mercredi 28 février 2018

Prélude au "Cami dels burros" ou chemin des ânes. (Puigsacalm / Olot/ Catalunya)

Quand je tombe amoureuse d'une montagne ou d'un lieu (ou d'un auteur) je n'ai qu'une envie, approfondir ma découverte. C'est ce qui me conduit à nouveau au Puigsacalm gravi la semaine dernière. La fenêtre météo est pour lundi, pourtant quand j'y arrive en ce dimanche après midi, le temps annoncé maussade est bien clair et ensoleillé et me réserve du haut de mon perchoir (petite route de Vidrà) de superbes points de vue ; je lis, j'écris, je dessine, comme à mon habitude.

La montagne du Puigsacalm vue sous un autre angle
(Vall d'Enbas)
Vue de la route St Privat / Vidrà
Le vent d'ouest glacé se lève, je me pelotonne à l'abri et je regagne mon dortoir de Joanètes, où je me sens si bien.
J'y retrouve les mêmes ingrédients, la cloche "sonnée" qui sonne l'angélus à 3 h de la nuit, une lune fort bizarre dont j'aurai plus tard le secret et un lever de soleil caché dans les lampadaires du village.

Vu depuis ma chambre: à droite la lune et son crochet , le soleil enclos dans le réverbère

Au matin, tout est beau, clair et ensoleillé mais....la montagne est couverte d'une chevelure de brume dont j'imagine aisément qu'elle va perdurer. Je connais ce phénomène.
La déception est grande : j'y vais? J'y vais pas ? La peur de m'égarer bien sûr.

La montagne du Puigsacalm follement coiffée
 Je me prépare pourtant et monte au Col Bracons désert, on est lundi. Deux randonneurs arrivés après moi me déconseillent, seule, de partir. Eux prennent le chemin classique, moi ce serait "els burros". Les ânes...où je serai le seul spécimen du jour en la matière!

La voisine d'en face : Serra dels llancers
Et je me retrouve seule au bord de la route.

Je réfléchis quelques minutes puis décide de partir en reconnaissance, juste voir le départ du sentier. Je suis en tenue, je ne prends pas de sac, je glisse dans ma poche quelques fruits secs, l'appareil photo et je pars pour dix minutes. Je reviendrai 3 heures après !!

ça grimpe bien 

Le "cami dels burros" est un chemin qui, après un tronc commun avec le chemin normal, bifurque sur les crêtes qu'il va suivre au plus près , en montées et descentes, jusque presque au Puigsacalm, aux Rasos de Manters. Là il plonge résolument sous les crêtes, face sud et longe la muraille, à flanc de montagne, jusqu'à la chapelle de Sta Magdalena. C'est le tronçon le plus passionnant car on marche à flanc de montagne, dans la roche, contre la roche, avec du vide sous les pieds, des falaises sur la tête, quelques cordes pour si on n'a pas le pied sur et des panoramas époustouflants plein les yeux : pour profiter de cette beauté et de cette originalité, mieux vaut un temps clair : aujourd'hui, c'est "rapé".

C'est pourquoi je me contenterai du prélude, déjà très plaisant.
Le parcours se fait en falaise (ce sera pour plus tard)

Gros plan sur le Cami dels burros

Les dix minutes sont bien entamées : le sentier monte très fort, entre hêtraie à droite, hêtraie à gauche, quelques ouvertures dans la brume. La brume n'est pas épaisse, le soleil pâle, le sentier bien tracé même s'il n'est pas balisé, ce serait surprenant de se perdre. La brume reste fluide.

Beaucoup de charme à ces paysages




 L'atmosphère est plaisante, silence, solitude, tout est feutré, même les lointains, des nuances allant du gris au bleu. Traversé de blond avec le soleil.

"Dérangeant ", pense t'il
Je me sens observée, je lève la tête....

Aide musclée et efficace



Deux passages très raides sont agrémentés de chaînes pour en faciliter l'ascension : je mets mon point d'honneur à ne pas les utiliser. Avec mon habitude de la roche, c'est superflu car facile. Mais pour quelqu'un qui n'a pas "le pied marin ", c'est une bonne initiative qui permet à tous de faire ce chemin fort plaisant. Certes je m'aide avec les mains et comme j'ai le nez au sol et bien, j'ai le nez dans les premières violettes, transies de froid, altitude 1300 m.




Le chemin parcouru, en crête


 Finalement je suis heureuse de cette brume qui donne une très belle atmosphère. Je n'en ai même pas peur, alors que le moindre nuage en montagne me terrifie! Là je la savoure. Les arbres, en crête, et les végétaux, sont givrés: le brouillard de la nuit a été givrant et toute la structure du végétal exposée plein ouest est saupoudrée de blanc, c'est magnifique.
Il y a des crêtes sur ma route donc des pics : modestes, certes mais plaisants, tel ce Tossell Gros (1462 m)  avec ses petites sculptures en cuillères et fourchettes ! C'est poétique et mignon!


Puig Tosell Gros 1462 m

Le même vu de la route (au zoom)


Petits personnages ?
Détail de givre

Tout est givré

J'adore ces atmosphères de brume tout en les redoutant (en montagne)

 Après ce Pic le chemin est facile, mais il est quasi tout en neige, un peu gelée donc glissante; sur les passages en dévers je fais attention d'autant qu'il en est un de très long ce qui me garantirait une belle glissade ! Cela me permet de me désaltérer car je suis partie sans "moxilla" (sac en catalan).
Aujourd'hui ce ne sera pas tee shirt : je reste bien couverte, le froid humide est mordant et corrosif.


Un hêtre énorme 

Bien enneigé encore ...et ce n'est pas fini, elle est annoncée
Me voici au débouché de la forêt, sur les Rasos de Manters ou els Clivillers, altitude moyenne 1450 m, je traverse les prés gelés , je croise la route de nombreux animaux (empreintes) qui vont boire à la Font Tornadissa.
Rasos de Manters


Els Clivillers 1450 m

Au portillon de bois je rencontre une jeune femme solitaire qui monte au Puig par la voie normale; nous ferons ensemble le tronçon final. Je laisse à ma droite le sentier qui plonge en falaise vers le "cami dels burros" ce sera une prochaine fois. J'ai encore une fois l'occasion de voir la différence d'allure entre moi et une jeune femme de 33 ans ma cadette. Je la suis mais je souffre, le souffle court, d'autant qu'on bavarde, mais c'est encore une jolie rencontre. J'ai la forme, "la pêche" mais le souffle ne suit pas...Toujours ce souci qui ne guérira jamais, je le sais. Et me fait redouter les randos en compagnie. Dommage parfois...
Nous arrivons au Puigsacalm, elle repart tout de suite , ses obligations maternelles l'attendent. Je m'attarde un peu , il n'y a personne. Le point de vue est quasi inexistant, noyé dans la brume.


Au sommet du Puigsacalm , Puig dels Llops en fond

Puigsacalm 1514 m

Puis je reprends le chemin à l'envers, je choisis de refaire le même il est plus court que l'autre, plus "roulant" car moins glissant. Et puis je le trouve beau...et ... il y a des passages escarpés ce que j'aime!
Dans ces falaises passe le Cami dels Burros

Je savoure ce retour, la brume est plus épaisse, l'atmosphère encore plus ouatée, le vent fait naître un grondement dans les arbres d'où se détache une pluie de givre, les lointains jouent à cache cache avec des rais de lumière et pas le moindre humain ni animal à l'horizon.


La brume s'épaissit et rend le paysage magique




Descente sans chaîne pour moi




"Renversant" dit le chat


Peu après mon arrivée au camion, vont me rejoindre Jordy et Montse, les deux randonneurs du matin : nous ferons longuement connaissance (en catalan) et même quelques projets de futures randos ensemble.

Je reste absolument seule sur une route où il ne passera personne, dans un froid vif, pour mon repas de midi.



Finalement si je n'ai pas vraiment fait le "Cami dels burros" les ânes, je les rencontrerai quand même ! Juste un peu plus bas.
"Contrariant" dit l'âne


Et moi je dis : "A bientôt" pour "Els Burros" et "Els Ganxos"...
Ah elle en réserve des curiosités cette montagne !


lundi 19 février 2018

Puigsacalm (1514 m) et Puig dels Llops (1486 m)

Après ma balade "pluviale" de la veille contée ici (clic), la météo tenait ses promesses, cela en paraissait irréel.Quel matin à mon réveil à Joanetes, petit village proche d' Olot en Catalunya!!


Les vallées étaient certes noyées de brume  mais au dessus de ma tête, la montagne s'habillait déjà d'ocre pour saluer dignement le soleil. Je brûlais d'impatience de faire sa connaissance!


Joanetes : la montagne au petit matin, je vais là haut


Des langues de brume s'effilochaient, ourlées de rose, dans un mouvement langoureux, le printemps sonnait à la porte de ce matin rieur. Même les oiseaux s'en donnaient à coeur joie!



Je ne traînai pas et grimpai au Col de Bracons, à 7 km, lieu de départ pour le Puigsacalm.
Tout en bas dans la vallée (zoom)


Ce n'est pas une montagne de grande envergure mais elle a un caractère bien trempé, se jetant dans le vide du haut de verticales falaises tourmentées. Elle m'offrait l'attrait de la nouveauté, j'avais parcouru 100 km sous la pluie pour la retrouver, elle avait donc décidé de me faire honneur avec ses plus belles couleurs!
Détail de la morphologie de cette montagne 

Col des Bracons : 1212 m, limite entre deux provinces, Gérone et Barcelone. Le départ se fait de façon musclée et originale : une petite falaise à escalader!

8 h 53, je démarre 

Sans transition on entre dans la hêtraie dénudée, qui partage son territoire avec des buis, il en sera ainsi jusqu'au sommet. Je me sens un peu ridicule avec les guêtres que j'ai mises plutôt pour l'humidité, je n'aurai pas à les regretter. Le sol est détrempé, glissant au possible car glaiseux.


Le sentier serpente gentiment plutôt dans l'ombre, dans le silence et la solitude. Mais elle sera une denrée rare aujourd'hui : on randonne beaucoup là bas. Et les bois vont retentir de voix, de foulées sur les feuilles sèches, de vie, enfin. Accompagnée par quelques chants d'oiseau. Oui ça vit et ça bruit.



Mes guêtres ne seront pas ridicules, la neige est rapidement là, je marche plutôt côté nord et ouest, mais il ne fait pas froid...enfin je n'ai pas froid...car tous sont chaudement vêtus.
Je me sens incroyablement bien dans ce décor .









Le parcours est compliqué par la neige gelée: c'est juste verglacé et très glissant , les crampons conviendraient bien à mon âge ! Après la première chute, brutale et lourde je vais redoubler de précaution, la hanche douloureuse. Je marcherai plutôt "sur les trottoirs enneigés" et moins durcis et ce jusqu'au sommet. Je croise des trailers, ils n'échappent pas aux chutes mais sont plus agiles. Les randonneurs en Catalogne ont une génération (si ce n'est une et demie) de moins que moi.




La font de la Tornadissa, une petite fontaine peu fréquentée en cette saison est dans l'ombre d'une pente fort gelée, en dessous de ces grands hêtres : ici le chemin tourne résolument vers la droite et débouche sur un vaste plateau où l'on a envie de dire "wouaouhh!". Ce sont des prairies, des pâtures, et tout au nord, la longue et étincelante chaîne des Pyrénées captive mon regard.


Ils sont là, sagement alignés, je ne les reconnais pas tous mais il y a le Puigmal, la Tossa Plana, le Geant, le Costabonne et d'autres encore.


Le Canigou
La Pedraforca aussi montre sa splendeur



Avant que la forêt ne m'avale , aussitôt franchi le portillon de bois délimitant les pâtures. Ultime morceau de chemin, empli de lumière, le sommet se devine. Peu pentu, peu pointu mais
ouvrant sur des à pics vertigineux, des falaises tourmentées et des paysages à couper le souffle : Puigsacalm, 1514m, 10 h 46.


La Pedraforca

Joanetes (1er plan) et la Vall d' Enbas sous la brume

Joanetes au zoom


El Montseny au fond et le torrent de brume de La Calma entre les deux montagnes


Notre Canigou
Il y a du monde au sommet et un randonneur me conseille le Puig dels Llops (des Loups) que j'avais inscrit à mon programme. A peine un peu plus modeste il est moins fréquenté mais plus "rock and roll" à mon goût. Je me régale de ce tronçon séparant les deux pics : en crête, à l'aplomb des falaises, enneigé et ensoleillé c'est magnifique !

Le pic dels Llops (haut gauche) et le relief tourmenté


Le Puigsacalm vu du Pic dels Llops , la crête et le vide



Montée au Pic dels Llops


1486 m

La Vall d'en bas et la chapelle de Sta Magdalena del Mont dans la neige

Bien qu'il soit de bonne heure, je préfère redescendre, le chemin est fort glissant, je ne vais certes pas courir !!
La neige étincelle au grand soleil tandis que des thermiques montent avec grâce le long de la muraille et s'évanouissent dans les airs comme une longue chevelure



Je redescends d'un bon pas croisant une foule assez dense de marcheurs et de chiens ! Qu'est ce qu'il y a comme chiens !




Je marche avec un beau paysage devant moi, les blancs sommets, les vallées émergeant de la neige de dimanche dernier, la nature s'ébroue.
Vidrà


Je plonge en forêt redoublant d'attention, si ce n'est gelé, c'est boueux, ça glisse de partout!
Je suis prudente mais je descends vite et bien, satisfaite de moi !

Glacé ou boueux ? Prudence oblige

Pourtant ce ne sera ni l'un ni l'autre qui auront raison de mon équilibre mais mes deux chaussures (ou guêtres) s'accrochent ensemble, les grosses sottes, et je fais un vol plané, tête la première sur une pierre du sentier . Rien de grave : le nez en sang, les lunettes par chance intactes, des courbatures qui me feront quelques souvenirs...J'ai eu beaucoup de chance...

Alors arrivée au grand soleil, rien ne vaut un petit réconfort !

Temps de descente depuis Els Llops : 2 h15


Je viens d'en haut et par d'autres chemins j'y reviendrai...Un projet original, au printemps, quand les sols seront secs et la hêtraie en bourgeons, ce sera tellement plaisant. ça va vraiment me plaire ! Cela devrait aussi vous plaire, ce chemin au curieux nom de Cami dels Ganxos.

Pic de Puigsacalm


En chiffres
Dénivelé positif cumulé : environ 400 m
Distance : env 8 km
Temps de marche : 4 h 15
Trajets en voiture : 320 km