Je n'avais guère envie de conter ce dernier chemin mais ce serait lui manquer de respect si je ne le faisais pas. Je me dois de partager l'hommage que je lui ai fait en lui rendant visite. Une visite difficile, épineuse, blessante, il ne m'a pas fait de cadeau.
Ce pan de montagne, au-dessus de Villefranche "ne fait pas de cadeau" en dehors des sentiers balisés qui ne sont autres que les sentiers militaires du 19 eme siècle, construits sous le règne de Napoléon III, lors du renforcement des défenses du fort (souterrain, redoute, agrandissement du fort). Et chemins de surveillance en lacets avec une plate forme à chaque lacet. Ce sont eux qu'empruntent les randonneurs "normaux" ! Et pourtant que de cadeaux me fit cette montagne....
Perso, je me suis mis en tête d'aller voir les autres, cela vaut bien parfois des parcours plus épuisants que mes différents 3000 m gravis, hormis la redoutable Punta Alta.
Sur cette photo, j'ai parcouru le bleu (débardage), l'orange (eau de Libéria), le rouge (sentier actuel de Bel lloc), celui de St Etienne, non marqué, celui de St Pierre, non marqué, et le sentier du jour, en blanc, ancien chemin de Bel Lloc. Le jaune, je l'ai croisé, tant détruit que je le laisserai à la postérité oubliée. (Enfin, je dis ça...).
Additif : effectivement je l'ai parcouru en novembre 2022, alors le dernier chemin c'est lui !
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Légende ci-dessus dans le texte |
Je vais donc vous présenter le blanc, peu appétent il est vrai. mais il devait être beau et vivant le bougre, du temps de sa splendeur : splendeur du paysage aussi. Le paysage, hormis la partie des terres cultivées en vignes, à son début n'a guère changé. C'était comme à présent des éboulis, des falaises, des rocs et des arbres. Le site se nomme "La fenella", la saignée vive d'un ravin .A présent arbres, buissons et rocs ont colonisé le chemin et je me suis frayé un passage dans d'inextricables taillis. Jamais comme ce jour, d'où mon point final avec ce chemin. Pour ne pas finir comme eux : ruinée physiquement.
Pour une bonne mise en jambes je commence par escalader 300 m de terrasses (vignes ruinées), en un superbe droit dans la pente, jonglant entre les difficultés du terrain, direction la forteresse de pierre et surtout la carrière que je n'avais pas visitée. Il y reste des traces du dernier ouvrage. Quant à la forteresse, le départ du chemin de transport ne me laisse cette fois aucun doute. Et je débouche sur le chemin, en rouge sur la photo ci dessus.
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La montée dans les terrasses de vignes En blanc le chemin où je vais |
En images
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Vu de loin, mon décor |
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Pas facile de crapahuter là dedans |
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Certains murs sont infranchissables |
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Mais on trouve toujours son chemin |
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Lui l'a trouvé ! |
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Terrasses, chemins tout se ressemble |
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Point de vue époustouflant |
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Petit jardin |
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Mélange de roche et de murs, les uns aidant les autres |
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Pour grimper |
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Ou pour grimper...le mur |
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La forteresse vue d'en bas |
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Vue d'en haut |
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La carrière |
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Barre à mine |
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Direction l'objectif du jour. Cette fois je sais précisément où est le départ, je commence à connaître cette montagne !
Le sentier militaire m'y conduit rapidement, j'occulte les étapes parcourues précédemment. Je dois garder des forces. Les voici ces étapes:
Depuis Libéria, le chemin est intra muros
Plus haut il est enserré entre des murs. Mais il s'avère impraticable hormis ce tronçon; je me suis offert le luxe piquant de le tenter
Voilà sa morphologie cachée
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Un des occupants entre les murs |
Enfin il débouche sur le chemin militaire
Et quelques mètres plus loin, au virage, il file vers l'inconnu du jour..
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Au virage c'est tout droit! |
Pour cette recherche ma méthodologie ne fera pas appel à la boussole mais à l'altimètre. J'ai des photos aériennes, elles me seront inutiles dans ce fouillis, j'ai des mesures de distance, inutiles sauf une, par chance, et les points d'altitude, essentiels !
Vue aérienne avec cadastre en surimpression
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Ma feuille de route |
Me voilà partie sur un "boulevard enchevêtré", la couleur est annoncée. Le début du chemin passe entre des terrasses, c'est le pire des parcours car on y perd vite tout repère, rien ne ressemble plus à un chemin qu'une terrasse : même assiette et même murs. Je trace ma route, salue au passage un "casot" ruiné et comme le chemin se ruine aussi, je vais tracer à l'instinct, mes repères chiffrés tiennent la route.
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Boulevard enchevêtré |
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Accès aux terrasses |
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Pour l'heure tout va bien ! |
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Le paysage ne change pas, l'angle de vue oui |
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Anciennes cultures |
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Entre les murs : chemin |
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Et puis sur le chemin |
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Cela dépend des moments |
Pourtant au bout de 600 m, quelque chose ne va pas : le chemin du bas, celui de rando, est trop près. Là c'est l'horreur, je suis quasi 100 m en contrebas du chemin! Instant de grande solitude, si l'on peut encore se sentir plus seule.. Remonter 100m tout droit là dedans ?? Ou revenir sur mes pas retrouver l'assise ? Je choisis le plus efficace, droit dans la pente, ce sera la 1ere séquence olympique du jour. Evidemment je le retrouve, à 849 m, pas de doute possible et je respire un bon coup pour calmer mon coeur endiablé et mes poumons en surchauffe.
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Horrible montée ! |
Instant de grâce, je débouche très vite sur la rencontre des chemins "jaune" et "rouge". Aucun doute possible mais, de plus, je craignais de manquer cette confluence. Là tombent au sol mes velléités de le prendre au retour ! Le pire serait devant moi, je pense.
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Les deux chemins désaffectés se rencontrent |
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L'assiette du mien est bien nette |
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Le point de vue aussi |
L'énorme arbre marquant la confluence sur la vue aérienne est au RDV, il était déjà là au 19 eme je pense. Et il y a beau temps qu'il n'a pas vu un humain...
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Il est bien âgé |
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Un de ses aspects |
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Un autre, je préfère |
Le chemin fait ici sa courbe vers Bel Lloc et le paysage va changer puisque j'entre en face nord.
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La courbe : lieu dit "La fenella" |
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Ouverture vers la plaine et la mer: aperçu de la pente |
Ah cette face nord...des pins l'envahissent mais la tempête est passée un jour, ici aussi et a semé la même dévastation qu'ailleurs. Cependant ici, point de piste de débardage, point de nettoyage, et je vais m'enliser dans un inextricable fouillis de troncs enchevêtrés, relayés par une jungle de buplèvres en buissons, en murs, comme une mer d'algues. Je pédale, 2 nde olympiade du jour, dans un fouillis dantesque, prise comme dans une toile d'araignée, ne sachant plus où mouliner des bras. Jusqu'à la chute d'épuisement dans un pierrier où mon annulaire reste coincé. Brusquement dégagé, il va pointer un nez lamentable et douloureux vers le sol, me privant de l'usage de mes "rames".
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Les délices du nord |
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Même chose |
Voici ma 2nde olympiade!
Ecoeurée, je décide de redescendre à la faveur d'une éclaircie et je rencontre...un chemin ! Belle assise, beaux murs, mais....c'est le mien, voyons ! Le suivre sera un jeu d'enfant, malgré son encombrement et je débouche exactement au bon endroit, côte 890, en pleine épingle de la piste, après 1.8 km de belle galère. Mais quel beau parcours était ce ...fa temps.
Ce chemin allait de Villefranche à Bel Lloc mais ensuite pouvait continuer sur Conat, ou Ria, ou Vers St Etienne de Campilles, menu varié au possible.
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Le plaisir retrouvé |
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L'enfer c'était là bas, en forêt |
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Presque arrivée ! |
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La sortie officielle |
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Et la vraie, bousculée par la piste des antennes |
Alors je me pose au pied de cet arbre qui s'interroge : sur lui, sa mort précoce ? Sur moi et ma folie majeure ? A moins qu'il ne pose une question au Canigou ?
Bel Lloc se dore au soleil sans s'interroger, enfin sait on jamais ?
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On ne le présente plus |
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Bel Lloc |
Pour moi, aucune question : se sustenter d'abord. Je suis tellement épuisée que rien ne passe.
Pourtant une question me taraude : si le nouveau sentier fut construit vers le milieu du 19 eme, de quand date celui que je viens de parcourir, enseveli sous des tonnes de gravats et des m3 de végétal?
Bel Lloc baigne dans le parfum suave des violettes, si entêtant que je vais en croquer quelques unes; un peu de couleur et de douceur dans ce parcours est un vrai luxe.
Retour au calme de mon cerveau en ébullition et de mon corps malmené, je reviens par le "sentier neuf" et je vais m'appliquer à trouver où se fit la jonction entre chemin agricole et chemin militaire. Et bien je l'ai trouvée. A la facture des murs, à la fracture des murs, et à la borne 109. C'est une autre histoire: celle des sentiers militaires.
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La jonction des sentiers |
La journée n'est pas finie, j'ai rassemblé des forces, il me manque quelques encâblures à explorer de ci de là et enfin ma descente sera gratifiée d'un cadeau . Pierre Méné, aussi assidu (pour ne dire que cela) que moi est en train de débroussailler "sa" montagne. Il m'embarque dans son véhicule, m'emmène au fort et m'offre deux cadeaux : une bonne bière bien fraîche et le point final et secret du chemin de l'eau, une longue galerie obscure par où arrivait l'eau de la montagne, avant que de se jeter dans le citerneau où elle était filtrée, et enfin le superbe puits qui alimentait les soldats avant que la terreur d'être empoisonnés ne les en prive à jamais!
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Le pilier soutenait la canalisation en céramique qui entrait dans le fort par une galerie |
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La galerie |
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Le pilier vu de la galerie |
Une des plus riches et efficaces journées dans cette petite montagne plus riche qu'une grande sous laquelle un monde secret de galeries peut être encore inconnues crée une féérie souterraine que je ne verrai jamais dans cette vie. On ne peut pas tout voir, pas vrai ? Faut garder de quoi rêver...
En chiffres
Distance :11.5 km
Dénivelé cumulé : environ 550 m
La route : 110 km AR
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En blanc l'aller En rouge le retour |
Merci Amedine de partager avec nous tes exploits heureux ou malheureux. Très bel hommage à ceux qui ont travaillé dur pour exploiter ces petits bouts de terre, je pense, souvent dans la souffrance. 👏👏🙂
RépondreSupprimerMerci, c'est un plaisir indéfinissable touchant parfois au masochisme que de réveiller ce beau monde endormi depuis....la nuit des temps. 1850 au moins
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