mercredi 12 août 2020

Vallée de l'Orry (66) : qui s'en souvient encore ? (2 ème)


L'ancien canal d'arrosage
1.5 km et 100 m dénivelé

La piste forestière qui va du Bassin d'Aumet  au refuge de l'Orry est longée par le torrent de la Riberole, à sa droite et en contrebas et, sur sa gauche, à flanc de pente et très près de la piste, d'un drôle de sentier posé bien à plat, soutenu parfois par une murette et que peu de gens remarquent. J'ai mis longtemps à le voir et quand je suis allée le voir de plus près, ce sentier en creux m'a de suite évoqué un canal.
Un canal ici ? Pour arroser quoi ?
Je laissai pour plus tard cette curiosité que je n'avais pas le temps de satisfaire et ainsi samedi dernier, je me partageai entre la Jasse de Formiguères (article précédent)  et le canal.
A première vue, le canal semblait prendre sa "rasclose" (prise d'eau) au torrent de Formiguères, rive droite, puisque la rive gauche ne portait aucun vestige.

Vestige du canal
Mais...surprise, mon chemin côtoya à nouveau le canal : ça alors ? Puis je m'aperçus que le canal traversait la piste, ou plutôt le contraire et que les constructeurs de la piste avaient préservé le passage de ce canal désaffecté.
Au retour de ma rando, j'entrepris donc méthodiquement la découverte du canal.

Comité d'accueil : le gardien du canal ?

Ce canal date je pense du 19 eme comme beaucoup de canaux du Conflent et a du être désaffecté avec le recul de l'agriculture de montagne, en témoigne la vue aérienne comparée des années 60 et d'à présent. La vue aérienne des années 60 témoignant sans doute aussi d'un gros recul, le cadastre parlerait...mais pas celui de Géoportail car les parcelles sont regroupées!

Le site du bassin d'Aumet et l'avancée de la forêt





Même vue années 60





 Partie 1 : de la prise d'eau au ravin de Formiguères : 580 m




A partir de la piste, le canal fait une courbe élégante et juste sous la piste se trouve un petit pont qui laisse à penser que le sentier qui existait avant elle passait là. Les cartes d'état major confirment.


La seule courbe du canal, après traversée de la piste

Le petit pont, vestige du sentier semble t'il
Juste en contrebas de la piste
Ensuite le canal pique droit vers la rivière, presque en courbe de niveau donc va la chercher assez loin. 300 m à peine (linéaires) mais très abîmés, arbres effondrés, canal effondré. Ce devait déjà être une zone fragile lors  de la construction car les murs de soutènement sont conséquents et montrent des "rafistolages" soit une série de murs ne semblant pas avoir été construits ensemble.


Effondrement








Je bifurque , c'est infranchissable.
Au moment où le canal rejoint la rivière, il y a des blocs horizontaux en travers du canal qui semblent témoigner d'un ancien barrage sur la Riberole. La prise d'eau sans doute. Altitude 1728 m












Je reviens sur mes pas et sur cette section, en contrebas, une jasse (ancienne feixe) en pente laisse imaginer qu'autrefois le canal pouvait l'irriguer.



Je reprends le canal au-dessus de la piste forestière (GR10) et je pense découvrir la "clef de voûte" de la construction du canal. Il y a un gros pierrier sur le trajet, comment les bâtisseurs l'ont-ils traversé ? Et là, surprise : ils ont fait passer le canal en lisière supérieure du pierrier, donc pour conserver la pente obligatoire, ils ont pris ce site comme point de départ, creusant le canal dans les 2 sens (aval et amont) à partir de là : astucieux.




Déversoir ?

Il reprend du service : une source 




C'est ainsi que le cours de ce canal arrive au ravin de Formiguères plus haut que la suite de son parcours. Pour ce faire ils ont laissé dévaler les eaux dans le ravin, pour la récupérer 10 m plus bas pour la suite du parcours. Je manque aussi dévaler ce talus abrupt !



Plongée dans le torrent de Formiguères
Eaux mêlées de Riberole et Formiguères


Partie 2 : du ravin de Formiguères  à la cabane d'Aixeques : 666 m




Donc, après sa traversée bouillonnante du ravin, ce sont eaux mêlées de 2 cours d'eau  (Riberole et Formiguères ) qui poursuivent leur route. Encombré aujourd'hui d'arbres et de terre, voire de rocs effondrés, le canal a piteuse mine ! Dommage....Toutefois il a failli reprendre du service lorsque il a été question de capter la Riberole pour alimenter la centrale électrique de Fontpédrouse. Projet modifié . Ce qui nous laisse ce vestige du patrimoine.
Le canal va rencontrer deux autres pierriers : est ce pour cela qu'il est décalé par rapport à sa 1ere partie ? Peut être car cette fois il passe au bas des deux pierriers et je ne m'explique pas ce petit pont ouvrant sur le pierrier ? Pour quoi faire ? Transporter des rocs à dos d'animaux ? Les rocs ne manquent pas ici...
1er pierrier et drôle de petit pont, à moins qu'il n'ait été plus grand et ait protégé le canal du pierrier





2 eme pierrier, contournement obligatoire !





Donc le canal poursuit sa course tranquille vers la Cabane d'Aixeques, car une fois ces accidents de terrain franchis, son cours est paisible et rectiligne.





Par places, il est nanti de déversoirs qui conduisaient l'eau vers les anciennes cultures en contrebas de la piste actuelle, ouvrages d'art que ces dérivations invisibles, la piste a du les démolir.
Cabane d'Aixeques, carrefour de pistes et du GR 10, enclos pour bétail et prairies désaffectées mais si le canal passe en contrebas, l'arrosage était garanti par un ruisseau qui se perd dans les prairies.




La pâture de Aixeques  le ruisseau s'y perd mais sert encore à abreuver le bétail (abreuvoirs construits)

Cabane d'Aixeques



 Partie 3 : De cabane d'Aixeques au barrage d'Aumet : 258 m





Passage du canal sous piste



Fin du canal, pente "libre"















C'est la fin du parcours, le canal est franchi par la piste qui a respecté son passage et dévale cette fois plus vite vers le bas, un cours rectiligne, bordé d'arbres, franchi par quelques petits ponts, traversant , ironie du sort, presque devant mon lieu de parking dont personne ne veut, devant le nez du Kangoo !!


Petits "ponts"





Et se perdant dans ce qui est aujourd'hui le Bassin d'Aumet. Le bassin reçoit les eaux d'un torrent , le ravin des Collets qui au passage arrosait toutes les prairies du site, elles sont d'ailleurs encore un marécage comme si des sources y naissaient ! Ces prairies encore bien visibles puisque plus récemment abandonnées sont emplies d'enclos, cabanes et...marmottes .

La jasse d'Aumet, vue du bas
Et vue du haut



C'est là que campent les touristes et randonneurs, les amateurs de calme qui ne le garantissent pas toujours aux voisins, s'y trouve une zone de barbecue, au terme de la piste de Prats Balaguer, 5.4 km.
Quant au barrage d'Aumet construit dans les années 80 je crois, c'est une autre histoire d'eau, une conduite souterraine amène cette eau à Fontpédrouse.




Bassin d'Aumet
Ce bassin a une particularité : il n'est pas étanche et une pompe refoule régulièrement dans le bassin l'eau perdue !

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Voilà mon ennuyeuse histoire d'eau, celle d'un petit canal perdu dans le temps 
qui serait heureux de me lire....
1.5 km et 100 m de dénivelé...quelle histoire !

Si un éventuel lecteur a des renseignements complémentaires, ils seront les bienvenus, merci !





4 commentaires:

  1. ta quête décrite ici , je la trouve juste magnifique , le canal du Conflent comme construction devrait faire partie du patrimoine ,au même titre que les roches à cupules ou gravées ,chapelles romanes ,les feixes ,les orris et leurs cabanes ,glacières et autres ;;malheureusement le temps les fait disparaitre peu à peu ,les nouveaux chemins et pistes forestiéres les ignorent ;il te faut une pointe de nostalgie pour t'y pencher , et ....souvent l'eau n'y trouve plus son chemin depuis que l'agriculture a dégringolé dans le plaines ."Mare de Deu" l'eau c'est " la Mère",celle qui sans elle rien n'est vie , alors merci pour cet hommage !

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    1. Ton hommage est touchant, je ne sais qu'ajouter de plus; j'ai rédigé quelques articles sur le Conflent et ses traces du passé en voie de disparition. Le Conflent est riche, ailleurs aussi, mais ma curiosité me fait y fureter et je reste sur ma soif même s'il s'agit d'eau car les documents sont peu bavards. Amitiés et merci encore pour ton hommage

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  2. juste un mot/ le haut-Conflent détient 3 grands canaux hors Carança
    celui de Canaveilles encore en activité et entretenu surplombe superbement la vallée de la Têt ,
    le canal de Mantet , dans sa première mouture ,c'était le chemin le plus facile
    pour se rendre à ce village, on le pratiquait régulièrement ,puis il s'est fait relooker pour en simplifier l'entretien ,puis une conduite a finalement été posée ;Michel Benet explique en détail super bien travaux ,et balade encore possible par là ,balade magnifique gorges de Nyer ,
    le 3eme / c'est celui de Jujols ,transgressif par son parcours celui qui a occasionné tant de conflits entre le gens de Jujols et de Nohedes , le plus long ,le plus fabuleux parcours avec gros dénivelé , abandonné années 50 , je l'ai parcouru en entier ,un vrai jeu de piste , on en saisi ainsi la mesure du travail effectué (ref;La véritable histoire de Jujols de 74 à 86 annexes "Calaméo "gratuit )

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    1. Merci pour tout cela et les "bonnes adresses". Alors le Canal de Canaveilles je l'ai parcouru longuement et j'en ai fait l'objet de 2 articles je pense. Celui de Mantet, je m'y suis intéressée, je dfeavais le faire et je le garde sous le coude pour l'automne. Quant au fascinant "Jujols", j'en ai fait un morceau depuis les étangs de Nohèdes, fascinant également. je fus adepte et conférencière (grand mot toutefois) du Canal du Midi que j'avais étudié en détail.J'ai grandi au chant de l'eau, un canal passant en bas de ma maison , ma chambre était toute proche, sous les combles et la nuit, le chant de l'eau était musique. Lorsque je me mariai pour vivre "au pays de la soif" où je vis toujours, ce fut un arrachement.Les Gorges de Nyer font partie de mes projets! Il y a aussi des canaux disparus dans les Aspres, j'en ai rencontré un, saurais- je le retrouver? L'eau source de vie, depuis longtemps la mort affecte nos hautes terres. je retiens tes adresses. je correspond avec M Benet dont j'ai fait la connaissance épistolaire en même temps que la tienne, par blog. Pour l'heure je suis punie par ma méchante chute sur le tibia, en ayant voulu me vautrer (me raffraichir plutôt) dans....le canal de Thuir. Décidément ! En tout cas mes deux interlocuteurs apportent beaucoup...d'eau à mon moulin! A bientôt

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