lundi 5 février 2018

Au balcon dans la brume et la neige : 1731 m

Mon balcon s'appelait Col de la Cirera, (de la cerise) et, cerise sur le gâteau, il était au milieu de nulle part, perché dans la brume épaisse , en plein air et constellé de flocons de neige.
Fallait sans doute être un peu givrée pour apprécier mais, avant d'être givrée au sens propre, j'ai du m'en détacher.

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Quand j'ai quitté ma plaine au soleil, le Canigou étincelait sous un ciel pur que je savais éphémère.
Le long des 47 km de ma route endimanchée de traînards au volant, j'ai vu arriver d'un pas plus rapide des nuées sombres dans le ciel, puis sur les sommets du massif du Canigou , juste avant que je n'entame la petite route sinueuse qui y conduit en 20 km.


La neige avait bien reculé depuis dimanche dernier tandis que le mauvais temps avançait. J'ai posé mes roues au parking du col et je suis partie équipée, le piolet en prime cette fois, car où je voulais aller il risquait fort d'être utile.


Dès mes premiers pas,  j'ai compris que je n'irais pas au Pel de Ca habillé déjà par une brume intense. Alors j'ai musardé dans le silence, le calme plat et le désert ambiant. J'ai pris mon temps, le Col de la Cirera serait le terminus.

Un ciel mitigé

La fontaine de glace

 Le décor en montagne peut être fort changeant : la mer était invisible, la plaine sans relief, comme derrière un verre dépoli, les montagnes d'un bleu froid et les nuages fort présents tout là haut.



J'ai fait du tourisme dans les plaques de neige durcies par le gel, rencontré une drôle de fontaine de sucre glace et croisé la route d'un cabanon décoré par un nostalgique de la mer :  Montagn'Art égaré ne manquant pas d'humour.


Montagn'Art sur un bâtiment de la mine
















Les oiseaux étaient mes seuls coéquipiers sur le sentier glacé : petits oiseaux aux chants printaniers et stridents, sinistres corbeaux jouant avec les courants . Pas un humain, pas une voix, un silence figé où de minuscules flocons virevoltaient sans bruit, trop petits pour simplement murmurer.


Sur mon chemin je regardais les lointains : la vallée, Corsavy, les collines dénudées parsemées de vieux mas silencieux, la route mince , fine et noire, les montagnes frontalières grises et sombres. Dans un silence parfait. J'ai lancé un regard aux carrières en plein air, remplies de poudreuse, et je suivais des yeux la brume de plus en plus épaisse recouvrir ce qui aurait du être mon chemin vers le Pel de Ca.
Mine à ciel ouvert




Au col, la brume gagne du terrain, étoilée de flocons : Pic St Pierre


Col de la Cirera : la neige est gelée, je veille à ne pas glisser, la chute serait longue et je ne vais pas sortir le piolet pour 10 mètres quand même ! Par expérience je sais que le danger guette jusqu'au dernier pas.
Il y a encore un peu d'horizon au col mais faible : je connais son décor, ses lointains, je n'en vois rien, juste une ouate grise qui s'avance et sur laquelle ce drôle de sapin semble avoir projeté son ombre !

La brume monte des profondes vallées, côté sud


Un pin rabougri et son étonnante "ombre"

Je fais quelques pas sur le sentier qui monte vers le Pel de Ca, se perd dans la neige, la forêt et la brume. Le sol est gelé, si j'avais fait la randonnée prévue j'aurais chaussé mes crampons, ça glisse dur. Mais je bats en retraite, la brume monte des vallées, le décor disparaît, comme le St Pierre pourtant bien dégagé, avalé par cette brume fine, lisse, glacée.


Vers le départ du sentier montant au Pel de Ca

Je m'assieds sur une borne en ciment qui n'est pas une des 602 bornes Pyrénéennes puisque la frontière ne passe pas ici. Elle me fera un siège acceptable, sec mais glacé.

Assise sur mon balcon j'écris

 La brume achève de monter du fond de la vallée, m'enveloppe, je suis seule au monde, au milieu de rien alors que je connais le magnifique décor. Cela me plait de n'avoir plus rien, juste le vent glacé qui siffle à mes oreilles, les flocons denses qui crépitent sur ma veste , les pages de mon carnet, mes gants et dans mon gobelet de boisson chaude. Je me sens presque immatérielle, perdue dans cet immense horizon pourtant réduit à quelques mètres, mais un horizon que je sais, derrière le rideau. Je m'attarde, moins pour écrire que pour écouter cette vie rare et suspendue, entre parenthèses, dans cette montagne. Je m'attarde parce que, simplement, je suis bien.

dans le froid, la brume, la neige

C'est le froid qui me fait lever et reprendre le sentier.

Départ : le retour

Paysage ouaté et silencieux

A présent l'horizon est complètement bouché, il neige bien; je ne peux pas me perdre, c'est bien balisé. Je m'offre même un petit supplément de gâteau, en allant saluer une ancienne galerie de mine et m'amuser sur la grande coulée de neige dont les différentes "couleurs" indiquent la qualité : poudreuse ou gelée.
La coulée de neige 

Roche ferreuse


Je m'amuse dans la coulée de neige

Les "couleurs" de la neige, selon sa consistance

Arrivée à ma voiture, je suis la seule touriste. Il est 13 heures, je prends une collation qui est à la fois petit déjeuner et repas de midi, avant que de reprendre la route, sous la neige . La pluie la relayera à la côte 900 environ.
Il neige dru au parking

Et sur la route : enfin je l'aurai eue
ma neige !!

Alors ayant du temps devant moi, je décide d'aller rendre visite à André dans son vieux mas de montagne, une ferme d'antan, loin du village, et je plonge d'un coup dans ma lointaine enfance : le sol en ciment, l'âtre à ras du sol, le billot de bois servant de "cantou", les sabots, les animaux de la ferme, et toujours cette neige qui estompe la tristesse et la nudité de cet hiver qui commence à peine. La convivialité légendaire d' André fait le reste, ce petit supplément d'âme, cette saveur oubliée dans "la vie d'en bas" .

Au mas de montagne


Que du bonheur !


No coment :-))






4 commentaires:

  1. Bonjour Lison, Que c'est beau mais alors rien qu'à regarder les photos devant mon ordi, j'ai été obligé d'enfiler une polaire. Je ne sais pas comment tu fais ? C'était un temps à ne pas mettre un Macron dehors. Encore que tu aurais pu l'emmener avec toi et le laisser se geler les cacahouètes là-haut ça lui aurait fait les pieds et puis qui sait il y a déjà un sommet qui s'appelle la Peau du Chat (Pel de Ca) alors pourquoi pas un autre intitulé la Peau de Macron....Amicalement.

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    1. Pel de Ca, c'est Poil de Chien.(Chat= gat et peau = pell) Il paraît que ça monte très sec mais je pense qu'avec l'énergie qu'il (Macron) dépense à brasser du vent et autres, il aurait balayé les nuages. Bon passons...il eût gâché ma balade! Froid non je n'en ai pas eu même si je n'ai pas eu chaud; froid si on ne bouge pas, certes. J'ai adoré cette atmosphère "sfumata". Hormis la peur de me perdre, je randonnerais bien dans la brume épaisse comme j'ai envie de randonner de nuit. Bises Gilbert

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  2. Je suis gelée... pas à regarder tes magnifiques photos, mais le froid est arrivé et je parviens difficilement à me réchauffer !!!
    Merci pour cette merveilleuse balade, cette immensité tout blanche, c'est beau... dommage que la brume se soit invitée.
    Tu as terminée la journée en charmante compagnie et comme on dit chez moi, autour d'un délicieux petit machon ;)
    Douce soirée, Bisous, Câlins à tes Félins

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    1. J'ai plus froid chez moi, dans les vignes ou le jardin qu'en montagne; en montagne je bouge. Et puis le froid est sec. L'humidité accroît la sensation de froid. "Un délicieux machon" c'est joli ça : d'autant que le commentaire précédent m'invitait à emmener le "délicieux Macron" dans le froid et le gel...MDR. Bisous, garde toi du froid

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