Le Salagou est une petite région de l'Hérault, juste au nord de Béziers, près de Clermont l' Hérault.
Un paradis coloré à 170 km de chez moi; une broutille, 140 km se font par l'autoroute. Moins de 2 h de route et je change de monde. D'univers.
Autrefois, en ce site, coulait une rivière , le Salagou. C'était un ruisseau affluent de la Lergue, affluent elle même du fleuve Hérault, un ruisseau sans prétention qui se fâchait tout rouge lors des crues. Il n'a que 18 km de long , ce ruisseau, mais il est sujet aux "épisodes cévenols" soit de violentes crues dues à des pluies venues de la mer. Alors le Salagou, enfle, gonfle et crache des eaux rouges, ocres, boueuses, dévastatrices. Qui se retirent comme elles sont venues, Et laissent désolation sur leur passage. Dès 1860, naît un projet de domestication de ses flots. Un siècle plus tard en 1950, le projet est fin prêt.
Ci dessous : Avant / Après
Vue prise du même lieu : Le Salagou n'est pas ce ruisseau affluent (Le Salagou coulerait de gauche à droite sur la photo si on le voyait) Par contre, village de Celles bien visible |
Le barrage est construit entre 1964 et 1969. Son but est simple : diversifier les cultures, la vigne étant en surproduction alors et favoriser le maraîchage. Ce sera un échec. Pour raisons économiques agricoles (déjà...) La mise en eau est prévue sur 3 ans...mais c'est sans compter avec Dame Nature (qu'espéraient les ingénieurs) et une succession d'épisodes cévenols remplit en 2 semaines ce réservoir de 75 hectares, long de 6.5 km .Relativement peu profond.
Mon lieu de bivouac dans le cercle blanc |
Un village seul est menacé, Celles. Il est hors d'eau lors de la construction du barrage mais un second projet vise à augmenter la capacité du barrage donc il sera sous les eaux. Cela n'arriva jamais, Celles survit, presque vide d'habitants mais vivant d'une étrange vie ! Des films y furent tournés (violents), il en garde des traces, c'est un endroit farouche et digne. Fantomatique.
Celles |
J'ai découvert ce site par hasard il y a un peu plus de 5 ans, au printemps et je fus séduite. J'y retournai 2 fois par la suite.
Mai 2010 |
Mai 2010 |
Ce qui en fait l'originalité , c'est la géologie.
Il y a 280 millions d'années, la "ruffe", terre rouge emplie d'oxyde de fer, née de sédiments, couvrait la région. Le temps passa et , voici 1,2 millions d'années, les plaques tectoniques s'affrontèrent et donnèrent naissance aux volcans stromboliens du Languedoc. Dont les éruptions de noir basalte coiffèrent en partie la ruffe rouge. Ces volcans avaient alors 200m de plus de hauteur qu'aujourd'hui. Le paysage en était tout différent.
Une terre limoneuse et craquelée |
L'originalité du site, écrire sur la roche avec des petits cailloux |
Coulées basaltiques |
Aujourd'hui, on voit un paysage somptueux de couleurs : terres ocres, vignes vert profond, eaux d'un bleu cobalt dues à ces contrastes, et puis ces sombres basaltes et de pâles calcaires, en partie recouverts de forêts d'un vert sombre.
Là dessus ajoutons la lumière changeante à tout moment, la couleur des saisons, le miroir de l'eau scintillant, et puis les soirs qui tombent, le matins qui s'éveillent...enfin il suffit juste de venir y goûter...
Depuis mon lit, le soir qui tombe |
Petit jour presque depuis mon lit |
Ce que je refais en ce week end de privation de montagne. Tout inconvénient génère son bonheur.
Mon premier passage fut au printemps 2010 et je découvrais les villages, le pourtour du lac et ses routes, ses profondes ravines où coulait encore de l'eau claire comme les gueltas du Sahara, une piste de terre style latérite africaine, je m'appropriai des sensations, images et émotions que je remisai...5 ans. Et dont soudain je ressentis l'appel.
Mai 2010 : Lison dans un des ravins où coulait l'eau claire |
Mai 2010 la piste de terre |
Lison au bord de l'eau dans le ravin |
Nous voici donc avec Lison au bord du Salagou, ce samedi brûlant de juillet.
Un fort vent du nord souffle et met de la vie sur ce lac.
A l'affût derrière les rideaux |
Je découvre les bruits, les couleurs, la lumière intense, le visage estival essentiellement touristique: on oublie les vignes qui le bordent, et les villages perchés qui évoquent la Corse, les yeux sont braqués sur l'eau. Je me laisse porter....
Liausson |
Liausson |
A la tombée du jour , par hasard, j'aborde au plus beau site du lac, au plus beau rivage dont je ferai mon camp pour deux nuits : la plage des Plots, près de Liausson.
Un week end farniente comme je sais peu en faire : ah! il a du bon mon pied blessé que je transporterai dans mes innombrables baignades, dans les 3 villages du site, et même sur les collines volcaniques (à moins de 200m de leur niveau originel) au prix de quelques douleurs encore mais c'est trop frustrant de ne point profiter des lieux.
Mon domicile dans son cadre de ruffe rouge côté "montagne" |
Je suis ailleurs, dans un autre monde qui pourrait aussi bien être à des milliers de km...
Liausson |
Il faut observer la douceur de la nuit qui tombe, le silence de la nuit sous les étoiles , face à la Grande Ourse, le soleil qui réveille le lac, les mouettes très bavardes, les cigales qui emplissent le jour, et puis le va et vient des promeneurs sur les chemins, des VTT omniprésents, les canoës qui glissent en silence sur les eaux sages, les pêcheurs passionnés à terre ou sur l'eau, les enfants heureux, les anfractuosités du rivage loin du monde où l'on peut se baigner très "nature", les écrevisses, rouges aux yeux bleus avec lesquelles cela devient vite un jeu de se confronter !
Peut être faut il être seul pour s'approprier un moment de Salagou ? Je le crois...
Mue de cigale |
Mai 2010 : ravin |
Je m'offrirai la pause restau à Octon, juste pour voir couler la chaleur du soir qui tombe et arriver la vague de touristes surchauffés et assoiffés.
Villages d'ici, nommés Salasc, Octon, Liausson, et puis des hameaux, des fermes, de vieux moulins...
Je partagerai avec Lison des moments tendresse, et j'essaierai de me faire pardonner cette erreur de l'avoir emmenée dans telle fournaise. Ce n'est pas la montagne, ce n'est pas la fête: une rencontre avec les écrevisses, une pause café, un dîner restau, des séances plage dont elle se serait passée, une escalade de ceps de vignes qu'elle a adorée, des sommeils épuisés dans la fournaise du camion...non ce ne fut pas la Saint Lison. Pauvrette.
Cage en position canicule |
Ecrevisse américaine |
Le monstre aux yeux bleus |
Oui cette terre est belle malgré son apparente sévérité...
Si le coeur vous en dit et le temps vous le permet, faites juste un petit crochet de 15 km à partir de l' A75 près de Clermont l' Hérault et vous serez au Paradis.
Comme à mon sens, le Paradis a aussi sa banlieue, un petit tour au Cirque de Mourèze tout proche, magnifique chaos calcaire très tourmenté s'impose , avec le village de Mourèze en son coeur.
Je ne vous parlerai ni des vins ni des restaurants ....la découverte a ses charmes.
Cirque de Mourèze |
Merci Lison, je suis très touché... Je n'ai connu cette région "sauvage" que deux fois : avant et en 1981. J'avoue que je regrettais un peu la période antérieure, mais je vais relire plusieurs fois ton texte. Je t'envoie deux photos de mes "amours" sur le barrage du Salagou.
RépondreSupprimerJe comprends que ce lieu te séduise.
RépondreSupprimerJ'ai pris le temps de lire et je t'ai suivi avec plaisir.
Je pense que j'aurais été comme Lison mais, derrière l'écran ça va !-o)
Joli petit village épargné. Et puis cette terre rouge qui ressemble tant à l'Estérel.
Toutes les photos sont belles et ton texte nous en apprend beaucoup.
Gros bisous Lison.
Câlins à la Tribu du Sujet.