jeudi 28 mai 2020

Maury (66) : une femme à "sa" fenêtre.

Poursuivant l'appel des cimes rocheuses à faible altitude et à grand intérêt, ce jeudi de l'Ascension je décide, puisque le vent est plus calme, de revenir à mes rêves de confinement: une des crêtes de Maury. J'ai envie d'aller me percher et me pencher à cette fenêtre qui me fit tant rêver par le passé.
A présent j'en connais l'accès, je vais cheminer le plus possible sur le fil de l'arête.
Et, je ne le sais pas encore, j'y parviendrai au delà de mes espérances.


50 km plus loin, bien chaussée, armée léger mais bien pourvue en eau citronnée, je grimpe jusqu'à l'arête. Le sentier n'est pas entretenu, il y a longtemps que personne n'est venu par ici. Les chants d'oiseaux, notamment des rossignols sont la musique d'ici.


Côté sud, une partie du décor


Pour y arriver


Je prends vite de la hauteur, quelques 60 m et je suis en haut. Sur le fil, je suis à l'aplomb d'un vide de plus de 200 m : la vallée cultivée de Maury, les  vignes, la grand route d'où monte la rumeur des moteurs; il fait beau, ça circule en bas.

Depuis l'arête;la vue sur la vallée de Maury

Un vent pas trop fort, 50 ou 60 km/h amène une douce fraîcheur car dans ce calcaire, ça chauffe vite ! Il n'y a pas de parfums malgré l'omniprésence du thym, romarin, pistachiers lentisques et autres genévriers. ça pique mes jambes nues. Les buis ont été gagnés par le parasite, tous sont secs.

Parcours en arête



Figés pour l'éternité




Modeste et très belle arête

J'avance sans problème, je me sens très à l'aise, malgré quelques bourrasques. J'essaie de garder le fil au maximum, quitte à contourner quelques buissons bien campés là depuis longtemps, je bifurque par la face nord autant que possible car abrupte donc moins envahie.
L'arête est courte, mais elle permet un peu d'acrobatie car il y a des désescalades suivies de leur contraire et c'est ce qui fait le charme du site.

Sur cette crête, la fenêtre

Un solide "gendarme" veille au grain, je ne peux le désescalader donc je contourne. Par contre au retour je l'escaladerai c'est plus facile en montée.
Je m'aperçois que je ne suis plus la trajectoire de ma précédente visite, cette fois je reste sur le fil, je vais donc arriver à la fenêtre sans la voir, la manquer n'est pas possible mais mieux vaut ne pas se percher sur son toit !





Et la voilà, toujours aussi belle, surprenante et harmonieuse.
Un joli appel d'air mais aussi un joli appel à la franchir.

Cela permet d'avoir la vue sur le Canigou qui s'encadre juste dans la fenêtre : à mon avis les hommes préhistoriques ont du évider la falaise pour avoir cette vue. Car juste sous la fenêtre se trouve une grotte que je n'ai pas visitée. Euh...les grottes c'est pas trop mon truc...je n'y vais pas aussi aisément que sur les arêtes. Chacun ses goûts !
Il n'y a que très peu d'espace à cette fenêtre, elle est monoplace quel que soit le côté : pas même pouvoir poser son bagage ! C'est vrai que les hommes préhistoriques n'en avaient pas...




Vue vers le  nord
Vue vers le sud


Le Canigou

Au zoom

Décor de la vallée



Une autre des trois arches de cette arête


Plan rapproché : celle ci est visible de la route
Y aller n'est pas commode


La balustrade, face nord, commandée, n'est toujours pas arrivée et le balconnet est bien à l'aplomb du vide, c'est sympathique.

Oui, peu de place pour les pieds !!

Je refais le chemin à l'envers car il est impossible d'aller au delà de la fenêtre ; juste un peu d'arête encore et ensuite c'est le grand saut dans le vide, je suis incapable de descendre.

Au vent "léger"

La vallée et le village de Maury
Quéribus est en face




A l'assaut du gendarme


Seule au monde, enfin en ce monde là, je vais aller prendre un bain de soleil sur une belle dalle calcaire; si les plages sont interdites, là aucune interdiction ne vient à moi et cette Liberté me va. Une boisson fraîche, mon cahier, mon crayon, les fleurs des roches calcaires, les oiseaux qui s'en donnent à coeur joie, la chanson douce et fraîche du vent...où est donc le Bonheur ailleurs ?







L'inconfort me fait reprendre le chemin aérien; je ne me lasse pas de ce paysage que j'imagine tel qu'il était voilà des milliers d'années quand la vie humaine était réduite à sa plus simple expression, d'ailleurs serais-je surprise de voir arriver un de mes ancêtres de Cromagnon?.....Pas si sûre....
Je reviendrai, j'irai voir leur berceau, dans la grotte....Et j'irai rejouer l'histoire d' "une femme à sa fenêtre".


Sur la piste




En chiffres pour cette balade modèle réduit :
Dénivelé : 60 m
Distance parcourue : 2 km
La route : 100 km AR


mardi 19 mai 2020

Les sentiers secrets de la Serra de Vingrau


Un premier week end de Liberté retrouvée, mais avec le travail fou dans les vignes je ne m'accorde qu'une petite demi journée de balade; de toute façon je dois tout réapprivoiser, c'est difficile de retrouver les portes grandes ouvertes d'un seul coup; il faut aussi tester ses capacités physiques.
Comme le caillou me manque avant tout, et bien je pars pour tâter du caillou : et là où je vais ça ne manque pas. Tant pis si le vent violent n'est pas propice, on adaptera.
Direction la Serre de Vingrau à 46 km de la maison...si loin, depuis le temps...Bonheur ineffable de rouler...
J'arrive sur le site et...ça décoiffe...surtout pour mon projet. Mais quel ciel bleu ! Les rossignols donnent un concert. C'est parti!


Pour  comprendre il faut avoir une vision de la petite serre de Vingrau, 570 m d'altitude, qui domine la plaine, la ligne bleue de la mer et les étangs tout proches.




C'est une montagnette qui décline son calcaire en pente douce sur sa face est.
Par contre, face ouest, c'est une double rangée de falaises abruptes, 2 étages séparés par une combe, vallée sèche où court le sentier balisé.
Battues par la tramontane, ces falaises, véritables murailles sont un site d'escalade : 300 voies de 4a à 8a, hautes de 20 à 130 m.


Chemin d'éboulis; le vrai sentier est à gauche dans le maquis

Le randonneur a pour chemins le sentier au bas des falaises inférieures, la combe entre les deux rangées et la crête d'où la vue porte à 360 °, un panorama de toute beauté. 3 chemins en parallèle qui se rejoignent au nord. Un parcours très plaisant mais dangereux par vent violent.





Je connais tous ces chemins et je me suis essayée aux chemins secrets : ce sont ceux qui sont cachés, que les randonneurs ne voient pas et n'empruntent pas (sauf téméraires, farfelus ou curieux si ce n'est les 3 à la fois)..... Qu'est ce que j'y cherche ? mais l'insolite, le dépaysement, la difficulté, l'effort physique et l'esprit d'aventure.
Toute petite je grimpais sur tout ce que je trouvais : là où je vivais, il n'y avait pas de rochers, mais des arbres, des pylônes et des toits...A l'époque (années 50) il n'y avait pas d'"activités" pour les enfants.
La grande enfant que je suis restée continue à grimper. Et à Vingrau ça grimpe !


Sévère muraille
Ces chemins végétaux sont impossibles


























Donc des passages secrets j'en connais 4 ; deux sont visibles (dont 1 assez emprunté) et deux sont parfaitement cachés. Je les ai trouvés (et empruntés tous) en lisant les indices sur le terrain, ce sont des sentiers de descente des grimpeurs.


Qui dirait que là dedans se cache un passage secret ?
C'est  elle qui me l'a dit !
Et je l'ai parcouru

Mais n'y en aurait il pas d'autres ? Et bien c'est le but du jour.
Pour ce faire il faut quitter le confort du sentier balisé et aller crapahuter dans le tas d'éboulis au pied de la falaise. Très inconfortable mais beau ! Et là scruter le terrain à la recherche de la faille, du passage éventuel tout en lisant la muraille pour voir si plus haut c'est possible.



Car le défi, s'il est de grimper le mur de départ, c'est ensuite de voir si on peut continuer mais avant tout être capable de redescendre : j'ai donc l'indispensable corde. 20 m c'est suffisant.
Je découvre un premier accès : la falaise est striée de couloirs obliques où ont poussé les arbres donc c'est une possible voie. Pensai-je.

1ère éventualité (la photo écrase la pente sinon ce serait si facile...)


Premier départ : c'est pas gagné; la falaise verticale? pas question. Le mur oblique?  manque de prises et le couloir d'arbustes est un vrai taudis; que je franchis, je suis en short, belle idée. Quelques estafilades rouges plus loin, je grimpe le rocher mais la rencontre avec une végétation austère à nouveau me refroidit, alors demi-tour. C'est là que la corde sera utile, pas question de refaire le chemin sanglier; j'amarre ma corde en double à un solide (j'espère!) buisson et je redescends. Au suivant....je m'amuse avec bonheur sur cette roche corrosive à souhait.
Energivore à l'envi!


La falaise ? Verticale

Le chemin de "sanglier" sous mes pieds




La descente tout confort
Cheminer dans ces éboulis parfois envahis de buissons n'est pas aisé mais déjà un autre chemin secret se profile. Bien plus facile d'accès, ce sera par la roche pentue où les prises sont minérales ou végétales que je prends de la hauteur.
2nd passage secret: en rouge mon trajet, en jaune ce que j'aurais du faire
La réalité est bien plus verticale 


 Je lis le chemin, rien ne me paraît moins praticable mais allons voir quand même. Une jolie dalle m'inspire, et enfin j'arrive à une croisée de possibles. A droite une cheminée à laquelle je renoncerai vite fait quand je l'aurai côtoyée et à gauche, un autre chemin de sanglier dans la futaie....bof....l'idée de me me lacérer ne m'enchante guère. Je visite le site, tant qu'à faire, je me juche sur un perchoir, au moins ne pas être arrivée là pour rien et je redescends. Sans corde, nul besoin.
En images , dans ce petit parcours secret...
En rouge, mon terminus



Types de roches calcaires

La montagne de Tuchan

Vingrau et la vallée du Verdouble, de mon perchoir


Canigou en fond

Au suivant....sauf que de suivant il n'y en a plus et que je retrouve mon sentier de prédilection, hyper caché, où tout est possible; soit grimper en roche, soit par le sentier d'éboulis, sur plus de 100 m de dénivelé, un vrai couloir qui en neige ressemblerait à s'y méprendre à la montagne. Je m'y offre en général quelques belles varappes quand se profile la sortie mais...mais aujourd'hui tout est différent.
Mon chemin habituel est lové là dedans, mais il est invisible
A peine engagée dans le bas du couloir un grondement puissant envahit le chenal, c'est la tuyère de la tramontane! Impressionnant ronflement doublé au fur et à mesure de mon ascension par un appel d'air tout aussi impressionnant. Il faut être nés avec la tramontane pour savoir s'en accommoder. car elle n'est pas commode, la Dame! Décuplée par l'appel de la sortie, elle enfle, tourbillonne et vous projette comme fétu de paille. je mets mon énergie à tenir debout car ces fichus éboulis de fine grenaille me font reculer et cheveux au vent, oreilles assourdies, j'avance comme je peux. Evidemment pas question de tâter du rocher, du muret ou du goulet ! Même respirer une goulée d'air est un travail de forçat ! Faut connaître la Tram pour apprécier !

En images , ce 3 eme chemin secret:


Sans vent, je visite un peu...
                                                                                                      

Mon chemin

le chemin à ma gauche...euh....pas pour moi

Vers l'aval

Vers l'amont

Dans le souffle de la tuyère

Me voilà au sommet, c'est simple, faut juste rester debout, à part ça, c'est magique. Même ça, tenir sur ses jambes,  c'est magique. Après 2 mois de confinement, on avancerait à 4 pattes !

Au sommet : la mer et les étangs

Tiens justement...un quadrupède a saigné sur le trajet : est il dans mon sens de marche, l'animal blessé dont brille le sang frais sur les graviers et les rochers ou en sens inverse? Prudence oblige...Il a scrupuleusement suivi le balisage. Bien plus en avant je comprendrai que nos chemins se sont croisés,je trouverai même l'endroit où il s'est blessé, déséquilibré sans doute par le vent sur un calcaire tranchant.
En images , altitude un peu moins de 600 m

Vers l'ouest : la crête et le Canigou

Vers l'Est, mer et étangs

En bas, la combe et le sentier balisé, mon retour

En majesté, le Canigou


Bleus d'Aude

Le couloir de descente que je brigue, celui très caché du Petit Dru, faut l'oublier, à cause du vent. Se jeter dans le vide est suicidaire !
Je poursuis donc mon chemin solitaire au delà du vrai couloir de descente, sur l'arête dentelée où je ne suis pas trop secouée, mais pas question de suivre le fil.


Je m'attarde, rien ne me presse, je savoure ce vent de Liberté.
J'ai juste rencontré deux humains, ces lieux ne sont guère prisés bien que grandioses.
Je finis par quitter mon perchoir, en désescalade, je regagne le sentier et c'est dans le confort absolu de deux haies végétales agressives à souhait que je rejoins mon véhicule.

Le sentier de la combe




Ne parlons pas chiffes, 5.5 km c'est rien, c'est tout, c'est immense, ce jour !

Quelques images de mon site préféré

L'arche du Petit Dru et un coeur sur roche, coussin végétal très très vieux genévrier je pense


Et une nouvelle curiosité à aller rencontrer, par les crêtes : une nouvelle arche!

Y arriverai-je en passant par le toit ? 



Quelques conseils non superflus :
Ce décor calcaire surchauffé l'été demande certaines précautions ; le soleil y brûle, il y fait chaud et soif, donc bien prévoir.
La vipère aime ces coins : attention où on met mains et pieds. On n'en rencontre pas à profusion mais il suffit d'une mal garée.
Ceux qui chercheront les sentiers secrets doivent savoir qu'il faut être un peu expérimenté, avoir une bonne condition physique, être capable de rebrousser chemin, c'est énergivore, un peu compliqué et la végétation est très agressive. Un casque et une corde ne sont pas superflus. Prudence donc. Mon blog est une invitation à la découverte, pas à l'accident.
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