lundi 25 juin 2018

L'arche du Petit Dru (Vingrau 66)

Un de mes défauts est l'obstination. Une des mes qualités est...l'obstination.
Les deux conjugués m'ont conduite à l'arche du petit Dru. J'avais fait la tentative  de lui rendre visite et j'avais échoué, c'était le 6 mai dernier (le récit en un clic). Je comptais sur mon opiniâtreté, c'est gagné.
J'avais mûrement réfléchi et conclu que puisqu'une chaîne m'avait stoppée par le bas et bien, j'aborderais le chemin par le haut.

Je partis assez tôt le matin pour éviter l'intense chaleur estivale de ces garrigues et de ces rochers calcaires surchauffés par le soleil.


Cependant, l'histoire, se situant face nord, devait demeurer clémente un bon moment.
A 8 h, je démarrai du parking d'escalade. Il n'y avait personne encore.





Dans mon sac l'inévitable casque, la corde au cas où...(ça peut servir dans un pas difficile pour descendre) et 1.5 l de boisson. C'est l'été !!
Et surtout, fruit de mon obstination, une grande motivation.
La balade allait être courte, j'avais un but sans fioritures et, pour la montée, sans surprises. Enfin la surprise, c'est son originalité, s'invite toujours dans l'attendu.




La montée en sentier est sévère et plaisante dans l'ombre fraîche et odorante. Les plantes s'éveillent.
Dans mon dos, la combe plantée de vignes s'éveille aussi au grand soleil d'été. Tout est silence ce matin.



Dans cette ligne de crêtes continue, la route pourtant passe dans une saignée naturelle

Je quitte le sentier et bifurque vers un couloir , une saignée dans la paroi rocheuse.

Au pied des falaises
 Je sais que je vais me régaler, c'est mon sport favori, ces couloirs très pentus, glissants à souhait, déserts au possible et où la marche devient musclée : soit les éboulis nous renvoient d'où l'on vient, soit on s'aide des rochers pour s'agripper, soit on les escalade franchement.

Balisage naturel : la roche me dit
"ce n'est pas un chemin de randonnée,
 on ne passe pas !"

Je vais là haut mais on passe: un peu de varappe,
et du sentier

A l'entrée du couloir, sentinelle de pierre

Je l'escalade un peu pour le plaisir

Falaises, Tautavel, son vignoble,  et Canigou en fond

Alors chaque pan de mur, car ce sont des murs, est un extraordinaire jardin où poussent dans des interstices, des romarins, des buis, des genévriers, enfin tout ce qui pourrait pousser à côté mais choisit ce sol insolite  car il doit y trouver son compte. Seuls les chants d'oiseaux m'accompagnent et le roulement des pierres que je dérange par vagues.





Jardins suspendus

























Je suis enserrée de verticales murailles avec lesquelles le Canigou joue à cache cache. Un décor qui m'enchante à chacune de mes excursions là bas.


Vue vers le bas (on ne dirait pas )





Vue vers le haut


























Je me plais à un peu de voltige, qui m'élève au dessus du couloir et me permet de savourer le paysage désert à l'exception des agriculteurs qui soufrent leurs vignes dans un blond nuage de poussière.



Les portes végétales du ciel


Soufrage de la vigne (zoom)



Le couloir s'ouvre sur les crêtes, le soleil, la grande lumière de l'été, les étangs et la mer.




Arrivée sur les crêtes, je cherche des yeux le couloir prochain, celui qui doit me conduire à l'arche, quand , soudain, je la vois : elle avait échappé à mon regard au cours de mes précédentes balades, sans doute car je n'avais pas longé la crête. Très discrète, elle ouvre tout près son oeil sur les collines, alors que vue d'en bas, elle l'ouvre sur le ciel.
Ouverture modeste sur la vallée d'où je viens

Comme un enfant qui s'émerveille, ce dont je suis encore capable à mon âge, je  vais à sa rencontre.
Me voici presque à sa porte, je n'irai pas plus loin car elle ouvre sur un vide impressionnant et vertical de plusieurs dizaines de mètres.
Je suis devant l'ouverture

Vue d'en haut c'est une simple arche pas très grande et dans sa fenêtre, si cela ressemble à un paysage liquide c'est juste le plateau de maquis qui s'étend entre Vingrau et Tuchan. Monochrome et sans relief.
L'ouverture de l'arche (côté sud) et, en fond, le plateau entre Vingrau et Tuchan

Bien sûr je pourrais remonter et j'aurais rempli ma mission; aller à l'arche. Mais il y a quand même cette fichue chaîne que je n'ai pas réussi à grimper donc je vais essayer de la descendre!
Je m'élance dans le couloir, véritable entonnoir très très pentu, sans difficulté aucune sinon la glissade mais j'use du frein moteur que sont les rochers. Vue du sentier, l'arche est fort impressionnante, enfin c'est son décor qui l'est. Jugez donc de cet à pic vertical, cette tenture grise et froide qui conduit à cet oeil impassible.


Côté  nord, elle est plus impressionnante

Le sentier, coincé entre deux murailles est étroit et aboutit à un goulet rocheux de plusieurs mètres de haut dont une partie est équipée de la chaîne qu'il faut redescendre dans la posture peu élégante, la seule qui sied à ce genre de sport. Je laisse filer mon sac au bout de la corde, il va m'attendre en bas, les bâtons le suivent et prennent leur envol jusqu'au pied du mur. Le sac, si je ne peux descendre, pourra remonter tout seul, la corde est attachée à ma taille.

Le goulet rocheux de descente

Et me voilà, après une petite désescalade en roche, avec la chaîne  aux pieds.


Je l'empoigne et descends sans problème à reculons, à la force des bras, essayant de trouver une ou autre prise pour les pieds, mais ce seront les bras qui vont travailler, au vu des courbatures du lendemain!
Pas élégant mais y a pas le choix !
Evidemment, une fois en bas, je n'ai qu'une idée, remonter pour comprendre ce qui m'avait stoppée le 6 mai : aucune difficulté, juste le manque de confiance en moi. Voulant faire un selfie, je prendrai le chemin plusieurs fois, ce qui explique les courbatures aux entournures ! Ma tête n'a pas l'âge de mes muscles ...
Il me reste un pan de mur à descendre sans surprise, et me revoilà dans les éboulis du pied de la muraille.
je viens de là haut
et je me suis "éclatée"

Je récupère mes affaires éparpillées et à travers les buissons je rejoins les environs du cabanon, petit refuge dans lequel il y a paraît il, "des araignées comme ça" selon Nico qui y joint geste d'ampleur et mine dégoûtée pourtant ils n'est pas "marseillais". Mais bon, nulle envie d'aller vérifier !


Le casot

Par contre je me repais du spectacle de cette arche et du Petit Dru qu'un pilote amusé par mon amusement va surligner (drôle de coïncidence) pour mon regard enchanté : il prend la tangente vers l'est .






Comme il est tôt pour rentrer, je grimpe sur la crête en face et vais me jucher sur un rocher (il n'y a que l'embarras du choix) afin de profiter d'un magnifique paysage et d'un bain de soleil en tenue d'été.
Un petit casse croûte, une séance de dessin et d'écriture, la vie est belle...

Mes trajets vus de la petite crête

Depuis la petite crête altitude 462 m

Mini désert

Je n'ai plus qu'à redescendre et suivre le sentier en bas
L'éperon rocheux au milieu ? Photo ci-dessous

Le retour sera prudent, la grosse chaleur, si elle vide mes 1.5 l de liquide, peut remplir les lieux de vipères: ce serait trop bête de mourir mordue après avoir retrouvé l'arche perdue.

L'éperon rocheux et le Canigou

Car dans mes projets, d'autres arches en plein ciel m'attendent, du côté de Maury cette fois .

Un peu plus loin, à Vingrau, sous la tonnelle de "Lou barral", voilà ce qui m'attend !

Filets de rougets etc....






lundi 18 juin 2018

Toute cette eau....Les Bouillouses

Il y avait beaucoup d'eau en ce mois de juin. Bien trop d'eau venue du ciel , qui nous faisait oublier le bleu du ciel, le bruit du vent et la chaleur du soleil.
Chaque jour était novembre même s'il ne faisait pas froid; cela en était désespérant.
Entre averses sporadiques et déluges momentanés, j'appelais cela "la mousson catalane".
Et si je le mets à l'imparfait c'est juste parce qu'hier, soleil, vent et ciel bleu sont revenus.
Mais déjà, ce jour, novembre a repointé son nez et une averse a furtivement glissé sur la campagne .

Sous la pluie et la grêle réunies
Voilà une semaine, je décidai , malgré le temps maussade, d'aller aux Bouillouses, ce site si charmant tout au bout du département. Un épuisement comme j'en connais parfois est un bon moteur pour partir : me reposer, ailleurs, devient une nécessité .
Je pris la route avec quand même l'espoir d'une petite balade dans ce que l'on nomme "Désert du Carlit", une sorte de plateau cerné de sommets et émaillé de lacs, un ancien cirque glaciaire évidemment. Plus d'une dizaine d'étangs auxquels s'ajoutent des "basses" soit des étendues marécageuses à 2200 m d'altitude. je comptais pousser mes pas vers les Coll Roig, sur ce plateau dont une grande partie m'est inconnue.
Je déchantai fort vite, la grisaille ne lâchait rien.
La pluie rattrapa ma route et m'accompagna sans faillir. A Mont Louis, cette eau venue du ciel s'orna de jolies petites billes blanches : le grésil.

Cambre d'Ase sous le déluge

St Pierre / la Cabanasse strié par l'averse

Les lilas rappellent que ce n'est pas l'été

Je commençai à douter mais l'envie de Bouillouses fut la plus forte.
Que d'eau !!

Monument à Emmanuel Brousse
En fond le Cambre d' Ase

La route étroite sur 13 km longe la rivière La Têt, née aux Bouillouses mais cette fois, c'était une belle rivière tantôt calme et large, tantôt bouillonnante et endiablée, comme si elle avait le Diable aux trousses. Le ciel s'étant calmé, je m'octroyai un moment de repos/écriture au bord de l'eau, mais personne ne s'attardait en ces lieux pourtant très plaisants ...oui, sous le soleil revenu me saluer pour me laisser imaginer que...peut être...  Que nenni, oui !

Un peu de soleil dans tout ce vert et
sur l'eau froide

La Têt

Repos au bord de l'eau



La Têt endiablée

Moment de rire : elle refuse de s'écarter
Je dois la pousser avec le camion
Les Bouillouses croulaient sous la grisaille qui me laissa entrevoir quand même deux Péric chapeautés et sur leur gauche la Serra de l'Orri et la vallée de la Llose bien enneigée encore.



Les Péric maussades  et à leur gauche, vallée de la Llosa

Avant le barrage : années 1900
Tandis que grondait au loin le tonnerre, des gouttes de pluie rendaient encore plus sinistre le paysage, les eaux noires du lac et les Péric qui, après m'avoir saluée d'un grand coup d'ailes, devait disparaître à ma vue pour le reste du séjour.

Au centre, la noire Serra de l'Orri et ses 2711 m


1955


63 ans plus tard
la petite fille de la barque a vieilli

Autre temps des barques
Mes grands parents étaient enfants à cette époque là

Je me promenai un moment dans un paysage franchement et fraîchement désolé, étant presque la seule habitante des lieux. Un pêcheur courageux et éphémère, un campeur gelé, quelques filles et femmes seules venues certes pas chercher l'été ou l'âme soeur, ne s'attardèrent guère sur la digue du barrage, véritable belvédère. Les lieux de vie étaient fermés à l'exception du Bones Hores où je ne suis jamais allée, je m'en aperçois en écrivant ces lignes.

Chalet Hôtel des Bones Hores

Imperturbables, vaches et chevaux donnaient de la sonnaille sous les averses fines et pénétrantes.



Toutefois, après la balade, je me réfugiai dans l'abri bien chauffé de mon camion, dont j'émergeai pour le repas du soir au petit refuge CAF où Christophe concocte des repas magnifiques. La tablée n'était que de 5 mais conviviale, c'est aussi le charme des lieux.

Un matin plus loin après une nuit de repos que la chanson des averses effleura à peine, la brume rôdait autour du lac, sur le lac, se permettant parfois une escapade noyée de ciel bleu mais revenant à la charge, décidée à ne pas lâcher un pouce de terrain .

Calme et silence 

Le Barrage année 1904 et 2001 m d'altitude

Construction du barrage: 1903 / 1910
Je continuai ma lecture interrompue par la pluie : depuis 2017, un grand livre de métal raconte au fil de ses lourdes pages l'histoire de la construction du barrage; une fascinante épopée très joliment contée.

Le livre du barrage


Le livre dans son décor (ou ce qu'il en reste ce matin)

La brume s'obstinait , m'enveloppant comme si je fusse devenue fantôme, aucune perspective de balade à moins de m'y fondre, de m'y perdre.
Au parking : en 1ere plan, le déversoir du barrage
coule à pleins flots


Sagement je décidai de rentrer. Comme le déversoir du barrage trop plein,la Bouillousette, cette étendue marécageuse rarement noyée était devenue telle que pouvaient la voir les constructeurs du barrage lorsque les lieux étaient deux zones marécageuses en ces années 1900.

La jolie Bouillousette

Les pins à crochets pleurent leurs larmes de pluie


La route étroite et bordée des (mal) odorants genêts purgatifs que je nomme "le soleil d'or de la montagne" offrait en ce matin quelques jolies perspectives d'accidents : des pêcheurs pressés, comme si le lac dut s'évaporer, montaient à toute vitesse imaginant la route déserte.

La route construite en 1903



Mimétisme


Je laissai la route à ses brumes et à ses chauffards, la rivière à ses gros bouillons tonitruants et filai vers ma plaine, 95 km au delà, toujours noyée de grisaille, évidemment.







En projet sur mon 2nd blog : la construction du barrage, inspirée par "le grand livre du barrage", à consulter in situ, devant l'Office du Tourisme des Bouillouses