lundi 28 septembre 2020

Pic St Loup : une arête, deux faces, mille facettes


 Le Pic St Loup est un des sommets de l'Hérault, 658 m d'altitude, la montagne des Montpelliérains. A noter que le point culminant de ce département ne porte pas de nom et a une altitude de 1152 m, dans les monts de l'Espinouse.


Pic Saint Loup, 658 m

Le Pic St Loup, éperon calcaire empli de minuscules fossiles,  est fait de couches de sédiments issues d'anciens fonds marins asséchés et redressés à la verticale par la formation des Pyrénées voilà 40 millions d'années. Son histoire géologique s'inscrit en centaines de millions d'années, mais aujourd'hui on voit un fier éperon rocheux enchâssé dans une longue arête courant d'est en ouest, paradis des grimpeurs, randonneurs et scientifiques.

Vu depuis le village de Valflaunès, 34 et en face, 
 la belle falaise d'Hortus

Ce jour, ce sont deux randonneurs ne se connaissant pas qui vont partager une voltige aérienne et une belle journée ensoleillée au dessus d'une mer figée de taillis de chênes verts. Daniel et moi allons faire connaissance au fil des heures et des sentiers, au fil de la roche, de ses prises, de ses à pics vertigineux, dans un somptueux décor, la longue et haute falaise d'Hortus et la ligne bleue étincelante et voilée de brume, de la Méditerranée. Il y a pire pour faire connaissance avec quelqu'un ! Des villages posés comme des tapis colorés, des vignes aux fines stries vertes enchâssées dans l'écrin des taillis, rien ne semble laisser deviner qu'un déluge d'épisode cévenol a sévi voici quelques jours et que la veille au soir encore, la pluie tombait drue.

Nous craignions la roche mouillée et glissante, elle sera sèche à souhait et parfaitement carrossable...Enfin, à ne mettre qu'entre mains expérimentées et pieds sûrs.

Tout commence par un départ en bord de vigne, les vignes sont belles ici, sur leur sol argilo calcaire prometteur. Transformées en bunkers grillagés pour lutter contre les sangliers intrusifs et ravageurs, on les croirait pièces de musée.

La brume s'enroule comme une écharpe


Daniel connait le secteur, je n'ai qu'à me laisser guider mais je prends mes repères au cas où l'envie de revenir seule viendrait un jour me cueillir. Daniel ne sera pas toujours là. La liste de mes envies oui.

                                                                               

Sentier glaiseux, très glissant

                                        

Les protagonistes du jour

Le sentier fait corps avec un ruisseau raviné , encore noyé, puis entre dans le sous bois aux parfums exaltés par la pluie et le soleil. Plusieurs sentiers parcourent le site, le nôtre va longer au plus près le pied de la falaise pour permettre quelques points de vue. Il faut juste s'accrocher au pierrier ..


 Et un pierrier c'est glissant et instable à souhait. 

Une idée de la pente

Le sentier s'immerge sous le couvert de la chênaie dans une lumière verdâtre striée du noir des troncs graciles. Ce n'est ni ennuyeux ni étouffant. La falaise est très proche on entrevoit parfois l'impressionnant mur de près de 200 m sur lequel, des arbres acrobates font de vrais jardins suspendus. On voit aussi le décor de la falaise d'Hortus s'abaisser progressivement


La falaise d'escalade et une de ses grottes

Elle communique avec un orifice situé
 près de l'arête, face sud

décor de vignes, marée verte et falaise d'Hortus

Dans la chênaie

Il ne faut pas perdre le fil du sentier, ce qui nous arrivera et nous fera bien chercher !

Le sentier fait un petit écart et nous voilà non pas au pied du mur mais dans le mur, un antre haut, étroit et sombre à souhait...une faille dans le calcaire qui, à la lueur de la lampe révèle des parois couvertes de concrétions calcaires au relief bosselé, c'est un antre où sait jaillir l'eau. Mais quel est ce petit bruit saccadé, d'où sort il ? On cherche et on finit par trouver une petite bouche qui crachote de petits jets d'eau comme sous pression ! Surprenant ....

                    

Petit filet d'eau dans la grotte
Seul point d'eau du jour !

                

Le bloc coincé

                                                                                    


Très belle ouverture  que celle de cette grotte


Une autre grotte moins spectaculaire mais plus colorée sera sur notre parcours, désormais on fouille la moindre bifurcation, cela conduit souvent à des falaises d'escalade. De haut niveau, allant de 6 à 8c+ , il y a même un 9a+ réussi par Seb Bouin  (pour les connaisseurs). Le site classé Natura 2000 reste toutefois très discret. 

Daniel veut monter par le Col de la Pousterle, pour la beauté du point de vue, mais un peu avant, une courte cheminée montant à l'assaut de la falaise invite rapidement à la même chose : quand on arrive en haut c'est "waouhh" ! La mer est voilée de brume, dommage, le point de vue côté sud est médiocre ; ensuite, le reste est grandiose.

En images ... : vers le Pic où nous allons , image de gauche et vers l'est; belle arête mais les deux dans la journée c'est trop. Pour nous en tout cas...









Restaurés, on entreprend la montée de l'arête, but du voyage; certes un sentier permet d'arriver au sommet sans passer par l'arête et invite aux évitements. Le parcours est splendide, aérien, exposé, ludique et somme toute on peut le rendre rapide car il n'y a pas de difficulté majeure. Quelques pas un peu osés, quelques désescalades prudentes, l'avantage de cette roche est d'offrir des prises pour mains et pieds nombreuses et stables. Le plaisir du calcaire demeure intense : les textures, les formations géologiques, lapiaz, fissures, orifices où poussent végétaux rabougris et fleurs incongrues, couleurs pâles émergeant de la mer verte. Les points de vue sont fascinants même si le paysage n'offre qu'une seule variété, celle ci est sublimée par la roche. 



Départ de l'arête
                 
Sublime décor




Petit figuier ne deviendra pas grand



Oui il y a du chemin !!





Nous sommes là pour être prudents, nous prenons le temps, celui de rire et bavarder aussi, de nous amuser comme les vieux enfants que chacun est resté. Peu de monde sur le chemin, un "voyageur" qui descend. Inutile de préciser que les absents du jour doivent impérativement être "peur du vide" et "vertige"! "Maladresse" est invitée aussi à rester chez elle ...et pourtant! En regardant à mes pieds, en grimpant la cheminée d'accès, j'ai violemment heurté un chêne (à moins que ce ne fut le contraire...?) et je faillis rester assommée! Par chance cela n'a en rien entravé mes voltiges aériennes, la bosse ne m'a même pas déséquilibrée.

En escalade

Gestes et site de désescalade 

Le monde végétal accroché aux parois ou lové dans le moindre orifice est surprenant



Genévrier
Gueule de loup


Pistachier térébinthe




Voici un passage un peu "chaud" . A noter qu'il est possible à tout moment d'éviter l'arête par le sentier




Une haute cheminée

Sortie de la cheminée





 

Pas peur du vide

Je me régale et ça se voit
       

Cela se nomme "un salto de caballo"
Je ris "A dada !!" 
Je pourrais aussi être à moto !
  



Désescalade

Ma préférence
Et ce chapeau a une 
belle histoire
                             
J'ai une chance folle le vide ne m'impressionne en rien
Je pourrais aussi bien y faire mon blog à l'ordinateur !!

Daniel poursuit un rêve ...plongeant...Chut c'est un secret !!
C'est le seul endroit où j'ai le vertige, le voir se pencher là..
Pourtant il a fait mieux que ça, heureusement je n'y étais pas



Au terme de 1.81 km d'arête, nous voilà rendus à la civilisation, il y a du monde au sommet, arrivé par le sentier "normal" un bon GR face sud. 



Balcon sommital


Vue plongeante du balcon

La chapelle du sommet
          



                 

                       



Petite pause énergie, visite de la chapelle, admiration du point de vue depuis un drôle de balcon naturel et puis on entame le retour...par quoi ? Mais de l'arête bien sûr! Il en reste encore, dans son intégralité elle doit mesurer plus de 6 km... Je sens que j'ai quelques belles perspectives d'évasions dans mon avenir!





Un des plus beaux points de vue !

Drôle de grotte en vitrail de chapelle

Romantisme aérien au milieu des jardins suspendus

L'arête du retour est belle, elle ouvre sur les voies d'escalade les plus dures et les plus spectaculaires et sur des falaises tellement escarpées qu'on les dirait verticales : c'est dans le cirque des éperons que notre sentier, car c'en est un, va se loger ...Et c'est parti pour la séquence la plus compliquée du jour, la désescalade de la roche, entrecoupée de sentier noyé dans les arbres mais la quasi totalité du parcours est en roche. 

Signe d'humidité, jardins de mousses

Une étroite vire bien sympathique

Descente prudente, ça glisse, vitesse lente de rigueur



Vue d'en haut et vue d'en bas, la descente en Cirque des Eperons


Dans la face nord

Que tranquille il repose....

Difficulté car très glissant : exposé au nord, sous couvert végétal, roches glissantes, c'est sportif, 1 h de descente, le pierrier/tapis roulant et enfin le sentier que l'on dirait autoroutier.. Epuisés à l'arrivée ? Non, pas, juste quelques légitimes courbatures et finalement c'est au coin de "ma" vigne, discrétion assurée, dans un beau décor serein que je vais me doucher, me restaurer, et dormir, dans un décor pareil, on peut faire fi des sangliers et chevreuils. Au matin, de petites traces de pattes dans la boue m'apprennent qu'ils n'ont pas été sereins et sont partis un peu loin de cet humain qui a osé empiéter sur leur terrain.


Au soir tombé

Au petit matin...


Déjà mes yeux scrutent la face nord du Pic Saint Loup, sa grande Diagonale, parcours osé et grandiose, et la falaise d'Hortus qu'un sentier longe sur sa cime et le château de Montferrand et l'arête en dos de chameau qui le prolonge , et...STOP !!! me crie la Raison...


En chiffres :

Dénivelé positif cumulé : 550 m environ

Distance : 10. 5 km

Route : 423 km AR


Trajet approximatif, en bleu le retour



Le véritable tracé par le GPS de Daniel