samedi 6 mai 2023

Vallespir, Corsavy : un petit tour, une petite tour.

 Ce fut une balade impromptue, tout à fait improvisée, partagée avec un ami, de ces hasards qui savent laisser pantois. On revenait d'une petite exploration infructueuse si ce n'est qu'elle nous avait offert un site sauvage, d'anciennes parcelles où l'on devinait encore des fruits sauvages, petites prunes acidulées et savoureuses que l'on trouve parfois, survivant à une espèce plus domestiquée et greffée.


Corsavy - 66 - 792 m


De jolies prairies au bord d'une rivière presque à sec, où le ciel bleu venait se baigner en toute discrétion. Une rivière qui fuyait ensuite dans une gorge noire, épouvantablement angoissante. Invincible.

Baignade bleue
Entrée du canyon noir


On remonta vite à la surface où régnait déjà une estivale chaleur. Une piste non portée sur la carte nous invita à la suivre, dans la forêt et sans prévenir se termina dans une grande pente de chênes verts qui fonçait droit à l'aplomb du canyon où l'on serait sans doute allés si...


Les chênes verts

Nicolas avisa une ruine aussi incongrue que possible en ce site stérile et inhospitalier. Je me précipitai et la ruine s'avéra être une sorte de tour, tronquée, avec deux ouvertures à la base : un four à griller le minerai  !

Mais que faisait ce survivant d'un autre âge ici ? L'âge du fer assurément, mais pas celui d'avant JC (-1200 -500 ans), non un âge du fer moderne, vieux de moins de 200 ans, l'exploitation massive du minerai de fer du Canigou, le plus riche de la planète.

Le fourneau : Nous trouvons deux ouvertures au bas de l'édifice : une à droite supposée pour la fonte, métal en fusion qui était ramené vers le haut du terrain par un plan incliné que l'on voit sur les vues aériennes, devenu piste actuellement.  Sur le terrain, un ancien canal semble rejoindre le fourneau. L'intérieur du fourneau, envahi par la végétation, recèle un petit bâti, l'arrivée d'air par la tuyère. A la réflexion, cet air venait du nord et était peut être amplifié par sa chute depuis la falaise.

Est ce un bas fourneau "moderne" ? Un four à griller ? La question reste posée...Les recherches posent plus de questions que n'affirment de réponses.

Additif : vues prises le surlendemain par temps couvert donc pas de jeux d'ombre et lumière parasites.







Des orifices laissaient supposer un bâti extérieur pour alimenter le four peut être


En granit taillé

Nico au sommet décapité du fourneau


Sur cette photo aérienne ancienne on voit
 nettement le tracé rectiligne du plan incliné.
Etonnant quadrillage qui lui est attenant
Sur place rien à signaler, plantation de châtaigniers
dans la pente


La seconde sortie du four amenait vers le bas le "laitier" sorte de scories dont on trouve des débris et le bassin de réception, une plate forme en pierres fort bien conservée .


Bassin de réception des scories

Et son mur d'angle.

Le laitier

Additif : deux jours plus tard, je retournai sur site et descendis au dessous de cette plate forme; trois rangées de murs soutenant des terrasses puis c'est la plongée vertigineuse sur le vide : prudence !

Une des trois terrasses



La plongée sur vide : il pleuvait et l'orage grondait


Nous sommes à Corsavy un petit village des Pyrénées Orientales, qui tourne le dos au Massif du Canigou pour se protéger de la neige et de la bise et ouvre sur la mer, l'orient, le levant, le soleil.


Corsavy et le Massif du Canigou

Corsavy a pu se prévaloir de l'immense site minier de Batère (Antiquité à 1987). Un patrimoine conservé, réhabilité . Mais ce que nous découvrons, à plus de 20 km du site, est une totale surprise. La pente est impressionnante et le  fourneau (qui alternait couches de minerai et couches de charbon de bois) est bien conservé même s'il lui manque toute sa partie sommitale. A ses côtés un vaste champ de débris de la mine s'évase vers l'aval, gageons que des débris devaient pleuvoir dans le canyon !

Le "terril" en mode plongeant vers les gorges

Même chose

Nous cherchons la mine, en amont et soudain j'entrevois dans les broussailles une sorte de muret au dessus duquel une ouverture de la taille d'un gros terrier expulse un souffle glacé et...intermittent, 1 mn 20 environ et autant d'air ambiant. Je n'ai qu'une envie, m'y introduire, ce que je fais en partie pour examiner le site, retenue par Nicolas plus circonspect quant à la solidité de l'entrée ! 

Ce n'est pas élégant comme entrée, plus tard j'inverserai
jambes en premier

Mais s'il y a courant d'air c'est qu'il y a une autre ouverture. Déçue, je rebrousse chemin, on passe à table, à l'ombre des grands chênes verts. 


Clin d'oeil moqueur au quignon de JM

Le repas aidant, le calme revenu, c'est Nicolas qui, en guise de dessert, propose ..."finalement pourquoi pas ? ". Nous avons une corde, des frontales, il y a une bêche dans ma voiture assez proche au cas où..., c'est parti, j'entre la première sans la moindre appréhension, la corde nouée autour de ma taille. Le boyau est large et haut, je me retourne, Nicolas n'est plus qu'un filet de voix dans un filet de lumière, mais déjà devant moi, un autre filet de lumière blonde et or se dessine, je détache la corde, informe Nicolas qui me rejoint et nous découvrons ensemble un site fascinant : nous quittons un boyau régulier et monochrome, une fantaisie de gris, pour une immense faille or et ocre qui monte au ciel d'un bleu éblouissant tout là haut, à plus de 25 mètres. Une frange végétale s'accroche en lisière, des rocs coincés pourraient paraître effrayants mais dans cette féérie de lumières et de couleurs, l'effroi n'a pas de place. De poutres tendues en travers laissent penser à une sécurité...illusoire, que feraient des dizaines de tonnes face à un bout de bois ? La galerie à ciel ouvert où l'on ne saurait grimper est prolongée au sol par un mur joliment édifié qui ferme quelque ouverture en falaise, un rai de lumière filtre entre les cailloux.

Intérieur de la galerie taillée




Oh...la sortie de l'autre côté

La voilà la vraie sortie : murée mais elle doit ouvrir sur vide...

2 jours après : la sortie sur falaise 



Et la voilà, l'autre, mais on ne sort pas, on grimpe !


Plein ciel






Il arrive, Nicolas



Des diaclases : Seigneur !Restez tranquilles!

Contemplation




Radicelles au plafond, les araignées sont au mur
La passion de Nicolas, grand observateur d'arachnides

Tout feu tout flamme, la sortie opposée




Ouais...vue d'en haut

La voilà...dubitatif



Vue d'en bas : aucun risque, une poutre nous protège...grrr







On revient sur nos pas, on entre dans une brève galerie qu'une maçonnerie semble avoir fermée, un puits d'ombre noire et sans fond s'ouvre devant nos pieds, on ne poussera pas la visite !! 

Puits sans fond : un nombre est écrit, 23 : mètres ou morts ?


Il a failli être muré

Retour sur nos pas, sortie en mode "accouchement" du terrier / entrée et aussitôt on escalade la falaise pour voir l'ouverture en plein ciel. 

Sortie en mode "accouchement"


Ma sortie par le trou souffleur


2 jours après : différence de température de 9 ° 
11 ° en sortie pour 20°  extérieur


Imaginez en haut une double faille, on y voit nos rochers coincés, on se hasarde sur un pont naturel (rocher + terre), on se penche sur du vide, on enjambe du vide, on explore le vide plus profond et tourmenté du canyon, on admire une falaise tranchée au couteau, ivre de vide, de verticalité et de mystères. Et on repasse à table, qu'on a laissée servie pour les sangliers. Au dessous de la tour de grillage, une plate forme en pierres semble avoir servi de déversoir et d'atelier aux mineurs, car elle regorge de scories. En effet, le minerai fondu, selon que c'était un haut fourneau pou un bas fourneau devenait "loupe", les débris que je trouve évoquent plutôt le bas fourneau, mais il eut figuré sur le cadastre sauf si les géomètres ont évité cette zone escarpée. 


On la contemplait d'en bas, dorée et lumineuse
Plus sombre vue d'en haut : la faille



En haut



Pas hasardeux

Décor sublime



En mode observation,





Oui j'observe cette sublime falaise



.
Sur le pont de la faille ...solide, je confirme par écrit
donc j'en suis revenue



Le sublime canyon : Gorges de la Fou


Zone escarpée...certes...Le mystère demeure entier; avant de quitter les lieux on s'offre un supplément de visite touristique : n'étant plus en mode découverte on peut savourer, s'aventure, oser...






Le site le plus fascinant surtout après avoir vu 
l'envers du décor, là haut



Le pont sur lequel j'ai marché, bien soutenu
par des rocs...euh...








Ces orifices soutenaient des poutres



Jeux de couleurs



Jeux de lumières


Galeries ou l'art de faire des galeries

D'aucuns courent une vie durant après des trésors, d'autres en rencontrent, autrement, au détour d'un chemin, ayant une saveur inexprimable. Ce fut notre cas. Mais déjà, j'ai lancé mon enquête, en savoir plus, alors, peut être, affaire à suivre ?

Additif : deux jours plus tard, par un habitant des environs,  j'apprenais qu'il s'agissait d'un four à chaux.

Plus plausible en effet au vu de la géologie calcaire...


En chiffres: 
Distance totale des 2 balades : 6 km
Dénivelé positif cumulé : 200 m


Carte du secteur






6 commentaires:

  1. Encore bravo pour cette nouvelle randonnée et belles photos. Je vais de ce pas ...me régaler d'autres de tes récits. ASP

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  2. Superbe photos d’un site magnifique, je stressais en lisant ton beau reportage, tu connais ma phobie de tout ce qui est souterrain…. Trop beau tout de même. Bises. Josy.

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    1. Je connais ta phobie et je parcours ces grottes avec un phobique pas à la fête : lui c'est les araignées; il est à la peine je t'assure mais le goût de cet univers le fait quand même passer. Claude adorerait part contre on se salit. Bisous. Et c'est tout près de la route !!

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