On longe le versant abrupt et au soleil de l'adret (ou soulane) en haut duquel sont perchés Jujols, Canaveilles, Llar et Sauto.
Entre les villages du haut il y a un sentier nommé Vauban ou des canons qui vient de très loin, de l' Aude, avant de passer par les Garrotxes et d'arriver à la citadelle de Mont Louis.
Du bas de la vallée vers les villages d'en haut il y a aussi un lacis de sentiers qui étaient juste les anciennes voies de communication avant la route.
Le Pont Séjourné : à gauche l'ubac à droite l'adret dans lequel je randonne |
Quand on roule , on ne voit pas grand chose : des pentes abruptes, ensoleillées et couvertes d'une végétation typique de terres sèches. Plus attentivement on distinguera des murettes jusqu'en haut des pentes qui parlent de la vie paysanne d'antan.
Ce qui échappe au regard même acéré, ce sont les sentiers et les ruisseaux. Car si les pentes sont arides, l'eau y était amenée de l'amont par des canaux en courbes de niveau.
Voilà, le décor ainsi planté, je vais aller faire un tour du côté de Llar et, qui sait ? Plus haut sur le chemin des canons. Comme je fis la boucle des 66 lacets (clic) à Fontpédrouse l'an passé.
Fontpédrouse |
Petit canal de Thuès en bord de Têt |
Juste le temps de visiter un curieux édifice qui, parait-il était un séchoir à châtaignes!
Le séchoir à châtaignes |
Je passe sous la route et attaque dru la grimpe dans un sol granitique qui se délite et a nécessité la pose de grands filets tout au droit de la pente.
Le sentier court, vire, grimpe et se cabre entre les murs de pierre taillée, parfois entravé d'éboulis . Des empreintes d'isards ou de chevreuils suivent le chemin mais on peut voir leurs passages en raccourci dans la pente : ils vont boire à la rivière, c'est dire si je ne trouverai pas une goutte d'eau.
Thuès et la "muraille" où je vais randonner |
Le sentier entre les murettes |
Beaucoup de murettes |
La vallée s'amenuise, je prends vite du dénivelé, j'ai la forme, il fait un temps estival, la tenue d'hiver file dans le sac à dos.
Je m'arrête pour regarder le paysage et écouter. la rivière qui mugit puis se tait avec l'altitude, le bruit des véhicules qui s'amplifie puis se calme, les oiseaux qui chantent la belle saison. Sinon, c'est le silence de la montagne, fut elle moyenne montagne.
Les parfums s'éveillent avec la chaleur, je les hume à pleins poumons. Indistincts car il n'y a pas de conifères, mais ça sent bon. La terre sèche roule sous mes pas: je monte .
Je regarde luire les toits de Thuès, et se creuser l'ombre des torrents sur la montagne en face, et puis le boyau de la Carança, sculpté, fier et splendide. Je savoure la majesté de ce pont Séjourné, chef d'oeuvre du tracé du Petit Train Jaune. Le paysage familier, sous ce nouvel angle est cent fois plus beau que depuis la route. Car redessiné à petits pas.
Thuès étincelle au soleil |
Le Pont Séjourné depuis le sentier |
Parfois, l'usure du temps.... |
D'étage en étage....le passage du sentier |
Toujours plus haut |
Ancienne mise hors d'eau du sentier: rigoles latérales et transversales comblées |
Bien sûr mon chemin est désert. Ni humains ni animaux. La montagne est pour moi seule. Le chemin est très bien tracé je craignais qu'il ne se soit perdu au fil des ans. Balisé, il ouvre sur des sentes adjacentes qui conduisaient à des parcelles en terrasses. Car ce chemin de randonnée fut avant tout chemin d'exploitation et de communication. Nos anciens avaient des jambes solides ...
Des murettes partout où porte le regard (zoom) |
J'aime cette montée régulière et bien structurée, équilibrée au possible; je crois que cet équilibre faisait partie du "cahier des charges " de ces chemins de labeur: marcher à l'économie du corps. D'où les nombreux lacets. Plus tard je rencontrerai Antoine, un ancien de Llar, 87 ans et je me ferai raconter la vie d'avant.
Llar se dessine |
Autrefois, les habitants de Thuès et ceux de Llar cultivaient la montagne jusqu'à la limite des communes. Cultures vivrières mais aussi blé et avoine jusque très haut. Le Canal de Llar à Canaveilles (issu de Fetges) permettait l'irrigation, mais aussi il y avait l'enneigement plus conséquent qu'aujourd'hui et qui, à 1500 m, permettait encore en avril et mai d'irriguer par la fonte des neiges. La montagne était verte puis blonde. De murettes en murettes. comme je l'ai vu dans le sud marocain autrefois. Llar ressemble à un village de l' Atlas: entre le couvert des arbres, il se dévoile, haut perché. 600m de dénivelé abrupt jusqu'à la vallée.
Llar se rapproche |
Un lieu plus frais près d'un ravin à sec |
Anciennes bornes ONF délimitant domaines public et privé |
Pâtures sous le village : il y a de l'eau |
Les premières prairies s'annoncent, larges, plates, ourlées de murailles, sous les murs de Llar. J'ai croisé la route, la vraie, datant des années 30 et je termine sous les murs reptiliens de Llar le dernier des 55 lacets qui m'ont conduite intra muros.
J'arrive sous les murs du village |
Une rue |
Llar se chauffe au soleil depuis un grand moment déjà, il est aux premières loges tôt le matin.
Llar lundi dernier aux premiers rayons du soleil Toute la vallée est dans l'ombre |
Llar est tout petit , quelques habitants qui se comptent sur les doigts de la main. On est loin des 9 familles du temps d' Antoine (une famille = au moins 3 générations). Il me fait penser à un village d' Ariège ainsi perché, nommé Lapège à qui je trouve des airs tibétains. A Llar il y a des airs marocains. L'église, récente veille sur les neiges d'en face et la grande trouée de la Carança; la vieille église à l'écart du village n'aura pas ma visite cette fois, je préfère grimper vers l'inconnu du sentier Vauban.
Face aux montagnes |
Un balcon en plein ciel |
L'église (19 eme ) face à la Carança (à midi) |
A Llar, je fais un insolite sauvetage : cette malheureuse salamandre n'arrive pas à s'extirper du bassin glacé et est à bout de forces quand je la sauve, la réchauffant un instant dans ma main. Ses petites griffes agrippent mes doigts, c'est mignon...quoique salement visqueux !
Le Chemin dit des Canons porte ce nom car fin 18 eme, Dagobert l'emprunta avec les canons au cours des Campagnes de la Révolution , combats entre français et espagnols (1793 /1795).
Ce chemin venu de loin passe à Llar |
Très abrupt, assez large, fort abîmé, pavé par places, il court et vire dans un paysage aride, aux terres assez pauvres, envahies de genêt purgatif odorant bien que pas encore fleuri. Donc c'est la plante qui sent, cette odeur qui m'incommode un peu. Là où autrefois, du temps de la jeunesse d' Antoine poussaient blés et avoines partout.
Le chemin rencontre le canal de Fetges à Canaveilles dit aussi canal de Llar (à sec en ce moment) |
Je grimpe toujours jusqu'au sommet: le chemin entre dans la forêt de pins, sombre, verte et glauque, s'enfonce sur des tapis d'aiguilles et se perd dans la pente de l'autre versant : c'est là , à 1620 m, que cesse mon voyage aller. Car je n'ai pas envie de redescendre sur l'autre versant.
Au plus haut de mon parcours |
Le retour ne sera pas varié; même chemin.
D'abord je vais au restaurant: je choisis la terrasse suspendue et sa vue imprenable : Canigou, Carança, sommets frontaliers, plissements de la partie en ubac. Cela a meilleure saveur que mon repas ! Partagé avec des fourmis rouges fort alertes sur ma peau .
De mon restaurant : Llar et son décor |
Même décor un peu à gauche : la Carança où j'étais lundi dernier |
De mon perchoir face à la "Sierra"....au zoom (un bon zoom...)
Enfin je me décroche de ce fabuleux perchoir, le retour est ardu, puisque très pentu.
Je descends au petit trot sur Llar où ma rencontre avec Antoine sera le cadeau du jour. Ses petits yeux bleus pétillent de malice et de souvenirs alors qu'il attend le repas préparé par sa vieille épouse moins valide. Il me raconte la vie d'avant, et puis sa vie aussi, un peu, avec discrétion, posant juste un instant entre mes mains le chagrin de la perte de son fils.
Je lui promets de revenir, pour le chemin des canons, mais pour lui aussi.
Mais quand même...il m'apprend quelque chose d'important : dans la Carança, les habitants de Thuès allaient aussi cultiver des prairies au débouché des gorges, en amont, car la terre manquait pour nourrir les familles . Quand je vous dis qu'il me reste des choses à y découvrir....
Ensuite sous le soleil de midi pile, j'entame le premier des 55 lacets qui plonge vers la vallée.
En route ... |
Quand on marche face à cela, les douleurs s'évanouissent |
Le Canigou devant soi |
La Carança et sa parure orageuse |
Une petite Nina étendue de tout son long sur le lit ne m'attend même pas, endormie comme elle l'est!
En chiffres :
Dénivelé : 820 m
Distance : 10.4 km AR
(Additif : petite balade l'après midi entre Thues les Bains et Thuès entre Valls par le sentier : 3.2 Km AR et 100 m dénivelé)
Magnifique
RépondreSupprimerAMEDINE TOUT LE BONHEUR EST POUR MOI
Magnifique
RépondreSupprimerAMEDINE TOUT LE BONHEUR EST POUR MOI
Merci Barthélémy car je suppose que c'est toi, si tu as marché en ma compagnie
SupprimerAmédine Votre Balade au Pays de Joseph qu est ce qu Elle est Belle :) La Petite Salamandre en a eu de La Chance de Vous trouver Le Père Antoine doit penser à Vous qui L avez écouté La Haut dans Sa Montagne :) Pas besoin d aller loin Chercher Le Bonheur :) Calinous aux Minous Bisous à Vous Pensées pour Lison :)
RépondreSupprimerLe bonheur est à sa porte et surtout fait de banalités. Les grands marcheurs trouveront mes parcours peut être désuets et insipides alors qu'ils sont très riches. On porte en soi un grand sac à dos empli des cadeaux que nous fait la vie. Bisous
SupprimerUn petit coucou l'escaladeuse, la baroudeuse, l'aventurière, la montagnarde, les vigneronne, la Miss Chats !
RépondreSupprimerBelle ballade.
Bisous
Chantaloup
Merci tu as oublié une de mes activités et pas des moindres : la bricoleuse. J'ai aménagé un véhicule dernièrement et là j'équipe mon arrière cuisine. Bisous
SupprimerOuf ! Je suis en miettes et sans souffle rien qu'à lire ton parcours !-:)
RépondreSupprimerMais tes photos sont vraiment superbes et tes rencontres humaines et animales bien émouvantes.
Câlins à ta Tribu et bisous
Il a l'avantage de n'être pas dans le froid et la neige mais il n'a rien à envier à la déclivité de certains parcours de montagne bien plus en altitude. Oui je me suis franchement régalée. Bisous Mireille
SupprimerRando intéressante et ensoleillé en moyenne montagne avec un bon dénivelé tout de même. Belles rencontres et des paysages qui en disent long sur la vie rude des paysans de Llar. Les soldats de Dagobert on du en baver avec leurs canons sur ces sentiers escarpés ! Antoine doit attendre avec impatience ton retour, tu as dû être son rayon de soleil. Les salamandres ne vivent que dans des zones non polluées, tu as eu de la chance d'en rencontrer une et de la sauver.
RépondreSupprimerNina ne pouvait pas imaginer tout ce que tu découvrais puisqu'elle dormait mais elle aurait pu le rêver...
En grimpant je me disais que certains passages du Puigmal (côté sud) étaient aussi raides. Parfois ces parcours de moyenne montagne réservent bien des surprises. Quand on voit la pente de cette rive de la vallée de la Têt on n'en est pas surpris. Je ne connais rien aux salamandres mais ce que j'ai lu sur Wikipédia est vraiment surprenant. A bientôt
SupprimerCC... Magnifique randonnée, magnifiques photos... Merci du partage !!!
RépondreSupprimerBelle semaine, Bisous, Câlins
Belle semaine aussi. Comme le temps passe vite...on n'a pas le temps de se retourner qu'elle est presque finie. Bisous
SupprimerJ'aime beaucoup cette balade, pleine de découvertes et de rencontres et que dire de la salle de restaurant, magnifique ! Je ne m'attarde pas car nous partons à Rodome tout à l'heure, j'ai hâte, ça trépigne à l'intérieur comme une gamine, lol Pas d'internet là-bas donc à la semaine prochaine, bisous et caresses aux matous.
RépondreSupprimerBon séjour à Rodome. Pas plus puisque tu n'as pas internet. Bisous
SupprimerBonjour, Vous avez trouvé le fameux sentier de Thuès à Llar grâce auquel nous avons eu droit à ce merveilleux et très intéressant reportage. Rien ne vous résiste car l'envie est apparemment plus forte que les difficultés du chemin. Attention tout de même à la salamandre que vous avez attrapée à pleine main. Comme de très nombreux batraciens, leur peau secrète des toxines dès qu'on les touche et c'est un moyen de défense pour ces petites bêtes. Je n'ai jamais eu de problème avec toutes les salamandres que j'ai moi aussi remises dans le droit chemin mais j'ai beaucoup souffert d'un oeil que j'avais eu le malheur de frotter après avoir touché une reinette. Alors prudence ! Bon, je vous dis tout ça mais je suppose que vous le saviez déjà car vous êtes toujours si près de la nature...Merci encore....Amicalement Gilbert
RépondreSupprimerOui Gilbert je l'ai trouvé mais il est assez facile à trouver; de la 116 on le voit il commence par des marches en bois (rondins) cependant il vaut mieux le prendre par la rivière car cette route n'a pas de bande marche pour les piétons.Non je ne savais pas pour les salamandres, je retiens le conseil car je suis d'une folle imprudence, merci. Bonne fin de semaine. Amitiés
SupprimerEn te lisant ce soir, Amédine, tu m'auras donné l'envie non pas d'aller marcher dans les Pyrénées, c'est trop loin de chez moi, mais de découvrir des coins insolites de ma région, de découvrir tout ce que je ne connais pas d'elle, car la Haute-Loire est belle aussi, et je suis loin de la connaître entièrement. Alors merci pour cela ! :-)
RépondreSupprimerChaque département a ses coins insolites et ce sont eux qui m'attirent le plus; je vais rarement dans les lieux touristiques peut être aussi par phobie de la foule je dois l'avouer...Bisous
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerMerci pour ce beau récit ... Nous projetons de faire la même ballade, au départ de Thuès, après-demain. Le point de départ du sentier est sous le pont de la Têt, à l'entrée du village?
Jean-Louis BONNES
Pas du tout, Jean Louis. Vous continuez la 116 après le pont (où vous pouvez vous garer ce sera préférable), vous passez devant l'embranchement pour la Carança et vous continuez sur la 116; juste à la sortie de Thués vous avez à gauche un petit emplacement de parking (1 véhicule) et le sentier pour Llar est en face, à droite de la route qui monte verts Fontpédrouse, on voit quelques marches en rondins, une sorte d'escalier, c'est là. Si vous voulez qu'on en parle de vive voix, laissez moi un msg sur lison066@gmail.com, je regarderai et donnez moi votre tel, je vous appelle et on en parle
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