dimanche 21 juillet 2024

Aude, Diabolique sentier rose

 Préambule : cela se passe dans le Défilé de Pierrelys, Aude, où l'Aude coule dans un joyeux désordre, entre route, rail, falaises et j'en passe, quelque part en amont de Quillan.

Nous avons découvert un sentier inconnu de la population villageoise locale, là où il eut semblé improbable qu'il en existât un.

Pourquoi Diabolique ? Parce qu'il prend la direction des Murailles du Diable, mais qu'il nous a réservé un accueil et des surprises Diaboliques.

Pourquoi le Sentier rose ? Parce que tout est parti d'un petit point rose sur un rocher et qu'il s'est avéré appartenir à un sentier que j'aurais pu nommer  Sentier des "oui...mais..." tant il interroge.

Quand je suis arrivée à Cavirac (Aude), la veille de la 2nde expédition, les falaises se sont habillées de rose et j'y ai vu un signe. J'avais raison. Enfin je m'autorise à le croire.


Murailles 

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7 h du matin, dimanche 14 juillet, un symbole ! Paul et Eric me rejoignent pour cette exploration. Dans mon sac, deux lampes, trois cordes, un piolet, et de l'eau.

De la vitalité à revendre, et une curiosité inépuisable. 

Tout avait commencé le 24 juin, donc il y a 20 jours, mon impatience a battu des records d'attente.

Lundi 24 juin, avec Eric, nous avions exploré ce sentier, partant du fameux point rose trouvé au milieu de nulle part et nous étions allés de découvertes en surprises, d'interrogations en supputations. Une constatation majeure, le sentier est balisé "à l'envers", soit en sens inverse de notre marche, donc il a été balisé venant de Cavirac, ou Belvianes ou, pourquoi pas ? depuis la voie ferrée.

Entrée tunnel côté St Martin Lys


On ne s'interdit rien, là on joue, la corde
n'est pas vraiment utile

On brave l'interdit














Une chose est certaine, ce sentier n'a pas été fait par les chasseurs, il est bien antérieur mais a été utilisé par eux. Pas à pas on fait connaissance avec lui, que je décrirai plus loin.

Ici, juste en images :


Et le sentier commence

Taillé dans le roc



En dévers dans les petits bois 

Taillés encore



Direct dans la falaise



Avec de gentils monstres qui veillent sur la vallée


Le même vu d'en bas



Parcours rocheux



Un des ravins vers l'amont

Et vers l'aval


Elles existent, mais à l'envers de notre avancée

On cherche les marques














Eric pense, hypothèse plausible, que ce chemin taillé dans le roc a pu servir aux travailleurs de la voie ferrée fin 19 eme Siècle.

Nous pensons aussi, hypothèse peu avancée, qu'il aurait été une voie de communication fort ancienne, avec Cavirac.

Moi je pense qu'une autre hypothèse peut se dessiner: il y a des pentes ardues où croissent les chênes verts, lesquels ont été exploités, c'est l'évidence même : ils n'ont pas un tronc unique mais des multiples troncs donc ils ont été coupés pour l'exploitation du bois ou pour faire du charbon de bois. 


Passage difficile en dévers
 (ah, l'absence de piolet...)



Oui, faut pas glisser



Partout des chênes verts jadis exploités



Les ravins plongent vertigineusement





Sur la rive opposée



Sur nos têtes, bien penchés



En face, rive gauche


En effet une forge se trouvait à Quillan et le fleuve Aude, alors, servait pour le transport fluvial du bois.

Quant aux troncs sciés, précipités dans ces pentes impitoyables, pourquoi pas ? 

20 jours plus tard, nous sommes trois, Paul, un chasseur du village, neveu d' Eric, s'est joint à nous. Les chasseurs de St Martin, commune où se trouve le sentier rose, n'ont pas connaissance de l'existence de ce chemin.

C'est un sentier qui part de nulle part et que nous avons découvert en cherchant autre chose: une galerie de chemin de fer abandonnée voilà plus de 125 ans. Ce sentier n'est pas accessible depuis la route, juste par un couloir de terre très escarpé. Il n'est pas non plus indiqué.

Nous voilà partis tous trois : une montée sévère en un lieu discret et original, et on emprunte l'assise du chemin. Un chemin étroit qui se joue des barres rocheuses, des falaises, des pentes innommables, tantôt taillé dans la roche, tantôt nanti de marches, tantôt en dévers sur de la terre, ou traversant des ravins, véritables couloirs à la pente invraisemblable, où tenir l'équilibre est précaire, pour moi surtout. D'où le piolet ! On va traverser des falaises, on va traverser des bois de chênes verts, et ces ravins que je cesse de compter après le 6 eme.



Le chemin retrouvé avec joie




Il débroussaille



Marches taillées
Gros plan : elles sont 5





Et toujours ce décor fabuleux




Le sentier est taillé dans le roc

Entre falaises et chênes verts




C'est un des ravins en pente brutale (que ne rend pas la photo)






Toujours présents et peints en rose



Un des ravins vraiment tourmentés et rongés



Surtout ne pas glisser (d'où le piolet)



Vertigineux ravin

Les points de vue sont splendides, quand il y en a : la route tout en bas, les falaises partout, des couloirs vertigineux en face, des murs de roche qui semblent se pencher sur nos têtes, des grottes inaccessibles, un paysage envoûtant ou effrayant, c'est selon. Montent les grondements des voitures et de l'eau houleuse de l' Aude.


Voilà un ravin vu d'en bas, qui imaginerait sa violence ?

On va chercher les marques roses, on va les perdre, on va se perdre en suppositions, on va se disperser, chacun vers son intuition : pour les hommes c'est vers le haut, pour moi c'est logiquement en descente,  et j'aurai toujours la récompense,  une marque rose ! Jusqu'à la dernière. Après quoi je ne trouverai plus rien. Malgré une grosse descente à la corde et  la fuite de ma frontale dans le vide. Rien, plus rien, dans un dernier ravin démantelé par les orages furieux. Eric et Paul m'ont rejointe mais on doit se rendre à l'évidence : rien ! Ah il nous en fait voir de toutes les couleurs.

Elles se font rares et bien dissimulées ces marques


Tout s'arrête là, dernier ravin
Le demi tour est inévitable


Et nous, nous sommes quelque part là dedans, en dessous des murs calcaires !


Pour l'heure, nous faisons demi tour, ne nous avouant pas vaincus et on va se rendre, à fond de train, jusqu'à la voie ferrée : chemin à l'envers, couloir en descente, tunnel dans la lueur falote de notre unique lampe et voici les "fenêtres", ce fameux point de départ du percement du tunnel. Il n'est pas au milieu de la voie mais les équipes sont parties d'ici en fin 19 eme, les unes vers Cavirac, les autres vers St Martin, donc en se tournant le dos. 

Carte postale ancienne (source : site Passe Montagne)


Les ouvertures dans la voie

Même lieu mais extérieur













Nous on sort par la fenêtre, on monte sur le "toit" du tunnel et on commence à grimper le couloir du ravin, limite administrative entre les deux communes. On s'arrêtera vite, pressés par l'heure, découragés par la sévérité de la pente, et l'absence de marquage rose. Une vieille corde à noeuds pend depuis la falaise, je me hisse, peu confiante, je la vois qui file sur une vire à flanc de falaise...brrr . C'est pourtant à elle que je confierai ma vie au retour d'une expédition solitaire le lendemain, de corde en corde, et les chasseurs me confirmeront que c'est bien leur outil de travail ! Mon expédition musclée fera chou blanc en matière de balisage rose mais non en matière de parcours à sensations avec des cordes de toutes couleurs; c'est une autre histoire.


ça monte dur, c'est un ravin



Le même vers l'aval, où croit un beau figuier

Peu confiante en cette corde
Et pourtant...

Le lendemain, peu amène, un chasseur me confiera que notre terminus "rose" en était bien un, le dernier poste de chasse du parcours.

En attendant, ce jour, Paul, Eric et moi, nous allons partir (hors sentier rose) à la découverte du  secteur le plus ingrat des falaises et que découvrirons nous? Des cordes...des bribes de chemin taillé dans le roc...des points de vue vertigineux...Et moi qui disais avec regret : "Dommage que sur cette rive droite de l'Aude il n'y ait aucun sentier..." Et bien il y en a au-delà de mes espérances. 

Découverte : un tronçon de sentier bien taillé en falaise


Un autre, qui sert aux grimpeurs et aux chasseurs
Rarement aux randonneurs ...lol

La montée est exceptionnelle : décor, déclivité, ressenti...waouhhh. La sueur coule dans les yeux, mouille les tee shirts, la roche compacte nous enveloppe, les buissons nous lacèrent.









Notre terminus, la suite, c'est le vide, la falaise




Joie !


Prudents 


Finalement c'est peut être Philippe Emonet, (Responsable National des Inventaires Ferroviaires de France), consulté par Eric, qui aura le dernier mot, corroborant une hypothèse que nous avions aussi évoquée : ce sentier balisé de rose aujourd'hui, pourrait être une survivance d'un ancien chemin médiéval reliant Cavirac à St Martin Lys, bien avant l'ouverture du chemin des gorges par Félix Armand, bien avant le percement du Trou du Curé. Quelle page d'Histoire si nous pouvions retrouver des bribes et confirmer cette hypothèse....aurons nous assez d'une vie pour percer le secret de ces Diaboliques Murailles ? Dont le sentier rose ne serait qu'une bribe dans un univers dantesque.

Un univers dantesque où il faudrait bien trouver la faille, le vieux sentier taillé dans le roc, quelque part là dedans...


Et s'il existait, réellement ? 




A Eric Teulière et Paul Teulière pour la féérie de cette Aventure.

Le site vu par Eric (clic)

10 commentaires:

  1. Et bé ! bravo aux explorateurs pour cette belle aventure que nous font revivre tes photos et ton texte tout en suspense. Juste une question : mais qu'est-ce qu'on chasse là-haut et comment on récupère le produit de la chasse ? Moltes gracies Amedine. GV

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    1. Et surtout admiration pour ces bâtisseurs de chemins de l'impossible. Chasse à l'isard essentiellement. Comment ils font pour ramener le produit de la chasse ? La prochaine fois que j'en rencontre un qui soit un peu plus amène je lui pose la question; je connais le repaire des chasseurs de Belvianes, je compte bien m'y inviter pour bavarder. Mais souvent ils sont réticents car les humains lambda ne leur offrent pas leur sympathie. Bon dimanche, Guy; ici orage

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  2. Diable ! C'est pas "tout rose" ce sentier ! Le mystère demeure et si, de surcroît, il s'avérait être une ancienne piste médiévale - pourquoi pas - des ruines, cachées ou pas, devraient lever le doute ! Donc.... recherches in situ ou dans quelques vieux grimoires s'imposent ! Bravo à tous les trois pour votre très physique abnégation !!

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    1. Côté vieux grimoires, ce sera un peu compliqué; côté exploration, ce ne sera pas si simple; côté chasseurs, ils ont sans doute la clef de ces coins secrets, mais ils n'aiment pas qu'on chasse sur leurs terres...alors...la stratégie sera...ce qu'on pourra. Déjà j'observe cette montagne sous toutes ses coutures, avec mes photos et les vues sur les sites géographiques pour trouver une cohérence. A suivre donc

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    2. Bien sûr, mais la piste médiévale.... ça serait si exaltant.... ☺️ et matière à recherches plus approfondies 🤔 mais vu les contraintes topographiques, je pensais que des consultations sur supports manuscrits pourraient aussi s'avérer instructives ! Comme quoi, en matière de recherches historiques, patience et longueur de temps.... ce temps qui nous est si cher... 😉

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    3. Ouais c'est bien mais m'enfermer dans des archives et comprendre comment ça fonctionne avant que de trouver les renseignements, je perds un temps fou sur le terrain

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  3. Trop bien commentée, cette balade.
    A bientôt
    Eric

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    1. Merci Eric et à notre prochaine expédition; j'espère qu'on pourra écrire cette phrase au pluriel.

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  4. Quelle persévérance, une belle aventure sur de beaux sentiers qui ne livrent pas facilement leurs secrets. Bravo pour la performance ! Josy.

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    1. Si ça vous dit...mais je ne crois pas, car c'est un peu, juste un peu, FOU. Je veux dire que si on ne poursuit pas un rêve bien à soi, ça ne peut pas motiver. Alors lisons Lison

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