jeudi 17 juin 2021

Nyer : des Moreries aux Colits par le Mantet

 Préambule : c'est une rando en partie hors sentier, en mode exploration, à la recherche des vestiges d'une économie agricole du passé, dans des lieux très escarpés et très boisés. Une randonnée qui fait appel à un sens de l'orientation et à une préparation minutieuse sur Géoportail.


Dans quel décor nous évoluons...


Pour ce faire nous avons utilisé différentes cartes allant du 19 eme à nos jours, des photos aériennes, la lecture du terrain, l'agencement des parcelles cadastrales, l'altimétrie, et...l'instinct. Ainsi que la cohérence des chemins d'alors, plutôt effacés du paysage. 

Quelques images : 


Carte IGN actuelle 21 eme S

En vue aérienne


Evidemment il y avait dans nos bagages de la résistance physique, de l'endurance, et de l'eau en quantité suffisante. Les sources ne sont pas légion! 

Les protagonistes sont 3 amis ayant de goûts et des capacités en commun avec, en plus, cette petite étincelle de folie sans laquelle telle expédition n'est pas à envisager seulement.. Merci à eux.

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6 h du matin ; nous quittons dans le petit jour le havre de paix de Nyer, le départ accolé à nos véhicules est une rampe qui met dans l'ambiance, celle des 323 m de D+, 1.38 km, le sentier de Erolles. 7 h, nous sommes au sentier des Moreries (1037 m) qui, sur 3.2 km nous conduit au petit col (1258 m) ouvrant sur les Moreries. Le sentier peu carrossable est tout en montagnes russes, avec quelques passages "casse pattes", mais beau et ouvrant sur des paysages dont ce matin flamboyant nous régale. Lumière, couleurs, reliefs, tout est plaisir des yeux. On ne perd pas de temps mais on n'use pas les forces, on devine ce qui nous attend. Tailladettes, Prunedós, forêt des Moreries, on laisse tout derrière nous.

En images:


Le soleil nous rejoint, à l'aplomb des gorges, au dessus de La Roca

                                                                                                

Même lieu


Le passage le plus en corniche

Le mur que j'admire 

La rive d'en face où nous espérons faire le retour


1er rhododendron, 1200 m


1258 m, 9h 05, (4.61 km), le col nous offre la vue grandiose sur le haut secteur des gorges, le ravin des Moreries, et celui des "Cortalets de l'Orri", véritable toboggan sinueux, dont l'exploration n'est pas à l'ordre du jour! C'est ici que tout commence.


Face aux Moreries, Roc del Tallat, 1448 m


Nous avons trouvé la semaine passée 3 cortals (bergeries) et la carte de 1821/1866 en porte 3 de plus. Nous ne pouvons avec cette carte, ni même celle de 1950, avoir la position exacte, seule la photo aérienne révélant des ruines m'a permis d'avoir l'altitude. Sur mon smartphone figurent des photos de Géoportail, mon bréviaire, les altitudes et le cadastre !

Etat Major 19 eme (en jaune notre recherche)


Le but du jour est osé : voir les cortals manquants, certes, mais aussi, descendre le cours du Mantet pour remonter sur l'autre versant jusqu'au canal de Nyer afin de faire une boucle. Deux sentiers existent, "très" oubliés. C'est osé car si nous ne les trouvons pas...il faudra remonter hors sentier, d'un côté ou de l'autre...

Alors, au jugé et hors sentier on part dans la direction des cortals. Christelle et moi ne sommes pas toujours d'accord sur le tracé hypothétique mais notre entente nous permet d'explorer les deux pistes : on louvoie entre éboulis, rochers, proximité de la crête, ça pique, ça gratte, ça griffe, mais un muret solitaire puis un second nous font signe et enfin de vrai murs sont devant nous : 1370 m, on y est. 


Je navigue à l'altimètre : 1370 m, ça y est !


Progression difficile dans les 
    anciennes cultures


Le mur du cortal recherché : Cortal Fillols


Le faîte du mur (75 cm large)



C'est le plus haut cortal des Moreries, juste avant son sommet (1380 m) et effectivement nous sommes sur une prairie en crête. Un orri gît au sol, effondré, des successions de 4 bâtiments accolés , petits cortals dont on reconnaît l'architecture, sont tant envahis de broussaille qu'on peine à voir l'intérieur. 


L'orri en ruines



Un des 4 cortals, dans son décor

Alain arpente la broussaille 


Je mesure le mur (Ph Chris)


On tourne autour, puis on les abandonne et on descend droit en pente, de terrasse en terrasse, certaines dotées d'abris, jusqu'aux barres rocheuses qui empêchent la progression. Alors dans un lent et délicat déplacement latéral, au jugé, on se faufile, d'éboulis en barres, jusqu'au sentier et aux cortals de la semaine passée. Mission N°1 accomplie...

Descente de terrasse en terrasse, hors sentier dans un fouillis végétal

Peu commode mais ça passe

Peu commode, ça passe toujours
Ph Alain

De mur en mur

Avec quelques abris 
Des abris amusant les enfants ! (Ph Chris)

Un site nous intriguait sur la carte : on découvre finalement un vaste pierrier couvert d'arbres morts enchevêtrés et tout près, ce n'est pas un cortal mais des murettes évoquant une aire de battage du grain.

 Là aussi l'altimètre est précieux !                    
                                                                                                       


                                                                                    
Le pierrier, sa pente et ses "épaves"



Aire de battage ? 


La chaleur est dense, l'air, s'il y en a, ne se glisse pas dans ces reliefs tourmentés et le but suivant est de rejoindre le ravin des Moreries. Mais...c'était compter sans les délices énergivores du parcours qui nous renvoie toujours ailleurs: le tout droit dans la pente de terrasse en terrasse, faut l'oublier.

Le tracé du Mantet

 Du sanglier nous aurons le flair, l'endurance, du chevreuil nous n'avons pas la mobilité. Prudence est du voyage, en triple exemplaire cette fois. 





Le moindre éperon rocheux nous fait vautours, on se perche et on observe ! La rumeur qui s'approche évoque le Mantet et non les Moreries, la confluence se rapproche. 


Une barre rocheuse de plus, attention aux serpents, je bats les végétaux 
avec mon bâton !

Tout en haut, un tunnel de lumière, le haut du couloir que nous descendons

                                                                                              
Ph Alain

Vers le bas, descente "sèche"


























Enfin un cheminement se dessine droit en pente et après une descente ludique, escarpée et rectiligne, croulante à souhait, dans un couloir de verdure (150 m D-) , on pose les pieds...dans l'eau du Mantet, vert, sautillant et rafraichissant. 



Et la réception "mouillée" : le Mantet


On n'hésite pas, c'est direct la baignade. Et là, c'est heureux comme des poissons dans l'eau. On n'a pas "amerri" là où je le pensais mais on a fait mieux, on est rendus à domicile, pratiquement au départ du second des deux sentiers remontant au canal. Mission N° 2 accomplie.

Quie du bonheur !


Nous voilà en vacances, le Mantet a assez d'eau pour nous régaler, des bulles de bain bouillonnant, du plongeon si on le veut, quelques mouvements de brasse et une température très acceptable. On y restera 1 h 30, un vrai luxe!




Ph Alain


L'homme qui marche sur l'eau


On regrette à présent de n'avoir pas remonté la rivière pour observer la confluence avec  les ravins de Moreries et de Pregoneille. il y avait 350 m de trajet. Faudra t'il revenir ??










13 h 47, on quitte les délices aquatiques pour l'enfer vert !

Dernier regard . (Ph Chris)


 Trouver l'entrée d'un sentier qui, sur la carte, n'arrive pas au bord de l'eau est aléatoire, finalement une cohérence , en observant le terrain et la courbe de la rivière, nous met sur un tracé éventuel qui finit par ressembler très fort à un sentier. Pour preuve, un peu plus haut,  quelques murettes de soutènement et un abri en ruine contre roche ne sont pas ici par hasard. Alain avait peut être trouvé le vrai départ mais une barre rocheuse nous a dissuadés...Dommage...

En pointillés rouges, la descente sur le Mantet hors sentier
La remontée sur le canal hors et sur sentier, mais illisible sur le terrain


Mais la forêt a souffert, jonchée de débris et de troncs, la progression est difficile. Puis un magnifique cortal et son inévitable orri nous accueillent, ne figurant sur aucune carte!  

                                                                                       

La jungle Nyeroise

Ravin de jungle (Ph Alain)


Murets ; sentier, abri sous roche...

Là d'où l'on vient
Le cortal inconnu: sur aucune carte !



Magnifique mur du cortal

l'orri qui accompagne inévitablement le cortal



C'est si loin où l'on va...il faut d'abord sortir d'ici!

Et rejoindre le canal tout là bas, mince ligne pâle

  La visite terminée on recommence notre lente et efficace progression, on ne sait si on est sur sentier ou sur passage animal, on franchit tous les obstacles, je scrute l'altimètre : 1200 on doit rencontrer le "vrai" sentier (le 1er des deux), qui "coule" en courbe de niveau. 1200 m et le voilà, bien lisible et, délice, horizontal à souhait !

ça grimpe tant et plus

Même les arbres le disent

Tiens, v'la du sentier : la preuve ? 
1200 m mais pas que...

On est bien contents de le rencontrer
On ne s'est pas concertés pour la couleur du jour !


  Le ravin des Colits est à nos pieds, frais, chantant, aménagé autrefois, le canal n'est plus qu'à 40 m au dessus de nous, on ne s'occupe plus du sentier, on escalade les murettes découvrant avec surprise que toute cette pente en contrebas du canal était somptueusement aménagée et cultivée, profitant de l'eau du canal (année 1856) plus que de celle des Colits qui n'était pas dédaignée pour autant. Mission N° 3 accomplie.

Ravin aménagé des Colits

Une bonne dizaine, étagées jusqu'au canal, mais ça continue au-dessus
On n'ira pas! Un jour ? Pourquoi pas ?



Le canal, ô surprise, est entièrement recouvert, il est devenu un long ruban de terre au dessous duquel court la conduite noire. Déception de voir ce paysage ainsi. C'est une simple piste, sans charme hormis les points de vue. Il n'y a plus qu'à avaler 6 km...


Déception : il est couvert !!


En catalan on dit "estossats de calor", sur le canal


 La chaleur et le soleil nous sautent au visage, l'eau est sous nos pieds, invisible et muette. A propos de pieds, je souffre horriblement d'un orteil, chaque pas depuis la matin est un calvaire et la morphologie du terrain un facteur aggravant. Ce qui me fera choisir un retour aseptisé mais pénible où tout ce qui est sentier sera écarté : restent les pistes ennuyeuses et à peine apaisantes...

On a navigué dans tout ça en face



On a remonté cette pente à gauche



En face, Prunedós nous salue, on le visitait il y a une semaine 
(on voit le toit de la grange 1893)

Là au fond on aimerait bien y aller

Et ça j'aimerais bien l'escalader
Dans ma prochaine vie



Elégance minérale : ph Chris


Le retour au camp, 12 heures exactement après notre départ, ne sera pas un soulagement mais la conclusion d'une journée riche, dense, sportive et surtout heureuse.  Menée de main(s) de maître(s), ce n'est que du bonheur...si le Bonheur est de se contenter de quelques vieilles ruines dans un cadre hors du commun. Sous un soleil de feu.

Déjà on ourdit de nouveaux projets !


A bientôt




En chiffres : 
Dénivelé positif cumulé : 998 m
Distance parcourue : 16.6 km


Le tracé




Le tracé par Christelle



4 commentaires:

  1. merci du fond du coeur ,j'ai aimé ..
    Jean

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    1. cela me fait plaisir, j'ai eu une pensée pour ceux qui aiment ce Conflent secret, toi, Michel et Roberte Benet, une pensée sur le site lui même je veux dire.

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  2. Qui de nous 3 trois imaginait une telle sortie alors que nous étions partis chercher un dernier Cortal, ce qui m'étonne le plus c'est que malgré les bobos, les découvertes et l'émerveillement que nous y trouvons à chaque fois, nous transportent et nous poussent à nous surpasser en douceur. Bises

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    1. Serions nous masos ? Simplement curieux ? Ou explorateurs dans l'âme....Bises

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