jeudi 1 août 2024

Aude, le Disparu de la Pierrelys


Non il n'y a pas mort d'homme, bien que par le passé il ait du y en avoir des morts dans ce secteur. Ce Disparu là est un chemin qui m'a bien donné du fil à retordre et de la corde à dérouler. C'est le 3 eme volet de la série que je lui consacre, en complément de mes deux derniers articles.


Perchée rive droite de la Pierrelys

Un petit point rose peint sur un rocher et l' aventure commença, à deux, à trois, puis en solo.

Le Sentier Rose, ainsi nommé par nous, nous conduisit ...nulle part...soit qu'il se terminât ainsi effectivement, soit que le temps qui déroule son fil l'eut englouti.

Ensuite on chercha une éventuelle suite à ce chemin et ensemble, avec Paul et Eric, on trouva deux mystérieux tronçons de chemin, courts tronçons remarquables et remarquablement muets.

Les voici, de part et d'autre de ces flèches délavées : 

Voies d'escalade

- 1er tronçon : taillé dans la falaise







- 2 eme tronçon, taillé aussi dans le roc

Aujourd'hui muni d'une corde


Un mur  de soutien

Des marches dirait-on


























Ces deux tronçons sont très proches des fenêtres de la voie ferrée, à plus de 400m de l'entrée du tunnel côté Pierrelys.
Le premier tronçon se trouvant entre les deux séries de fenêtres, dans la falaise qui les sépare,  aurait pu être un passage pour le chantier.  

Collection Site Passe Montagne


Nous avons supposé soit une suite du sentier rose, soit un ouvrage afférent à la voie ferrée, car la plus haute des chambres à poudre du tunnel, au faîte de son puits vertical,  se trouve dans le secteur,  soit un hypothétique chemin venu de la nuit des temps, ralliant Cavirac à St Martin Lys.
Toutes les hypothèses étant permises, en ce jour de 14 juillet nous allâmes tous trois non prendre la Bastille mais prendre d'assaut une pente redoutable, le goût de l' Aventure étant très présent.
Nous avons pris une bonne suée, une bonne grimpette dans les jambes, des paysages à couper un souffle déjà entamé et enfin pris pension sur un rognon rocheux, une extrémité de falaise dominant un vide saisissant.






Récit et images contés dans le " Diabolique sentier rose" très récemment.

Ce jour-là, avant de redescendre, Paul me lança au passage " si ça te dit de revenir, tu peux continuer vers le haut!". A quoi je répondis que vraiment je n'en avais nulle envie, et je le pensais si fort que cela devait s'imprimer dans le paysage! Quelle Diabolique idée, Paul !

C'est d'en bas que se mesure cette pente ou plan incliné

A croire que Paul me connaissait mieux que moi !

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Ainsi je retourne dans ce but là et en solo pour...remonter ce plan incliné . L'idée du vieux chemin continue à me tarauder. Et je vais l'explorer cette pente !

La voici au grand soleil de l'après midi :






 Dimanche 28 juillet, je m'élance seule, sautant par la fenêtre grande ouverte sur un paysage lumineux.

Sortie par la fenêtre

Sur le toit de la voie ferrée
























Je reprends le trajet parcouru voilà deux semaines mais je vais le compliquer en essayant de me rapprocher des falaises, et j'avoue que ce sera compliqué. C'est très croulant, glissant, pentu, déversant et le piolet volontairement laissé me manque. Les cordes sont dans le sac, pour la descente. C'est rassurant.
Car, rassurée je ne le suis pas. Bien sûr je ne vais rien trouver, pas le moindre petit indice, si ce n'est des bribes de passages bien marqués et de bois tronçonnés, vestiges de chasse ou de désescalade, puisque c'est un secteur d'ancienne escalade.



L'ancien chemin...vers où ? Mystère

Original ancrage



Le couloir que je grimpe depuis en bas là bas



En face, de l'autre côté de la route



Chêne vert qui n'a pas été exploité

Même chose, c'est l'arbre d'ici



Un peu de varappe



Non j'ai pas strié la roche !!

Je suis ma progression sur le GPS et la carte, je m'accroche aux arbres, véritables cordes fixes (il faut être attentif au bois mort) et je vais ainsi dépasser l'altitude de la dernière fois. Ma sueur, bien que le site soit encore dans l'ombre, étoile les rochers, mes vêtements s'imbibent, je grimpe, je bois, c'est à la fois passionnant et un peu effrayant, toute seule là dedans. Effrayant car grandiose et sévère comme décor. Les falaises me surplombent, l'Aude coule à présent en silence et la route est quasi muette.

Grimpe sur parois rocheuses, en même temps je les nettoie.



Les arbres ça aide aussi



Je finis par arriver sur une haute falaise qui barre tout le plan incliné, aucun passage ni chemin ne se dessine, je longe la falaise en direction du vide  et j'arrive au terminus du possible : une corde et une sangle venus de nulle part, un mur rocheux effarant de verticalité et sous mes pieds plus de 160 m de vide absolu.

Je longe la falaise



Vieilles cordes de grimpeurs

Même chose
























Comme j'ai bien dépassé le point d'arrivée de la dernière fois, le paysage s'ouvre sur Belvianes et la vallée. C'est splendidement sauvage.
Je vais rester un moment juchée sur la falaise, frôlée par les hirondelles des cavernes curieuses ou inamicales. Je ne bouge pas, elles m'ignorent, elles chassent leur gibier à grands coups d'aile.
 J'observe, je bois le paysage, je me délecte, mes yeux fouillent tous les replis de la rive opposée, le chemin de Belvianes disparu voici 243 ans; il montait par ce ravin, il escaladait la falaise, mes envies d'essayer d'y aller ont fondu !!

Mon terminus, en fond on devine Belvianes

Ici Belvianes au zoom





J'ai traversé cette pente sur les traces du chemin disparu voilà 243 ans (un autre Disparu !!)


Au zoom





Le chemin disparu remontait ce couloir : c'est fou !


Non finalement, je n'ai plus envie d'y aller....



En haut de mon perchoir fleuri pour me saluer



Les murs d'en face


Bon j'ai l'air, comme ça, mais le vide, je le ressens


Car derrière moi, c'est "du gaz".


C'est juste mon stationnement favori !!
En bas comme en haut, c'est fou


Oui j'étais là haut et je suis stationnée comme je le disais


Enfin  j'aborde la descente et je vais longer la falaise cette fois, c'est le chemin de descente des grimpeurs, de vieux coups de cisailles en témoignent. Je les imagine dévalant la pente dans un joyeux éboulement de terre, rocs et feuilles.
Vestiges

Je longe la falaise


A présent faudra pas glisser

L'ancien passage de descente des grimpeurs
 est lisible sur le terrain


























Je descends avec la prudence de mes veilles jambes et finalement, au sortir de la falaise, je vais extirper la corde du sac, la mettre en double autour d'un arbre bien choisi, et de longueurs en longueurs, je vais franchir une infâme pente de près de 100 m de dénivelé, sinon assurée, du moins rassurée.
L'art réside surtout dans le choix de l'arbre : que la corde puisse coulisser, qu'elle ne se coince pas (évidemment j'ai du remonter une fois ou deux pour décoincer), et que l'arbre ou arbuste soit solidement ancré. 


Et c'est parti pour plusieurs longueurs

Descente en roche
























Enrouler en double autour d'un arbre


Le terrain est tourmenté, je cherche
 la meilleure trajectoire









Encore de la roche en désescalade



Faut pas se louper !



Sinon, plongée dans l'Aude

De pentes de terre en pentes rocheuses, j'arrive à la vieille corde fixe, rêche et usée, je lui rajoute la mienne pour terminer la descente et me voilà sur l'ancien chemin ou du moins son visible tracé.



La vieille corde fixe
Je la prolonge par sécurité

























Je ne saurai donc jamais à quoi servait ce chemin, où il allait, à quelle époque fut il construit, je ne saurai jamais si l'usure du temps l'a emporté ou s'il stoppait là même, je ne saurai jamais si j'ai manqué un autre passage au plus près de la falaise que je n'ai pas scrupuleusement longée, mais j'aime aussi lorsque mes recherches gardent une part de mystère, cela fait partie de la richesse de l'expédition.

C'est pas encore le plancher des vaches 
Mais que je m'y sens bien !!

Je m'offre pour le fun une montée à une corde noircie qui fut rose pour aller saluer une falaise d'escalade et un court boyau dans la falaise avant que de regagner la voie ferrée , le tunnel et l' Aude où je baignerai ma sueur, les estafilades sanglantes de mes membres et la fatigue de cette Aventure.
Mais...je sais déjà que je reviendrai, tout en haut, là haut plus près des vautours et qu' Eric m'accompagnera, déjà tenté par cette aventure. Et peut être que notre double regard trouvera quelques bribes de ce mystérieux chemin? 


La falaise d'escalade



Son boyau où je ne tiens qu'allongée



Retour à la voie ferrée et aux fenêtres


Me restent 400 m à parcourir sous terre avant...



Avant ça !!


                                                          ....................................................
ADDITIF : et puis, plus tard, chez moi,  une idée a surgi, quelques calculs ont vu le jour en étudiant scrupuleusement le site de "Passe Montagnes" consacré aux anciennes voies ferrées et j'aurai peut être trouvé...Trouvé pourquoi ce chemin taillé dans le roc existe, pourquoi il s'éloigne de la falaise en une courbe qu'on peut deviner encore...pourquoi j'ai peut être cherché dans une direction totalement opposée : et si ce chemin avait un lien avec les chambres de dynamitage et le puits à poudre situé à 14 m au dessus du niveau du ballast de la voie ? Car ce fameux site se trouverait juste dans ce plan incliné, logique puisque ailleurs c'est de la falaise pure et dure...ah...une 3 eme visite va s'imposer, au GPS sans doute. Simple hypothèse peut être peu cohérente au vu du dénivelé.

Le puits vertical d'un ouvrage d'art
destiné à faire sauter la voie
en cas d'attaque ennemie (espagnole)



Trajet approximatif : en rouge montée, en blanc descente essentiellement à la corde



Et c'est quelque part dans cette pente que se trouverait l'aplomb de
la chambre de dynamitage (ou puits à poudre)



3 manières différentes pour un même lieu : mon perchoir








2 commentaires:

  1. Super reportage comme toujours. Bravo
    Eric

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  2. Merci Eric, bientôt tu pourras mettre tes propres photos et ressentis sur ton blog !

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