samedi 14 septembre 2019

L'Etang Faury depuis le Passet (Porté Puymorens)

Ce week end je n'ai pas envie de sommet, ni de manger de l'arête, j'ai juste (chose exceptionnelle) envie de dévorer du kilomètre. Je pourrais faire cela chez moi, mais le km à plat ne me tente pas, surtout dans une campagne brûlée, desséchée et poussiéreuse à souhait.
Après de somptueuses tracasseries administratives en cette semaine de vendanges, il FAUT que je me défoule, à grandes foulées si je peux.


L'étang Faury dans son écrin de granit blanc




Ce sera donc montagne, et loin, en plus ! Loin par la route, loin à pied. Il y a des années que j'ai envie d'aller à l'étang Faury mais je l'ai toujours trouvé très loin. Plusieurs chemins y mènent, j'ai fait des estimations, tout le monde affiche plus de 22 km, alors je n'ai que l'embarras du choix.
Je choisis départ du Passet, 1708 m,  (Porté Puymorens). Nuit paisible auprès du lac, froide (3°), silencieuse et reposante, il n'y a que moi, porte ouverte sur le murmure de l'eau.











Un matin lumineux, 7 h 30, je démarre. Peu chargée, et le pas vif. Cela commence par une sévère montée de 15 mn pour rejoindre le sentier qui domine l'étang de Fontvive. Des langues de brume dansent en surface et virevoltent comme des fées vaporeuses. La fumée d'un feu de camp grimpe à la verticale dans l'ombre froide.

Danseuses de brume sur Fontvive

Mon sentier est incroyablement sec, poudreux, la montagne est affectée par cet été brûlant. Pas d'eau, pas de fleurs. Des plantes roussies. Silence immobile. Je marche, les sommets s'allument, et le soleil vient à ma rencontre, plein les yeux, cela m'éblouit, je suis dans l'axe exact. Ce sentier mène sans trop de dénivelé à l'Etang du Lanoux devenu barrage en 1960. Un autre chemin y mène en parallèle, le chemin des ingénieurs, plus long., que j'ai beaucoup emprunté en 2018.




Je marche en songeant à ces montagnes de plus en plus sèches, de plus en plus privées de neige. Que deviendront les Alpes et leurs stations de ski lorsque la neige les désertera ? Seront elles invitées à retrouver leur bel état primitif ou condamnées à être défigurées toujours plus haut par Maître Domaine Skiable haut perché ? Le Mont Blanc deviendra t'il une balade aseptisée dans couloir de verre que l'on parcourra en tongues ? Je délire en marchant.
Avant le barrage du Lanoux, trois galeries creusées dans le schiste s'enfoncent loin sous la montagne.  L'eau du barrage est en partie distribuée vers l'Ariège et si l'on entre sur le "pas de la porte" on entend le ronron des pompes. Dans la 2nde galerie seul le "floc floc" des gouttes d'eau rompt le silence. Etranges entrailles des montagnes, on aimerait savoir et même voir.

Lorsque se dévoile le site du Lanoux je me dis : "Je suis en montagne", j'adore ce site

9 h 30, Barrage du Lanoux, après 2 h de marche, 452 m de D+ et  5.3 km, je pose mon sac au bord du ruisseau et je grignote. Je mange très peu en montagne, juste quand il faut sinon je ne tiens pas. Petite pause fromage. Et ça repart, je vais à présent longer la longue retenue d'eau du Lanoux, mon sentier va louvoyer entre roches et pins, l'eau bleue sera longtemps cachée. Un ciel et une eau magnifiques, mes sommets passés et ceux à venir (plus rares) tout autour, je garde un oeil sur le sentier pour le mauvais pas et tous les autres sur pentes, sommets, ruisseaux, reliefs, chemins possibles, un regard tentaculaire!

En images :mon regard tentaculaire: 

En fond le Carlit 2921 m et Rec dels Forats
 (ruisseau)

Pic de la Grave à droite, 2671m

Dentelle de Carlit

Pics de Coma d'Or et Pedros, ma dernière rando

Vers où je vais, au centre et au loin (et Etang de Lanoux)
Un peu de géographie
La civilisation approche avec la perspective du bout du lac; à  la Cabane du Rouzet un chien hurle tout ce qu'il peut et hache le silence, quelle plaie! Heureusement à son approche, ses jeunes maîtres un peu hagards (ils se réveillent d'une nuit cireuse sans doute) le tiennent en laisse car le molosse à ma vue, change de ton, cela n'a rien d'amène. Pas plus que le regard des deux garçons, je vais grignoter plus haut, merci pour l'accueil !
Là mon chemin devient neuf, je ne connais pas.
Au delà de la cabane la roche résolument granitique cohabite avec un schiste rouge sang, ferrique, noir aussi, un joyeux contraste balayé par un vent glacé. 2275 m, 11 h 15, j'ai encore de la route, j'ai parcouru 12 km depuis mon départ. La vie est belle, j'ai la forme, je suis motivée...



Granit blanc et roche de fer

Et mon esprit s'égare dans ces espaces de grande liberté...Je réfléchis, je pense, mais la plupart du temps, à rien. Je regarde, j'écoute, j'admire les sauterelles, les papillons, la multitude de lézards, j'écoute les dernières marmottes, je me nourris de silence. De ciel bleu et de roches blanches.



Tout au bout du Lanoux
Barrage achevé en 1960, 2.8 km de long, 0.5 km large, 93 m profondeur, 84 hectares

Et elle grimpe sec !

2224 m, ma route est à droite
























Dans la réalité, il faut lire la carte; je n'ai qu'une carte espagnole au 50 000; la seule spécialité de ce type de cartes, très lisibles au demeurant, est qu'elles...sont fausses. Chacune comporte des erreurs (comme les cartes routières du temps passé) et ces erreurs permettent facilement d'errer, c'est le but !
Ma "vraie" carte en pièces détachées est elle aussi partie en errance. Donc je continue. Paysage nouveau et magnifique : des pentes soutenues, des gros blocs de granite blanc, des laquets, des chemins d'eau sinueux, des crêtes et des pics blancs, un soleil éclatant, un ciel cobalt, ma foi, il y a pire, ailleurs ! Je commence à rencontrer du monde.
Deux pentes soutenues à quelques 35 ou 40°  et j'arrive sur un "plateau"sec, herbeux, jonché de blocs et parcouru en tous sens de sentiers. Là je me "perds", un cap à la boussole me met sur le chemin, je dois passer à la Portella d'Orlu et elle est là à ma droite, sur la carte...sauf qu'en réalité elle est à gauche !! Et je file. je sais l'étang Faury assez proche mais au fond d'un cirque resserré de montagnes, comme un lac de cratère. Et lorsque je rencontre un joli lac posé bien à plat au centre de petites collines je lui dis ;: "Mais qui tu es toi ??" Silence , de même que ses proches voisins, je continue le chemin, arrive au bord du vide et...rien , pas de Faury. Ce n'est pas l'euphorie chez moi ! Les laquets, à 2394 m,  sont beaux mais Maître Faury dans son trou enfoncé (2320 m) est à gauche, ailleurs, sur ce sentier que j'ai pris puis abandonné.


"Mais qui tu es toi ?"

Un des étangs sans nom

Au centre le Carlit

Lui aussi est sans nom : peut être
 le Pic d' En Beys, 2632 m

Plus original à l'envers
réserve d'Orlu (Ariège)






Retour sur mes pas,j'avais du faire une erreur de 1° sur la boussole, ça change tout. La Portella (blanca)  d'Orlu est là, l'étang Faury juste dans son trou, plus bas , silencieux, désert, enchâssé dans un écrin de sommets (Pic Lanos, Pic de l'Etang Faury) qui ne me seraient accessibles que sur un départ à la frontale en été ou une nuit en refuge.









Impressionnant Pic de la Grave vu sous cet angle
Finalement je n'irai pas à l'étang, j'ai perdu de ce précieux temps qui m'était compté et vu d'en haut il est encore plus beau. Alors ce sera restau ici. A 2378 m. Et je prends mon temps puisque je l'économise par ailleurs (je suis obligée de rentrer ce soir pour cause de vendanges), sinon....
Une jeune fille ravissante arrive, seule et souriante. Elle n'a ni carte ni boussole, que son joyeux sourire et son regard bleu pétillant. On se penche sur son destin, pardon, chemin de retour aux Bésines et nos sentiers s'opposent, bonne route à chacune...


2312 m

Au restau face à l'étang Faury et au Pic Faury 2702 m



Il est 13 h 15, j'ai du chemin !!
Un petit étang sans nom, à la Portella d'Orlu invite à la baignade, ce sera simplement une pataugeoire qui va déranger quelques grenouilles. Un bain en tenue d' Eve est inenvisageable, les lieux ne sont pas potentiellement déserts, dommage .

Pic de la Grave 


A présent, je vais avaler du km sans arrêt, c'est le même chemin: pas d'errance, mais de la marche soutenue. J'ai près de 5 h de marche devant moi (en fait ce seront 4 h 06) et faut presser le pas. J'ai la forme, le temps est serein et le chemin facile. J'ai déjà parcouru 13.3 km, presque autant m'attendent, faut pas traîner ! Ce sera ma plus longue randonnée, je la dois au Dr Miracle qui a guéri mon pied, jamais je n'aurais pu l'entreprendre puisque au bout de 15 km je ne pouvais plus marcher. Ainsi ce jour sera LE test.

Avant la plongée dans la pente

Etang du Rouzet 2233 m

Le Lanoux paré de bleu

Km 16, il m'en manque 9

Un retour sans histoire, avec une seule halte à mi chemin pour un peu de carburant; je fais le plein dans un ruisseau mais j'aurai passé la journée avec un litre d'eau et sirop, il ne fait plus chaud par ici.
Le retour n'est pas long, je l'aime bien, je rencontre quelques personnes et les 25 à la journée me paraîtront foule puisque mes hors sentiers battus me confrontent toujours à la Grande Solitude. Ici c'est différent : de la marche et toute en GR. Et bien au bout du compte j'apprécierai ces sentiers qui permettent la "vitesse" à mes petites pattes et mon grand âge !
Arête nord du Carlit, elle m'attire toujours autant : oserai-je un jour ?  Pas sûr...toute seule

Un morceau de Lanoux



Une partie du périple du jour de mes 68 ans (02/09/2018)
Montagne sans nom qui conduit aux Xemeneies

Des rencontres insolites quand même : un vélo là où on l'attend le moins...mais piloté par un Anglais, ça change tout, un orvet glissant harmonieusement sur la poussière du chemin, agacé par mon doigt sur ce qu'on pourrait appeler sa nuque, et surtout une bien étrange trouvaille qui fera galoper mon imagination. Une très vieille semelle sur le sentier (banal) mais plantée à la verticale, seul le talon émerge ...question lancinante..."qu'est ce qu'il y a dessous ?". Mystère...un défunt enseveli il y a des lustres par un glissement de terrain ? L'avenir, piloté par un curieux imaginatif comme moi, le dira peut être.

Les insolites du jour 
L'étang de Fontvive a perdu ses danseuses, celui du Passet est rendu au calme du dimanche soir, arrivée à mon camion après 25, 1 km, quelques tiraillements dans les genoux et l'épiderme tanné, et bien je suis ravie, heureuse, et j'ai FAIM !
Quant à mon pied il a commencé à râler un peu au 23 eme km, quelle bonne nouvelle !

Km 25 : le ravitaillement !


En chiffres 
Temps de marche 8 h 30
Distance 25.1 km
Dénivelé cumulé : 693 m + évaluation divers dénivelés plus de 100m soit environ 800m
Route retour: 125 km et 2 h 15

4 commentaires:

  1. Quel parcours, mais quel parcours ! Vraiment dommage qu'il n'est pas été couronné de succès par une baignade dans l'étang Faury, mais tu auras quand même vu cet étang tant convoité. Tu auras malgré tout validé ta capacité à "manger" du kilomètre montagnard. Superbe photo sur l'arête N du Carlit. Même loin de tout, tu fais toujours de surprenantes rencontres (le chien et ses maîtres, les yeux bleues, l'orvet, un vélo, etc...) Que la montagne catalane est belle !

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    1. Tu as tout résumé ! Les yeux bleus eussent plu à plus d'un montagnard...Le reste je l'ai savouré comme il se devait. Un Ludo sur l'arête du Carlit m'irait; bon on ne peut pas tout avoir ! Allez , à tes aventures à toi plus costaudes, coriaces et exaltantes, aviat me sembla

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  2. Cette arête m'attire, je pense la visiter prochainement.

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