vendredi 24 mai 2019

Mantet, la vallée du Queret (ou Caret)




Mantet, petit village de 33 habitants, à 1550 m d'altitude s'expose face au sud, bien abrité des vents du nord de par sa position en contrebas du Col de Mantet, 1761 m. Mantet a un bon réseau hydrographique puisque plusieurs vallées convergent, les trois principales étant l'Alemany, le Ressec et le Queret.
Le Ressec (plein sud) qui est issu du réseau provenant de la Portella de Callau, reçoit le Forquets et le Rec dels Clots (S/E), ma dernière randonnée. Je ne crois pas que le Forquets soit longé par un quelconque sentier.  L'Alemany (S/W) provient de la Portella de Mantet et est longé par le GR 10, c'est donc le plus connu.
Je les ai parcourus tous les trois. Manquait à mon palmarès le Queret ou Caret, orienté quasi plein ouest.





C'est la balade du jour.

Arrivée la veille à Mantet à 20 h 30 après 75 km de route et 1 h 30 de trajet (c'est dire la moyenne horaire !) j'installe mon kangoo sur le parking, ce sera un bon moyen de tester l'isolation que je viens de faire . Un matin plus tard et le test réussi, je prends le départ, 7 h 35, le soleil dore les hauteurs, le ciel est serein et moi un peu mécontente, j'ai oublié mon principal outil : la carte IGN. Elle est restée...dans le camion. Mantet est sur 2 cartes et j'ai pris l'autre. Ce sera un bel handicap je le sais.



La vallée du Queret est desservie par 2 sentiers, un au plus près du ruisseau, l'autre en forêt. Je dois déjà modifier mon départ, sans carte, impossible de trouver le sentier de la forêt.
J'ai quitté Mantet par un tout droit à travers pentes, du parking à la rivière le Mentet, née de la rencontre de tout ce beau monde liquide pré-cité. Le Mentet se traverse par une passerelle survivante et je perds 150 m de dénivelé jusqu'au Queret.

Passerelle sur le Mentet

J'ai croisé l'Alemany bondissant et glacé mais de nombreuses passerelles assurent le service. je suis dans l'ombre, il fait froid, 5° au pk donc ici, un peu moins. Arrivée au Queret : surprise, 2 sentiers, un de part et d'autre du ruisseau, je choisis celui de gauche (donc rive droite) et je ne suis pas déçue, il est magnifique. Le ruisseau bondit en contrebas, le sentier est large, ancien chemin muletier à l'évidence. Aucun balisage. Aucune erreur possible. Je comprends le pourquoi de ce chemin, il dessert des "feixes", terrasses anciennement cultivées. Le soleil me rejoint vite, les rossignols chantent et je suis bien. Que demander de plus ? Je n'ai pas de carte ? Et bien je mettrai en batteries les données engrangées dans mon disque dur interne.


Le Queret non loin de son confluent avec le Mentet

Dans une des "feixes" (terrasses)

Le chemin muletier

Un rocher très escarpé : a t'il donné son nom
au ruisseau ? (Quer = rocher)

Je marche en forêt, je n'ai pas encore récupéré le dénivelé perdu et je regarde naître le printemps, premières feuilles, premières fleurs, papillons. Je marche comme une touriste, carnet et crayon à la main, prenant des notes et faisant de nombreux arrêts, la balade sera courte.

Les passerelles c'est le menu du jour !
Elle y ressemble

Il y a deux façons de parcourir cette vallée : à grandes enjambées, vers une quelconque et improbable destination, Col de Pal ou Pic de l'Orri, les deux accessibles par du hors sentier et puis ma façon en mode découverte, en écoutant parler la vallée car elle va me raconter des histoires tout au long.Une passerelle rustique (1509 m) me permet de franchir le ruisseau et je débouche dans une prairie ou quelques maisons sont en ruine. Un hameau me dira plus tard le berger.

De solides murs





Je ne vois pas, en visitant les maisons, le sentier qui s'élève vers les hauteurs, je le verrai au retour, c'est lui qui permet d'accéder au Pic de l'Orry (2040 m). toujours dit par le berger. Donc après ma visite (j'adore les ruines) je poursuis mon sentier, moins visible, le sentier muletier s'est achevé, au plus près de la rivière qui bouillonne, blanchie par les bulles d'air, gaie et glacée.



Le printemps; en fond, environs de Mantet

Le printemps éclatant
 J'arrive ainsi à la 2nde jasse, celle des Corralots (petits cortals). Une demeure en ruine, nantie d'un pan de mur, un joli orri à la fraîche température; 1615 m, le soleil est chaud, je grignote une rondelle de saucisson et je continue. Dans mon dos, le Col de Mantet, noyé dans les lointains bleutés.

Diverses étapes du printemps


A 2.5 km, à vol d'oiseau, le col de Mantet

L'orri, au toit d'herbe et de lauzes.
A l'intérieur, un âtre et un gril vous attendent

Murs de 1 m 15 d'épaisseur

Le sentier devient quasi invisible, je le poursuis au flair, disparu entre herbes et rochers mais je retombe toujours dessus, tout en m'élevant modestement. Il va sans dire que je suis absolument seule, sans le moindre animal en vue sinon ceux que j'entends : les oiseaux, un pivert qui cogne en cadence, et dans les bois une sorte d'aboiement qui s'éloigne, lui il m'a vue. Ou sentie. Je n'ai pas peur, je suis à l'aise, je savoure. Cette vallée est bien plus riante que celle, austère et fermée, des Clots.



Dans mon dos, un beau décor
Le sentier cesse soudain, butant contre la rivière mais semble reprendre de l'autre côté, une prairie verte se devine, j'irai voir. D'abord je fais un tout droit dans la pente, mon disque dur se souvient d'une immense jasse emplie de ruines s'étageant jusqu'au sommet, quasi, enfin jusqu'à un col. C'est la Jaça del Mig (pâture du milieu); elle s'étale et s'étage devant mon regard ébloui.

Les ruines d'un cortal (bergerie)

Un petit col planté de sapins alignés comme des jouets...ce serait "un jeu d'enfant"(hum...) de grimper là haut, en mode animal, certes, mais c'est ouvert. Sauf que...Pouce !J'ai pas envie de jouer! Pourquoi je n'ai pas envie de grimper alors que j'aime ça ? Parce que je n'en avais pas fait mon but et que je veux continuer le Queret.
La Jaça del Mig (1729 m)  et le col qui la surplombe (2018 m)


Je ne suis qu'à 1729 m, alors je reprends le chemin, je traverse un ruisseau qui se nomme "Sola de les perelles" (des poires sauvages) et je m'engage sur un passage en corniche dans une falaise rocheuse qui me ramène au bord du Queret.





C'est là que la carte manque : le Queret jaillit d'une noire forêt, il souffle une haleine glacée , le site est un peu inquiétant, bouleversé, sinistre et...je fais demi tour. La carte m'aurait dit : "traverse, dans l'eau, marche sur l'autre rive, remonte la forêt, tu n'as que quelques dizaines de mètres, tu retraverses ainsi que le "Correc del Solà de la Serp" (le ravin de la soulane du serpent), joli programme, puis tu retraverses le Queret et...et je me serais gelé les pieds !!..et tu arrives à une nouvelle jasse, dans laquelle tu trouveras le départ du sentier de la forêt. A 1770 m". Quel jeu de pistes que ce final ! Sans carte, je ne pouvais m'y retrouver. Et avec carte ?

Terminus pour moi...dommage, si j'avais su...
En tout cas le berger qui connaît les lieux comme sa poche m'explique encore mieux que ne l'aurait fait la carte.
Le Queret, quant à lui aurait poursuivi pendant 2.5 km son chemin solitaire, jusqu' à la côte 2260 son lieu de naissance, hors sentier, quelle balade !

Glacé le Queret



Je suis obstinée, persuadée que le sentier est tout proche de moi, donc, de retour sur mes pas, je traverse nu pieds le torrent glacé et je parcours la jasse que j'ai laissée de côté; j'ai beau en faire le tour et scruter, je ne trouve pas la trace d'un sentier et pour cause...Ah cela me fait chercher l'absence de carte ! Cependant cela enjolive la balade et l'enrichit.



Je reprends le chemin du retour, cette fois le sentier n'a plus de mystère même quand il est absent. Il pleut des pétales de merisier sous le grand soleil, un grand bourdonnement d'abeilles les accompagne et des papillons se posent sur moi.



Le silence n'existe pas, l'eau en est la musique, sur tous les tons et toutes les respirations. C'est une symphonie de verts, jamais balade ne fut aussi bucolique. Le chemin est très court et, en levant les yeux, j'aperçois la ruine d'une immense demeure, haut perchée dans des arbres encore dénudés, par chance. Alors je fais un tout droit, louvoyant entre les orties qui mordraient à belles dents mes mollets nus et j'arrive au pied du Cortal Nou (neuf ) ruiné mais grandiose.

Le Cortal Nou


Une assise de rocs monumentaux, des murs de pierre sertis de crépi, des ouvertures encore encadrées de bois rustique, mal équarri mais assemblées en tenons et mortaises s'il vous plait ! un encadrement décoratif de pierres sur la porte d'entrée et une murette d'ardoises rescapées du toit effondré comme si demain...l'habitant des lieux me salue de toute sa verdure et s'épanche largement en façade depuis le toit absent.  Il veille sur mon repas car je suis "séchée", j'ai parcouru tout ce chemin et arpenté des pentes raides avec pour tout viatique une rondelle de saucisson.Alors, au grand soleil, je dévore littéralement!

Extérieur

Intérieur et son locataire

Tenon et mortaise

Extérieur

Vu de loin, au zoom

Je savoure, après avoir exploré les alentours et nettoyé une des nombreuses sources qui fournissaient l'eau au Cortal, demeure aisée et non simple bergerie, aux murs de près de 1 m d'épaisseur. Les hivers étaient froids, jadis, et le matériau abondant..et l'énergie humaine aussi!
Puis je repars, mollets aux aguets. Il doit bien y avoir un sentier qui longe la rivière sur cette rive, je ne le vois pas et je n'insiste pas. Pourtant arrivée au terminus, je referai le chemin à l'envers, rive gauche cette fois,  sur ce sentier trouvé, je parviendrai au pied du Cortal Nou puis je reviendrai en courbe de niveau en suivant le cours d'un ancien canal qui desservait les feixes proches du Mentet, achevant ainsi (provisoirement) ma balade patrimoniale qui heurte la Serra de Pocaroba (peu d'habits, car pauvre et dénudée).

Le Queret

Près de sa confluence

Le long de l'ancien canal (supposé)

Vue plongeante sur le Mentet depuis la Serre de Pocaroba

Détail : le joli chemin creux


Je baguenaude au dessus des flots tumultueux du Mentet lors de ses épousailles avec le Queret, là où jadis grondait une forge, cours tumultueux partout ailleurs aussi, j' emprunte un chemin repéré de là haut, entre des murs rocheux et comble du "brise jambes" garanti,  je remonte à pic sur le parking, pour récupérer les 150 m du matin.

En haut de mon perchoir face aux 4 vallées, le berger me rejoint et raconte. Il me dira aussi  que le Mentet n'a pas beaucoup d'eau car si en 2018 il y a eu un cumul de neige de plus de 4 m au village, cette année 80 cm seulement. Je dis simplement au berger : "Je reviendrai..." Il reste encore tant de choses à voir....

En chiffres
Dénivelé positif cumulé, environ 600 m
Distance : 6.7 km
Route : 150 km A/R

Ma balade du jour en image






8 commentaires:

  1. merci pour les photos et l'histoire :)

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    1. Ce fut un plaisir de le vivre et de le conter:-))

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  2. Magnifique comme d'habitude. On suit la guide, enfin par la pensée, balade si bien contée et non, imaginée, mais bien réelle.. Franchement on vit cette escapade dans cette belle montagne qui t'apporte tant et nous..nous sommes à la fois lecteurs attentifs au moindre mots qui définit si bien le ressenti, mais aussi tous ces sons de vie, atténués ou bien présents..comme l'eau du torrent, ce pic et ce curieux "hurlement"...sans doute un renard...ou un loup !!! Diantre ! mais aussi spectateurs grâce à toutes tes photos qui montrent qu'alors 'fa temps' des gens vivaient sur ces flancs montagneux froids, rudes mais si beaux. Je pense que la grande hécatombe de la 1ère guerre mondiale a été le maudit moteur de la désertification. Sportive, aventureuse et conteuse experte de tous ces coins nature 'encara gracies'. Partage tous ces instants qui te plaisent tant et la magie opère en nous ..Nous marchons, nous randonnons, nous entendons et ressentons tant de plaisirs. A bientôt Amédine. ASP

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    1. Ce que je voulais faire passer est donc réussi. Mes articles sont longs et peuvent rebuter les (non ou peu) lecteurs mais je veux, pour ceux qui restent, leur faire vivre ce que j'ai ressenti, parce que sans doute beaucoup n'iront jamais. Les images servent de repère pour le texte, il faut qu'elles accompagnent le lecteur pas à pas, comme m'a accompagnée la nature , et si je m'y mets un peu dessus c'est qu'on aime bien une image plus perso de temps en temps, voir la "drôle de bête" qui a fait ça, et comment elle a fait ça. En ce moment c'est un Petit Boche que j'accompagne ailleurs, à cerbère, sur les hauteurs,par le biais d'un auteur . Me regali !! Petons d'una encantaïre com tú !

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  3. Te voilà dans un contexte où nous avons peu l'habitude de te trouver, ça change, ça te change, du mode aventurière, tu passes en mode poétique. De la balade à la ballade, je me suis laissée paisiblement bercer. Merci Amédine Chris

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    1. Et bien dis donc, en matière de ballade et balade, tu sais bien conter tout ça : merci pour ce moment si bien compris, bises et bon dimanche

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  4. Quel beau parcours ! Tu nous fais découvrir une belle vallée avec des ruines magnifiques dans un environnement enchanteur, de l’eau, des chants d’oiseaux, et le printemps qui sublime tout le tout.
    Un beau témoignage du passé, je me suis régalée de découvrir ces lieux que je n’ai pas encore parcourus mais qui me paraissent familiers grâce à ton intéressant récit. Ton disque dur interne fonctionne bien, heureusement ! Bravo pour l’isolation du Kangoo. Bises.

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    1. J'essaie de cultiver ce disque et je suis ravie de vous avoir transportés dans cette petite vallée qui obtient un grand succès; je me disais tout en marchant, voilà un article qui n'intéressera personne. Le plus lu de tous fut la balade à Sorède, au transbordeur; bizarre non ? Bises à vous deux

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