mardi 30 mai 2023

Aude : pêche aux oursins au ruisseau de la Coumo

 Le ruisseau de la Coumo, un peu plus de 2 km de long est un affluent de la rivière salée de la Salz qui nait elle aussi dans la même commune de Sougraigne, en moyenne montagne audoise. Loin de la mer. Malgré le sel. Il s'agit de sel gemme, emprisonné dans l'argile du sous sol de ces reliefs calcaires.


Pêche aux oursins

Cela peut paraître très compliqué mais les méandres de la géologie sont insondables. Nous sommes proches  de la montagne inversée de Bugarach, une référence en matière de surnaturel.

J'ai découvert ce site de Sougraigne un matin d'hiver où le gel accrochait ses miroirs ternis aux ornières du chemin. En cette fin  mai quasi estivale, il est plaisant de refaire ce parcours dans un indescriptible fouillis vert; tous les verts sont là, agrémentés de marguerites, boutons d'or et autres de mes souvenirs fleuris d'enfance dans les prairies. Le contraste avec mon sud de France jauni et desséché est flagrant et affligeant. Voir couler autant d'eau aux fontaines et aux ruisseaux, aux rivières et aux sources éveille la notion de gâchis contre lequel nous luttons depuis quelques semaines en utilisant l'eau avec parcimonie. A 20 km à peine de nos terres dévastées.


Au fond coule la Coumo

J'écoute avec gourmandise le chant de l'eau rivaliser avec celui des oiseaux: ici les herbes sont vertes et hautes, les arbres feuillus, les forêts épaisses, la Nature est une féérie.








Du vert éblouissant





Je connais le chemin, il traverse des prairies en remontant la vallée du cours d'eau étrangement dallé et se termine en sentier qui franchit un petit affluent. Des hautes falaises calcaires, vestiges des rivages de Téthys, cet ancien océan qui donna la Méditerranée dominent le site mais sont invisibles dans la verdure. 



Le ruisseau de la Coumo a creusé et élargi son chemin, laissant son empreinte. Il est agrémenté d'un filet d'eau mais ayant décapé le sol marneux, il semble être un chemin dallé dans la forêt, tout aussi dallés sont les ruisseaux adjacents. C'est surprenant. Et glissant !

Sol marneux du ruisseau de la Coumo

Ruisseau dallé


Je franchis un de ces ruisseaux et j'arrive sur site où je retrouve sans peine mes repères marqués en janvier 2022. Cette fois je veux explorer longuement le site et récolter des oursins. 


Le site




Il n'y a plus qu'à fouiller


Le site est fait d'une pente longeant le ruisseau sur laquelle se trouvent des tas de cailloux parmi lesquels des fossiles divers (bivalves) et des oursins. Certains sont inclus dans leur gangue calcaire, d'autres s'en sont détachés. Ces derniers se trouvent au bas de la pente, ayant roulé sous les flux de l'eau de pluie. De par leur forme. Au toucher on les reconnaîtrait: ils ont une forte densité. 








En négatif



Et en relief fossile 












En gros plan, les piquants



Négatif d'oursin



Style ammonite












Dans la rivière

Et puis il y a le sous bois. C'est une ancienne prairie entre deux ruisseaux : la terre y est souple et fertile, emplie de cailloux enfouis dans le sol, tous fossilifères. Une ruine s'élève à proximité, presque entièrement détruite, envahie de mousses, on cultivait ici, jadis. Aujourd'hui c'est le grand silence, à l'écart du monde et pourtant si proche. Une piste forestière contourne le site et le village n'est qu'à 2 km.

La ruine



Je fais ma petite moisson dans une chaleur épaisse, quelques spécimens mais pas LE spécimen, celui qui fait dire "waouhh"...Je laisse dormir tous les autres de leur long sommeil de pierre que personne ne dérangera, ou si peu...C'est banal, un oursin, mais quand même c'est si joliment décoré !

Je reviens sur mes pas en visitant le fond dallé de la Coumo, orné de fougères comme une forêt tropicale, enfoui dans la végétation luxuriante et la glaise collante, un petit bout de territoire hors du temps et du monde. 


De l'eau et de la dalle


Fougères



La forêt fantastique


Plus tard je visiterai la Salz, brune, salée, pétillante, moussante et glacée. Le bain sera parcimonieux. Et oui, cela sort tout juste de terre, ici.

En cascade


A la source







En baignoires




Style toboggan...mais on ne descendra pas ! 16 ° à peine




Situation de Sougraigne 






samedi 20 mai 2023

Vallespir : rive gauche de la Fou

 Les gorges de la Fou, contées en un précédent article, coulent au fond d'un impressionnant et bref canyon. 1.7 km. C'est sur cette distance que j'ai étudié la configuration des lieux en rive gauche sur quelques 300 m de hauteur. Soit aux abords de la route de Corsavy.

Vue partielle de la rive gauche de la Fou (à gauche de l'image)


Aujourd'hui, une route fractionne en deux parties la pente impressionnante de cette rive; cette route mène à Corsavy (puis à Batère, site minier désaffecté devenu refuge de montagne).

Cette route fut édifiée juste avant 1849, mais n'existe pas sur le cadastre napoléonien établi plus tôt (non daté); sur ce cadastre la route Arles Corsavy passait sous la crête du Puig de Capell, 607 m . La route nouvelle, d' Arles à Corsavy, emprunta une partie de l'ancien chemin des vignes. C'est une belle route qui, une fois l'an, devient le théâtre d'une course de voitures : "la course de côte de Corsavy". Débutée en 1960.


Cadastre début 19 eme





carte IGN : la route actuelle en blanc


En contrebas de la route , le Chemin des Vignes :

Le Chemin des Vignes, réhabilité
 par les chasseurs
Son assise

   















Dans sa partie à l'abandon


Murs de soutien

Donc il y avait des vignes et celles ci, mentionnées sur le cadastre et sur la carte IGN, ne sont plus qu'un ancien souvenir. Mais les pentes s'en souviennent encore. J'ai parcouru une partie infime de cette pente monumentale, en aval du mas des Balmes. Une pente emplie de chênes verts et bruyères, où s'étagent des terrasses brèves et solides dont on se demande si elles supportaient des ceps ou empêchaient le sol de crouler ! Ces terrasses vont jusqu'à s'appuyer aux falaises des gorges! Il faut s'accrocher aux arbres pour circuler dans ce relief escarpé. J'essaie d'imaginer le paysage d'antan...une merveille...

  

Au dessus de la route de Corsavy, c'était des vignes



Et en dessous, aussi (ici route d'accès aux gorges)

Murette de vigne




S'adossant à la roche


Vestige d'escalier

Les vignes s'étageaient jusqu'aux gorges






Un brin de nostalgie ? En décoration

Et juste au-dessus en abandon


J'ai même trouvé un fragment d'ancienne carcasse de voiture tombée de la route au-dessus.


Vestiges de vertige automobile !
Et murette de vigne


Les chasseurs y ont fait un sentier vertical menant aux gorges, mais le sentier horizontal (ancien chemin des vignes) y est bien visible avant que de se perdre plus ou moins. Il  existe une source captée et abritée dans un petit bâtiment citerne : la "Font d'en Tallède".


Citerne de la source captée


 

La cadastre ancien mentionne aussi la présence de pâtures et de champs. J'ai retrouvé ces champs, de céréales certainement;  ce sont, au dessus de la route, de vastes terrasses aux jolis murs, longs et bien rangés, face au sud. Des chênes verts, la végétation du département, s'y sont implantés, mais aussi d'énormes chênes liège qui ont été exploités, certains récemment. 


Murettes des champs,  larges parcelles, 


Vestige


Chêne liège très très ancien 



Suberaie , peut être y avait il des céréales au-dessous ?



En contrebas de la route



Et en contrehaut : la route a tranché les cultures


Des mas existent toujours : Can Japou trônait au milieu des champs devenus forêts. Les Balmes (les grottes), à présent au bord de la route, était alors à l'écart. Le mas des Viudes (veuves) au bord du chemin des vignes n'est plus qu'une ruine.

Las Viudes 






Le mas est grand mais embroussaillé, impossible d'y entrer

Las Balmes

Et le Mas "Penjat" (pendu), sobriquet qui lui est resté car il est construit juste en surplomb de la route, dans une pente impressionnante couverte de terrasses anciennement cultivées : j'ai du mal à m'y tenir sans dégringoler ! Et la route est juste en dessous, très passante...brr...Si on ne me l'avait indiqué je ne l'eusse jamais trouvé, même pas indiqué sur le cadastre. Pour être pendu, il l'est !! Perdu aussi, à présent...


Montée difficile au Mas Penjat

Descente périlleuse 


Tout ce qu'il reste : tas de pierres et de tuiles...et des ronces

Complètement ruiné



Tout autour, des cultures


Cette rive  gauche avait aussi une autre vocation : celle liée à la pierre calcaire dont est faite le canyon.

Ce calcaire fut extrait à la carrière de la Balme, désaffectée actuellement; il m'a été dit qu'elle servait à la construction. L'accès est interdit mais facile, par contre il bute sur une falaise défendue par un grillage. C'est un site de protection des vautours.






Plus intéressante est la mine du Four à Chaux, explorée avec Nicolas (qui se passionne aussi pour le secteur);  je l'ai suffisamment décrite pour ne pas en reparler. Par contre le four à chaux m'est devenu un peu plus familier : un appel d'air permettait la combustion du charbon de bois alternant avec les couches de pierre. Portées à une température moyenne de 900 °, les roches nécessitent 150 h de cuisson et 22 m3 de combustible (bois ou charbon de bois) pour obtenir 1m3 de chaux. Lorsque la cuisson est terminée, la chaux vive est extraite du four et arrosée abondamment pour obtenir la chaux éteinte prête à l'expédition. Ce four est très proche d'une falaise, cette configuration n'est pas anodine, concernant le chargement du four. Et peut être l'appel d'air.

Ce four n'est pas très haut et des orifices semblent attester d'une plate forme extérieure tout autour pour garnir le "gueulard" soit l'ouverture du haut. Ou pour la construction, peut-être. Ce four possède deux "ébraisoirs" , orifices permettant de retirer les pierres de chaux vive. Le mystère demeure quant à l'eau. Une ébauche de canal semble conduire au four, alors qu'il n'y a pas d'eau à proximité; d'où venait elle ? Conduite par tuyaux sans doute. Le bois provenait des environs, chêne ou bruyères, la déforestation a du être rapide, hélas.


Arrivée d'eau ? Cela ressemble à une conduite



En façade, orifices ayant supporté un échafaudage



Les deux ébraisoirs du four


Un des deux ébraisoirs (granit )

 Il est à noter que les blocs de granit ont été importés et taillés sur place.


Intérieur du four (comblé en partie)
Aucune trace de feu ni de briques réfractaires


Au dessous du four, une construction en pierres serait elle un bassin comblé ? Je n'en saurai pas davantage; en tout cas ce four ne figure pas sur le cadastre ancien. 


Le supposé bassin

Y figurent par contre les parcelles de terre en terrasses, entre le site minier et l'à pic de la falaise. Le secteur se nomme "vinyasse" (vigne). Mais la lettre T indique "terres". Aujourd'hui une magnifique forêt de chênes verts occupe l'espace. On y découvre quelques murettes, correspondant sans doute aux parcelles de "terres" (T) incluses dans les "pâtures" (Pa). Cette magnifique forêt s'insinue partout et bute sur l'à pic des hautes falaises. La parcourir est un régal, un peu glissant ce régal...



En contrebas du four et à :l'aplomb des gorges


3 terrasses : lieu dit La vignasse




La magnifique chênaie

Mon inventaire serait incomplet si je ne mentionnais pas le moulin situé à la sortie des gorges, au bord de la rivière, près du pont  de la D 115. On n'en voit rien, sinon un reste de mur enfoui dans la végétation; le canal d'amenée est encore en service, il doit desservir quelques jardins en aval. De quel type de moulin s'agissait-il ? La vallée du Tech dans ce secteur regorgeait de moulins mais l' Aiguat de 1940 a du tous les emporter.

Pont de la D115 sur la Fou
Le moulin était proche


Canal d'amenée : prise d'eau

Canal d'amenée



Ruine du moulin (marqué sur cadastre napoléonien)

Au cours de mes quelques brèves mais puissantes excursions sur ce site escarpé, sauvage, désert, j'ai pu recréer un instant le paysage, mesurer l'immense effort des gens d'antan pour mettre en culture, ériger des murs, travailler, récolter, dans un site aussi inhospitalier que grandiose. C'est sans conteste ce qui m'a le plus frappée : inhospitalier et grandiose. On ne sort pas indemne des pérégrinations en ce secteur et si on en sort indemne physiquement, c'est grâce à une extrême prudence et concentration. Je ne proposerais à personne d'aller à la découverte de ce secteur, cela ne ferait certes pas un objet de tourisme et pourtant...comme ce fut vivant...comme la montagne m'a parlé ! Tout est mort là bas, même le grand canyon a rendu l'âme. la Nature ne demande qu'une chose, reprendre ses droits et chasser l'importun.

Toutefois j'ai encore quelques balades en perspectives pour aller importuner la rive droite. Que je vous conterai bientôt. Avant de m'évader sur des lieux enfin bien dégagés ! Et moins bavards...



Les sites concernés, dans les ellipses rouges :