dimanche 22 janvier 2023

Albères : petite balade Sibé...euh...Albérienne

 Pour avoir passé des heures dans le froid et le vent hier, je me croyais blindée. A la vigne, je disais " En montagne, on n'a pas froid, on marche". Et bien oui, je suis allée marcher, j'ai vu, j'en suis revenue, et vite fait, gelée. Même la cheminée n'a pas réussi à me dégeler. Mais je me suis régalée comme on dit.



Mon but était, en cette fin de matinée lumineuse, d'aller au Col de l'Ouillat, puis dans la forêt de hêtres marcher dans les arbres enguirlandés de givre. Secoués sans doute par le vent violent. Qui dit violent ici, dit la normale, soit une tramontane aux environs de 100 km /h, c'est à dire avec un joli ressenti négatif. Puisque le thermomètre affiche 1 °.

Chez moi, en ma maison, c'est Les Hauts de Hurlevent. Là haut, sur les crêtes, je sais que parfois, même cassé en deux, on recule. Je trouve ça marrant, je voulais aller revoir ce qui fut classique et a quasi disparu avec le réchauffement.

Je prends la route de St Jean d' Albère, plus proche que celle du Perthus et puis, bien plus belle.

Tout va bien. Bellegarde monte encore sa garde depuis 1679, il a gardé ses plis et n'a pas pris une ride.


Fort de Bellegarde. Le Perthus


Le Pic de St Christophe a une belle tête vu d'ici, enfin une belle arête, pas facile peut être. J'y suis montée un jour, par St Jean d' Albère, un joli parcours que je vais refaire, ça va pimenter le voyage au Pic.






St Jean d' Albère est précédé d'une superbe allée de chênes liège; l'auberge de renom a fermé...quel dommage, c'était une institution.


St Jean d' Albère




Après St Jean ça se corse : la route devient verglacée, elle n'est empruntée que par les chasseurs et ils chassent plus bas : à moi le verglas. Première plaque je m'arrête en plein dessus en bonne novice, pour la photo.  En sortir est sportif. La seconde, longue, lisse et luisante me fait peur, j'y suis j'y reste, pas par bravoure, mais où aller ? Surtout pas aller ailleurs, c'est le fossé. Je ne transpire pas car le parcours est court mais c'est décidé je stoppe et je vais à pied. 






Miroir



L'Ouillat restera où il est, j'ai mes faiblesses et mes peurs. A pied commence l'enfer sibérien. Un vent de dos d'une centaine de km/h, que j'aurai de face au retour, mais je savoure comme des relents d'enfance quand ce climat était banal, ce vent, une routine, et les mains gelées, on ne le sentait même pas avec des cailloux brûlants dans les poches de la veste en suédine.



Maintenant tout devient exception et les mots seuls suffisent à faire frissonner !

Je marche sur une route sèche et ensoleillée, la route principale il est vrai, je vais en profiter pour aller voir le monastère de St Martin. La tramontane enfin retrouvée est mon amie, je l'aime parce que c'est un vent sain, qui, dit on, chasse tous les microbes et autres virus. Un vent qui boude de plus en plus la région, remplacé par le désagréable Vent d' Espagne. Là on est servis : la vitesse alliée au froid est un bon chasseur. 


ça croque sous la chaussure
    

Je foule le bas côté, juste pour le plaisir d'entendre mes chaussures croquer la neige gelée, mais surtout, le vent fait un tel vacarme, un tel roulement de tambour, que je serais incapable d'entendre le moindre véhicule. Je pourrais me croire dans ces films anciens où le vent sait devenir le personnage majeur.

Les sous bois de chênes verts et liège ont oublié ce qu'est le tapis blanc et ils pleurent leurs branches mortes dessus. Quelques murs anciens me saluent au passage, me rappelant qu' avant le couvert végétal, cette montagne fut agricole et pastorale. De nombreux mas en témoignent, les plus proches sont habités. Je n'aurais pas assez d'une vie si je voulais faire parler cette montagne .








Saint Martin ne me protège pas, je plonge tête la première et genoux en avant dans la neige fraîche, il me faut faire une toilette rapide et efficace de l'appareil photo! Décidément, la dernière fois que je suis venue fouler la neige de l' Albère j'ai noyé un appareil photo !


Du panneau, on a ce tableau

Saint Martin d' Albère ou Sant Marti de Mont Forcat (le Mont Fourchu), fut mentionné déjà en l'an 844, le bâtiment actuel date du 12 eme S. Il y a une église et un grand bâtiment. Un petit cimetière aux tombes portant des épitaphes grandiloquentes et une ancienne fontaine qui a tout perdu sauf sa date de naissance : 1724.


Arrivée à St Martin : les tombes

Un miroir que mes pieds évitent

Muette la fontaine

Evidemment, c'est Propriété Privée, passage interdit, clôtures électrifiées, "attention aux chiens", il manque les barbelés; le verglas et la neige pourvoient au remplacement, où sont donc passées la Bonté Divine et la Protection du Seigneur réunies? Quant à Saint Martin, dont les qualités sont la Bonté, la Paix et la Miséricorde, il semblerait qu'il ait déménagé vers d'autres Cieux.




Saint Martin d' Albère


J'en fais fi et me dirige le long des murs entre neige, clôtures électrifiées, dont je ne cherche pas à savoir si elles fonctionnent et je stoppe dans un petit terrain empli de flaques gelées, qui seront le tableau glacé de la promenade. Je ne m'explique pas comment l'eau en gelant peut devenir aussi artiste, mais elle l'est, quelle qu'en soit l'altitude.








Le paysage dégagé, occupé par des prairies de moyenne montagne (630 m), permet une vue sur le splendide Massif du Canigou, qui montre ses sommets enveloppés de neige soulevée par le vent  violent, et ses dégradés de bleus dignes d'un artiste peintre.

Paysage de piémont des Albères, vallée du Tech et Massif du Canigou

Un mas

Un autre


 Je retrouve ces paysages ces pentes, ces vallées et pics qui me furent si proches dimanche dernier. Je bois littéralement ce décor. Une petite place est accordée au Pic de Costabonne, et au lointain Capcir.

Pic de Costabonne

Le secteur de ma randonnée de dimanche : Col de la Cirere, Pel de Ca, Cincreus
et Pic de Gallinas au centre



Pic du Canigou et Crête du Barbet



Vallée au dessus de Leca et Tres Vents


Je vais passer un moment de grâce sous les murs de St Martin, vue de personne, j'imagine, avec ce froid, puis je reviens sur mes pas, prête à affronter le vent de face qui, finalement, ne réussira pas à me geler davantage. Il y a foule sur la route, mais en voiture. Encore une fois, il n'y a de piétons que les chasseurs et moi.




S'il est bien quelque chose qui m'insupporte c'est un dimanche à la maison. Je pourrai me l'accorder, puisque j'ai pris mon content de grand air! Et même je vais l'apprécier, ce dimanche devant la cheminée! Où le vent fait entendre son vacarme incessant...Les Hauts de Hurlevent, disais-je.



mercredi 18 janvier 2023

Massif du Canigó : Pic du Gallinàs 2461 m

 Batère (Corsavy) : une nuit loin de tout sur le parking de la Descarga, 1393 m, un ciel au couchant qui flamboie, 10 heures de sommeil, une aube flamboyante  au petit matin, après le vent fou de la nuit, en rafales, qui laisse augurer d'une rando compromise, le vent dans le Massif peut devenir un tyran. 



Je veux voir se lever le soleil sur la mer, je démarre tôt, le terrain monte rapidement et c'est sur la Méditerranée espagnole qu'il se lève, 15 janvier oblige. Il est magnifique, premier cadeau du jour. 


Lever de soleil  au delà de la frontière, sur la mer

Un petit crochet sur les hauteurs pour visiter une entrée de mine de fer que je n'avais jamais entrevue et me voilà au Col de la Cirera, départ de 3 chemins de randonnée.



Au dessus du sentier

La brume s'avance dans le Vallespir et ajoute sa tour à celles de Corsavy et Batère

 Ce sera, ce jour, résolument droit dans la pente. Le Pic Gallinas ? Peut être...Les bourrasques revenues me font douter: à 2050 m, avec du vent c'est le demi tour assuré. Mais la météo est aussi capricieuse et désinvolte que les sites consultés.


Au col de la Cirera 1729 m

La montée sera dans ce site où l'on trouve de nombreuses scories
vestiges d'anciennes forges à  bras : mais pourquoi dans cette pente énorme ?


J'aime cette montée sévère, 35 °, un pierrier où serpente un sentier, quelques passages gelés à éviter, il n'y a pas de neige mais la dernière chute s'est incrustée dans certains passages. Ce pierrier est parcouru en ligne de crête je peux donc admirer à loisir les sites de mes deux précédentes randos, au loin. A présent j'ai une lecture nouvelle du paysage et je la savoure mot à mot, cette lecture. Je connais par coeur ce chemin que j'arpente pour la 4 eme fois, dont 3 en hiver et j'ai même la mémoire des altitudes.

Le site de mes précédentes randos : Bois de Patriques  dans la partie rocheuse


Du côté de las Roquetas (prairies)


1820 m, le début de cette grosse pente, 2010 m, le terminus avec un petit col horriblement venté; pause calories et je bascule en versant sud, escarpé, silencieux, majestueux, dangereux en cas de chute. Je le disais...voir les lieux avec un regard neuf à chaque fois, et la rando est réinventée. Cela je sais faire, on dirait que mon regard est recréé à chaque sortie...et il le sera encore à la prochaine !


2010 m, le "Col du vent", entre Conflent et Vallespir

Le passage clé arrive, 2095 m, j'ai parcouru 5.3 km et je rencontre les premiers humains, trois sympathiques chasseurs frigorifiés comme moi. Qui s'inquiètent pour moi : marcher seule ? Et l'accident possible ? Ils m'enveloppent de leur sollicitude, mais ne m'instillent pas leur inquiétude....

Tiens, pas un souffle d'air, comme c'est étrange. La vue porte loin mais le champ visuel raccourcit à vue d'oeil, la brume, insidieuse, blonde et grise, pâle et mouvante s'invite à la table des ces vastes pentes rocheuses, des forêts de sapins en second plan et masque déjà l'arrière plan, elle fond sur moi. Décidément, ici, c'est le col de la Sérénité Compromise.

Le col "de la Sérénité Compromise", la brume vient du Conflent
Normal, je fais des infidélités au Conflent, alors il se cache à ma vue!


Je ne réfléchis pas trop, je vais monter une trentaine de mètres, et on verra. 

Et ça me plait, la ouate


J'ai un GPS, je ne me perdrai pas, mais je perdrai la beauté du paysage et c'est dommage. Alors commence la valse lente, celle de l'hésitation  alternant avec la résolution, celle de la brume et de ses circonvolutions. Le paysage est extraordinaire, tantôt ouvert à l'infini, tantôt borné au plus près, et bien, je continue à monter. Subjuguée; assurément, la brume qui me terrifiait il y a peu me subjugue à présent : on évolue donc à tout âge. J'avais prévu, à partir du col, de fausser compagnie au sentier et de monter au Gallinas à travers la vaste cuvette, hors sentier au gré de mes envies. La brume m' a invitée à la prudence. Et puis sans panorama, cela valait il la peine ? 


Monsieur Soleil a changé de look


Je me donne des limites, je les franchis, l'une après l'autre, comme un métronome,  et, finalement, je n'ai pas à m'en plaindre : arrivée sur la ligne de crêtes, à 2274 m, la brume est comme une mer intérieure dans la grande cuvette en dessous de moi, et tout le reste, les sommets, les lointains sont éclatants de lumières changeantes, de couleurs, de nuances, oui la Nature joue les artistes. 


De là d'où je viens



Eus, le plus ensoleillé village de France

La brume coule d'une vallée à l'autre



Dans l'échancrure, Roc Nègre

Le Gallinas me tend son dos rond, près de 200 m plus haut, j'y vais. 


Le Gallinas

La crête qui conduit au Gallinas

Il ne fait pas très chaud, deux petits degrés se baladent sans vent, je vois la brume couler d'une vallée à l'autre, comme un fleuve. A propos de fleuve, la vallée qui gronde habituellement 700 m en contrebas, dans "El Faig" reste muette. Manque d'eau...Le dernier plan incliné qui conduit au Gallinas est en général très plaisant, malgré la déclivité car le décor est beau où que l'on regarde. Aujourd'hui, il va, vient et disparaît au gré des courants, un jeu de cache cache fascinant.


La valse lente



Vallée des Plans du Canigou, crête du Tres Vents, 2731 m



Le roc Nègre en extrémité et son arête. 2714 m



Vue d'ensemble et montée au Gallinas



La plaine, la mer et mon village


 Il n'y a plus personne dans les parages quand un drôle d'appel me parvient : mon regard découvre, tout proche, un troupeau d'isards qui me contemple, curieux comme toujours. Ils suivent mon conseil et s'éloignent en altitude.




Cache cache avec la brume pour le Pic


Mon chemin parcouru, sur la crête menant au Gallinas


2465 m, 7.17 km,  3 h de temps de marche, je suis arrivée.


Sommet !

Me voilà seule au sommet, je vais profiter du panorama même si le proche Canigou est coiffé et ne consentira pas à pointer le nez. 


La crête du Très Vents, la vallée : els Plans del Canigou et El Faig


Vers le Canigou, le Barbet le Puig Sec, tous coiffés



Là en face mon parcours de la semaine dernière




Tenue grand froid

Je me faufile à plat ventre dans le minuscule orri créé par je ne sais qui. Il est un nid de courants d'air, la température est de moins 2 degrés et mes mains glacées n'encouragent pas mon estomac. Repas rapide et frugal, le plus beau est le paysage qui s'inscrit dans ce triangle, mais sont occultés le Puig Sec, le Barbet et même la pointe du Canigou. Cachez vous, je vous connais...Je ne traîne pas dans ce frigo, mieux vaut marcher . 



Au restau ! Enfouie...

Petit tout petit l'orri
Cairn sommital au dessus





Panorama depuis le restau

Après un rapide regard au Pla de las Egues 100 m en contrebas, je reprends le chemin à l'envers. la brume s'est réinvitée et m'enveloppe de grises soieries alors que la plaine et la mer restent résolument bleues. 


Du coton sur la Pla de las Egues


Je ne traîne pas dans la descente et, soudain, je découvre mes trois chasseurs blottis au bord du vide, qu'ils connaissent mais qui est dissimulé par une brume à présent épaisse; ils savourent un repas de chasseurs soit des charcuteries et fromages de qualité savoureux jusque dans le nom. Je leur fausse compagnie : s'ils ont fait chou blanc au niveau gibier, ils n'ont pas des vaches maigres au menu. 


Terre/mer


J'y vais 


Les drôles de dalles


Site minier de la Pinosa



Je file dans la pente et la brume qui font bon ménage et je devine deux silhouettes dont l'une porte un fusil. Voilà un couple de chasseurs atypique ! Monsieur chasse et Madame, pour ne pas s'inquiéter accompagne scrupuleusement son mari à travers pierriers, forêts, terrains infernaux : ils ont 80 ans et une vitalité d'enfer! Séquence admiration....

Valmanya

Gros plan


Incroyable décor


Vers  Pel de Ca, Saint Pierre et Pic Estelle


Les vertigineux ravins du Correc de les Canals (de Leca)



Et toujours ce splendide décor en plein regard !


La brume m'a lâchée et à présent quelques flocons épars volètent alors que dans mon dos se plombe la montagne dans un grand silence. En voilà une autre atmosphère belle comme un cadeau. Les flocons deviennent de plus en plus denses, davantage grésil que papillons mais le sol se ponctue de blanc, les sapins sont  zébrés de traits obliques, le parfum est celui de l'hiver, je suis heureuse, en marchant d'un pas vif. 


ça y est : d'où je viens il neige, où je suis aussi

Le temps de remettre sur rails un jeune inconscient des montagnes, comme il est parfois donné d'en rencontrer, le faire repartir à fond de train vers là d'où il vient (13 km quand même et deux heures de jour vu le temps), nanti de l'image que je lui ai offerte, du jeune mort congelé dans une joli décor qu'il pourrait à la rigueur devenir, et me voilà attablée devant un bon repas chaud, devant "le poêle", en regardant tomber la neige. Déjà j'imagine un blanc manteau pour demain mais...pfft...demain ce sera encore une poussière quasi invisible.

Arrivée


Toui le site s'est enrichi d'un parcours pédagogique et 
historique , sur l'exploitation minière



Cette fois, pas froid aux doigts !
Ni à l'estomac...


Le lendemain...depuis mon village : 


Pic de Gallinas : 16 janvier



Mon trajet depuis le col de la Cirera

Additif : la randonnée estivale au Roc Nègre (clic)
Randonnée effectuée avec Alain et Christelle en août 2019

En chiffres

Distance : 13.2 km
Dénivelé : 1100 m
Temps de marche : 5 h 11 (3 h pour le sommet)
La route : 95 km AR



Le trajet ; il était prévu différent mais la brume m'a invitée à suivre les cairns