C'est à un curieux rendez vous que j'ai été conviée par un de mes lecteurs, natif du Conflent, y vivant et y travaillant.
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Encore et toujours... |
Curieux, ce lecteur, prénommé Arnaud, a découvert dans mes pérégrinations des trouvailles d'importance et me propose en échange de me faire découvrir quelque chose que j'ai ignoré jusqu'ici : cette montagne rebelle, revêche, austère et captivante est traversée de part en part par une galerie d'eau alimentant une centrale électrique dans la vallée, à Olette.
Apprenant cela j'ai été stupéfaite mais certaines de mes hypothèses pouvaient très bien en perdre la tête ! Autrement dit tomber à l'eau.
Je pensais mines, galeries de mines et résurgences d'eau, les mines demeurent mais l'eau ? Viendrait elle de pertes de la galerie ?
Ce sera vite vérifié : depuis 3 semaines la galerie est vide pour la maintenance annuelle et Arnaud veut me la présenter . Quelle aubaine!
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L'usine : 1940 |
Tout commence par la visite de la centrale électrique où travaille Arnaud. Sa fonction lui permet d'emmener un visiteur parce que ce visiteur (moi) a des éléments importants à lui amener. Ce sera donc un partage. Un privilège.
L'usine date de 1940, en bordure du fleuve "La Têt", qui reçoit aussi l'eau de la Carança. Cette usine depuis très longtemps, comme ses consoeurs ne sert plus au petit Train Jaune, son usage originel, mais garde sur la façade l'inscription SNCF. La visite est captivante par tous les mécanismes qui sont à l'intérieur, dont je ne parlerai pas, discrétion oblige.
Ensuite nous allons voir le départ de la galerie, ce chemin d'eau qui traverse gaillardement la montagne en courbe de niveau sur plusieurs km avant que d'accélérer dans les conduites forcées qui l'amènent à bon port, plus de 5 km au total de chemin.
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la galerie près de l'usine |
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Départ de la galerie au bord de la 116 Sentier de Llar au dessus |
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C'est parti ! Elle va traverser la route |
D'abord, première étape, nous longeons la montagne par le sentier anciennement Route Royale de Cerdagne que j'ai décrit dans mon blog et je présente les sites à Arnaud qui s'y rendra sans moi : l'entrée de la mine, le Pou Santa Barbara, tous lieux dont il ne connaissait pas l'existence.
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La "Route Royale" |
Pas davantage que cette galerie que j'ai explorée au fond de laquelle coulait avec force de l'eau et que j'ai prise pour un accès à la mine. Arnaud pense plutôt à un accès au chemin d'eau et veut aller vérifier, voire pour contrôler la galerie d'eau. Je suis contente que ma trouvaille puisse servir à quelque chose, en plus de son originalité. J'espère que sa prochaine visite m'éclairera.
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La galerie que j'ai découverte |
Nous profitons de cette balade découverte pour examiner les ouvrages d'art, murs de soutènement, bassin, murets etc...qui ont fait mon extra ordinaire à chaque sortie.
Nous observons les sources mais aussi cette "résurgence" qui malgré la galerie à sec, continue à couler, c'est donc de l'eau de montagne, vient elle du Capcir comme celles de Villefranche du Conflent ?
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La résurgence |
Arnaud pense que c'est une galerie de mine qui a été murée et dans laquelle coulait de l'eau, cette eau qui jaillit avec force et a été plus tard utilisée par l'établissement thermal. Je reste sur mon hypothèse de résurgence captée par les hommes pour irriguer les parcelles en contrebas.. Saura t'on jamais qui a raison ?
Je lui présente les ravins quasi verticaux, profondément creusés, monstrueux ravins se terminant en aussi monstrueux éboulis plongeant dans la Têt et risquant un jour de faire un monstrueux barrage . Ne serait-ce pas pareil évènement qui au 9 eme siècle aurait détruit en une vague meurtrière le monastère d' Eixalada ? Tout est possible...Cette montagne de faible ampleur et de redoutables escarpements délités n'en finit pas de susciter des mystères...Et d'attiser ma curiosité. Je crois n'avoir jamais rencontré pareille fascination.
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Vers l'aval, prêt à obstruer la Têt |
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Vers l'amont |
Ensuite, après une dernière piste de "tourisme" vers la bouche close de la mine, nous reprenons le 4x4 et filons vers Canaveilles. Je glane au passage quelques suggestions d'autres entrées de mines de cuivre insoupçonnées presque dans le lit de la rivière et nous prenons la route de Canaveilles pour stopper devant l'inscription ancienne SNCF, du temps où la conduite d'eau servait au Train Jaune . A l'à plomb du défilé des Graus. J'avais vu cette galerie munie d'un solide grillage, sans doute avais je entendu gronder l'eau tout au fond. Voilà que munie d'un casque et d'une lampe, je suis Arnaud qui déverrouille la lourde grille et nous entrons dans un boyau taillé dans le schiste, orné de quelques jolis cristaux calcaires et autres manifestations qui ont poli en couleurs la roche non calcaire.
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Entrée |
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Juste dedans |
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Un peu plus loin |
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Sur les murs |
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Dépôts calcaires |
J'attendais ce voyage au coeur de cette montagne, je l'espérais dans le ventre le plus tourmenté de la montagne, là où les falaises semblent vouloir vous mordre, vous dévorer, vous engloutir, mais ce sera dans la partie la plus douce. Qu'importe? Je suis dans un boyau jumeau de celui que j'ai découvert. Une porte étanche est ouverte, la galerie est vide. Un barrage métallique à escalader conduit dans une mare d'eau à la longue conduite de forme ovoïde, habillée de ciment du sol au plafond, vers l'amont et l'aval en un immense boyau qui se perd dans le noir. Le fond est propre et j'oublie de demander la hauteur d'eau. Saurais je passer une journée là dedans, coupée du monde, de la lumière, des couleurs? Rien n'est moins sûr...Une douce température, un faible éclairage, un silence heurté par le "flic floc" de gouttes esseulées, la voix qui résonne comme en une caverne : impressionnant, inquiétant peut être si j'étais seule. Demain l'eau effacera nos traces de pas et amplifiera sa chanson comme on peut l'entendre aux grilles des galeries.
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A l'intérieur |
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Fin de visite |
On retrouve la chaleur et la lumière. Tout près se trouve ce que je pensais être une mine de gypse, mais Arnaud a une autre conviction : les débris de la galerie peuvent avoir servi aux infrastructures, voire au bétonnage des parois. Un jour on saura peut être.
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Le défilé des Graus juste en dessous |
La visite se termine, j'ai amené Arnaud sur des chemins de découvertes qu'il ne lui reste plus qu'à explorer, Arnaud m'a conduite en des chemins d'eau et de réflexion, belle après midi de partage . L'eau, demain, reprend le chemin souterrain, j'attendrai l'an prochain pour une autre visite, ailleurs.
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Comme mon après midi n'est pas fini, en solo cette fois je vais explorer quelque chose. Mais sur ma route, l'imprévu attire mon regard. Le gros éboulis qui encombrait le chemin a été soigneusement nettoyé et dans le tas de gravats blancs qui envahissent la coulée, je remarque un mur gris. C'est la toute première coulée d'éboulis. A cette altitude, la galerie d'eau est toute proche, moins de 10 mètres. J'ai envie de remonter ce ravin escarpé, creusé, recreusé, tourmenté et pâle, corrodé par un immense glissement de terrain.
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Le départ du ravin |
Altitude 833, je démarre. La montée est assez aisée dans ces blocs de granit découpés en morceaux aux arêtes franches tandis que dans le lit du torrent d'énorme blocs jamais bougés sont lisses et polis comme marbre.
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Gros blocs immuables |
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C'est ravagé |
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Sur toute la longueur |
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Fragile et croulant |
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Le granit lissé par l'eau |
Un barrage transversal de blocs taillés destiné à contenir les éboulis est encore en place, bien stabilisé.
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Un ancien mur pour contenir les éboulis |
C'est un lit très escarpé que je remonte avec soin afin d'éviter des roulements de cailloux; je m'aide avec les mains ou avec branches et racines des arbres non arrachés mais aplatis par la violence des évènements, épluchés comme des carottes, blessés, mais vivants, émouvants même.
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Corde naturelle |
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Ravages |
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Il y a tant d'arbres couchés pas morts |
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La vie fragile et combattive reprend |
Une barre rocheuse emplie d'aspérités, c'est la chute d'eau du ravin qui pourrait être escaladée mais je choisis la rive bien plus instable pour l'étage au dessus.
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le grand mur, la prochaine fois je l'escalade. Plus de 8 m |
Et je grimpe entre deux parois, sur un lit de rocs instables qui maugréent et s'écartent parfois en un furieux tintamarre. Les rives sont plantées d'arbres solides, tourmentés, victimes d'anciens accidents : chênes verts, chênes rouvres, érables, pistachiers térébinthes, pins, châtaigniers campés au milieu des éboulis; voilà en perspective des châtaignes que personne n'ira récolter ! Leur étrange implantation dans les tas d'éboulis énormes pose la question de leur morphologie, ancrage et solidité...
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L'implantation des arbres |
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La descente est escarpée comme la montée...bizarre -)) |
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Tourmenté et ravagé |
Les rives sont de terre et de branchages emmêlés, le sol est un fleuve de pierre que je remonte en m'aidant des mains.
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Perso, j'adore ce type de terrain |
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Montée en sécurité |
J'adore le décor, les couleurs, l'aridité, la violence qu'on y lit, la difficulté à grimper (ou à descendre), le silence, la solennité presque angoissante. J'adore le mystère que cache chaque courbe, chaque ressaut rocheux, chaque talus escarpé. J'adore imaginer ce qu'il y a plus haut, jusqu'où pourrai je arriver ? De plus en plus sévère et escarpé, croulant car délesté des cailloux...on verra, une autre fois, j'aime laisser les choses en suspens, j'ai le temps de les rêver avant de les vivre. Un beau voyage au coeur de la montagne, autrement, en des lieux où seules vont les chèvres.
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Oui je les ai vues, de très loin |
Je redescends, la corde m'aidera au passage escarpé et j'ai laissé à la côte 913 un petit sac virtuel empli de mes rêves...Pour bientôt.
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Le grand saut ? |
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Je préfère la corde |
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Descente |
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Descente en plongée |
Voilà ce que contient mon petit sac de rêves : vu au zoom depuis très loin...
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Mon prochain voyage |
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Le lit ravagé du torrent |
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Encore une grimpette en perspective |
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En jaune le trajet du jour En rouge, la part de rêves En orange, effectué précédemment |
Plus tard, sur la route viendra le regret : "Comment n'ai je pas eu l'idée de monter à la galerie voir si de l'eau coulait toujours ou non", ce qui m'aurait éclairée sur la provenance de cette eau, le canal étant vide. Mais Arnaud m'a confirmé qu'on entendait couler de l'eau dans la montagne. Et au bas des falaises de nombreuses petites sources attestent que l'extérieur seul est desséché. Ah si on pouvait scanner la montagne...
Il me faudra attendre un an...
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