mercredi 27 décembre 2017

Un petit bout d' Aude pour Noël ?

Ce Noël, après le Noël Cévenol de l'an passé, devait  avoir lieu bien loin de chez moi, en Ariège,  haut perchée dans des montagnes glacées avec pour décor le superbe Mont Vallier. Un village d'un seul habitant (s'il n'est pas mort depuis) m'attendait, et moi aussi je l'attendais avec impatience.
Des contingences familiales m'ont fait ajourner cet original Noël et c'est un de bien plus banal que je suis allée chercher pas loin de chez moi.
Ce fut Padern dans l' Aude. Pourquoi Padern? Je ne saurais expliquer ce flash qui me traversa l'esprit, en roulant l'autre jour, aux portes de mon village avec en ligne de mire la ligne bleue des Corbières.
J'embarque mes compagnons de route, Nina et Mathurin, et nous voilà partis.

Padern : Aude

Padern est tellement proche que je me suis offert sur la route un morceau de Roquefort, en préambule au Réveillon (que je ne fis pas). Roquefort, comprenez le, est un des nombreux Roquefort de France, celui ci se nomme "des Corbières".


Au pied de la falaise :
les vignes








Ce sympathique village adossé à une muraille calcaire sur laquelle s'écrase impitoyablement le vent du nord, est entouré de belles vignes comme un tapis de laine changeant de couleur au rythme des saisons. Ce Roquefort là n'a aucun parfum de brebis ni de fromage à pâte bleue, juste une fragance de vignes et de  vins.


Au pied de la falaise : Roquefort

Mais c'est un original Roquefort, voie sans issue, que j'entreprends et j'y trouve le chemin de la Serre, traduisez "la colline" que je traduis plutôt par falaises.

Voilà Roquefort à mes pieds, toitures rousses et lotissements incongrus dans cet ensemble vieux de toute une vie et en deçà...Trois anciens moulins y sont joliment restaurés, même s'ils ont perdu leurs ailes au fil des ans, au gré des vents. Vents salés, même, puisque la mer et les étangs sont tout proches.
Roquefort vu d'en haut
Ces falaises imprenables se terminent par un plateau pierreux, couvert de thym, fenouils et romarins, où la vue porte loin et où les à pics sont vertigineux.

Deux des trois moulins

Un jour d'été nimbe ici ce 24 décembre, j'en profite : repas et repos avec les chats, balade solo sur la roche, entre les roches, en varappe sur les calcaires. Est ce vraiment l'hiver ??

Hauteur de falaise

Du haut de la falaise, à 73 km, le mont Saint Clair à Sète
la mer et les étangs

Toits de Roquefort

Je bifurque vers Padern, ce n'est pas la porte à côté, je tourne le dos à la mer, je vais accoster au Verdouble, ce long fleuve pas tranquille qui murmure à mon oreille car ce soir personne ne l'écoute. Je vais dormir contre lui mais ce sont mes chats qui vont ronronner à mes oreilles. C'est Noël alors on se doit de le fêter dignement : le poêle ronronne, les lampions scintillent, la musique chantonne et le village, derrière les carreaux, est mort, bien mort ! Il y a juste face à moi un soupçon de vie derrière une fenêtre.
Reflets sur le Verdouble, ou Padern en double

Et puis le château en jaune et vert qui se rit de la nuit d'hiver avant de s'enfoncer à son tour dans la nuit sans lune.


 

 La soirée de Noël peut commencer : un repas dans la chaleur douce du poêle qui ronronne, des chats frileux qui se pressent aux portes du feu et moi qui écris.
Les chats se chauffent sur le lit
 Plus tard, il n'y a guère que le poêle et moi qui avons changé de place...

Mes bouillottes






Tandis que j'ai aménagé un petit chevet supportant des lampions : c'est Noël, une fête de la lumière.
Autour tout est silence, silence dedans, silence dehors...Je suis bien, je lis.








Des heures de sommeil et voici que point un jour gris, sale, humide, triste à périr.
Un silence immense a habité la nuit d'un village emmuré au pied de son château.

Automne : 25 décembre, vu de mon lit, dans le lit de la rivière

Que c'est triste ce matin !!

Même lieu vu du château (zoom)



















Ce château auquel je me hâte de grimper, 10 minutes d'un sentier mouillé et escarpé, un panneau en interdit l'accès, j'en fais fi et je me glisse sous la porte entre les murailles. Un vrai nid d'aigle sur son éperon rocheux. J'admire au passage l'assemblage de ses pierres, les ouvertures dans des murs d'une étonnante épaisseur, les murailles crénelées jetées sur un vide à lui seul dissuasif, et le point de vue imprenable de puis cette imprenable forteresse à la proue effilée. Padern dort toujours, se réveillera t'il dans la journée ?
Murailles du château

Le château construit au 9 eme, détruit au 16 eme et
 reconstruit au 17 eme


Padern vu du château

Eperon face ouest




Un long et glacial hurlement, répété d'écho en écho dans les taillis mouillés et les crêtes calcaires donne froid dans le dos, même à l'abri des murs de "mon" château. Sont ce des chiens de chasse ou les longs hurlements modulés d'une meute de loups ?





Je redescends prestement au village dont je visite le silence et les rues vides  et je me réfugie dans la tiédeur du camion auprès de mes chats. Faut-il être sotte pour quitter la chaleur d'une maison vivante et ne trouver que vide, silence et grisaille, fort sinistres par ailleurs! Si Noël est triste il l'est partout! Comme si je l'ignorais...



Kaléidoscope de Padern

Je ne vais pas bien loin continuer à festoyer, car nous festoyons quand même ! 

Les bulles du champagne donnent un petit pétillement à cette fête qui n'en est pas une, en tout cas pas la fête cévenole de Noël 2016. Une jolie table égaye un peu l' histoire, deux chats partagent le "festin" banal, quant au décor je dirais presque qu' heureusement derrière les vitres je l'aperçois fort peu : de sinistres falaises coiffées de brume, une route déserte qui serpente dans ce canyon, non il n'est pas festif, il est juste au diapason de ce jour gris.


Pour donner un sens à la fête, tout à coup, prise d'une subite impulsion, je m'élance à l'assaut du paysage. En deux temps trois mouvements, j'accroche pieds et mains à la roche et je file bon train vers là haut. La route tout en bas s'amenuise à une vitesse impressionnante, comme si le Diable était à mes trousses. Ou la meute de loups de ce matin.


Vers le bas

Vers le haut

 Le souffle court, je file dans les éboulis, entre les buissons, j'avale les murs de roche grise, âpre et rugueuse sous les doigts: je suis dans mon élément, la fête est enfin là! J'arrive aux brûlis du dernier incendie, je me faufile entre les squelettes calcinés, le paysage a pris une teinte brune qui se perd dans la brume toute proche.

La brume n'est pas loin


Le brûlis (incendie été 2016) et la route tout en bas


Il y a 20 minutes que je grimpe comme l'éclair, bientôt la brume m'engloutira ! Il ne me reste plus qu'à redescendre. Je choisis un autre chemin qui ne va pas manquer de piquant même si les buissons l'ont déserté et pour cause.

Je traverse le brûlis pour gagner le ravin

Une très haute cascade à sec : chemin de l'eau
avec "marmites" et chutes
Pas la mienne en tout cas , je viens d'en haut 

Des pas sûrs

Je descends prudemment

Cascade sèche



Cuvettes d'eau






Dans ce paysage aride et abrupt, des ravins encaissés conduisent les rares eaux de pluie ou d'orages vers le Verdouble. Ces chemins d'eau, véritables escaliers de roche ont arraché la terre et mis à nu le rocher, percé de cavités ou autres marmites où dorment encore des flaques . Le paysage y est particulier et ne parle pas précisément de douceur. La violence des éléments liquides depuis des millénaires a gravé son empreinte .




C'est un étrange chemin que ces rides profondes de la terre, un chemin abrité, encaissé, isolé, plein de charme . Ma descente y est moins aisée que n'y serait la montée, prudente et téméraire à la fois; le fessier prendra même la place des pieds, je dois faire attention, je n'ai même pas pris mon téléphone; ce serait idiot de me blesser toute seule dans ce désert lunaire ! Qui m'entendrait ou viendrait me chercher ? C'est Noël, et je suis en train de m'offrir mon cadeau!



A reculons et prudemment
Bon si j'ai posé l' APN en bas c'est que je suis déjà descendue une fois

Mon chemin de roche et de ravin


Un cadeau se partageant, je fais goûter à Nina et Mathurin les joies de la varappe, moyennement appréciées, surtout par Nina. Il faut dire que je les ai extraits brutalement de la sieste pour ce faire.
Enfin nous prenons le chemin du retour, sous la grisaille évidemment.

"Je déteste ça !"

"J'adore ça"

Mais j'ai donné un peu de piquant à la fête!
Mon Noël 2017 a moins ce goût de sucré salé .

J'ai sauvé mon Noël.





15 commentaires:

  1. Encore un récit saisissant et original . Comme tu es à l'aise avec les mots ils sortent comme par magie pour me décrire le paysage lambiance l'atmosphère et se déroule le film de ce noël si particulier . Un beau cadeau aussi pour moi ne connaissant pas Padern . Merci pour cette narration . Je me suis régalée et du champagne , de tes mots et de tes photos . A bientôt

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    1. Les mots et la pierre me plaisent, alors je marie les deux et j'essaie de faire d'une balade banale et ordinaire un petit récit piquant et vif. Comme ça ne me demande aucun effort, je me régale d'écrire. Sinon le récit deviendrait un torrent d'ennui. Je vous embrasse à tous les deux...les bons petits plats de chez vous ne sont pas pour mes fêtes alors je les remplace

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  2. Très beau récit écrit avec vivacité et superbes photos. On vit cette balade..(Personnellement je ne pourrais suivre le rythme et encore moins le dénivelé..!!!) mais te lire est toujours très agréable. D'ailleurs pourquoi ne pas en faire un roman...Un personnage central et après tu as la sensibilité et l'imagination pour construire le reste...Merci. ASP

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    1. Merci cher ASP, j'essaie de faire vivre mes balades à ceux qui ne peuvent les faire. Donc réussi ! Un roman ? L'imaginaire ne suit pas...je sauvegarde juste mon blog pour une postérité inexistante. C'est con la vie ! Bisous et merci de tes visites en ces lieux inhospitaliers

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  3. Bonjour Amédine,
    Chacune de ces balades me plaisent : le lieu, l’escalade de ces vieux sentiers chargés d’histoire, les photos et, bien sur, le texte. Je suis ému chaque fois, car cela me rappelle tant de souvenirs… J’ai lu rapidement le passage sur Roquefort car ce n’est pas celui de Soulzon que je « vénère » à la fin de chaque repas. Je me suis attardé sur Padern que j’ai cherché pendant une heure sur Google Earth et Google Maps et enfin trouvé avec une dizaine de photos. Il me reste maintenant à fouiller dans ma documentation sur les cathares ; pour le moment juste quelques lignes : « Pendant la croisade albigeoise, Chabert de Barbeira, compagnon d'armes d'Olivier de Termes, protecteur des Cathares et seigneur de Quéribus, s'empare de la place (Padern). Après la prise du Quéribus, il négocie sa liberté contre l'abandon des citadelles au roi Louis IX. »… à suivre.

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    1. Bonjour Pierre, sache que dans toutes mes balades du Sud, garrigues comprises, il y a une pensée pour toi en espérant que mon invitation à la lecture/balade, même musclée, te parviendra! En ce qui concerne le château et la situation de Padern j'ai hésité à joindre une carte , pour ne pas faire un article trop long; de même pour l'Histoire du Château. Le lecteur intéressé est invité de manière sous jacente, à faire la démarche que tu as faite. Alors quand même voilà ce que j'ai "copié collé" depuis Wikipédia: "Le château de Padern est assez méconnu dans la région, car il n'a pas joué un rôle très important pendant la croisade contre les albigeois, contrairement à ses voisins de Termes, Queribus ou encore Peyrepertuse.

      On ne connaît pas exactement l'année de sa construction, mais le village de Padern est cité dès 899, date à laquelle le roi Charles III dit le Simple cède le territoire à l'Abbaye de Lagrasse, alors que ce dernier appartenait encore aux Comtes de Toulouse, et non à la couronne de France.

      La fortification est signalée pour la première fois en 1026, et on fait état d'une fortification secondaire (forcia) à Padern à la fin du xiie siècle, placée sous le contrôle de l'abbaye de Lagrasse.

      Pendant la croisade albigeoise, Chabert de Barbeira, compagnon d'armes d'Olivier de Termes, protecteur des Cathares et seigneur de Quéribus, s'empare de la place. Après la prise du Quéribus, il négocie sa liberté contre l'abandon des citadelles au roi Louis IX.

      L'Abbaye de Lagrasse récupère donc le château, et en 1283, en devient officiellement propriétaire par une transaction avec le procureur du roi Philippe III de France dit le Hardi, elle en restera propriétaire jusqu'en 1579.

      À la fin du xvie siècle, après les guerres de religion, Pierre de VIC originaire de Catalogne (Gérone) fait l'acquisition du château, y fait des aménagements en conservant son aspect féodal. En 1706, les descendants revendront par la suite l'ensemble à l'Abbaye de Lagrasse qui laissera le tout à l'abandon à la fin du xvIIIe siècle."; bises de l'Hiver installé ici avec plein de neige dès la moyenne montagne

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  4. Merci pour ces précisions, j'avais parcouru rapidement Wikipedia. Sur un exemplaire de la revue "Pays Cathares", qui ne parait plus, j'ai lu un texte sur Queribus assez complet ; il parle de Chabert de Barbeira qui cède ses citadelles au roi, c'est tout. Je vais encore en lire d'autres, j'ai la collection complète.

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    1. J'ai failli aller à Queribus ce 25 décembre et puis j'ai opté pour la grimpe dans ce paysage hostile. Mais Quéribus est il plus hospitalier ? Surtout un 25 décembre ? J'en doute...

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  5. CC... je ne reçois plus ta news, et je ne peux plus de laisser de commentaires avec mon ordi... je le fais avec la tablette !!!!
    J'aime ce Noël hors du temos que vous avez passé tous les 3 :)
    Bon dimanche, BISOUS, CÂLINS

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    1. Coucou Miss, je ne sais de quoi ça vient je me renseignerai. J'ai passé une st Sylvestre encore plus originale (en plein jour toutefois) mon prochain billet, tu verras. Je te souhaite une très très belle année 2018 et je t'embrasse fort. Amédine

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  6. Un beau chemin de l’eau, j’aime beaucoup. Padern et le Verdoubre sont dans une nature sauvage que j’affectione. Un Noël original comme tu les aimes. Belles photos et récit toujours passionnant. Je t’embrasse.

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    1. Oh j'avais pas vu ton comm ! Bien sûr que c'est beau...j'ai un projet là bas encore

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  7. Ton blog est toujours aussi intéressant même passionnant.
    Si tu as un instant, je suis en retraite depuis peu et je voudrais "partir" avec Cachoue ... en fourgon ... mon seul souci est de savoir comment fais-tu avec la litière ? Merci d'avance et à bientôt. Je suis une lectrice assidue de tes périples tous plus magiques les uns que les autres. Bisou

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    1. Alors pour la litière c'est simple, j'ai un bac petit, les chats adorent les petits récipients car ils ont l'impression d'avoir des toilettes privatives. Quand je conduis c'est devant parce que les 2 chats sont devant et quand je vais à l'arrière, repas, sieste, ou en mon absence, c'est derrière. Une petite pelle pour dégager les crottes et un peu de rechange dans le coffre, le tour est joué !Tu peux me joindre au mail suivant lison066@gmail.com et de là je te donnerai mon N°. Bises. Depuis Ce jour je ne les ai plus emmenés et je sens qu'ils en ont envie; j'ai fait beaucoup de Catalogne et là ils sont pas en règle donc une sortie avec eux est prévue sous peu

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    2. Merci infiniment pour ces renseignements. Je t'écris sur gmail. Bise

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