jeudi 31 mars 2022

Tarn : au fil de l'eau du Candesoubre

 Sortir des chemins arides et dévastés que je me plais à retrouver en Conflent, prendre la route pour un ailleurs, a le goût du voyage. De temps en temps la route m'appelle. Alors je l'écoute, sans savoir où je vais. Je ne le sais que lorsque je m'arrête à l'étape, choisie au hasard ou au feeling. C'est Albine (Tarn) qui m'invite alors que je passe auprès de ce village niché dans la verdure des champs, des forêts, l'ensemble étant bercé par les ruisseaux gonflés des récentes pluies. Point de "vraie" montagne en ces contreforts de la Montagne Noire à une 15 aine de km de Mazamet.  Au pied de la Montagne Noire, Albine, (du latin albus), évoque le blanc, le nom est en soi un mystère.



A Albine se rencontrent deux "ruisseaux" en fait deux belles rivières : l'Enbarthe et le Candesoubre.

Un panneau près de mon parking invite aux balades, exemptes de mon programme, mais au matin, les jambes réclament, la tête leur emboite le pas et entre les deux randos, je choisis la plus courte, regrettant la 2nde (contée au post précédent, puisque j'y suis quand même allée). 





Le topo sur le panneau, une fois on l'a bien lu, explique ...qu'il est faux, ou enfin qu'il ne correspond pas tout à fait, sur le terrain. Je regarde quelques repères et on verra bien, c'est balisé.

La  petite route goudronnée d'où partent des pistes est un agréable parcours, en forêt, avec des ouvertures sur un habitat dispersé entourant le petit village : Albine, 518 habitants, les Albinols, 318 m d'altitude au village. Le point culminant est 1003 m. Roc de Peyremaux.


Terre d' Histoire, ils étaient quatre et
avaient 20 ans

Le ruisseau de Candesoubre est gonflé par les pluies mais transparent comme du verre, le longer est un pur régal. Des forêts épaisses (82% du territoire), des cascades jaillissant des pentes sévères, des fleurs s'épanouissant en bord de sentier, on dirait une page d'Ariège envolée et posée ici. L'eau sourd de partout et dévale en cascadant, l'eau rivalise de mélodies.

Chez nous, un ruisseau, c'est petit !



La petite route avec ses dernières maisons  cède le pas au sentier : ancien chemin devenu sentier de randonnée ou de VTT, c'est une balade paisible, tranquille, reposante , au fil de l'eau qui court, gonde et sourd, plonge et saute, enfin plus que jamais elle symbolise la vie. 

Un affluent


Sur l'autre rive , la trace d'un canal me fait chercher des yeux le moulin : le voici, noyé, emporté , le canal de fuite avec sa petite arche me regarde. La meule est elle en place ou noyée ? Je n'irai pas vérifier ! Sous peine de noyade.

Le moulin


Impeccable !

Dernier hameau



Balade bucolique

De la pente, comme en Ariège

Je suis enchantée par le décor, la musique, les couleurs, les bruits et les parfums. Comme mon Conflent sévère et agressif est loin...Trouver le dépaysement et un grand souffle de vie n'est qu'à quelques tours de roue. 220 km exactement.

De l'eau et des fleurs, comme en Ariège
Gauche : cardamine à 7 folioles
Droite : jacinthe

Primevère des bois

Ruisseau de Candesoubre

Le chemin du facteur indique, sur sa passerelle, "passe ton chemin" avec sa croix jaune. Alors je continue et soudain, mon chemin traverse la rivière, chose impossible ce jour : non pour le froid mais pour la force du courant. Dommage...retour sur mes pas. Je ne pense pas aux ruines de  Gourgne mais aux falaises que je dois longer. Dès que je lis falaises...ah...Mais me vient une idée: le facteur, il s'en retournait bien au village non ? Et si je rencontrais mon chemin sur sa route ? 


Je ne passe pas. Une passerelle serait elle prévue ?
Jacinthe des Pyrénées

Je reviens à la passerelle et m'engage sur le chemin : les facteurs avaient de bonnes jambes, autrefois et droit dans la pente façonnée de murettes, je monte. Bien sûr mon chemin  noyé m'attend et s'il m'offre à boire après cet effort, c'est sans noyade. Je manque les ruines du proche village de Dourgne, hélas, et le "retour à flanc de falaise" m'attend. Je les manque parce que je les ai oubliées.

Fleurs du versant soleil : corydale à bulbe plein



Retrouvailles !



Il y a de l'eau au versant soleil 

J'ai changé de rive, de versant, cette fois c'est soleil, versant exposé au sud, et tout est différent . La masse sombre des bois de conifères est un souvenir d'en face. Une hêtraie ensoleillée m'accueille. D' en bas monte la rumeur puissante de la rivière. Quelques murettes moussues évoquent des cultures anciennes, mais ce qui surprend c'est les falaises; je m'attendais à les traverser mais non, le sentier longe leurs éboulis et à travers les branches dénudées j'aperçois des éperons gris pâle alors que les éboulis montrent un blanc éblouissant parsemé de rouille, de rose ou de jaune. Bien voilà Albine ! Du quartz blanc. Même si j'ai les pieds dans la voisine commune de Sauveterre. Je n'ai pas envie d'escalader, j'espère trouver un sentier mais je n'aurai aucun accès. On verra ça une autre fois. Comme la vie est étrange...mon projet de montagne était d'aller rôder sur les plateaux quartzeux de Mantet, j'ai fui la montagne et le quartz est quand même venu à moi. Ce n'est pas banal des rochers de quartz. Le toucher, la brillance, la densité, la texture, tout me plait dans le quartz. 




Les falaises

Bloc de quartz




Falaises de quartz




Le quartz



Sommet d'un gros bloc de quartz
















le sentier dans sa version côté soleil



Fragon



Petite route taillée dans le roc

De toute façon, il y a dans le secteur un four à verre que j'ai repéré sur carte, donc je suis obligée de revenir. Alors ma curiosité et moi, nous visiterons ces falaises. 

De mon sentier perché, quelques ouvertures montrent une longue et lourde chevelure de feuillus et conifères coulant depuis les crêtes. 


Un pays de forêts

Le chemin du retour est sympathique : ici des maisons enfouies dans la verdure offrent un potager, des bouquets colorés et parfumés. Ailleurs, un petit canal aboutit à un petit étang. Des maisons dispersées et fleuries, des piles de bois, des toits roses et des façades matelassées contre l'humidité, oui on est au pied du vaste réservoir d'eau de la Montagne Noire, cette montagne sans qui le Canal du Midi n'eut pas été. Le Canal du Midi inauguré quand Libéria se bâtissait. Au fond sans le vouloir, mes balades ont un fil conducteur.

Retour au monde


En chiffres

Dénivelé 128 m

Distance : 6.52 km





lundi 28 mars 2022

Tarn : facéties au Roc de Peyremaux 1008 m

 Mon petit week end tarnais n'était pas fait pour randonner. Et pourtant...je ne me connais encore pas bien. Au parking d' Albine où je passe la nuit, un panneau de randonnées s'offre à mes yeux. Deux me tentent, alors je dois choisir. Et pourtant....c'est ainsi que je vais d'abord vous conter la seconde , (puisque je les fis toutes les deux) et que je n'ai pas faite au départ d' Albine, faute de temps. Et oui, d' Albine il y a près de700 m de dénivelé et 14 km.



Le Roc de Peyremaux, (la roche mauvaise), je n'ai aucune idée de sa morphologie, mais il est plein de légendes. Celle qui es(t affichée à Albine me plait et m'amuse, ce n'est peut être qu'une variante facétieuse de vraie et grave légende. Va pour celle là....moqueuse!

Il paraît que les habitants de l'Aude et ceux du Tarn se disputèrent ce roc, chacun le voulait pour lui et il est en limite des deux départements. Ils tirèrent avec une corde, du chanvre pour l'Aude, de la laine pour le Tarn. Peine perdue.

Alors il me vint à l'idée d'aller essayer avec ma corde toute neuve issue d'une marque de magasin de sport mondialement connue.

Il me fallait trouver un autre accès. Et c'est du Col des Salettes que je partis, à 882 m d'altitude. 

Il y avait plus d'un tour dans mon sac, de corde, s'entend.

Tenue légère, temps estival, et de la piste, une longue et belle piste qui naviguait entre hêtres et conifères, juste sur la ligne de crêtes. Le printemps pointait bien son nez, bourgeons nouveaux nés, fleurs pétillantes  et soleil chaud. Parfums de sous bois et chants d'oiseaux. Les éoliennes grognaient sourdement en brassant du vent, et le long ruban blanc hérissé de croisements s'étirait devant moi. Je n'avais aucune carte, c'était l'aventure ! Puis je l'entrevis, au loin, le roc, fait d'un amas de rochers arrondis, il n'avait même pas fière allure, un tas de crottin ! Et c'est pour ça qu'ils se battaient ? La vraie légende parle aussi de bataille à coups de rocs qui s'empilèrent. 










Au final, au bout des 4 km de piste, un sentier me conduisit au pied du monticule, face sud et y grimper, même hors du tracé, fut un jeu d'enfant. En haut quand même on peut comprendre l'enjeu ! Le paysage à 360 ° révèle des forêts, des crêtes douces, des prairies vertes bien plus loin et 700 m en contrebas, la tour colorée du proche pic de Nore et, ma foi, sous mes pieds, l'imposante forteresse sur laquelle j'étais juchée. Car si face sud c'est une colline douce, les autres faces sont abruptes et élevées.


En grimpant


Au sommet

Ouest : Pic de Nore

Nord, du côté des vallées et d' Albine



Est, d'où je viens, Col de la Salette

Le vent venu du sud y est violent mais le vent est habitué à moi.

                                                                                       

Mimétisme de forme


Un rocher esseulé habille le sommet, percé d'un orifice, sans doute servit il aux cordes ? J'inspectai avec respect le Monument de la Discorde avant que d'y oeuvrer à mon tour. Une pierre sculptée par un forestier indique que en 1871, cet amas rocheux était déjà là : "1871 JP ANDRE Forestié". 



Et bien on va voir s'il va y rester longtemps. Après m'être amusée à grimper par la face ouest, plus haute, belles prises de granit, je passai à l'acte.


Belle grimpe ouest


Je m'amuse



La forêt au dessous de moi




La forêt en dessous de moi, vue de l'intérieur

Enroulant ma belle corde neuve autour du roc sommital, je tirai, je tirai...et Peyremaux s'ébranla. L'emmener fut un jeu d'enfant car la corde ne rompit point. 




Ne le dites à personne !

La piste étant descendante, la masse volumineuse me suivit comme un chiot, je ne forçais même pas. Les éoliennes grondèrent un peu plus fort, la fontaine des Trois Evêques m'abreuva après que je l'aie débarrassée des feuilles mortes et je compris alors pourquoi Trois Evêques : trois départements se rejoignent ici. Aude, Tarn et Hérault.




Ah mais ça change tout ! Je me prenais pour l'arbitre catalane de la discorde sommitale et l'Hérault était déjà passé par là !

Arrivée au col, toujours en tractant les milliers de tonnes granitiques je réalisai que jamais je ne pourrais les loger dans le camion. Nina me regardait avec des yeux effarés.




Dépitée j'abandonnai le Roc au col et désormais, les trois départements peuvent venir le récupérer, soit se le partager comme l'eau de la fontaine, soit tirer la corde à soi, de toute façon, depuis un col, tout descend.



En chiffres

Distance : 8.65 km (cumul du jour : 15.17 km)

Temps de marche : 2 h 03

Dénivelé : 126 m