Cette face du Massif du Coronat, nommée
Sant Père (St Pierre) et surmontée des 3 pics du Roc Campagna n'a pas fini de me révéler ses mystères et ses secrets. Il faut ma curiosité et mon opiniâtreté pour démêler cet enchevêtrement. ma condition physique aussi.
Comment je suis arrivée à l'histoire du jour ? Comme toujours un ou autre indice et quelques recherches. Un jour, j'aperçois sur une de mes photos, un mur étonnamment haut perché dans une falaise rocheuse. Qu'est ce qu'il peut faire là ? Sentier ? Canal ? Je laisse en suspens ce mur suspendu si haut.
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Dans ce relief, 66 terrasses environ sont logées |
Plus tard, j'ai d'autres indices : tout en bas, un vieux canal, une vieille construction flanquée d'un semblant de cairn: un sentier ? ici ? qui grimperait dans cet amas de falaises et de chênes?(Pas encore vérifié). Muets indices. Le temps passe. Une vue aérienne de cette austère façade nommée Sant Père me saisit : une kyrielle de murettes, autant de terrasses, montent du bas vers le haut, alignées au cordeau, étagées à la perfection, une époustouflante image où je compte à peu près 66 terrasses. Environ 200 m ? D'en bas, on ne les voit pas.
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Vue aérienne du site
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et sur le terrain |
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Les plus hautes terrasses : vue aérienne
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D'en haut, du sentier Vauban, on ne les voit pas davantage. Il me faut donc aller in situ. Quelques repérages sur la vue aérienne, mon seul viatique et je me retrouve en ce matin gris bleu, glacé, tourmenté, prête à en découdre.
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Le Canigou dans un matin gris bleu glacé |
Enfin, grimper de l'une à l'autre devrait être un jeu d'enfant, mais les arbres semblent tout cacher. Donc...
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Grimper de l'une à l'autre |
Donc je démarre. Trouver un accès ne sera pas trop compliqué mais accéder aux premières terrasses, encombrées, emplies de végétation et d'éboulis, sera plus difficile. La difficulté est de rigueur, on fera avec et c'est avec aisance et moultes piqûres que je franchis les premiers obstacles. Enfin un cheminement se dessine et je me laisse guider, je traverse ainsi un éboulis et cette sente me conduit dans un maquis relativement lisible; je rencontre soudain une paire de rubans jaunes : un sentier !!!
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Très encombrées au départ |
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Un joli éboulis |
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Vers le haut |
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Et vers le bas |
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Un indice du sentier |
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Des terrasses filent vers la muraille |
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En rangs serrés et en étages ordonnés |
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Terrasse ou sentier ? |
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Sentier |
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La main de Sant Père |
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Les très beaux murs |
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A l'aplomb de la route |
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Clin d'oeil de la vallée |
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Sant Père comme je ne l'avais imaginé : abrupt et grandiose |
Il n'y a plus qu'à suivre et je navigue de terrasses en rochers, d'éboulis en falaises, voilà l'explication de "mon" muret ! Sauf que je perds le sentier et aboutis dans un fouillis végétal peuplé de murets, là, l'instinct va jouer, va me guider.
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Couvert de murets et terrasses |
De murets en terrasses, je grimpe. Des sentiers en escalier, des escaliers en plans inclinés mon chemin se dessine, il pourrait être partout, je suis une trace au feeling, tout est permis ou presque. Le presque c'est la barrière végétale; les murs n'en sont pas une car vus d'en bas, on peut toujours y tracer son chemin.
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Escalader |
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Passer de l'une à l'autre en zigzag |
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S'accrocher
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Rampes d'accès |
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Escalier encore |
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Cela m'émerveille ! |
Les végétaux...ah ces traitres ! les chênes verts s'étalent, jamais dérangés, leur ramure me dérange. Les buplèvres lisses et souples sont mes amis. Mais les ajoncs épineux, les chênes kermès et autres arbustes armés de griffes jusqu'à leur extrémité, quel calvaire. Les térébinthes sont sages, les massifs de thym agréables car odorants et je me méfie des inconnus avant que d'y planter mes doigts : car tout ce beau monde m'aide, c'est si raide ! Des murs de roche contrarient parfois ma route mais j'ai pour moi seule les grands espaces de cette pente si redressée, qui ouvre sur la route, la Têt et les sommets où il neige. Des petits papillons de neige volètent autour de moi et je me sens toute seule dans cette vaste pente où personne ne semble aller jamais.
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Canigou |
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Habitants des lieux |
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Les chênes verts |
Me voici tout en haut, côte 650 m, j'ai cessé depuis la 20 ième de compter les terrasses, leurs murs sont bien plus hauts que moi, leur sol garde encore sa planéité mais aucune trace de cultures anciennes, j'imagine que ce devait être des céréales profitant des pluies de printemps et moissonnées avant les chaleurs de juillet. Ce qui demandait peu de présence. Aucune trace de canalisation des eaux de pluie, ni de citernes pour les sulfatages des vignes, un seul abri mural effondré, les hommes devaient venir juste pour semer et récolter. Par contre les murets sont bien conservés, peu effondrés et donc solidement édifiés. Il y a là aussi des "coupe éboulis" et si je continue au delà des 650 m c'est parce que je vois au loin et en haut, au pied d'une falaise, un muret solitaire qui appelle peut être à l'emprise d'un chemin.
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Le seul abri en murette rencontré : ruiné
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Alors je me lance dans une traversée en diagonale d'une zone aride, en dévers, ingrate au possible, jamais cultivée, croulante et austère qui pique vers la grande muraille rocheuse ocre, noire et bleue.
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Terrain ingrat vers la grande muraille |
L'essentiel, en terrain difficile et végétalisé est de toujours garder sur sa trajectoire un arbuste capable de freiner une chute, une glissade, un faux pas : frein à main et frein à pied sont l'efficacité garantie. Je l'ai expérimenté au retour. Je rencontre le lit très incliné d'un ravin et prends espoir d'une meilleure progression, les gros éboulis sont un garant. Oui mais, pas ceux là qui prennent plaisir, minces ou imposants à rouler comme s'ils fussent là depuis cette nuit : aucun ancrage dans le sol.
Chemin faisant, en m'accrochant sec, je parviens à plus de 700 m, au muret qui en précède une série, sous couvert des chênes verts et je comprends mieux : une terre souple, épaisse, onctueuse, habille le site "comme avant" sûrement et de jolis jardinets devaient fleurir ici, avec l'eau du proche torrent sans doute plus généreux.
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Les dernières terrasses: 714 m |
Et devant mes yeux se trouve la Grande Muraille dans laquelle je vais m'enfoncer à la recherche du torrent. Partons pour un autre voyage...
Ce torrent, justement, il descend de la muraille; glissée entre deux falaises, sa courbe élégante et perchée laisse supposer...mais quoi donc ?
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La ravin fait une courbe dans la muraille |
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Cela devient très austère !! |
Pour ce faire il faut que je m'engouffre à mon tour entre les falaises et j'entre dans ce ventre rocheux fait d'un sévère couloir végétal, rocheux, terreux, granuleux, où je cherche au mieux non mon chemin mais l'adhérence. Je disparais à la civilisation. Je grimpe patiemment et prudemment, me tenant aux branches et aux rochers, le long d'une muraille multicolore, percée d'orifices dont le plus grand abrite un nid de vautours juste à quelques pas de moi, perché, je n'irai pas, brrr.
En images:
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Le chemin de l'eau est double, je prends à droite |
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C'est un long goulet en pente raide (la photo écrase la pente) |
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Ecrasé, le mur qui en réalité est très raide |
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Et je vois enfin la chute d'eau (vide) |
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En gros plan |
Le silence, les couleurs de la verticale muraille craquelée de toutes parts, le ciel changeant au dessus et ce goulet face à moi qui se rétrécit pour devenir un mur d'où bondit l'eau quand il y en a, on ne peut pas dire que ce soit riant ! Le Canigou me regarde sévèrement, enturbanné de chutes incessantes de neige. Ah il est frais, ce matin.
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Grandiose dans mon dos |
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Mon gardien |
Le demi tour finit par s'imposer, il y a un beau tronc pour poser ma corde mais finalement ce sera à mains nues, en style désescalade, que je vais descendre, m'aidant de branches sûres, ou du moins je l'espère. Finalement, le terrain glisse sous mes pieds et je me retrouve accrochée par une main, sans danger aucun. C'est presque amusant...Et ainsi je redescends avant que d'aller me percher au dessus d'un vide pour prendre ma collation, il est 12 h 45 et je suis parfaitement à jeun . Vrai nid d'aigle d'où le panorama est somptueux mais je suis hypnotisée par la muraille où les choucas semblent avoir un nid dans une grande cavité.
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Je n'irai pas plus haut; dangereux |
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Au coeur de la muraille |
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Ne pas déranger, ne pas déposer ses odeurs humaines Nid de vautours je pense |
Allons au restau , j'ai bien largement dépassé le 66 ième étage et même le toit mais pas les tourelles crénelées et fortifiées. ça creuse !
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Le panorama depuis ma table |
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Il plait aux choucas |
Le retour va être un peu plus compliqué : le torrent croulant, j'évite et je retraverse toute la largeur en diagonale vers la pente de terrasses.
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Traversée : idée de la déclivité |
Terrain pourri s'il en est, juste comme je les aime, allez savoir pourquoi...Cependant, vu d'en haut et bien...on ne voit rien... Je choisis un cheminement animal, rien n'est plus efficace et confortable. Pour aller boire dans la Têt, ils choisissent un chemin qui ne passe pas en roches, ne saute pas de mur en mur et au contraire, a le confort de la terre mise à nu. Ce chemin me mènera en bas. J'essaie quand même de bifurquer vers les terrasses, c'était le but du jour mais autant vues d'en dessous on peut tracer son chemin, de par dessus cela devient une succession de sauts improbables et dangereux. Rien ne se voit ni ne se devine. Je récupère donc mon sentier de "l'abreuvoir" et en jonglant entre maquis, éboulis, sentier et végétaux, je regagne ma douce piste, non sans avoir croisé le vieux canal que je conterai un jour.
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Savoir faire |
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Des terrasses impraticables |
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et leurs beaux murs pluricentenaires |
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Matériau de construction |
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" L'abreuvoir " soit la Têt |
Un petit tour d'inspection m'invitera ensuite à chercher un chemin, juste un complément pour en avoir fini avec Sant Père. Il y a des ébauches de sentiers qui m'ont laissée sur ma faim .
Alors fini le Sant Père ? Rien n'est moins sûr. Je n'aime pas les histoires inachevées !
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Dans un somptueux décor |
Alors, à suivre......
En chiffres :
Dénivelé environ 300 m
Distance : 4.16 km
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