se réactivent en ce week end de permission de sortie (non je ne suis pas en prison, juste légèrement accidentée) j'en profite donc pour me rendre en ce lieu facile d'accès, quelque 150 km, où j'avais déjà pansé une blessure au pied. J'ai mes sites de "remise sur pied", il en va ainsi du Salagou, du Sidobre et des hauteurs de Leucate. Comme un réflexe de Pavlov. J'y fais, en quelque sorte ma rééducation !
Pour se rendre au Salagou, il faut quitter l' A75 au niveau de Clermont l' Hérault, ou mieux encore une sortie plus au nord. Des deux rives du lac, toutefois c'est celle sud qui est la plus belle, la plus prisée, la plus touristique. Cependant de partout on a des vues superbes sur ce décor bleu, vert et rouge sang; ne parlons pas de la vue aérienne depuis les crêtes du cirque de Mourèze !
|
Rive droite, les vignes |
Pour moi ce sera ras du sol ou presque : il y a en rive droite du lac, vers le village de Liausson trois collines les pieds dans l'eau, le Mont Redon 227 m, le Rouens, 253 m et la Sure, 317 m. La Sure et le Rouens, nommée la presqu'île, sont séparées par une longue baie.
|
Un des villages : Liausson |
Je campe en compagnie d'autres véhicules, tolérance acceptée au vu de la saison, c'est calme et vivant à la fois : oiseaux sauvages qui croisent en formation, silence des pêcheurs sur l'eau ou dissimulés dans les replis du terrain, petite tente de camping, petit bateau et multitudes de cannes. On pêche la carpe, le brochet, la sandre voire le silure. Tout le jour de petites barques sillonnent l'eau, à la tombée du soir tout le monde s'évapore et le site attend la nuit en silence, ou sous le vent qui frise la surface.
|
Autre style de pêcheurs |
|
Le lac est constellé de bateaux |
|
Scène de pêche |
|
Sur le rivage se cachent les pêcheurs |
Les couleurs ambiantes enchaînent alors une symphonie de rouges, ocres, gris, verts, reflets dans les grandes flaques, il a beaucoup plu. Les étoiles s'allument, le silence noie le lac, les apéros s'installent entre les camions, demain sera un nouveau jour.
|
Au rivage des vignes |
Demain c'est aujourd'hui, 11 novembre, matin flamboyant, j'ai décidé d'enchaîner la balade des deux proches collines. Bien sûr, si ma main était un peu plus valide, c'est un tout droit dans la pente croulante et rouge de "ruffes" que je m'offrirais la montée. Peut être le piolet aurait il été de sortie, pour cramponner ?
|
Au couchant la ruffe s'habille de couleur sang (le mur que j'aurais aimé monter) |
Les "ruffes" : quel drôle de nom pour désigner les pélites. Les pélites inconnues pour le commun des mortels (dont je suis), sont des vases argileuses déposées il y a plus de 270 millions d'années sous un régime tropical, débarrassées de leur eau, compactées et qui, à la surface du sol aujourd'hui se délitent en petites écailles; très rouges à cause des oxydes de fer, elles sont appelées ici "ruffes" (de rufus = rouge). C'est simple non ?
|
Rives d'un mini canyon dans la ruffe |
|
La ruffe et ses écailles ainsi que des blocs de basalte |
Elles habillent le paysage d'ondulations rouges, sortes de dunes douces aux pieds nus.
|
Dunes de ruffes |
Comme le secteur est riche de sa géologie, les écoulements basaltiques de volcans vieux de 3.3 à 1.5 millions d'années coiffent les hauteurs. Ma balade du jour va osciller entre basalte et ruffes, entre colonnes verticales et dunes mollement arrondies. Là dessus croissent les chênes verts et autre végétation méditerranéenne et coulent des myriades de ruisselets issus de ces collines, convergeant vers le Salagou, n'hésitant pas à creuser de canyons miniatures qui, à une autre échelle feraient pâlir d'envie les grands.
Mais ils sont beaux ces mini canyons je me souviens de ma Lison (ma chatte randonneuse) les découvrant jadis .
|
Mini canyon |
|
Dans le canyon |
Là je suis avec Nina la casanière attachée à ses murs, fussent ils sur roues, mais restant peureusement à l'intérieur.
Donc, après une nuit très paisible en bord de lac, puisque à cette saison la tolérance est de mise, je me mets en route pour arpenter les collines de Rouens et de la Sure. Rouens m'attire avec ses pentes rouge sang; noyées dans l'ombre, elles sont plutôt bordeaux. Je rencontre deux randonneurs qui vont faire le tour du lac, 27 km ! On se croise et je pars vers mon aventure. Aventure car il n'est aucun sentier balisé sur le site : les seules balises sont l'instinct et surtout les traces : traces de pas et de VTT (c'est leur domaine en bord d'eau) ainsi chacun, ici, trace son chemin à l'envi. J'aime ça.
|
La presqu'île de Rouens dont je vais faire le tour (et le sommet) |
|
Couleur bordeaux quand le soleil est absent |
|
et rivage |
|
Sentier |
Le tour de la presqu'île c'est des dunes rouges, des sentiers enfouis dans les arbres, c'est caresser les eaux bleues ou frôler des falaises, c'est jongler avec des petits canyons ou des sentiers couverts d'eau de pluie, c'est surtout plonger son regard vers les rives du lac et les reliefs qui les dominent car c'est superbe.
Le tour de la presqu'île ce sont les envols d'oiseaux sauvages en formations bruyantes, ce sont les bateaux silencieux qui installent leurs appâts sous les eaux bleues, et les pêcheurs dissimulés sur les rives, immobiles, aux aguets.
Je quitte le bord du lac, un sentier s'élève vers la cime.
|
Montée à Rouens |
Le sentier jongle entre sous bois, ligne de crêtes et vestiges volcaniques. Un dernier raidillon, je suis au sommet de Rouens, perchée sur une dentelle de basalte, face au grand bleu du Salagou. Le ciel est étincelant. Le paysage aussi.
|
La ruffe, désagrégation de la roche |
|
Détail du rivage |
|
Depuis le sommet |
Je me faufile dans le basalte, en descente, et je me glisse entre végétaux piquants, arbres et orgues basaltiques, c'est magnifique : un relief d'orgues on ne rencontre pas ça tous les jours dans notre sud.
Je grimpe un peu, avec précaution, pour ma blessure encore fragile, souvenir de ma dernière randonnée, voici 3 semaines.
|
Les orgues de Rouens |
|
Coulée de basalte |
Oui j'ai obtenu une perm' de week end auprès de mes infirmières...c'est une autre histoire, celle s'une rando qui a chaviré.
La descente du modeste sommet se fait au milieu des buissons, sur un des sentiers bordés de débris volcaniques : ici ils sont éparpillés, en tas, ou en murettes témoins d'un passé agricole, du temps d'avant le barrage, ou plus lointain.
|
Anciennes terrasses aux murets de basalte |
|
Eboulis de basalte sur sol de ruffes rouges |
Le retour au fourgon est rapide; une petite collation et je repars pour la Sure que j'ai gravie un jour d'infirmité, le pied cette fois, il y a 9 ans déjà.
|
La Sure face ouest |
La Sure : la montée est immédiate, cette fois je ne manquerai pas le sommet, je fausse compagnie à la piste, je m'aventure sur la pente rouge des ruffes, puis dans les chênes verts et je parviens au sommet avec dans les yeux la rive en face et le drôle de village de Celles.
|
Montée à la Sure, la presqu'île de Rouens en face |
|
Contraste saisissant : la ruffe et l'eau (rive gauche) |
|
Les sous bois de là bas |
|
Le chêne vert |
Celles c'est l'histoire d'un barrage qui se construit dans les années 60, des maisons évacuées, de l'eau qui devait engloutir et ne le fit pas, d'un village ruiné, les pieds dans l'eau, la tête au soleil et qui reprend vie sous la houlette de Mme le Maire, qui a conçu un projet original. Une curieuse histoire à lire sur internet, l'histoire d'une petite fille qui s'est noyée dans les larmes de son père obligé d'abandonner son village. Le père puis la fille ont réagi, repris le flambeau et sauvé des eaux et de l'oubli ce village si joli.
|
Rive gauche et village semi abandonné de Celles |
|
Celles |
Me voici donc contemplant Celles de tout en haut, mais aussi ce curieux "château" qui n'est autre que cheminée volcanique. L'eau, la terre, le ciel, le feu...pays de contrastes et de mystères venus du centre de la terre. Je ressens là bas toujours un curieux bien être et un désir effréné de marcher pieds nus, de me plonger dans le lac, de m'enfouir dans les mini canyons et de dormir au clapotis.
|
Cheminée de basalte (extrémité du lac) |
|
Les orgues de la Sure |
Le sentier qui descend , face ouest est escarpé, rouge et glissant. Je longe la couronne de basalte, et je me lance dans la pente, avec ivresse : ivresse de mon assurance retrouvée. Je ne cours pas je vole et...je plonge sur mon bras blessé. La douleur me cloue, tout se voile et tangue, je me ressaisis, je serre les dents, je retrouve et perds le sentier, je descends avec précaution sur les traces des animaux assoiffés et j'atterris dans l'eau pour un bain réconfortant, bras en l'air.
Alors, je m'assieds sur un rocher, je sors mon carnet de croquis et je dessine Celles voguant sur une plage bleue.
La journée est douce, colorée, silencieuse, désoeuvrée, peu fréquentée, propice à la rêverie, aux projets ou au farniente. A l'écriture, au dessin, à la pêche ou à ne faire rien. Tout ce que je sais aimer. Parfois. Revenir au camion est encore loin, les rives du lac sont dentelées mais si belles, je n'en veux rien perdre. Quelques sportifs s'y aventurent, on se salue, la douceur ambiante favorise la politesse, les gens sont heureux. Je promène ma plante de pieds nus sur ce sol doux et abrasif à la fois : après la kiné ce sera pédicure ! Les pêcheurs promènent leur barque près des sagnes.
Me voilà au camion où ma Nina s'éveille. Curieuse, elle observe le ballet de ses ennemis les chiens !
Alors nous reprenons la route vers d'autres sites avant que le soir ne les engloutisse, Celles sera le point d'orgue, j'aurais bien logé Max entre deux façades mais le village est interdit sinon à pied. Ce sera finalement dans le grand parking quasi désert du centre nautique des Fraysses, battu du vent du nord, avec vue sur lac, que je m'offrirai ce petit supplément de perm' : une nuit au bord du Salagou.
En attendant de revenir mais pas dans 10 ans cette fois, oh non !
Texte tout a fait charmant et très gai ...merci
RépondreSupprimer