mardi 8 juin 2021

Nyer (66): Moreries & Prunedós

 Ce récit est l'aboutissement de ma première incursion en février 2021. J'avais gardé l'essentiel pour le printemps, je voulais du ciel bleu, du vert, des fleurs, un paysage étincelant, comme une fête, pour honorer  ces deux sites qui sont devenus une page d'Histoire oubliée et si vivante pour qui sait la sortir un instant de son oubli.

Moreries : cortal

Ainsi en ce dimanche 6 juin 2021, avec Chris et Alain dont je ne sais plus si c'est eux qui me suivent dans mes délires ou moi qui les accompagne dans les leurs, nous nous éveillons dans un matin gris avec  l'averse qui fouette les carrosseries ! Pourtant une fine écharpe de bleu nous invite au "on y va on verra".

C'est vite vu, la météo va me faire le plus beau cadeau : une journée étincelante nous attend. Juste celle que je voulais depuis février.




Pour qui ne connait pas le départ, il est impossible à trouver : d'immenses herbes folles et trempées, étoffées de végétaux piquants nous souhaitent la bienvenue. Nous allons partir pour un voyage aller de 5.5 km, le sentier est encombré par les végétaux, personne n'y passe pour les refouler un peu, mon cairnage assidu va nous accompagner sans faille, ne pas devoir chercher le chemin est un atout majeur.



Alain se prête au jeu, on pourrait à présent s'y rendre à l'aveugle !



Nyer




La montée de l'Erolles: c'est le plus ardu du voyage.724 m / 1033m et l'arrivée sur le sentier. Bien plat. 309 m D+ et 1.8 km. 45 mn de bonne grimpe en sueur. Erolles était cultivé, il y a des murets partout, un cortal, les conifères sombres et tristes ont tout envahi. Erola, l'aire, parcelles planes dans un terrain en pente.







1054 m: Un petit col ouvre sur les gorges, la montagne vertigineuse de part et d'autre, un autre monde, bien plus agressif, en face, avec des aiguilles et draperies de roches insurmontables. 


Alain nous appelle "les deux nivelées" : on fait des concours
de petits dénivelés devenant grands

Gros plan sur la route abandonnée


Chris donne efficacement le tempo de la marche. On commence par une belle escalade de falaise, (II, II sup) pour voir une ruine, si étrange que je me demande si ce n'était pas un point de surveillance des gorges, en lien avec le château La Roca, au débouché du goulet, en bas. Rien de pastoral à priori.

On est vraiment en corniche, on étudie la paroi pour grimper (ph Alain)

J'adore cette photo très minérale et vertigineuse (ph Alain)



Séance d'escalade : 12 m




L'objectif : rien de pastoral, peut être militaire ?


Château La Roca 


Retour sur le sentier, on y admire la "grande muraille" que les hommes ont construite dans cet à pic pour réaliser le sentier et le sentier, justement, est très étroit, ici, encombré de végétaux; peu agréable.

La grande muraille (ph Chris)

Au débouché de la vire
Cette grande muraille, au retour, nous l'escaladons par une vire latérale


Par la vire: les deux fêlés

Ravin dels Horts : cortal

                             



On chemine presque en courbe de niveau, faible pente ascendante et on est au Ravin de la Coma dels Horts (1121 m, 2.8 km), le cortal, l'orri, la source, quelques murettes, côté paysage c'est vert, riant, fleuri, de l'eau coule dans le ravin, les oiseaux, enfin tous les clichés printaniers.







"Ravin de la mousse"

Bouquet

Tout près se trouve le "ravin de la mousse", (1149 m, 3016 km) ,moins vert qu'en hiver car il est noyé dans le vert. Des filets d'eau qui se perdent et remontent en surface, nous on remonte le ravin bien cairné sur 100m et on tourne brusquement à gauche, lacets serrés, on entre dans les Talladetes :  (pentes abruptes, ravines vertigineuses en direction des gorges, falaises), on fait face à un paysage très tourmenté en face, aiguilles, arêtes, "chez nous" c 'est plus doux, moins de falaises, mais côté TRES abrupt, on est gâtés, ce sera de toute façon la constante du décor. 

Paysage des Talladetes

Juste en face : plus corsé !


Notre chemin ondule comme un serpent de petits cols en entailles rocheuses faites pour loger le sentier, on refait une autre escalade, plus douce, pour admirer le décor hors sol, au dessus des arbres.

Un des petits cols de Talladetes

Escalade !
                
       






Du haut du rocher...

Prunedós est un autre monde, toujours plongeant vers le bas, et filant au ciel à notre droite, une immense chênaie, émaillée d'érables, mais des pruniers ou pruneliers ?


Paysage plongeant des chênes de Prunedós

A Prunedós se loge un site pastoral, on verra au retour.

Au premier ravin (sec) venu, Prunedós cède le pas aux Moreries, royaume du hêtre et domaine des anciennes charbonnières, il a fallu faire près de 5km pour trouver trace de vie et d'activité humaines...et de l'eau : quel long et éreintant parcours pour ces gens d'antan...

Paysage des Moreries , forêts charbonnières de hêtres


Plongée vers le Mantet



Evidemment tout est aussi escarpé, plongeant ou grimpant, selon le sens. En toile de fond un décor souvent dévoilé, un ciel bleu, du soleil, des oiseaux et la rumeur sourde du Mantet, peu visible.




Nous voilà au terminus de mon voyage de février; il restait 300 m que j'avais gardés comme un cadeau pour le printemps. Je suis impatiente ! J'imaginais un site très doux, en pente vers la rivière qui serait accessible, des parcelles, des prairies, enfin, à faire un site agricole si loin il fallait que ce fut une sorte d' Eden! Alors lorsque j'arrive au petit col qui va nous basculer sur le site, je rêve encore ...Ce ne fut pas une déception, ce fut une stupéfaction!



En arrivant au col : que vais-je découvrir ?

Je découvre cela : quel décor !

Nous nous trouvons face à un décor quasi Andin, une pente vertigineuse plongeant vers un ravin affluent et remontant de même manière vertigineuse sur l'autre rive, comme le sont les rives du Mantet: on ne trouve de plat dans ce décor que ce qu'a façonné l'homme.  Le sentier finit, sur la carte comme sur le terrain, à nous la débrouille et l'embrouille dans les folles herbes, les pentes, les murs. Imaginez...on est presque en crête: au dessus de nous de véritables murs en étages. Et au dessous de nous la même chose mais cette fois on ne voit pas les murs, juste les terrasses qu'ils soutiennent et tout cela plongeant vers le ravin 100 m en contrebas.  Ces terrasses patiemment forgées à coup de pioche, aplanies, comblées de terre venue on ne sait d'où, et dont les pierres ont servi aux murs et autres constructions, sont enfouies à présent dans les arbres. La rumeur du Mantet tout proche arrive à nous. En dehors des oiseaux et nous, aucune présence de vie.

En images et en silence...

Les murettes en escalier sur une centaine de mètres de hauteur



Et les terrasses, séparées par ces murs

Entre les terrasses


Petit bâtiment



Un cortal



Très beau mur de cortal






Le plus beau des cortals

Chaque cortal a son orri ...sans lumière

  
Envers du décor : ph Alain





Une autre construction, on en a recensé 3


Chemin entre les parcelles















Le ravin de Moreries nous prête son ombre et son eau pour le repas et soigner nos pieds douloureux.



Printemps du sol au plafond









Restau gastronomique !


On repart en n'ayant vu qu'une infime partie du site, déjà je songe à revenir l'explorer à fond.




Le retour, par le même chemin, est fatigant, la jolie source des Moreries nous offre une eau délicieuse jaillie du ventre de la roche et, tout en profitant des échappées belles sur le paysage lumineux, nous sommes tentés par Prunedós. 


L'eau du Mantet

L'eau de la source



Quel décor !


Altitude 1205 m, en observant carte et paysage, nous choisissons le point de départ. Au pied d'une falaise plongeant vers le bas se trouve une combe large de quelques dizaines de mètres, en pente régulière, qui semble être la cohérence du sentier disparu. 


Cercle rouge : le site. Trait rouge, le trajet

Effectivement, très vite les murs de soutènement de l'ouvrage apparaissent. 

Murs du sentier

Il n'y a plus qu'à se laisser guider par l'ébauche des lacets dans le coussin de feuilles mortes, louvoyant entre quelques charbonnières et 100m de D- et 810 m de chemin on arrive à Prunedós, 1104 m, ensemble architectural .

Descente

Je dégage l'écoulement des eaux sur le sentier (Ph A ou Ch)

Vestige de l'écoulement des eaux sur sentier


 Une grange / étable datée de 1898, donc "récente", au toit effondré par la neige sans doute, est un véritable choc tant elle est belle. En bas, les râteliers pour les animaux, un étage consacré à l'herbe qui était déversée par le haut grâce à un plan incliné, un petit orri attenant, une petite demeure effondrée et un immense cortal (qui eut un toit d'ardoises aussi) tout en étages, car on chercherait vainement sur Prunedós le moindre "plat". 

Prunedós et son décor


En images:

- Le bâtiment principal

Accès au fenil

Fenil



Daté de 1893, la toiture en ardoises surprend , il n'y a pas d'ardoises ici et les amener pour tous les bâtiments fut un travail colossal et demanda de gros moyens financiers



Peut être la neige de 1956 effondra le toit ?



Mangeoire





- Le petit bâtiment:







- L'orri :


- Le cortal

Le cortal avait une toiture en ardoises, ou partie de toiture.

Emplacement et décor



Plusieurs niveaux dans ce colrftal


Epaisseur des murs



Des falaises impressionnantes dominent le torrent en bas, Prunedós semble suspendu dans le vide et prêt à se décrocher : quel site !!

Je profite de l'arbre pour désescalader
un pas trop haut (ph Alain)


Le Mantet

Décor escarpé à Prunedós




La vallée du Mantet et les gorges

La remontée est rude pour notre fatigue et c'est tranquillement que nous faisons le voyage à l'envers, avec deux petites varappes pour Alain et moi, histoire de booster l'énergie. 


En haut du perchoir

La route oubliée

Non ce n'est pas là qu'on se précipite !
On aimerait bien...




18 h 30 sonnent au clocher alors que nous nous précipitons dans la rivière soigner plaies, égratignures, douleurs et fatigue.





Ensuite, il est une autre façon de se soigner...






Ouf, 21 h sonnent au clocher de mon village lorsque je coupe le contact, après 68 km de route.

En chiffres :

Dénivelé positif cumulé : 849 m

Distance AR : 13 km

La route AR : 136 km








7 commentaires:

  1. Encore un très bel article, si le ciel de Provence est blanc blanc blanc, notre monde à Nyer était vert vert vert 🎶
    Une super sortie. J'ai adoré.

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    1. Ah oui, j'ai adoré cette rando, mais ces paysages même boisés sont superbes. On n'a pas tout vu, on a encore du pain sur la planche.

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  2. Moi non plus je ne suis pas déçu!
    Moureriès valait bien une seconde visite...Depuis la Pargonneille sur le canal en face et au zoom on devinait bien des cortals enfouis dans la végétation, mais le site au printemps est vraiment extraordinaire.
    Notre tentative en mars s'était finie prématurément, je rêve un peu, j'y retournerai peut être, mais rien n'est moins sur...
    Pour vous rien n'est impossible, alors vous pouvez maintenant compléter la trilogie de la face est des Trespassats: Jasse Vella avec son orry donjon, et les Trepassats en boucle (circuit du trail).

    Mais il y a peut être encore autre chose à tenter...
    J'avais rencontré un pêcheur de Nyer qui m'avait dit qu'il était possible de passer d'une rive à l'autre du Mantet. Au vu de ta photo "L'eau du mantet" cela semble jouable sachant que rive droite il y a un pointillé sur la carte au niveau du ravin de la Pargonneille.

    Merci Amédine, grâce à toi je continue encore un peu mes explorations...

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    1. Oui il y a effectivement un sentier qui remonte la Pargouneille jusqu'au canal et on envisageait donc de faire la boucle. mais il faut descendre la rivière sur un bon morceau avant d'aller le trouver. Au vu de l'eau serons nous capables ? On verra sur site; j'ai fait des relevés altimétriques pour me guider, sur Géoportail et je visualiserai in situ sur mon altimètre. On y va demain. Journée d'exploration! Ce site est riche, surprenant et enchanteur par sa sauvagerie : inimaginablement escarpé. Amitiés, tu verras sous peu le 3 eme volet!

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    2. Vous devriez le réussir ce troisième volet.
      Si j'avais à le faire et au vu de la carte IGN, je descendrais au mieux entre la crête et le thalweg de Moureries, pour arriver en gros 150m en amont du ravin de la Pargonneille. Je tenterais la remontée en gros 150m en aval du dit ravin ou semble arriver le sentier.
      Et là soit le sentier est pratiqué par les pêcheurs, il suffira de le suivre, sinon un tout droit sur 100 m de dénivelé pour arriver sjuste à gauche du 1 du point 1307 de la carte IGN.
      Bonne chance, soyez prudents et régalez vous.

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  3. Quelle aventure incroyable ! Il en faut de l'imagination et de l'obstination pour aller visiter de tels vestiges. Et dire qu'il y eut de la vie dans de tels endroits, c'est juste inimaginable de nos jours.
    Merci pour cette découverte.

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    1. Il faut beaucoup d'obstination pour retrouver ces chemins perdus; c'est un autre volet de la montagne mais je rêve quand même aux grands espaces. Là ça meuble mon esprit et me correspond vraiment. Finalement les 3 volets me vont et me sont indispensables: montagne, "archéologie" de montagne et varappe en falaises
      Le 4 eme volet étant...ras du sol, la vigne, dont je n'ai pas encore ras le bol !Allez demain si tout va bien on va approfondir la visite du site, je piaffe !

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