Qui a entendu parler du funiculaire d' Axat ? Je n'en savais rien, pourtant je connais un peu le secteur, jusqu'au moment où une de mes connaissances, Manuel, me parla incidemment en trois phrases de ce funiculaire disparu, évidemment. Il me situa brièvement le site et je retins que cela montait très fort et qu'il y avait un tunnel de 100 m. J'allai de suite inspecter le paysage : naturellement, le lieu était inhospitalier à souhait, une pente raide entre falaises et forêts. Le surlendemain je m'y rendis. La chasse m'obligea à reporter ma sortie à l'après midi, cela eut son importance car, en cette saison, le soir tombe vite. Je ne connaissais rien de ce "monument ferroviaire. Ce que j'ai appris depuis figurera en rouge dans ce récit
Avertissement : le récit sera un peu long et étayé de photos anciennes (années 1910) et de mes récentes connaissances.
En rouge, ce que j'ai appris après la balade
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| Vue prise depuis la voie métrique et le petit tunnel |
En fond d'image, le site où se trouve ce funiculaire...

Je trouvai rapidement le point de départ après une sévère montée le long d'une ancienne carrière qui a dévoré la base du funiculaire et donc tout ce à quoi il servait.
Mis en service au tout début du 20 eme siècle, en 1906, ce drôle d'engin servit à descendre les énormes troncs d'arbres tranchés tout là haut dans les forêts. Il fut abandonné 15 ans plus tard. Pour raisons économiques. Je ne savais rien de cet engin et je partis à l'assaut de la pente, redoutable au delà de mes espérances. Mais j'étais en mode découverte et ma curiosité n'en fut qu'aiguisée. Quelques jours plus tard, j'invitai mon ami Eric Teulière à venir avec moi refaire le parcours et le compléter. Entre temps, l'un et l'autre, nous nous étions documentés (soit pas grand chose) et surtout j'avais un plan succinct . Et de surcroit mon expérience de cette première balade.
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| Carte postale ancienne (1912) version colorisée Site Quilhan.com/métiers du bois. L'arrivée du funiculaire et déchargement du bois |
Me voilà donc en cette première approche en solo en train de monter la partie funiculaire à proprement parler. C'est un long plan incliné à très forte pente. Tout au fond se trouve un pilier entier et les ruines de deux autres .
C'étaient les piliers soutenant la partie aérienne terminale (en quadrillé sur la carte postale ci dessus; beaucoup ont disparu; ces piliers permettaient un passage aérien).
Ce moyen de transport des troncs d'arbres ou grumes issus des forêts de sapins n'utilisait pas de locomotive, pas de véhicule tracteur, juste des câbles mus par treuil, et freinage car le transport ne se faisait qu'en descente. Il y eut d'ailleurs déraillements et incidents pour ne pas dire accidents.
Les deux rails à voie métrique ont été ôtés, les traverses en bois aussi, il ne reste que des pièces métalliques de fixation. Une poulie oubliée et nulle trace de ligne électrique qui exista, mais cela je ne le savais pas. Pour construire ce plan incliné il fallut creuser la falaise, faire un passage en tranchée, d'autres en comblement, soutenus par des murs.
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| Le crénelage servait à passer les rails |
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| Le pilier supérieur du pont aérien |
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| Le grand pilier supérieur |
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| Fixation des traverses en bois |
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| La voie du plan incliné en remblai |
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| Et en tranchée |
Sur les plans et documents la pente serait de 65%. Personnellement, ayant remonté un couloir d'alpinisme à 55°, je l'évaluai à 48°. Soit un peu plus de 50%.
Plus tard, je fus en possession de ces documents issus du site Quilhan.com/ métiers du bois. J'observai longuement en détail ces cartes postales anciennes. Le fonctionnement, le mécanisme et...l'habillement !
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| Les grumes, liées entre elles, étaient descendues sur1.224 km par ces chariots reliés entre eux. J'admire le courage des 4 passagers ! |
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| On aperçoit en fond le plan incliné du funiculaire, une sacrée rampe |
Arrivée en haut, en un petit col de terre noire, le paysage sinistre me sauta à la gorge : un circuit rectiligne de voie ferrée peu escarpé, construit à flanc de falaise avec des murs impressionnants parfois, ou taillé en tranchée dans le roc, un petit pont aérien, un tunnel de 51 m de long : tout un ensemble aérien, vertigineux, au sol encombré, dans un paysage de forêts et de falaises dans l'ombre froide; seule touche de couleur, l'automne flamboyant sur des hêtres . Pas un bruit, pas une présence animale ni humaine hormis une trace de débroussaillage récent, il faut avoir le coeur bien accroché pour promener sa solitude là haut.
En images, le parcours
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| Un énorme mur, ici il y avait un passage aérien mais surtout un site incompréhensible |
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| Le petit col en terre noire, terminus de la rampe |
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| Incompréhensible car voici le haut du mur ! |
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| Et le bas du mur |
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| La voie s'élance vers les hauteurs |

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| Le petit tunnel de 51 m |

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| En face(2nd plan), le sommet des falaises des gorges de St Georges |
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| La voie et son tracé |
A propos de ce tracé c'est une voie d'exception car ce trajet de funiculaire a quelques courbes de 100 m de rayon ce qui est rare :
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J'appréciai la sortie avec Eric que l'on pimenta de nos commentaires et surtout d'une balade annexe, celle de la "tire" ou chemin de débardage qui précéda le funiculaire. C'est une autre histoire, riche également. Mais seule, je m'aventure dans l'inconnu, je ne sais rien ce jour là.
J'arrivai à une belle tranchée, coupant net une impressionnante falaise qui plongeait, verticale, dans le ravin en contrebas, mais toujours pas "le tunnel de 100 m". Le parcours sembla s'achever dans le haut du ruisseau qui m'avait rejointe, je me faufilai dans le ravin et je me trouvai face à face avec un immense mur!
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| Le grand mur barrant un ravin et ouvrant sur le tunnel de 117 m |
Quel ouvrage ! Il se logeait entre deux sévères falaises et présentait tout un appareillage de pierres, piliers et une plate forme que j'escaladai. C'est alors que je le vis...le tunnel !
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| Bas du mur |
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| Haut du mur |
Une bouche noire que j'atteignis; j'allumai mes phares soit mes deux lampes et, la trouille au ventre, je descendis cette rampe de 117 m, au sol strié de traverses de chemin de fer lesquelles portaient toutes une double saignée, le passage des câbles. Quelques ruines de ferraille rouillée enjolivaient le décor....Une belle descente qui aboutit dans le lieu le plus austère du trajet, deux éboulis au delà de la sortie. J'étais totalement désorientée surtout que mon GPS perturbé par le tunnel me situa en un lieu invraisemblable, bref je ne cherchai pas davantage et revins sur mes pas. Une partie de la voûte étant effondrée je ne m'attardai pas. Revenue à l'air libre, je visitai un peu ce drôle de plan incliné flanqué de piliers mais je n'allai pas plus en amont car la voie continuait et le soir tombait.
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| Tunnel : 117 m |
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| Les traverses en sapin |
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| Traverses et passage des câbles |
Un peu plus détendue à la descente je fus surtout attentive au paysage, grandiose, mais aussi à mes pieds. Le sol encombré et recouvert de feuilles mortes était un traitre en puissance.
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| Visage de la voie |
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| Grandiose décor en face |
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| On peut admirer la hauteur des murs de soutien de la voie ! |
Je redescendis le grand plan incliné fort malcommode et essayai, arrivée à la carrière, de décrypter le langage des vestiges de piliers, et de la suite du parcours qui me conduisit quasi à la route.
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| Vers le terminus, non loin de la route |
J'avais vu, il me restait à apprendre...presque tout.
Le retour avec Eric fut bien plus sympathique. A deux, c'est autre chose! Nous avions la journée et l'avons utilisée à tout décortiquer! La voie, nous la parcourûmes en entier et je compris tout ce qui m'avait échappé La sortie du grand tunnel n'était qu'à 20 mètres du parcours, ce que j'avais pris pour un tronçon de voie était en réalité la "tire" et au final, parvenus au grand tunnel, nous continuâmes jusqu'à la toute extrémité supérieure du parcours soit 250 m de mon point d'arrêt précédent.
J'avais dans mon bréviaire, soit mon téléphone, ce plan, que je consultais. Et quelques autres documents.
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| Le plan de la voie : site " Inventaire ponts et viaducs détruits et/ou disparus" |
Partie haute : en amont du grand tunnel
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| Un des piliers de la partie supérieure de la voie |
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| Témoin de l'électrification |
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| Un des passages en remblai qui supportait un pont |
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| Même lieu |
Admirons au passage l'agencement des murs....

Sur ces 250 m, on comprit que la voie avait volé de l'espace : il est si étroit l'espace que la voie a colonisé la "tire" devenue inutile. il y a sur ce parcours un étrange pont aérien où Eric découvrit une ancienne pièce en porcelaine de ligne électrique. Donc ce funiculaire fonctionnait à l'électricité ! On le devina mais on ne l'apprit que plus tard.
En effet, sur cette carte postale (1915 ? ), prise du fond de la voie, même de la rive opposée de l'Aude, on voit la ligne électrique (plus le plan incliné, le pont aérien, et le terminus de la voie) .
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| Extrait du site Quilhan.com |
Notre terminus correspondait au point de départ du funiculaire, à 900 m d'altitude, qui déroulait ensuite son 1.224 km jusqu'à la côte 430 m. A ce point de départ arrive aujourd'hui une belle piste carrossable venue de Salvezines (vallée de la Boulzane) et Le Caunill. Jadis, tous les troncs ou grumes convergeaient ici, venus des hauteurs environnantes, 1300 m d'altitude. Et étaient expédiés par voie ferrée en bas, vers les "ports" (on nomme ainsi les sites de réception, qu'ils fussent fluviaux ou terrestres). Axat, toute proche, à la sortie des gorges St Georges, avait plusieurs scieries. Mais on parle surtout des forges de Quillan. Forges dont l'activité métallurgique cessa fin 19 eme cependant l'activité de sciage y perdura longuement au 20 eme. L'industrie du bois était florissante, la Société Ader & Cie trustait une grande partie de l'exploitation forestière et si le funiculaire n'était pas encore en service en juin 1905, il était déjà un autre projet, par la même compagnie, un transport par câbles venu des hauteurs soit environ 4 km de ligne. (Journal de l'Aude, 11 juin 1905 - Source Eric Teulière).
Ce point de départ, tout là haut ne nous montra qu'un ensemble de 4 piliers, une plate forme, et notre plan fort simple laissa davantage supposer que vérifier. Y avait-il un système de grande roue avec un frein ? A quoi servaient les piliers. Et ce gros monticule de roche, servait il à quelque chose ? Que de questions sans réponses...ce sera le lot de cette journée fertile. La réponse me parvint alors que je rédigeais cet article, par un nouveau document d' Eric...quelle richesse que ce secteur.
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| Terminus de la ligne : 994 m d'altitude |
Explications succinctes :
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| Un emplacement de plate forme sans doute utilisé pour une roue avec câbles et frein |
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| Extrait du plan, terminus |
Nous ne saurons pas tout. Nous l'apprendrons plus tard, avec cet extrait de livre publié en 1993
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| 1993 |
Dans cette journée commune, vous avons détricoté un peu plus la montagne : suivi en intégralité une ancienne "tire", supplantée par la voie mais aux départ et arrivée communs et même, miracle ! retrouvé un grand morceau de l'invraisemblable "chemin en tortillons" figurant sur la carte d'Etat Major, que je suis allée plus tard essayer de retrouver. Et si je n'ai pas retrouvé la partie manquante, c'est parce qu'elle a disparu mais, muette dans les bois escarpés, elle m'a livré son secret que je conterai peut être...
Maintenant je sais....
Mais de cette voie ferrée nous ne savons pas tout...et le saurons nous jamais ?
Merci Eric d'avoir partagé avec moi ce moment d'exception....
Légende de ce plan :
en rouge, la voie de chemin de fer, en bleu le chemin de la carte d'état major, en blanc, la tire soit chemin de débardage













































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