Terminer 2022 en montagne et commencer 2023 de même, quoi de plus beau ?
J'ai choisi pour cela un lieu que je ne connais pas, il faut se renouveler et c'est encore possible sans aller très loin. Echapper à la grisaille qui recouvre la plaine depuis des jours et des jours, un programme à lui seul.
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Massif du Canigou |
J'ai choisi d'aller dans le Massif du Canigou, pas au pic évidemment, 1750 m de dénivelé en plein hiver et dans un peu de neige et de glace, ce n'est plus de mon âge. L'été encore cela pourrait s'envisager...On sera modeste, l'essentiel c'est d'être heureux. Direction Valmanya et Los Masos, son hameau, au bout d'une vallée reculée, celle de la Lentilla, torrent issu d'un lieu charmant au nom affreux "La Carnisseria", la boucherie, affreux car on peut se demander ce qui a généré ce nom. Le site par contre est superbe. ça tempère .
De Los Masos, pour accéder au Balcon du Canigou, puis aux Cortalets (dotés d'un chalet refuge) et enfin au pic, il y a deux trajets, par le refuge de Pinateil (long) ou par les Bois de Patriques, le plus direct.
Il y a des années qu'on me parle de ces fameux Bois de Patriques . Il y a longtemps que je veux aller me frotter à ce sentier un peu "monstre" et beaucoup attirant. Il paraît qu'il monte sec.
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Soir du 31 janvier au camp |
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Bleu Canigou et rose ciel |
J'ai passé la nuit seule dans un parking; toute proche une maison vivait, lampe allumée. J'ai quitté le site au lever du jour, lumière rougeâtre, ciel un peu couvert et 10 ° ambiants à 1030 m. Certes pas de l'hivernal.
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Soir |
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Départ au matin nimbé de rouge feu |
Le sentier de Patriques démarre tout de suite dans un joli chemin clos, puis traverse quelques prairies où je devinerai des ruines au retour et enfin débute la montée, dans un paysage d'abord très sec, flancs rocheux de la montagne de l'autre côté du ravin de Patriques, végétation buissonnante, quelques chênes, érables et autres noisetiers avant que ne s'impose très vite la hêtraie.
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Tapis de sol |
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Une ruine de cabane |
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Dans la hêtraie |
Le sentier monte en lacets sur une ligne de crêtes séparant deux vallées : celle grondante, de la Lentilla, et celle, muette de Patriques, ravin sec. Tout est sec cette année, le déficit en pluie est criant. Cette ligne de crêtes s'accompagne de bornes blanches qui disparaîtront par la suite. Sur le cadastre de 1831 ne figure pas ce chemin donc j'évalue sa construction plus tardive et je m'interroge : dans quel but ? La réponse viendra sur le terrain, rapidement; ce chemin servit à la fabrication du charbon de bois alimentant la forge de Valmanya et peut être les tours de grillage situées un peu en aval; ceci en lien avec l'extraction intensive du minerai de fer du Canigou, de Batère à Valmanya en passant par d'autres sites miniers d'importance. Le fer cessa d'être exploité dans la première moitié du 20 eme S. Les charbonnières furent exploitées dans ces bois de Patriques : j'en rencontrerai sur mon chemin mais aussi certaines se devinent dans les pentes très abruptes, petites terrasses au sol noirci et la seule physionomie des hêtres est parlante.
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1280 m, 36 eme lacet, halte fruits secs |
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Une idée de la déclivité du flanc de la montagne |
Une petite parenthèse, en aval de Valmanya : les fours de grillage du minerai qui fonctionnaient au charbon de bois.
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Fours de Rebollèdes |
A propos de végétation ce sentier est intéressant car il permet un panorama de la végétation de montagne, ses différents étages, mais aussi selon l'exposition géographique. Pour des amoureux de botanique, géographie et histoire, il y a de la lecture ! On ne s'y ennuie pas en plus de faire travailler souffle et muscles. Une difficulté s'ajoute à cette montée ardue : le tapis de feuilles de hêtres est un vrai enfer. On croirait marcher sur des billes ou sur une plaque savonnée. Ce sera le pire élément de la montée et de la descente en perspective. je songe déjà au retour par le Pinateil, sur le versant opposé.
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Force de vie : un hêtre qui ne fut pas utilisé pour le charbon de bois |
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Difficile tapis de feuilles
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Pour passer le temps je compte les lacets, je prends quelques notes (en légende de photos) et surtout je compare avec la montée de Parau, en Ariège qui m'évoque beaucoup celle ci, je me demande laquelle est la plus ardue. Les chiffres récoltés lors des 2 randos parleront davantage que le ressenti, c'est Patriques le grand gagnant .
Le temps donné est de 1 h 45 de marche pour Prats Cabrera et je mettrai 1 h 50, mais en m'octroyant de nombreux temps de pause, non comptés, pour tempérer les pulsations cardiaques et retrouver du souffle. La hêtraie s'est mâtinée de sapins dès 1350 m et au 79 eme lacet, une trouée de lumière annonce l'arrivée à découvert. 1626 m, 600 m de dénivelé bien "soigné".
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44 eme lacet, 1338 m, premiers sapins |
Le premier point de vue est une vaste récompense. La neige est absente de ce cirque de montagnes, elle devrait être conséquente depuis longtemps déjà. Une sécheresse hors du commun, des températures élevées (1l fait 12 ° à cette altitude de 1663 m), un vent du sud gorgé d'humidité, ce n'est pas de saison. je suis en tee shirt et remets le pull à cause du vent. Le site est un "ras" en catalan, le seul nom de ras, donne froid. Les courants d'air y règnent en maîtres !
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Et alors éclate ce panorama !2636m, 3.17 km et 1 h 25 de marche |
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Le houx |
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Vers Prat Cabrera |
Certes c'est la façade est, face à la mer, mais quand même, l'enneigement est le grand absent. Il faudra que je revienne avec de l'enneigement. Ce doit être une splendeur.
A présent, un superbe paysage va m'accompagner, entre sentier et fragment de la piste des Cortalets, jusqu'au Ras de Prat Cabrera (4.26 km)où m'avait conduite ma randonnée en "Balcon du Canigou" depuis Batère. C'est vraiment l'image du jour avec ces courbes sinueuses et gracieuses et ces longs traits fins comme un pinceau, de minces couloirs.
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Au nord flotte le Bugarach |
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Crête du Barbet |
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Plein est, les Albères |
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Serre du Roc Negre |
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Lichens sur roche |
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Ces lignes me fascinent |
Ce sentier va monter de façon régulière et assez rectiligne soit en crête en suivant la clôture, soit en forêt de grands sapins. Inutile de préciser qu'en ce premier janvier les randonneurs sont absents, seul un écureuil filera dans un arbre et, comme je ne bouge pas, il me permet de tirer son portrait avant que de changer d'arbre. Quelques plaques de neige éparses jonchent le sol, à plus de 1800 m.
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Le long de la clôture: altitude 1800 |
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Ma plus jolie rencontre |
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Je n'en verrai pas davantage |
Je donne une limite à ma progression, les 1000 m de dénivelé, parce que je veux descendre par Pinateil et que cela risque d'être très long.
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2030 m : pari tenu; le vent aussi tient la route |
J'accuse la fatigue après ces semaines végétatives dues à mon genou, mais la volonté est là, et je progresse. 800, 900, je pousse l'effort, 1000, soit altitude 2030, ça y est. Et si je continuais un peu ? Je suis déçue parce que à cet endroit le sentier vire brusquement à droite et file en transversal et en courbe de niveau. Perchée sur un rocher, face à la mer de nuages qui habille la plaine et la mer, faisant émerger Albères et Corbières comme des îles bleues, alors qu'à mes pieds une lande à genêts d'un vert vif plonge vers l'aval, je me nourris un peu. Comme à chaque rando, je n'ai pas faim et avale de force de quoi ne pas tomber. C'est mon gros handicap : fournir de gros efforts sans combustible.
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Je ne trouverai pas davantage de glace |
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Terrasse panoramique du restaurant 2065 m, à l'abri |
Je repars donc jusqu'au bout de ce sentier couvert de glace par places, et je m'interroge : je suis près des Cortalets, très près, 1.6 km et 65 m de dénivelé et pourtant je fais demi tour, le retour sera long et les jours sont très courts. Je le regrette encore...
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Terminus panoramique en zone d'exploitation forestière. 2086 m
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Bleus espagnols |
De ce belvédère qui regarde vers la plaine, la mer, le Bugarach et sans doute le Mont Aigoual où j'étais perchée le jour de Noël, contemplant le Canigou au dessus de pareille mer de nuages, je savoure cette capacité à me retrouver en deux points diamétralement opposés, à 200 km l'un de l'autre à vol d'oiseau et je me dis que ce sont deux beaux cadeaux que je me suis offerts à 8 jours d'intervalle. C'est ça la Liberté peut être. Ou cela en fait partie. Réinventer sa vie. Dans le même silence, le même calme, la même beauté.
Je reviens sur mes pas et, cerise sur le gâteau, je vais voir cette cabane de berger à l'écart du chemin, dans un site incroyablement beau. C'est une cabane originale : elle est double, séparée par un mur percé d'un orifice et munie de deux entrées, une ouvrant vers l'est et la plaine, la mer, l'autre ouvrant plein ouest vers le magnifique cirque de montagnes sous le Puig Sec, là où convergent torrents et couloirs.
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Lumière d'exception un court instant |
Offrons nous la visite de la cabane ou "orri" 1640 m
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La cabane dans le cercle |
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Quel emplacement! |
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Côté mer |
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POrte sur mer |
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Le "passe plats" |
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Côté montagne |
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Porte sur montagne |
Finalement j'opterai pour un retour sage et prudent par le même chemin, après tout les chemins à l'envers permettent bien souvent d'enrichir la perception qu'on en a eue, et puis il faut bien garder de la découverte pour une prochaine fois non ?
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Abri pastoral Prats Cabrera (env 1700 m) |
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Je ne sais pas le nom de cette arête côté nord Becis et Gardeniu je suppose |
Une descente plus que prudente sur ce tapis de billes mais qui me conduira sans encombre, juste une glissade sur le train arrière, jusqu'à mon camion où m'attend enfin le bon steak que je commence à convoiter avec délectation.
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Un sol de billes |
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Immense chêne près de Los Masos |
En chiffres:
Distance : 12.5 km
Dénivelé positif cumulé : 1076 m
Temps de marche : 5 h 07
Et la route : 118 km AR
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Le trajet surligné de blanc |
je l'avais fait un 23 juin par le Pinatell en montant et Patriques au retour. Les "flammes" descendaient de la Trovada, les rhodos étaient en fleurs, les biches aussi, une ânesse tirait une britannique qui ne pouvait plus la contrôler (FDR), il faisait beau. Une belle journée. Je n'ai jamais gravi Patriques, j'essaierai cette année.
RépondreSupprimerBravo Amedine pour cette aventure hivernale
Poutous
GV
J'avais en mémoire en montant ton périple, on en avait parlé sur F Book. J'ai donc pensé à toi, Patriques ne te posera pas problème. Ce que tu as fait en juin, après mon passage sur le balcon, c'est la classique des randonneurs qui veulent voir et se régaler. Cette fois tu feras le chemin à l'envers. Ma prochaine sortie là bas sera ton parcours, avec peut être un petit hors sentier en balcon pour "aller jeter un oeil" quelque part. Bises, à un jour pour de vrai. Déjà aux sarments !
SupprimerCe bois de Patriques intrigue et inspire à la fois Patrick ! Il est probable que j'irai y randonner un de ces quatre mais plutôt en mai ou juin avec un bon "de quoi pique-niquer" dans le sac à dos ! Et une visite au site de Valmanya chargé d'histoire ! Une belle sortie pour toi et un bon test physique pour ton genou et ton souffle ! Et.... une nuit de plus en home mobile ! 😄 P.D.S.
RépondreSupprimerEt je ferai bien partie du voyage si tu y vas , pourquoi pas ? Faire la boucle par Pinateil et le balcon du Canigou, ce ne sera que régal visuel. Sauf que moi je coucherai en home mobil, impossible de m'en passer.
SupprimerNous ne connaissons que la belle piste par Pinatel faite plusieurs fois en voiture jusqu’aux Cortalets hélas elle est interdite maintenant… Ton circuit pédestre est intéressant, vue splendide, magnifique four, cabane originale, tout y est par se régaler. En prime un écureuil pas trop craintif et des photos splendides, je comprends que tu te sois régalée. L’année débute bien pour toi, ça ne peut que continuer. Bises, Josy.
RépondreSupprimerNon je pense que tu fais erreur parce que Pinateil n'est desservi par aucune piste; il y en a une Valmanya Estagnol mais rien à voir avec les Cortalets. Quoi qu'il en soit, le Canigou est devenu inaccessible pour les gens de notre âge et c'est injuste. L'année rando a bien commencé, pour le reste moins bien ! Bises
SupprimerTout à fait j’ai fait erreur, je n’avais pas regardé la carte, je pensais que tu étais partie de Los Masos au dessus de Villerach et c’est Los Masos de Valmanya, je ne connais pas du tout, il faudra que nous découvrions à la belle saison. Bises, Josy.
SupprimerTu n'as pas poussé jusqu'aux cortalets, ton genou s'acclimate pas mal ? tu as de quoi coucher dans ce versant avec Pinateil (le tuyau de poêle fuit) mais très beau. ensuite le refuge pastoral de Prat Cabrera le must quand on est peu nombreux(tenu en très bon état par Sami et décoré) et puis Les cortalets si tu veux faire le pic( grand et froid!) Bonne année en montagne !
RépondreSupprimerJe t'ai expliqué par mail pourquoi. Je compte aller visiter le Refuge de Prat Cabrera mais la cabane double me tenterait plutôt ! Clots de Dalt, j'espère y faire un tour en été. Les randos que je fais à présent ont un double but : la nouveauté et faire des repérages pour l'été.
SupprimerJ'oubliai la petite cabane avec poêle des Clots de Dalt (un ancien petit orri réaménagé) qui permet de faire une boucle par la Porteille de Valmanya
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