mardi 31 octobre 2017

La foire aux courges !

Ce n'est ni un gag ni une boutade, c'est une vraie foire qui se tient en Catalogne et porte la charmante appellation de "Fira a la carbassa", la 8 eme du nom.


Rien de tel, lorsque on a une humeur un peu morose, plutôt chagrine et un moral en berne que de décider d'aller faire un tour dans le pays voisin, l' Espagne...Pardon, en Catalunya.
La Catalogne me manquait depuis un grand moment où je n'y étais pas allée et mes projets stoppèrent net en arrivant à San Joan de la Abadessas, une petite ville dans le piémont Pyrénéen, car j'y rencontrai...les courges. Je les avais déjà rencontrées voici quelques années par le plus pur des hasards, et j'avais été émerveillée par cette manifestation originale.


Eglise San Pol





San Joan de las Abadessas est une petite ville que l'on traverse assez rapidement, retenant au passage un vieux pont atypique et une grande église en ruines. Les deux ayant des points communs : un tremblement de terre et la Guerre Civile qui leur firent beaucoup de mal.

Trouver un stationnement est un parcours du combattant qui me donne l'idée d'aller dans le faubourg et de revenir à pied par le vieux pont.puisque je marche à présent : un test .


Situation de San Joan  Abadessas


 Après avoir franchi le vieux pont et être allée le regarder depuis son ancrage au sol, j'aurai droit aux courges.
Je comprends mieux son côté atypique après avoir lu son histoire. Une sacrée histoire !!

Le Pont Vell (vieux pont) .Initié en 1138, en remplacement d'un pont romain sur le Ter.
Abîmé par le tremblement de terre de 1428, reconstruit en style gothique
Lors de la guerre civile il fut dynamité
Reconstruit à l'identique en 1976
Petits jardins à la catalane et arches du pont neuf

Au pied de cette église San Pol se trouve une place, avec sa fontaine, qui prend aujourd'hui une couleur particulière, enfin des couleurs, puisque des centaines de courges multicolores s'y prélassent sur des étals. Au son des voix de la foule et au parfum des fumets de grillades.
La place et l'église démolie San Pol 12 eme
Abîmée par la Guerre, elle sert d'outil pédagogique
pour expliquer la technique de construction


Sur la place toute proche, je fais un bain de foule et, j'aime mieux, un bain de couleurs.
Aussitôt je me plonge dans les couleurs des courges et leurs formes étonnantes.
 C'est qu'elles sont belles ces courges ! Et bien accompagnées !










La sculptrice s'active pour le concours










Cependant ce que je cherche n'est pas là et je m'aventure dans LA rue des courges :













Ce n'est plus le choc de la 1ere fois, il fut ENORME ce jour là.
C'est ici que sont exposées sur un lit de paille les courges primées et sur un podium les médaillées !
Sans commentaires.

 Elles ne sont pas des courges locales, plusieurs régions y participent.


Venue de Navarre, cette courge de 805.5 kg : 1er prix


3 eme prix , 394.5 kg, Navarre également


2nd prix : 438 kg, provenance de Huesca
LUI, il ne dépare pas...côté couleur...la comparaison s'arrête là...-)))

Dans la foule des badauds je repère quelque chose qui passe inaperçu : un spectateur du cru se promène avec ses oeuvres. Sculptées à moments perdus dans des morceaux de buis assemblés il fabrique des cannes pour le moins originales !

 



Cette fois je décide de connaître davantage San Joan chargée d'Histoire. Ce fut une ancienne abbaye dont il reste de beaux édifices . La première abbesse fut Emma, la fille de Guilfred le Velu (Guifré el Pelos) 1 er Comte de Catalogne au 9 eme siècle, qui fonda ce monastère.Au 12 eme siècle les abbesses furent expulsées et remplacées par des abbés. le nom seul est resté à perpétuité. Saint Jean des Abbesses.

Les vestiges du Monastère : 9 eme siècle & 12 eme siècle
L'intérieur recèle des trésors 


Place de l' Abbesse Emma
La Fontaine est un cadeau du Mexique à un "enfant" de San Joan
auteur de l'hymne national mexicain

Je ne ferai pas un cours d'histoire mais une balade en rues de la vieille ville, autrefois enclose entre des murailles. Un lacis de petites rues, une Plaça Major, petite et jolie, les ruines de l'Hôpital attenant au monastère, en voici quelques images...


Vestiges de la chapelle San Miquel de l' Hôpital attenant au Monastère



La plaça Major 

Les seuls vestiges des murailles sur  24 tours et 6 portes

Mes pas me mènent loin de la foule, du bruit et c'est naturellement que je pousse la porte d'une sombre et étroite taverne (Plaça Major) pour me restaurer. On n'y sert pas de repas mais des plats de charcuterie arrosée de vin et agrémentée de "pan tomac" . L'authentique car la région est une région de salaisons.





Mon repas avec un blanc Verdejo
je sais, le rouge s'y marie mieux...



Repue, réconfortée (depuis longtemps s'est enfuie ma morosité, elle n'eut besoin ni de jambon ni de vin pour cela !), je quitte la ville et pour parfaire ma journée je m'en vais à travers monts par une petite route comme Catalogne en a : un long serpent de ciment, fort étroit, bucolique à souhait , remplaçant une ancienne piste de terre et louvoyant entre collines, vieux mas , chapelles esseulées, solitude, silence et parfums de nature. Juste ce que j'aime....



Serpent de ciment : 13 km


San Marti Surroca : 12 eme

 



Eglise et cimetière  San Miquel de Cavallera


Au bout de la route se profilent déjà d'autres perspectives de découverte...
Là haut, tout en haut...mais par où y va t'on ?
Depuis je n'ai pas su trouver l'accès.


Au zoom, loin sur les montagnes, près de Camprodon






vendredi 27 octobre 2017

Le dernier village de France (2 eme Partie)

A quelques jours d'intervalle, je passai deux nuits sur la plage de Cerbère. Ou presque; dans mon camion, portes ouvertes sur la nuit et sur la mer. La grève succédait à mon lit et la mer également.
La première nuit fut paisible, un silence parfait troué par le dernier train de la nuit. Lumière blonde, mer étale et silence de fin de saison. La seconde nuit était ventée,bruissante dans les palmes mais murmure sur la mer; les vagues s'entendaient au delà de la jetée. Quelques fêtards tardifs m'obligèrent à fermer la porte.

Le Cerbère nocturne entamait sa nuit que viendrait rosir de plaisir l'aube. Quant au soleil, il me faudrait reprendre la route pour que l'on se saluât réciproquement !

Depuis mon lit...



Ici aussi

Depuis la route de l' Espagne
 Mais nous n'en sommes pas là...
Cerbère riche de son passé conté en un précédent billet m'a révélé sinon ses secrets, du moins de multiples facettes.
Y a t'il meilleure façon de s'imprégner d'une ville que de s'y promener "hors saison" à une heure où l'on ne s'y promène plus ?
Le soir...Le matin...
Je fais mes premiers pas de convalescente à Cerbère, un symbole il va sans dire.
Cerbère est vraiment un village étonnant. Dont la figure emblématique est le "Belvédère" construit entre 1928 et 1932.


Le ruisseau, Le Riberal, bouleversé avec la construction de la gare a ses marques aujourd'hui et ses colères qu'on ne peut oublier un seul instant.
Il est endigué, cimenté, il sert de rue et de parking, il est bordé de trottoirs au dessus de notre tête quand on arpente son cours mais...il est des passerelles haut perchées permettant de passer d'une rive à l'autre, il est aussi, à chaque maison, une barrière vissée, de plus en plus haute vers l'aval, vers la mer, destinée à empêcher les crues d'investir les maisons riveraines. Quand on voit la hauteur, ça impressionne !


Le Ribéral et sa nouvelle fonction de rue et parking
Vue prise depuis une des passerelles aériennes






Le moyen de lutter contre les crues

Avez vous vu un village où on grimpe plusieurs marches pour accéder aux trottoirs ? A Cerbère, évidemment...
Trottoirs et protection contre les crues
alors que le ruisseau est bien en contrebas

Ma balade du soir, incongrue, me fait arpenter la rive gauche , fort coincée entre la rivière et la muraille de la gare: peu importe l'étroitesse c'est comme un jardin d' Eden : des venelles, des placettes, des fleurs hors saison, des patios, un art de vivre discret voire caché . J'en  suis émerveillée.




La promenade matinale, rive droite c'est faire un pas en Italie. Un peu d'escalade car ce ne sont qu'escaliers/rues, raides, perchés, tourmentés, cernés de balustrades, au milieu des maisons colorées: on prend de l'altitude et Cerbère dévoile ses facettes ; les bougainvillées colorés, les maisons imbriquées, le mur de soutènement, immense, l'étendue devenue inutile de la gare internationale, les collines couvertes de vignes ruinées, la pierre brune et la terre ocre , et puis ce ciel bleu, par dessus tout...Un voyage aérien dont on n'a pas envie de redescendre...


Une rue

Une rue



Et encore une rue



La place de Cerbère
La vie pourtant se concentre autour du ruisseau / rue / parking : commerces, place aux vastes platanes, petit marché discret, boulangerie forum, et enfin le front de mer coloré, vivant, qui accroche les derniers chalands avant le silence et l'absence dus à l'hiver. J'en fais partie de ces chalands, moi qui bois un verre en terrasse avec un plat de menu fretin ou bien qui une semaine plus tard m'offre un vrai repas, alors que le vent fou fait chanter les premières feuilles tombées, ivres mortes .



Un collioure blanc

Café de la plage par vent d'automne







La photo est floue mais on y mange bien
café de la plage















Front de mer

Quelques jours plus tard, dans un autre matin soleil, je continue ma découverte. Une seconde partie de la "rive italienne" de Cerbère. C'est ainsi que je la nomme. C'est beau. Mais avant de m'envoler vers le ciel,  j'ai fait une excursion sous la gare. Oui sous la gare; un réseau de tunnels et galeries permettent de traverser la gare . Sous les voies, dans la muraille. La route suivie est celle des mas , celle là même qui emprunte le cours rectifié, dompté et détourné du Ribéral.  La circulation gronde fort sous ces voûtes et mes pas résonnent. Je suis des yeux les anciennes canalisations, l'ancien réseau électrique avec ses porcelaines blanches, tout est en place, inutile et plaisant musée. Un grand puits de lumière, circulaire, flanqué d'un inutile escalier désaffecté attise ma curiosité. Je n'en saurai pas davantage ...

Le tunnel, le puits de lumière
et l'escalier désaffecté




Mais  quittons un instant Cerbère, le temps de voir se lever un soleil incandescent et de gagner la frontière quelques km plus loin et un peu plus haut.


Une douane ruinée, un monument à l'exode et devant moi s'étend, immense, l'Espagne dont je ne vois que la mer et le port de Port Bou, le port pas le village bien caché dans son anse.
Bien cachée aussi la dernière borne frontière des Pyrénées, numérotée, la 602,  dissimulée dans une grotte au ras de l'eau et accessible seulement par la mer.

Le premier village d' Espagne : Port Bou

Alors, je retourne sur mes pas et que vois je soudain ?



Mais le premier village de France, bien sûr!...Cerbère !