divisée.
Mais il y a tant d'amour entre ces murs, l'amour d'un petit frère de 60 ans pour son aîné, Joseph....


Sculpture: le visage de Gabriel


Et l'amour d'un grand frère, Joseph,  pour un tout petit enfant nommé Gabriel


Dans ce paysage inoubliable, bercée par le chant de l'eau du Cabrils et de la fontaine, je savoure...
Je savoure un superbe paysage



Je savoure la découverte d'un site exceptionnel dans sa simplicité
Je savoure une halte hors du commun dans ma vie de labeur harassant
Je savoure un bain de soleil dans les cistes à feuille de laurier que je découvre pour la 1ère fois





Je savoure même la présence un peu agressive de cette couleuvre que nous dérangeons en plein repas, devant la statue du petit garçon.