C'est en août 2021 que j'allai à la rencontre du Pou Santa Barbara (ou Puits Ste Barbe) logé dans une falaise entre Thuès les Bains et Thuès entre Valls. Je me cantonnai à ce puits de mine, ce n'est que quatre ans plus tard que j'appris qu'il n'était pas tout seul.
 |
Le sentier en falaise |
Automne 2024, un lecteur de mon blog, Maxime, curieux du site, s'y aventura et découvrit une série de puits reliés par un étonnant chemin taillé dans le roc, il n'en fallait pas plus pour me donner des ailes !
C'est pourtant de façon terre à terre que je m'y rends en ce 4 avril 2025, en compagnie de mon complice en lieux inédits, Nicolas.
Il ne fait pas très beau après nos 70 km de route, le temps est gris (excellent pour la photo, mais oui), et assez aigre, nous avons un sac bien garni de victuailles et des fourmis dans les jambes; en guise de fourmis, c'est un sanglier mort et indigeste qui nous accueille sur le chemin d'approche.
Ce chemin n'est autre que l' ancienne Route Royale, Perpignan Mont Louis, réduite alors, dans ce secteur, à un simple chemin muletier. Les diligences s'arrêtaient à Olette. La suite était trop escarpée dans le secteur de Canaveilles.
 |
La Route Royale |
 |
Ancêtre de la 116 devenue D 66 |
 |
La Route Royale |
En rive gauche du fleuve La Têt, ce chemin longe la falaise redoutable creusée de saignées horribles, rien de plus inhospitalier que ce secteur...quand je pense que je me suis essayée à y grimper...l'horreur!
 |
Les falaises qui nous attendent |
 |
Un ravin sec s'y jette avec violence |
Nous voilà à pied d'oeuvre. 4 ans après je dois retrouver le départ, dans les arbres puis sur un éboulis. Là j'avais fait un tout droit dans la roche, en varappe, pour accéder au puits. Nico, plus pragmatique préfère suivre une sente, un cairn discret y figure, ce doit être un jalon posé par Maxime.
 |
Notre chemin d'approche |
Et très vite des murs se devinent, des murs soutenant un chemin étroit mais lisible, lacets, déclivité, on laisse à notre droite Sta Barbara et on poursuit ce chemin. Je suis enthousiaste, seule ou accompagnée, j'attendais cela depuis longtemps. En grimpant alors en varappe, je ne pouvais absolument pas voir ce chemin et ses murs. C'est le chemin des mineurs.
 |
Le premier mur du vrai chemin |
 |
Virage serré |
 |
Le chemin des mineurs |
Le chemin vire et volte, nous rencontrons la première galerie, je m'y introduis, quelques mètres seulement, un coude à gauche mais nulle trace de cuivre. Sur nos têtes la falaise haute et redoutable. Le terrain est instable, croulant, délité, on ne peut que suivre le chemin, il est escarpé et étroit. Toujours soutenu par des murs en pierre.
 |
La falaise qui nous durplombe |
 |
La falaise vue depuis la rive opposée, image Michel Prats 10 IV 2025 |
La géologie, ici, est un mélange de calcaire, de schistes et de roches ferriques. Le gisement fut découvert en 1823, les travaux commencèrent en 1828. Une ordonnance du 20 janvier 1830, attribue la concession de cuivre, détaille la superficie et décrit les limites . Un peu plus tard, une autre ordonnance de 1833 va augmenter cette superficie, mais les mines seront vite abandonnées en 1840, pas suffisamment rentables. Des galeries importantes figurent au bas des falaises, à l'entrée du tunnel routier, murées. Celles de la falaise sont le sujet de notre balade.
 |
Le document d'où est extrait "Canaveillesq" |
Justement voilà une première galerie, vaguement close dans laquelle je me faufile, quelques mètres stériles. Même pas de traces de ces jolies couleurs vertes ou bleues que crée le minerai de cuivre.
 |
Photo Nicolas |
 |
Intérieur galerie |
On poursuit le pittoresque chemin, parfois envahi par un ou autre chêne vert, il faudra même grimper dans la roche pour éviter un de ces encombrants personnages. Le chemin a une assiette souvent plate, il était de la taille d'un chemin muletier et, lorsque la possibilité de bâtir était absente, des marches étaient creusées dans la roche, on peut évaluer à une 30 aine réparties en 3 ou 4 endroits.
 |
Habitants du site |

 |
Quelques marches |
 |
Le sentier en falaise |
 |
Un des passages originaux : falaise et marches taillées par les mineurs |
Il y a deux passages escarpés au niveau d'une falaise qui a été taillée, l'escalier s'étant effondré , il faut un peu escalader.
 |
La vue depuis ce lieu |
 |
Perchée |
La petite galerie semi effondrée révèle de magnifiques couleurs, je les emporterais toutes dans mon sac à dos pour illuminer mes jours...repeindre la vie aux couleurs du cuivre...
 |
Echantillon de minerai |
Les ouvrages miniers sont peu espacés : en dehors du Pou Sta Barbara, excentré, ils sont 3 puits et 2 galeries. Les puits sont insondables, verticaux et assez profonds ; sont ils coudés en galeries pénétrant la falaise ? Nous ne pouvons pas savoir. Le dernier a une taille et une profondeur bien marquées et le chemin a été bâti sur le vide, le passage est aérien et peut donner le vertige.
 |
Un des 3 puits |
 |
Une galerie effondrée |
 |
Nico n'est pas content, il craint l'effondrement Mais je lui ai laissé les victuailles ! |
Entouré de piquets de fer branlants et câbles distendus, il laisse peu de place au chemin bâti sur le vide, je n'invite pas à cette balade aérienne et présentant malgré tout un danger, ce n'est pas du tourisme !
 |
Le dernier puits |
 |
A pic vertigineux |
 |
Au dessus du mur, le chemin |
 |
Un solide mur construit pour créer le chemin
|
Pas de soleil et c'est bien car cela évite les jeux d'ombre et lumières sur les photos, les rendant peu lisibles. Nous sommes constamment en balcon sur la vallée, la route, les hauteurs boisées de Thuès, les débuts de la Carança, le Pic de Neufonts, etc..
 |
Construit sur vide, le chemin |
 |
Parfois malmené par le temps : 2 siècles... |
Le site vu par Michel Prats, quelques jours plus tard depuis la rive opposée : en observant minutieusement les photos de Michel sur mon écran, et en zoomant j'ai pu déceler des traces de mines sous le sentier, je pense qu' il s'agit du débouché des puits . Accessible s, A investiguer....
 |
Ce que je nomme "le plateau" au-dessus des falaises La pente du Fornàs que je me plais à "visiter" sur le terrain |
%20-%20Copie.jpg) |
Le chemin des mineurs circule dans ces falaises |
 |
Ruines d'une plate forme qui eut une certaine utilité |
 |
Peut être pour rejoindre celle-ci en face (De l'autre côté de la Têt) vue au zoom |
 |
Vu depuis en face par Michel Prats, le chemin |
Nous arrivons, après le dernier puits à ce qui pourrait sembler le terminus du chemin; mais je décèle une bifurcation; soit horizontalement dans la falaise, soit en grimpant la pente escarpée. Nous nous octroyons une pause énergétique . Je suppose le "chemin du bas" rejoignant la galerie d'eau que j'avais trouvée et près de laquelle un chemin se perdait dans le vide. Quant à celui qui monte, je propose de le suivre, il rejoint le "plateau". Quel plateau me demande Nico, à l'évidence rien n'est plat ici. Je nomme plateau l'immense pente que je commence à bien connaître et qui doit accuser une déclivité proche de 25 °.
%20-%20Copie.jpg) |
La fin de notre parcours : esquissée sur photo Michel Prats Quelle aubaine ces photos !! |
Ce dernier tronçon fait de zigzags serrés dans une pente stérile et croulante nous amène au dessus des falaises : ça y est la jonction est faite entre haut et bas, avec un peu d'énergie et de persévérance, on gagnerait les terres du Fornàs et le sentier de randonnée. La jonction avec Canaveilles existe, Canaveilles 44 habitants, sa courbe démographique montre une population élevée avec un pic de 315 hab au temps de la mine; ce qui me faisait penser qu'un chemin existait, envoyant les ouvriers sur le chantier par les hauteurs du village et non par le bas; simple logique.
 |
La partie terminale de notre parcours se glisse sur la gauche : photo Michel Prats |
 |
La sortie sur le plateau telle que Michel l'a perçue depuis la rive en face dans la vallée. Sur le terrain il y a une petite différence, il aura le plaisir prochain d'aller vérifier ! |
 |
La partie terminale : chemin très abimé et en courts lacets |
 |
Mais aussi quelques tronçons bien conservés |
 |
Sur "le plateau" Nico observe la géologie de poudingue où est sertie une large bande noire |
Nous ne poursuivons pas, je marque un repère précis sur ma carte, quelques rubans provisoires sur le terrain, nous laissons errer le regard sur les lointains grisâtres et les neiges sommitales avant que de reprendre le chemin à l'envers pour le Pou de Sta Barbara, chef d'oeuvre d'architecture. Ici ce sont deux étages de galeries, boyaux sombres où on distingue un câble pour descendre et un reste d'échelle en bois. C'est de loin le puits le plus surprenant.
 |
Les murs de soutien du Puits Santa Barbara |
 |
Double étage de galeries vers l'ouest |
 |
Galerie en sens inverse |
 |
La plate forme de Sta Barbara |
 |
Notre table de restaurant |
 |
Et le décor face à nous (route, en bas et Thuès entre Valls au loin |
Il paraît qu'il y a une autre galerie au-dessus alors nous grimpons une peu la falaise, mais rien. L'estomac nous rappelle depuis les sacs à dos abandonnés et nous entamons le festin. Même pas à l'ombre du majestueux habitant du site, un vénérable chêne vert...le ciel est obstinément gris. Rose est le vin qui réchauffe, et colorés les en cas. Le pâté de sanglier s'associe à quelques images glanées sur la Route Royale et quelques traits d'humour, mais il a le bon goût de ne pas perturber nos évocations visuelles ! C'est le froid qui nous fait déguerpir et, en cette descente, nous avons le loisir de suivre le vrai chemin des mineurs jusqu'à sa base, parfaitement introuvable depuis "la Route Royale". Parfois on a beau être Royal, cela ne donne pas tous les privilèges...
 |
Solide passage de ravin |
 |
Le vrai chemin de descente |
 |
Et retour sur la "Voie Royale" |
Moi, simple citoyenne, le privilège m'a été donné d'arpenter ce chemin des mineurs.
Merci à Nicolas pour m'avoir accompagnée et à Maxime pour avoir débroussaillé et complété mes recherches préliminaires vieilles de 4 ans. Et à Michel pour avoir complété ma photothèque.
------------------------------------------------------------------------------
ADDITIF : Cette falaise est traversée de part en part par un canal souterrain alimentant une conduite forcée pour la petite centrale électrique d' Olette. Au début du 20 eme siècle, lorsque s'édifia la ligne du Train Jaune, il fallut de nombreuses centrales électriques pour générer l'électrification de la ligne. Ce canal d'eau sous terre dans la falaise, le jour où j'appris son existence, je fus sidérée. Et je l'appris par le biais d'une de mes trouvailles; mais j'en reparlerai...je compte "approfondir" le sujet, sans creuser les falaises.
Article connexe évoquant ma première visite à Sta Barbara et ma visite dans un accès à la galerie d'eau en falaise.
Article ici
Le site
 |
Le site où nous avons évolué (commune de Canaveilles) |
Légende
En rouge les puits et galeries (emplacement précis)
En blanc notre trajet
Pointillés blancs : limite approximative "plateau" et falaises
?? un site qui m'intrigue et que je vais aller visiter
a 2 doigts de rejoindre ce sacré Fornas ! il vaudrait mieux parler de pieds quand je vois à quoi tu t'es attaqué ! Beau documentaire !
RépondreSupprimerLes pieds, les pattes, les genoux, tout en prend un sacré coup. Et par beau temps les yeux aussi. Quant aux mains, elles ne sont pas inutiles pour fureter dans le cuivre. Bref une balade qui nourrit bien le cerveau. Franchement, trêve de plaisanterie, entre celle ci et nos canaux du lendemain, ce fut un délice
SupprimerToujours intéressant merci
RépondreSupprimerMerci !!
Supprimer