jeudi 15 août 2019

Cinq 3000 au cirque de Troumouse (65) ou une rando plus qu'aérienne, partie 1

Partie 1 : du parking au Pic de Troumouse, 3085 m en passant par Cirque de Troumouse, Col de la Sède, Pas du Gerbats, Pic Heid, arête et Pic de Troumouse
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Quand Didier (que j'ai rencontré il y a un an en montant au Mulleres , 3014 m) m'a proposé les sommets du Cirque de Troumouse, j'ai pensé à un grain de folie (la sienne) puis les mois ont passé et le silence s'est installé. Voilà qu'un jour il m'envoie un extrait de youtube, un "truc vertical" à grimper, le Pic de Serre Mourène, mais je n'ai pas cru une seconde que c'était une invitation. Pourtant, que ça m'a plu et que "je le sentais..."! Prétentieuse me suis je dit...
"De toutes les matières, c'est la roche qu'elle préfère.(...)
C' est la plus heureuse des prétentieuses"
Parodie de "C'est la ouate" de C Loebb
Sommet du Pic Heid, 3022 m
                                             

En grande partie le trajet du jour, 17 km moitié en l'air
En bleu parcours nocturne

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Voilà comment en cette noire fin de nuit je me réveille sous une brève averse et un ciel sans étoiles, c'est sûr on n'ira pas ! Mais Didier arrive, c'est le 8 août, il est 4 heures et il me dit "on verra, on y va".
A la lueur des frontales et dans un silence religieux, on doit traverser le cirque aux pieds de la Vierge sauf qu'on n'y voit rien, Didier ne se repère pas, moi encore moins qui ne connais pas et on marche. Des sentes de brebis, un relief boursouflé dans lequel on serpente, des dizaines d'yeux verts immobiles qui brillent (les brebis) , un noir d'encre, un sentier qu'on finit par trouver et....on est à l'opposé de notre destination. Pas grave car je me régale. Donc sous le jour naissant, on contournera hors sentier dans les éboulis la moitié du cirque pour gagner le point de départ : la montée au col de la Sède. Tant pis pour la grass' mat' loupée !

Perplexe devant la météo (vers le Vignemale)
On a fait un sacré, incommode et inutile chemin! Mais magique pour mon regard neuf (enfin dans le noir, le regard...lol). De belles dalles se présentent que je voudrais grimper, Didier me refrène, quand je les verrai d'en haut je comprendrai ! Le sentier qui s'élève rude et efficace après ce tour de cirque me permet de m'amuser à gravir des dalles et ça use les mollets!
Montée au col de la Sède par le "dédale mange mollets"
Montée au Col de la Sède; une rude grimpette
Nous avons décidé de savourer la journée sans s'occuper du facteur temps (durée) seul le temps (météo) peut modifier la donne.
Le jour bleu puis gris puis doré s'est levé, les nuages menaçants se dissolvent et là c'est sûr : c'est parti !!

On en a vu de toutes les couleurs

Dans nos sacs, baudrier et corde, pas de casque. Didier toujours confiant m'a dit "Je suis sûr que tu fais tout sans corde mais on la prend quand même". Sage précaution . Didier est un montagnard expérimenté et j'ai entière confiance, il connaît parfaitement les lieux. Que ça grimpe !!
Col de la Sède, 2651 m, le panorama est superbe: au SW, le cirque et à l'opposé , NE, tout le secteur des Aguilous , un symbole pour moi qui ai passé toute ma jeunesse aux Agouillous, en 66..à 100m d'altitude !

Oui d'inimaginables palettes de couleurs


Du col de la Sède :la vallée de Aguilous, côté nord

Du col de la Sède au Pas de Gerbats, c'est une crête douce et arrondie, incongrue dans ce paysage altier et fier; elle courbe l'échine et sa pelouse est douce, ah on n'en trouvera pas souvent comme elle !
Une crête débonnaire ce sera la seule et unique
Je prends un peu de forces, les festivités vont commencer; pour savourer cette sortie, je n'ai rien regardé, lu ou étudié, j'arrive avec le regard neuf et naïf, ce sera un atout majeur.
Un jeune couple équipé en escalade est là, nous le dépassons et ne le reverrons plus, il fera demi tour. Le Pas de Gerbats est un peu (et plus que ça) compliqué mais je le passe sans crainte, malgré le vide bien présent et le passage en roche. Didier est un peu inquiet mais je ne garderai de ce passage aucun souvenir de la moindre difficulté. Je le dois à la confiance que j'ai en lui, je le répète ce sera mon meilleur moteur tout au long du jour.

Un passage clé : le Pas de Gerbat appelé jadis "le Mauvais Pas de Gerbat"
ou descente verticale dans le vide. Pour moi Pas de Souci !
La suite du parcours va être époustouflante: nous voilà en train de marcher à flanc de cirque, en limite calcaire/ schistes, car la géologie des Pyrénées est spectaculaire, soit entre - 440 MA et - 70MA  (Millions d'années), les plus récentes, le calcaire, étant au dessous des autres soit une montagne inversée! Soit aussi avec 800 m de vide sous le pieds et 100 m de roches sur la tête ! De loin la partie la plus originale et impressionnante du voyage

Me voici, petit point bleu marchant dans une pente verticale sur un sentier
 limite calcaire/schiste, au milieu des fleurs d'un jardin suspendu juste
après le Pas de Gerbats : il y a plus de 1 km à parcourir
dans ces plissements verticaux


 Toujours en limite calcaire (trop lisse) , un des nombreux toboggans du parcours, la chute ?
 C'est 500 m mini de glisse

Cette limite est un vrai jardin; dans le schiste qui se délite, mille fleurs ont trouvé domicile, dans la roche aussi. Des couleurs somptueuses étoilées par l'averse.

On ne manquera pas de fleurs toute la journée, malgré le noir décor



Au dessus de nous une muraille noire, celle du Gerbats, 2904 m, en dessous de vastes toboggans pâles et lissés par les glaciers , une chute et rien ne nous freine, ce sera à mon avis un des passages les plus dangereux du parcours. Un sentier le parcourt et le terrain est plissé, nous ferons ainsi 1 km. Fascinant ! Je remplis mes yeux de ces couleurs et lumières, mais je suis d'une prudence extrême, mon corps doit s'habituer à ce terrain là. Et au vide.

Pour mieux comprendre



                                                Et pourtant, c'est riant !!
                                                Je dirais même cela a du piquant !
                                                Voire du mordant!
Pour preuve, ces roches se sont entre dévorées sous la pression, fer, schiste et calcaire, quel ménage à trois !



 Puis le sentier s'élève brusquement jusqu'à la crête, altitude Carlit, au pied du Petit Pic Blanc, 2957 m, notre premier sommet. Le panorama sur le cirque de Barroude, 600 m en contrebas est fabuleux! Des étangs et puis, surtout, un à pic vertigineux et absolument vertical, la Muraille de Barroude, 600 m de mur calcaire qui monte jusqu'à nous et qui, pour le voir, implique qu'on se penche! Epoustouflant! La brume nous dérobe vite les étangs, désormais, hélas, elle ne nous lâchera plus sur cette face Est puis Sud, c'est à dire que le vide...me manquera !


Cirque de Barroude, lacs à 2300 m, un refuge entre les deux

Les deux protagonistes du jour
le plus jeune

69 ans

Perché au dessus de la muraille
de Barroude et l'arête facile à parcourir
La muraille verticale de Barroude : dalle calcaire
de 600 m
 



























Fugace on aura vu le Mont Perdu, quelques secondes, dommage....il s'est perdu pour tout le reste du jour.

Photo ce jour

Alors qu'on aurait du avoir ce permanent décor ...quel dommage ...

Photo Didier 2018, le massif du Mont Perdu, depuis le même lieu

Ici commencent les festivités d'arêtes !Un petit col (2923 m), en dessous du Pic Blanc nous offre les vues les plus vertigineuses et on file vers le Pic Heid, 3022 m, le premier 3000 du jour. Au bout d'un sentier, sans arêtes, de la chair sombre et caillouteuse mais un boulevard encore. Avec ses 3022 m, il dépasse mes sommets 2018. Séquence émotion, encore. Frangé de brume que le vent léger repousse, je ne verrai rien de l'autre côté, soit les étangs.


Chemin à parcourir direction le Pic de Troumouse, 2nd 3000
Nous ne cessons d'évoluer à + 3000



A nos pieds le Cirque de Troumouse  tout de vert vêtu (alt moyenne 2000 / 2100)

Sans s'attarder, on va parcourir, direction Pic de Troumouse, 800 m d'arête (à vol d'oiseau, plus sur le terrrain) à plus de 3000, tourmentée, faite de creux et de bosses, d'évitements indispensables ou de désescalade et escalade pour le fun, le choix des arêtes fines est au menu en option gratuite mais périlleuse. Pour ma part je suis comme un poisson dans l'eau, Didier aussi que je ne suis pas scrupuleusement, il a de longues jambes. Séquence vertigineuse et passionnante, "je m'éclate". C'est le domaine du schiste, roux et noir, roche "pourrie" par excellence qui se brise sous nos pieds et doigts,  habillé du vert des lichens, semé encore de quelques jardins roses sur mousses vertes, des grands vautours qui nous survolent attendant le menu, ils me reluquent je suis la plus généreuse en viande ! Je plaisante mais mon grand souci du jour est justement de ne pas donner de souci à Didier. Je suis néophyte et si je redouble de prudence, c'est justement pour faire de cette journée une perle rare; je n'ai pas droit à la moindre erreur, je le sais et j'y veillerai jusqu'au retour, une concentration de tous instants. Didier reste un accompagnant vigilant et attentif, me guidant parfois pour un pas de III, nous formons un tandem efficace et complice. Dire que nous ne nous connaissons pas, ou presque ! S'il y a des évidences dans la vie, cette aptitude à marcher ensemble là haut sur les cailloux noirs en est une.
En images vertigineuses: 




Un personnage donne l'échelle au décor


Et quel décor !! Côté Cirque de Troumouse
De l'autre, c'est la ouate





On se faufile là dedans ou au-dessus
(Si ma mère savait ça... Aïe)





Une quinzaine attendent
On vient de là bas, très loin
 Le Pic de Troumouse (3085) se mérite, il est énergivore et je mange moins que jamais ! Un gros coup de fatigue me saisit, alors je me mets "en mode Canigou", soit concentrée sur mes pas, allure de métronome, enfermée dans une bulle, ça marche !Avec les dattes qui sont à portée de main. Et puis dès que j'attaque de la grimpe je ne connais plus les besoins du corps, il faut vraiment qu'il râle pour que je l'entende. Le pic est hérissé de 4 affreux bâtons de métal, on fera la photo sans cette armature de tente !

Genteleman, il me dit  : "Toi d'abord!" pour le pic

Et de deux ! Pic de Troumouse, 3085 m

Mais que vois-je ?? Quelle est cette redoutable dent grise, si proche et si "effrayante" ? Voilà ce pour quoi je suis venue : le Pic de Serre Mourene. 3095 m. Instant de grande solitude...je n'y arriverai jamais! Didier se lance alors dans un numéro de délire vocal qui, au lieu de me convaincre, m'angoisse encore plus : il en fait trop et il rit, en plus.



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4 commentaires:

  1. Je suis passée par plusieurs étapes, dans la lecture de cette première partie, de ce magnifique périple, la première l'envie, puis un moment d'étourdissement vertigineux et toujours et encore de l'admiration pour ces objectifs que tu te donnes, je le fais également mais pas à ce niveau, ton ami est aussi plaisant que toi, et a vraiment le physique d'un alpiniste. Bravo à vous deux Bises Chris

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    1. Sans lui c'est sûr j'aurais jamais tenté; ou alors avec un guide; ou alors avec d'autres alpinistes; je veux dire jamais seule. Même en l'ayant fait (car le plus dur reste à faire dans la 2nde partie)je ne le referais pas seule. Mais cela restera une des grandes expériences de ma vie. Bien encadrée tu le ferais je pense, avec peut être la corde aux endroits sensibles. Les 2 séances d'escalade avec guide que j'avais faites il y a 4 ans m'ont aidée. Mais que je me suis régalée !! Tu verraz la suite

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  2. Réponses
    1. ça va "viendre" mais d'abord, grimper à l' Alt del Griu, 2800 et quelques...Andorre, on peut pas être tout à la fois à la plume et au "grimping"

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