Les randos se suivent et ne se ressemblent pas. L'opacité grise a cédé le pas au grand bleu étincelant, je modifie mes plans de rando; il faut que j'aille enfin rôder autour de ce Roc Campagna, 1134 m, aussi imprenable qu'une forteresse.
Bien que situé dans le proche environnement de Villefranche de Conflent, il se trouve sur la commune de Fuilla (66).
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Roc Campagna et Canigó |
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Roc Campagna vu de face |
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Vu depuis la route de Fuilla |
On le voit de partout, il domine la vallée de ses gradins de pierre, il nargue les fortifications de Vauban, il domine la Têt aventureuse et sa voisine endiablée La Rotja, il scrute les villages s'étalant dans de fausses plaines vertes, il cause avec le haut Canigó peu enneigé, son face à face, et même ose lancer de furtifs clins d'oeil à la Méditerranée dans les lointains bleutés. Bref, un nid d'aigle abritant des vautours mais rarement un humain.
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Dominant Villefranche |
Autrement dit, tout pour m'attirer.
Cette fois je reste modeste et me dis simplement "je vais aller voir par où on accède au Campagna" au lieu de "je vais au Campagna".
Je démarre dans un matin froid et, pour me réchauffer, je monte tranquillement au Fort Libéria par la piste, cela me permet de revoir ces lieux qui me furent si chers. Des terrasses, une grotte, des orris en pierres. Voire décorés de marbres...
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Joliment restauré |
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Quelques marbres |
Fort Libéria dort encore sous le soleil, je ne fais que passer, à partir de maintenant ce sera ce beau chemin construit au 19 eme, qui a chamboulé le paysage originel et les chemins datant du temps des villages de Saint Estève de Campelles et de Saint André de Belloc, les deux ruinés, hormis leurs églises réhabilitées. Le tour de Belloc est la rando classique et prisée des amoureux de beaux paysages et de chemins panoramiques. Je n'irai à aucun des deux sites, ce sera Pla d' Auçà.
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Fort Libéria |
Me voilà donc sur le "sentier Vauban", et ses 13 virages en épingle dont chacun est nanti d'une plate forme style voie romaine, certainement d'anciens postes de guetteurs. Un usage militaire c'est sûr.
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Plate forme d'angle (image archives novembre 2021) |
On le dit Vauban mais je le dirais plutôt Napoléon III qui fit agrandir le fort et sans doute construire, en plus des systèmes de défense bien spécifiques sur la rive opposée. En effet le cadastre de la 1ere partie du 19 Eme S ne porte aucun de ces chemins.
Ce chemin long de quelques km, offre une morphologie intéressante, outre ses plates formes savamment érigées. Un système efficace d'écoulement des eaux (le même que sur les sentiers paysans), en oblique, évacuant ainsi les eaux de pluie dans les pentes abruptes et les éboulis, des murs de soutien solides et construits en pierre calcaire taillée (venant peut être de la proche carrière), une pente régulière et efficace. Je ne l'ai jamais suivi jusqu'à son terminus, le Pla d' Auça peut être.
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Pour canaliser l'eau (archives janvier 2022) |
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Cèdre du Liban |
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Fort Libéria (17 eme et 19 eme S) |
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Chemin militaire |
Des sentiers militaires adjacents se perdent dans les pentes infâmes, le "verrou" géographique de Villefranche, étroit goulet dans la vallée a une bien longue histoire inscrite dans la pierre et dans le paysage escarpé. J'en connais quelques tronçons.
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Dans ce décor escarpé se trouve un chemin militaire que j'ai parcouru ; c'est grandiose |
Sur le chemin, absolument désert, je revois les lieux qui me furent si chers, chemins paysans, chemin de l'eau du Fort Libéria, chemin de débardage des anciennes forêts Royales et Impériales, l'ensemble aujourd'hui disparu que j'ai fait revivre au prix de beaucoup d'énergie et de passion. Au prix d'une ingrate blessure aussi.
Cette montagne est une série de pages d'écriture, en ma mémoire. Sur lesquelles je ne pourrais emmener aucun randonneur car il faut savoir lire et surtout arpenter l'infâme maquis sous lequel gisent des tessons de trésors.
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Les chênes d'ici |
Les vallées s'animent dans une poussière de lumière blonde et un miroitement de vitres et toitures qui scintillent. Le silence est intense. Je suis sous le charme de ces lieux familiers et pourtant toujours sous mon regard neuf !
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Vallée de La Rotja |
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Villefranche de conflent |
Je parviens enfin à l'embranchement du raccourci permettant de rejoindre la piste pour le Pla d' Auça. Je ne me souvenais pas que ce raccourci fut également un chemin de facture militaire mais la structure se perd dans les taillis, je suppose un avant poste d'observation.
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Roca roja et la plaine |
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Un peu moins lisible celui-ci |
Depuis mon passage le raccourci a été bien débroussaillé et est devenu un vrai sentier. Etrange chemin dans des chênes élancés et une marée montante de buplèvres ligneux dont je conseille à mes lecteurs l'article (en lien) efficace et humoristique. Une plante pas belle mais riche de vertus ! Et mise en évidence par un certain Pitton de Tournefort, (non un nom pareil ne s'invente pas), en 1694, qui l'affubla de son nom latin (beupleurus) issu du grec, la racine du mot venant de "boeuf". Tout ça pour dire qu'ils sont envahissants dans ce secteur de Conflent et je les ai maintes fois utilisés comme cordages pour me tracter ou me freiner, ceci n'étant pas mentionné dans leurs vertus !
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Et buplèvres ligneux |
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Forêt de troncs graciles |
Ainsi, submergée au vu de ma taille, je parviens à la piste qui n'est autre...qu'un chemin militaire.
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Massif du Canigou et colline d' Ambulla (ancienne moraine ? ) |
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Franchissement d'un ravin |
Le Roc Campana, véritable forteresse n'a pas eu besoin des militaires pour le créneler. On lui prête plusieurs sommets, 4, par ailleurs, imprenables. C'est déjà un sacré coup de frein pour moi.
En attendant, là haut, ce superbe chemin militaire bifurque : à gauche, un terminus boisé, autre poste de surveillance ? A droite, il se perd vers le Pla d'Auça que je ne ferai qu'effleurer, je reconnais les lieux, je remets mes pas dans ceux de 2020 et je m'arrête avant d'aller trop à l'ouest.
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Arrivée au Pla d' Auça |
Puis "il fait faim !". Un repas frugal vite avalé et je pars en visite. Alors là...d'abord je vais à la rencontre du Campagna, totalement invisible; il est vrai qu'il est 120 m en contrebas. Je descends une pente d'herbes rases et piquantes, semée de chênes et je LE VOIS ! Une dent, des dents, pas un dentier quand même, mais des crocs puissants de calcaire gris, encombrés de chênes, et visiblement peu accueillants. Grr...
Peu m'importe, ce qui m'intéresse c'est par où on y accède et, de toute évidence, une pente de terre ocre et boisée fait le lien entre le croc et le plateau.
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Le roc Campagna et son accès par la pente de terre ocre |
La vue depuis le sommet de la barre rocheuse qui me sert de perchoir, de belvédère et de vigie, est magnifique. Et oui, plusieurs centaines de mètres me séparent d'en bas, et en bas c'est beau.
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Vallées du Cadi et de la Rotja, Canigó et Campagna |
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Les aiguilles sommitales |
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Plongée vertigineuse |
Plus tard, je reviens sur mes pas et vais voir si à l'ouest il n'y a rien de nouveau. Je retrouve ce beau cortal qui vivait en mes souvenirs mais aussi un chemin qui plonge vers Els Horts, il y a de la balade à l'horizon, fut il en pente raide.
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La végétation d'ici, peu agréable |
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Vestiges de la bergerie |
Allez il suffira pour aujourd'hui, le Campagna m'attendra. D'abord je dois en trouver l'accès et cette fois, après quelques errances mais grâce au GPS épaulé par ma lecture du terrain , le voilà l'accès, des arbres clairsemés, une terre ocre, une photo pour étayer mon regard qui n'oubliera pas, et je repars, c'est fini pour aujourd'hui.
Dans la lumière vive de ce jour magique, j'entame les 7.8 km du retour, aucun ennui, c'est sûr, l'avenir dans ce grand bleu s'est inscrit.
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Les déclivités d'ici |
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Campagna et Gallinas |
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En direction de la mer Plaine du Roussillon |
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Massif d' Ambulla (il y a des constructions défensives du 19 eme S) Au centre, le couloir que nous avions descendu avec un ami |
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Villefranche et Libéria |
Et ce n'est pas les feux de Fort Libéria qui démentiront.
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Fort Libéria |
En chiffres
Distance parcourue : 15.8 km
Dénivelé positif : 800 m
Le trajet aller retour
Ah oui, effectivement, cette sortie sous un beau soleil d'hiver frileux change de ton dernier périple "embrumé" ! Le regard porte au loin sous ces panoramas bien ouverts sur les vallées environnantes ! Tout ce gris minéral prend une belle teinte sous les rayons du dieu Râ ! J'imagine aisément, au détour de ce sentier militaire, le spectre d'un sergent en veste bleue et casquette, épaulettes et pantalon rouges, sac à dos et fusil en bandoulière, houspillant les ouvriers fantassins édifiant les murets de contrefort (Napoléon III). Ce roc Campagna, aussi buté et austère que ce vieux sergent semble aussi narguer la vallée et.... "l'éventuel visiteur" en le contraignant à bien cogiter pour y accéder ! Un bien bel épisode de tes péripéties en terres du Conflent magnifié par ton écriture ciselée au verbe tout aussi dynamique que la randonneuse infatigable que tu es ! Ces espaces entre Py, Fuilla et Villefranche semblent te livrer quelques secrets mais si parcimonieusement qu'il te faudra y retourner (pour notre plus grand plaisir de lecteur !). Merci Lison !
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