mercredi 31 janvier 2018

Saint Pierre et Estelle, rencontre aux sommets à plus de 1780 m

Et oui ce sont les noms de deux pics voisins, séparés par le Col de Pey.


Situés à 1791m et 1782 m d'altitude, ils se regardent depuis toujours et ne se rencontreront jamais.
Ils se situent dans le Massif du Canigou, superbe massif proche de chez moi, où je ne mets jamais les pieds !
Pourquoi ? C'est toute une histoire...

Parfois il faut oser bousculer l'Histoire, ce que j'ai fait ce 28 janvier.
Ce n'est pas loin juste une cinquantaine de km  pour me rendre au terminus de la route, à Batère, ancien site minier fort important, un des sites du Massif. A 12 km de Corsavy, le dernier village (777 m alt). corsavy dont la place est un superbe balcon sur mer !

Corsavy

De mon village, ce massif est le décor, et le lieu où je vais en est le balcon. Ce qui fait que du balcon je verrai...le jardin !

Ce matin, depuis mon village, mon site de randonnée
J'arrive tard au terminus, mais la balade que je veux faire est juste facile et courte donc une "promenade grand mère", grand mère au pied sûr toutefois !

Il a neigé ces jours derniers,  je vais un peu patauger, cela commence avec mon kangoo non équipé, mais il ne souffrira pas de froid aux pieds.

Derniers km


Comment vais je m'équiper ? Léger, il fait beau; juste un coupe vent, pas de raquettes mais  des crampons destinés à ne pas quitter le sac, ce sera bien vu.
Tenue du jour : tee shirt




J'évite le sentier trop fréquenté, je préfère un bon tout droit mais je ne choisis pas le bon côté de la combe enneigée donc je ne la traverserai pas de suite, puisque la neige accumulée est épaisse et très fluide : je vais m'y enfoncer.

Là où je vais marcher (la photo écrase la pente)
Alors je grimpe, dans la pente herbeuse, foulant quelquefois une belle poudreuse bien meuble.
Pour éviter la coulée de neige il me faudra monter tout en haut !
Sur ma route que vois je ? Et bien la tour de Batère, tête en mer et pieds dans la neige, la plaine et la mer au loin, le ciel d'un bleu intense, des sommets arrondis comme des donjons, mais aussi, à ma gauche, pointant leur nez, tous les sommets du massif, tous ou presque, certains se cachent. Ainsi je ne verrai jamais le plus fier, le Pic du Canigou lui-même.
La tour de Batère , la tête en mer
Que vois- je et qu'entends-je ? Un parfait silence émaillé de quelques voix de randonneurs quasi invisibles dans ce décor. J'ai choisi le côté peu fréquenté, bien m'en a pris. Je monte lentement, cherchant un peu l'air et surtout à calmer un coeur endiablé : serait-ce tout ce fer très pur qui constitue le sous sol qui me perturbe? Allons savoir. Je marche sur le minerai le plus pur, je suis environnée de mines désaffectées et d'ouvrages miniers, en berne depuis des décennies. Alors je ne force pas et sous un ciel d'un bleu parfait, en tee shirt, je parviens au col de Pey .

Le paysage est lumineux et enneigé


Traversée de la combe


Même chose; au fond environs du Pic Estelle


















Du Col de Pey la vue  est fantastique , de toutes parts, surtout côté ouest avec les pics étincelants et côté nord vers d'infinis lointains.


Au Col de Pey 1718 m

Le Pech de Bugarach (Aude)


Vers le nord, en fond le Madres

Puig Sec je le vois bien depuis mon village

Au restaurant, je consulte la carte,
comme un menu, juste avant mon repas

Je fais la halte casse croûte, cela s'impose. Altitude 1718 m.
Quelques randonneurs choisissent ce lieu pour réserver leur table au restaurant.
J'en profite pour filer plein est , vers Estelle, un pic à 1782 m, un des plus modestes et des plus parfaits, tant la vue y est somptueuse. La plaine, comme au pied d'un abrupt balcon, la mer et ses petits bateaux comme des jouets, les montagnes en pente douce. En bas, il y a ma maison ! Je ne la vois pas, je le pourrais presque, mais je vois mon village.

Au Pic Estelle, décor: de dos, de face

Mon village et son décor (envers et endroit)



Balcon neigeux sur la plaine du Roussillon, les Albères et la mer
Ecobuage récent
                                                                                               
Empreinte...de qui ??


Balcon sur la plaine
Labastide, village des Hautes Aspres

Eus, village du Conflent
Au fond, le Madres


Je m'attarde car je suis seule.
J'irai voir St Pierre tout à l'heure, son voisin juste un peu plus haut (1791 m) , à seulement 1.2 km à vol d'oiseau. Je n'irai ni en volant, ni en courant mais en droite ligne.
M'y voici ! Un balcon qui contemple les immeubles au-dessus, cette fois, pas le jardin, les pics environnants : Pel de Ca, Gallinas, Puig Sec, la crête du Barbet, et ces pentes de neige, ces forêts de sapins, ces couloirs d'avalanche, ce ciel si pur où jouent quelques nuages transformant le Gallinas en un petit volcan. Je dessine, assise sur un roc quand surgit un randonneur : nous mêlons nos connaissances géographiques et des souvenirs de montagne, moment sympa chez St Pierre qui a parfois la clé de la convivialité, mieux vaut qu'ici il n'ait pas celle du paradis.. Même si le paradis pourrait ressembler à ici. Bon c'est compliqué...


Séquence dessin au Pic St Pierre : le Gallinas, petit volcan (non c'est faux !)


Les Pics environnants vus de Pic Estelle

Nos routes divergent avec le randonneur, je choisis de descendre par le col de la Cirère. Pas de sentier mais un tout droit dans les cailloux et l'herbe, la neige s'est envolée ??
Elle n'est pas loin, emmagasinée sur le sentier, une vraie soupe. Mais comme des randonneurs l'ont bien triturée depuis le matin c'est devenu un boulevard. Je le quitte vite pour marcher sur le trottoir, tapis blanc immaculé, vierge et portant. Je retrouve mon randonneur mais je double rapidement, Madame est maussade et grinçante, semble t'il.

Mines , galeries, au pied de la falaise (Près du Col de la Cirera)
Bâtiments de la mine
Eu bout : le gîte
Maussades et grinçants seront deux chiens me prenant  pour cible sous le regard indifférent de leurs maîtres pour qui semble acquise l'idée que je puisse servir de repas à leurs molosses. Mais voyons ! Ce sont mes bâtons n'est ce pas qui leur font peur ! C'est bizarre...la première fois où je suis venue ici, dans un désert enneigé, des traces d'un chien solitaire dans la neige, sans maître, m'avaient quelque peu inquiétée; quelques temps après, ici, des randonneurs suédois, attaqués par 3 chiens errants,  se faisaient sauvagement mordre par un chien.Les chiens seraient ils aussi sensibles que moi à ce fer si pur sous leurs pattes ? Allez savoir...



Et, comble d'ironie, le prochain sommet que je veux aller visiter, tout proche mais bien ardu se nomme...Pel de Ca , autrement dit "Poil de Chien"...ça ne s'invente pas !!
Sera-ce bien raisonnable ?




Même lieu "vu d'en bas" (zoom) : le Pel de Ca 1937 m


En chiffres
Dénivelé positif cumulé : environ 500 m
Distance parcourue: environ 6 km
La route : 100 km A/R


mardi 23 janvier 2018

Façon Yéti...Façon Tempête...altitude 2500

Samedi : la pluie est annoncée ? Je pars..
Le vent violent est annoncé ? Je pars...
La tempête est annoncée en montagne : je pars !

Me voilà à Setcases, sous la pluie bien sûr, petit village des Pyrénées Catalanes, au delà de la frontière. A 12 km se loge la station de Vallter 2000, altitude 2155 m. Cette fois je choisis de ne pas aller dormir au pied des pistes, j'y suis toujours secouée. Je suis partagée entre envie et regrets...
Setcases : nocturne

Dimanche matin. Il bruine, les montagnes sont chargées. Il ne fait pas froid. Un flot de voitures monte déjà vers la station et certaines redescendent aussitôt: la station est fermée pour cause de vent violent. J'ai choisi de venir, je choisis de monter. Il pleut, pas de vent. La neige habille le paysage, mi blanche mi rouille. Le vent me saute au visage en arrivant à Vallter. Des bourrasques violentes qui noient le paysage de poussière de neige et de pluies éparses. Ce sera sportif !

Arrivée à Vallter à 12 km de Setcases

J'avais préparé mes affaires et ma tenue à Setcases, je remballe le tout et je rhabille la bête façon Yéti noir. Les pisteurs consultés me laissent partir. 9 h 37 : 5 skieurs me précèdent. Tous ceux qui nous suivront feront demi tour.
Cinq courageux

Et une courageuse/ fêlée


Nous sommes donc six à emprunter la rouge. Disons que ce qui est rouge à Vallter est plutôt "piste rose" car il y a peu de déclivité  sur cette station et les vrais morceaux rouges sont épars.
J'ai mis les crampons en guise de freins (comme d'habitude) bien que  la neige ne soit pas gelée; il fait zéro degré. J'ai déjà fait ce parcours un jour de tempête , "cramponnée au blizzard" (clic).,en janvier 2016


Paysage ambiant : l' APN est déjà mouillé

Je cherche l'équilibre,
je ne joue pas la danse du cygne
Ce serait le cygne noir alors

facétie d'un ami
Version je marche sur la tête , sur un fil

Aujourd'hui c'est semblable avec un temps plus exécrable encore : cela me va .
J'avance façon tourmente : bousculée, chahutée, poussée, freinée, presque chavirée. J'écoute le souffle puissant qui mugit dans les arbres, roule dans les montagnes comme une avalanche, noie la piste de neige , noie mes yeux, secoue les arbres et les télésièges qui geignent lamentablement. Tout n'est que hurlements ponctués de rare silence. Souvent il faut stopper, se cramponner, se camper sur ses pieds, se recroqueviller et attendre que le grand coup de balai du vent soit passé. D'autant qu'on ne sait jamais de quel côté il va arriver.

Noyés dans le blizzard: le terminus et le toit du chalet à droite

Soudain il m'arrive la chose la plus extraordinaire de ma "carrière" de randonneuse. Le tronçon de piste rouge est fort ardu : le vent arrivé à l'arrière me soulève et me fait grimper la piste en sprint, je ne peux même pas freiner ! Les crampons glissent comme skis sur la neige et je me sens légère, légère...Sprinter en grimpant une piste rouge à 67 ans , le Guiness Book m'attend à l'arrivée. Je ferai encore quelques petits sprints. Les skieurs sont plus ennuyés, ils ne peuvent mordre la neige sinon de leurs dents. Je les vois proches de moi, ils hésitent, font des haltes au gré des coups de boutoir mais, vaillants, ils poursuivent.
La montagne n'est qu'une immense clameur ponctuée de rares silences qu'on finit par ignorer.
Je gère ma nourriture : il faut beaucoup d'énergie, plus encore que d'habitude. Mais poser les bâtons ou le sac est risqué , tout s'envole. Même l' APN que je pose au sol n'est pas sûr de tenir les 12 secondes !


Neige couleur Sahara
Le vent dénude les roches

En fait toute la montée, 2 km, se fera par à coups. Un cabanon nouvellement construit me permet une petite halte abritée, je suis à la côte 2400, presque arrivée. Je ne vois rien : aucun paysage, aucune des crêtes qui m'entourent (je suis dans un cirque au sens propre comme au figuré), les skieurs ont disparu, je suis absolument seule, c'est Divin. Mon champ visuel en marchant se réduit à mes pieds et aux dents de mes crampons.


 De mon corps, seuls les yeux sont à l'air libre. J'ai du ôter les lunettes. Je ne sens pas le froid du vent tous mes vêtements sont en double, c'est très confortable pour la balade.
Une balade de santé : air sain à respirer, les aiguilles acérées de la neige qui mordent cruellement le moindre soupçon de peau, tonifiant le sang, perso, j'adore, donc je suis dans mon élément. Bien sûr ce n'est qu'une petite balade sans prétention, sans fatigue, juste énergivore, mais ce jour, j'anticipe.

L' APN est enneigé, il est prêt à s'envoler
Me voici aux "Marmotes", le terminus, 2500 m; je cherche un soupçon d'abri derrière le chalet, un peu de carburant chaud dans mon sac et je prends le chemin du retour, ce sera musclé je présume. J'opte pour une bleue moins ardue et plus longue pour faire durer le plaisir. Personne à l'horizon mais il est tellement bouché !! Pluie et neige se sont invitées au menu. La neige est ocre et blanche en bandes, en strates, (précipitations du sud),  la piste , damée est ici par places déshabillée ce qui témoigne des zones de violence. Au loin j'entrevois un petit groupe de plus téméraires que moi qui s'orientent vers le col de la Marrane. Le connaissant, j'augure que s'ils y parviennent, ils ne redescendront pas à pied !!
Chalet fermé et désert

Le paysage ambiant!!






































Les Gra de Fajol me permettent quelques vues, et le Xalet Vieil  qui brave les tempêtes depuis un siècle est vaillant, il a vu pire.

Descente : le décor ambiant

Quelques secondes après


Les Gra de Fajol et la ruine du Xalet Vell

Détail


Je descends tranquillement, la tempête perd un peu de sa puissance et quelques sprints me font...reculer !! Je regrette que la fête se finisse .Mais je ne remonterais pas quand même !
Dans la descente, il pleut fort , je ne m'en aperçois pas, l' APN oui

Je m'apercevrai qu'il pleut très fort à mon arrivée au parking et je ne saurai jamais s'il pleuvait autant sur la piste , prise dans la tempête je ne me suis aperçue de rien.


Le parking, avant la pluie battante

Mon site de randonnée
Quelle surprise en mon camion : je me "déyétise" et tous mes vêtements sont trempés, jusqu'à la peau !  Je n'avais pas une once de peau sèche, sans avoir froid ni m'en apercevoir. Dans l'habitacle étroit de mon studio je fume comme braises sous l'ondée , comme un cheval à l'arrivée ! Il me sera impossible d'aller ranger mes affaires dans les coffres tant il pleut. Alors je me pose, je me prépare un bon repas chaud, je m'offre une séance lecture en regardant sous la pluie le joyeux désordre de la station car il y a foule quand même : Vallter est très prisé, petite station familiale sympathique.
Les montagnes environnantes se dénudent un peu, chantent la pluie de tous leurs ravins, c'est monochrome et beau à la fois.




La montagne ruisselle





















           La fête est finie, je rentre à la maison !

A travers le pare brise : et il pleut !!

En chiffres : 
Dénivelé 350 m
Distance : 4 km
Puissance du vent ...Ouille !..
La route : 280 km AR