mardi 26 avril 2016

L' Aigoual, en chiffres, lettres et souvenirs

Le Mont Aigoual est situé en limite des départements Gard et Lozère, aux portes du Massif Central, en France.

Une petite altitude, 1565 m. Mais que de surprises et d'excès !



J'avais jadis entendu parler de l'Aigoual au quotidien, par le biais de la météo. Et oui ! Le présentateur annonçait toujours des températures extrêmes, des éléments surprenants, on se demandait s'il parlait bien de "chez nous" car l' Aigoual est à moins de 200 km de chez moi à vol d'oiseau. Et ce qu'il annonçait était proprement stupéfiant.

Alors un jour d'été je décidai d'aller voir...Et je vis.


C'était en 2007 et avec mon petit camion j'escaladai les Cévennes majestueuses, sauvages, boisées  de chênes et châtaigniers. Puis de hêtres.


Paysage et vallée cévenols

Majestueuses Cévennes 

J'arrivai sur ce sommet qui n'en est pas un  et sur lequel veille un Observatoire construit durement entre 1887 et 1894 sur le style forteresse.
Arrivée à l' Aigoual


mais nanti en secret de chiffres effarants....

Et aussi 
Jours de pluie :170 par an
Hauteur annuelle de pluie : 2 mètres par an
Record de pluie: 607 mmm en 24 h, octobre 1963
et pire : 4 mètres dans l'année 1913

Et dire que à 100 km de là les Saintes Maries de la Mer sont le lieu le moins arrosé de France !!

Regardez l'arbre !

Jours de gel :144 par an
Jours de chaleur : zéro (au delà de 25°)
Chutes de neige : 66 jours 
Sol enneigé : 118 jours par an 
Un record : 10.4 m en hiver 1956

Voilà ce que par chance j'ignorai en ce soir du 7 août 2007...
quand je me posai là pour une nuit 
qui allait être glaciale.
Ma chambre cette nuit là

Ce mercredi 8 août 2007, au "sommet" tout plat de l'Aigoual, je notai dans mon cahier : " S'il est dans la vie des moments précieux comme des gouttes d'eau dans le désert, l' Aigoual en est un . Une arrivée tardive, après l'averse qui exacerbe le parfum des hêtraies dans le soir naissant, et la brume qui s'effiloche sur le promontoire où se dresse la sentinelle crénelée de l'Observatoire, a quelque chose de fantomatique. La tempête fait rage, le froid est vif : voilà un soir d'août qui a des relents de novembre. Mon camion, dos au vent n'a pas une étanchéité parfaite : il tangue comme un navire et le vent dans les arbres rabougris a des sonorités de vagues échevelées sur les récifs noirs des falaises de la Côte Cantabrique. Ce n'est pas la tempête à Ouessant dont nous rêvions jadis, c'est peut être la Patagonie où un homme m'avait transportée en rêve et où je n'irai jamais ni avec lui ni sans lui..."





 D'autres avant moi ont laissé des traces écrites autrement célèbres :
notes de voyage de deux étudiants bâlois14 :
Au 15eme siècle :
« Enfin, à midi nous arrivâmes au sommet, occupé par un immense pâturage (…) De ce point, peu éloigné de Mende, la vue s'étend au loin sur toutes les Sévennes, auxquelles nos monts du Valais sont seuls comparables, et jusqu'aux montagnes de l'Auvergne (…) Nous ne pouvions nous lasser d'admirer le panorama, favorisés par un temps magnifique qui permettait de découvrir au fond des vallées plusieurs hameaux ne paraissant pas plus gros, à cette distance, qu'une cabane de paysan. »
le 15 :
« Les vues les plus belles et les plus étendues que j'ai contemplées sur le Gesler, sur le Jura, même sur le Rigi, et dans diverses régions de la Suisse, restent loin derrière la richesse et la majesté de celle que nous avions ici (…) Les bornes de notre horizon s'étendaient à l'est et à l'ouest, au-delà des frontières de la France, au sud elles se perdaient dans la Méditerranée. »

 En ce qui me concernait en ce jour d'août 2007, j'ajoutai : " je suis allée me promener  ce matin dans la brume épaisse et le vent violent enfoncée jusqu'à la cime des cheveux dans mon grand coupe vent, mes mains logées dans ...des chaussettes. Faut dire que 90 km/h de vent et 5° ne font pas de ce matin un matin d'août classique . Pourtant l' Aigoual m'a fait un cadeau: un lever de soleil unique en son genre. Sublime et fugace. Derrière les tours crénelées de l' Observatoire . Un air de ces châteaux d' Ecosse sévères et durs dans une lumière qui chante comme un air d'opéra. Un matin à me faire oublier tout ce qui est factice et sonne creux, dans la vie d'en bas, tout là bas..."




La hêtraie fantomatique







 Je ne vous parlerai pas de ma randonnée ensuite dans les forêts, ni de ma visite au passionnant observatoire, j'y reviendrai dans un prochain billet, une prochaine balade en 2016.


Mais juste un peu plus bas, ce jour là, c'était l'été...qui laissait chanter ses couleurs....
                                                           ...................................................

 Je suis curieuse, vous le savez : alors j'allai voir à quoi ça ressemblait en novembre .




C'était le dimanche 8 novembre 2009
La route était déserte et luisait sous la neige.



La route d'accès, proche  de la station de ski : et oui !


J'allai voir...Et je vis  ! Les mêmes choses mais transportées en Sibérie. J'étais là à la journée, en voiture et en solo, avec Lison, toute jeune.




J'écrivis brièvement : " Tout était baigné dans une ouate parsemée de neige , cinglée de grésil. Les arbres, les ramures, les piquets, les clôtures et les herbes étaient frangés de glace. Un vent glacé balayait tout sur son passage et exaspérait Lison, folle de froid malgré ma veste. C'était superbe, j'eusse dormi là haut ..."




Sur le plateau noyé de blizzard


Fantôme ..ou le Diable ? pétrifié

Il n'y avait que moi 

A travers la clôture hérissée de glace
comme un cadre givré

Un peu plus bas, c'était l'automne qui laissait chanter  ses couleurs ....


Cévennes
 Alors je veux juste y retourner car ces souvenirs m'ont ouvert l'appétit, :revoir ces chemins de randonnée qui racontent en silence les Cévennes d' Antan et revoir ce merveilleux livre ouvert qu'est l'observatoire. Et peut être retrouver l'été, sans chaussettes aux mains et découvrir le panorama à 360° remarquable , si j'ai la chance d'être en dehors des 241 jours de brouillard! Et vous y convier...


Additif : pour les amoureux des Cévennes (clic)
un article que j'avais publié sur mon 2nd blog en 2013 mais écrit en 2011

mercredi 20 avril 2016

Avène , comme une évidence...

Il y a quelques temps qu' Avène trotte dans ma tête, ou plutôt l'envie d'aller à Avène . Pourquoi? je l'ignore. C'était avant mon mal de dos invalidant.


Hérault (34)

Situation d' Avène en Hérault

Et puis l' "invalidance" fut là et Avène s'imposa davantage. Avant le lac de mes 16 ans.
Alors, dimanche dernier, avec Mathurin et mon petit camion, nous prîmes la route pour Avène. A 17 km de chez moi, je ne pouvais déjà plus conduire. Mais l'envie était si puissante que les 200km supplémentaires, je les fis. En état second je l'avoue.
Acqueduc en cours de route

Sitôt arrivée à Avène, je posai mon véhicule sur le parking, sur l'autre rive du fleuve Orb , je tirai les rideaux et dormis 4 heures.
Ma chambre sur Orb















Je me réveillai à 19 h sous l'averse mais je partis d'un pied ferme (l'autre non...lol.) et visitai le village endormi dont seule vivait la cloche de l'église haut perchée..et un chat sauvage. Puis je rejoignis Mathurin au camion, concoctai un repas vivifiant et repartis pour une nuit de sommeil bercée par le vent, l'Orb à mes pieds et les cloches. Enfin des cloches qui ont résisté aux reproches de la population et accédé au souhait du maire : les conserver.J'adore la nuit, l'eau et les cloches.



L'église située en haut du village, vue depuis en amont
Pourquoi Avène? Qui est Avène ? De quels bienfaits m'imprégna Avène en 2009, lors de mon passage, pour que j'en garde un tel souvenir?
Avène hier
Avène est un village aux confins de l' Hérault et de l' Aveyron. Je connais davantage son passé, à présent. Tout le monde connait (ou du moins certains savent) sa réputation de ville d'eaux et son industrie cosmétique.
Avène épouse un méandre du fleuve  et n'a guère changé au fil des ans malgré les crues destructrices.


Avène aujourd'hui, depuis le Rocher de la Vierge 1880


détail : une maison et le "vert d'Avène"
Rues d' Avène et poésie en portes

Avène ville fortifiée

Avène médiévale
Avène est située sur le fleuve Orb, celui là même qui arrose Béziers, se marie à la Méditerranée à Valras plage après un parcours de 136 km fort dynamique : un barrage, en amont d' Avène, des gorges, et enfin un alanguissement dans la plaine.


A Avène, le fleuve est célèbre pour ses terribles colères lors des épisodes dits "cévenols" et si une partie d' Avène garde les pieds dans l'eau c'est qu'entre fleuve et remparts se trouvaient les tanneries qui occupaient une grande longueur. Avène a un riche passé agricole, minier (plomb) et tanneur (cuir), auquel contribuaient les forêts fournissant le tan : écorce de chêne et  de châtaignier.
Anciennes tanneries

Recto :Le quai des tanneurs, dévasté par les crues (1926 2014)
Déjà au 13 eme siècle...puis en 1745...



Verso : mon camion en face et l'échelle des crues
Mathurin est content du voyage : tout lui va , même les cloches puisqu'il y a les mêmes dans son village.


Je dors en face mais les deux cafés se sont noyés au fil du temps


Je suis venue me reposer donc je me reposerai ce qui en langage "Lison humaine" signifie faire 440 km A/R, beaucoup de sommeil, un peu de marche à pied, quelques petites routes sauvages à souhait et étroites à ne pouvoir se garer, de la curiosité à revendre, une "enquête", des questions à la population du crû, sans réponses car trop compliquées, ou trop en amont dans le passé, pas mal de photos et un goût de revenez-y car tout n'est pas élucidé. Se reposer dans le langage "Lison humaine " c'est écouter de la musique, écrire, lire et surtout pas compter.
Alors ?




Il est  5h , Avène ne s'éveille pas encore, j'ai fini ma nuit



Promenade matinale, au sentier du Rocher de la Vierge , 1880


Instant câlin
Alors foi de Mathurin, je me suis régalé : se reposer ça veut dire passer du temps avec moi, faire des sommes et des câlins, des conversations et bien manger. ça veut dire l'attendre pas trop,  et marcher dans les sous bois, sentir la terre et les plantes, râler et la mordiller quand elle veut me ramener au camion, évaluer si le camion passe dans ces routes minuscules qu'elle a le culot de prendre, et être seul avec Elle. Et puis dormir sur ses genoux pendant tout le trajet et lui parler, et lui faire des bisous.





A propos de noyade, l'Orb s'est noyé en 1960 dans le barrage des Monts d' Orb, censé réguler le fleuve et irriguer la basse vallée. Il noya aussi les mines de plomb, les prairies d'élevage, des fermes, enfin un patrimoine vivrier à jamais englouti.

Construction






Foi de Mathurin , se reposer pour Elle c'est me conduire hors des sentiers battus : j'en prends la mesure. On était bien au bord de l'Orb. On aurait pu rester dormir mais non !!!
Voilà que cette sadique m'emmène à ...Sadde ! Bien trop curieuse pour s'en priver.

Elle prend une petite route , celle dite des Béals et tant qu'elle ne sait pas ce que c'est elle cherche.
Pourtant c'est si simple : les béals sont des petits canaux d'arrosage qui desservaient tous les potagers de la vallée. Mais les crues du Rieussec et de l' Avenette ont tout emporté. Et celui de Corbières qui en fait partie aussi s'en est donné à coeur joie, le malin!
Ruisseau de Corbières après la dernière crue de
septembre 2015




Comment se croiser ?
 Et moi je surveille ...bon il n'y a pas foule. Elle, elle surveille les lieux de croisement.
Arrivés à Sadde , c'est du sport pour le demi tour.
elle descend, mesure d'un oeil, de deux, oublie de photographier le hameau semi ruiné et au centimètre près elle fait son demi tour. 

Je sais Elle a l'habitude mais...moi pas...
Surveillance rapprochée


Enfin , revenus en des lieux aussi déserts mais moins stressants pour moi, on va MANGER !
Et promenons nous dans les bois...je ne me le fais pas répéter !





Justement je trouve d'étranges "bassins "rectangulaires bordés de murettes non étanches et je passerai une partie de l'après midi à Avène à enquêter pour connaître leur origine : personne ne voit...

Alors, mystère à résoudre. 
Certes il y avait des charbonnières dans le coin, des terrasses ou "fraisses", les récoltes pour les tanneries, mais...nul ne sait...


Arrivée au village je poursuis mon enquête : Monsieur l'Ancien Maire, Jean Galabru, cousin de...mais oui ! Michel Galabru qui a sa maison ici, me conte beaucoup de choses.
Mais ces bâtis de pierre, il ne voit pas.

Bon on se rabat avant de partir sur la maison de l'illustre acteur, en bordure d'Orb, pieds aisément dans l'eau, tout près du futuriste établissement thermal .
Maison de Michel Galabru, natif d' Avène

Thermes d' Avène : maladies de peau et produits cosmétiques



Allez, je vais faire 220 km de béatitude sur ses genoux ou en vigie mais la route est si large que je ne peux que dormir. ce sera ses genoux bien plus confortables. Et en musique s'il vous plait !






En chiffres : 450 km de trajet 
En souvenir : 

Pour l'esprit

Pour le corps


                                                                          A bientôt ..........