J'ai la tête dans les étoiles : je vais au Canigou, enfin !
Je me mets en route à 6h50, le parking est désert, mon chemin aussi. J'ai l'habitude.
Je sais l'approche très longue , jusqu'à la cabane Arago, mais régulière et belle, en forêt, en suivant de près ou de loin le Cady bondissant et ses affluents allègres. Le printemps n'est pas éteint et resplendit de toutes ses couleurs; j'avais fait le chemin avec Camille, il m'avait présenté les fleurs comme si elles fussent ses Demoiselles d' Honneur.
Cette randonnée là m'avait laissé de beaux et douloureux souvenirs, j(étais blessée aux côtes, sanglée comme un paquet et respirer était une corvée...pratique, en montagne !) Ce matin c'est encore chemin de douleur, la jambe proteste de l'inconfort de la nuit. Un petit soin et c'est oublié.
La cabane de l' Arago petit refuge de 4 places , à mi chemin, était en ruines: la voilà quasi achevée et, comble du luxe, dotée d'un joli poêle de céramique. C'est ici que se prend un peu de repos, à l'ombre des derniers arbres, près de la source, ici que se trouve un carrefour de sentiers , ici que commencent les choses sérieuses.
La "vraie" montée débute sur cette lande rase de genêts et pelouse; avec Camille nous étions partis pour une "rando un peu folle" (clic) cette fois c'est seule vers le Canigou. Je marche seule un grand moment et ne vois toujours pas le sommet, caché ...ah il se mérite celui là !
Soudain au détour d'un vallon il apparaît, revêtu de roche , habillé de murailles, coiffé d'une croix, chaussé d'éboulis dans lesquels se devine un sentier peuplé de "chèvres colorées " : les humains.
Je me retourne souvent pour regarder le paysage traversé, le sentier parcouru, scruter la roche à la recherche d'isards qui depuis longtemps sont allés ailleurs, fuyant cette marée humaine.
Cela grimpe et glisse mais c'est grandiose ; le panorama est très réduit mais le dessert est convoité : la cheminée.
L'arrivée à la cheminée est très longue. la chaleur n'est pas insoutenable alors qu'en bas c'est canicule mais enfin, ce désert de pierre n'a rien de rafraîchissant. boire est indispensable et cette source au milieu du roc ressemble à un mirage !
Presque aussi surprenante est la flore dans ce désert; elle met une touche de couleur comme de petites taches au bout d'un pinceau.
Petites fleurs au ras du sol rouges , jaunes , mauves, comme saupoudrées avec parcimonie sur l'ocre et le blanc de la roche.
Oh quand on marche sur ces pentes on a le temps de tout voir!
Mais aussi celui, préférable, d'éviter la chute .
Enfin j'arrive à la brèche Durier. 2696m
Etonnante histoire : Charles Durier (1830:1899), alpiniste et écrivain, Président du CAF décide de rendre accessible le sommet du Canigou sur une de ses faces en ouvrant une brèche déjà existante naturellement mais impraticable à sa sortie.
Le 18 Août 1896, à coup de dynamite récemment inventée, le sommet de la brèche est ouvert rendant ce chemin possible à l'alpinisme. La Brèche Durier est un haut lieu d'escalade hivernale aujourd'hui encore bien que le Canigou soit accessible sans problème par la cheminée, passage naturel. un à pic de 300m au dessus du cirque glaciaire
Je me contente de jeter un regard gourmand sur cette brèche haute de 300 m .
La brèche début 20 eme siècle |
Les bâtons regagnent sagement le sac, on a besoin des mains ici !
C'est un joyeux pêle mêle, sans difficulté aucune (du moins pour ces grappes humaines)
88 m de haut et de véritables marches naturelles dans ces strates de schistes.
Les croisements sont périlleux et la prudence de rigueur. Le seul danger peut venir de pierres détachées. Aujourd'hui c'est beau fixe. La présence d'humains me rassure mais je me hisse avec aisance.
Vers le bas |
Les témoins immobiles du défilé humain n'ont pas changé depuis un siècle, il serait effarant qu'ils nous tombent sur la tête, même s'ils courbent un peu l'échine.
Totems de pierre dans un univers de crêtes déchiquetées que certains alpinistes se plaisent à "visiter" je pense.
Enfin , au bout de près de 5 heures de "route" j'aborde aux rivages convoités : les 2784 m du sommet du Canigou.
"Le restaurant"de plein air affiche complet : mes deux précédents voyages ici (par l'autre face) furent aussi surpeuplés. Forte densité au m2 d'une population gaie, bruyante, voire trop exubérante. Savourer le sommet n'est pas au menu estival. Une des surprises sera la température ; 23 ° au sommet et à l'ombre (des rocs). A 2784 m cela a de quoi surprendre ...
Les anciens découvraient ceci en arrivant; la croix a supplanté l'abri après la 2nde Guerre Mondiale
Je quitte le sommet vers des cieux plus tranquilles à mes oreilles. L'éperon et sa grappe humaine s'éloignent ainsi que les cris stridents de cette adolescente victime d'ivresse des montagnes sans doute : elle beugle et rugit (des âneries) sans retenue, toute à sa joie !
Séquence casse croûte et contemplation :
Le point de vue porte fort loin par temps sec; hélas (pour les connaisseurs) cela s'arrête aujourd'hui au barrage de Vinça cause brume...Je ne verrai pas ma maison ???!!!
Le sommet |
Cerclé de rouge, le Chalet des Cortalets : 2150 m |
Aujourd'hui |
Hier |
Le cirque glaciaire du Canigou
Les reliefs Pyrénéens
Et celui ci ne supportant sans doute pas que le Canigou ait perdu 1 mètre avec les mesures modernes ! Et cherchant donc à le récupérer.
Le randonneur solitaire avec qui j'ai partagé la montée, le coin de restaurant sous le sommet et la descente dans la cheminée
Le retour s'impose : mon "voisin de table " m'a annoncé : 23.2 km de randonnée . Le calcul est simple il m'en reste 11.6 à faire ...le plus dur n'étant pas de descendre en bas là bas à 2300m
Ni même de redescendre la cheminée : pour tout dire ...je me régale...je referais bien le trajet encore une fois !
Ni encore de redescendre ce somptueux et élégant sentier.
Un dernier regard vers la muraille sur laquelle
danse une marionnette humaine (j'en fus une, nostalgie déjà)....
Xavier et Ricky dans la cheminée |
A ce moment là je ne savais pas encore que 8 jours plus tard, Xavier et Ricky , son Bichon Havanais, graviraient la cheminée et que Ricky ferait l'admiration de tous, montant et descendant seul ! Bravo Ricky !
Tant de racines... |
Marcher, marcher, la tête dans les nuages mais attentive aux pieds fatigués : ça glisse autrement que le verglas.
Retour en solitaire sur un chemin déserté ...où sont ils donc passés ? Beaucoup ne se hasardent pas à descendre la cheminée et font une grande boucle.
Croiser la route de l' arnica des montagnes qui m'attend sagement depuis le matin...Une petite récolte s'impose, parcimonieuse car c'est une denrée rare.
Frémir de peur un instant car l'orage s'annonce, gronde, s'égoutte juste un peu et s'enfuit au grand galop...Il n'avait pas le droit de gâcher ma fête et de me conforter dans ma peur du Canigou.
Arnica Montana |
Et enfin, retrouver le vieux Land Rover bien frais cette fois , dispos pour les 65 km de route (dont 3.5 km de piste) .
C'est promis, je reviendrai et vite....
Pas si vite, hélas...une vilaine blessure au pied , depuis, me prive de montagne ...
et pour un temps trop long....
En chiffres
Distance : 23.2 km
Dénivelé : 1300 m
temps de marche : environ 9 heures
Je suis impressionnée par le nombre de km de randonnée .
RépondreSupprimerMaintenant soigne toi bien,
Bisous
La vieillesse s'installe, Laurence !!! En fait je marche beaucoup pieds nus et j'ai cogné mon doigt de pied; sans doute une fêlure.... Bisous
SupprimerMerci Lison pour La Balade :)
RépondreSupprimerBonjour Claudie ! et merci pour la visite...
SupprimerJe viens de regarder les deux billets, je t'ai suivie en lisant ta randonnée.
RépondreSupprimerOuf, je suis fatiguée rien qu'en lisant.
Mais toujours de très belles, photos, du sourire et de l'émotion aussi avec ta photo de Camille.
Et quand je vois, les km et les heures de marche, je te dis bravo et j'espère que ton pied va vite se rétablir.
Gros bisous Lison.
Gros câlins à la Tribu du Sujet.
Ps : Bravo à Ricky !
merci Mireille pour ta fidélité. je crois que j'aurai le temps de visiter les blogs délaissés pour cause de trop d'activités. Me voilà réduite au minimum vital, je ne sais ce que j'ai mais je sais que je ne peux plus rien faire : ni travailler ni marcher, juste souffrir de plus en plus: j'enrage !Bisous. La Tribu y gagne en présence humaine !!!
SupprimerAie, il est cassé alors ? Il faut juste de la patience.....
SupprimerBon courage
Bravo pour ce beau récit et cette belle ascension. Il y a longtemps que ce sommet te tendait les bras et que tu le boudais. A présent tu commences à en apprécier sa chaleur (pas celle du soleil mais du cœur). L'automne nous rendra notre Canigou quand tous ces touristes auront laissé la place au silence des cimes.
RépondreSupprimerBoudé car redouté...mais je devais le gravir à l'automne passé je le gravirai à l'automne futur. Dans le silence des montagnes et le calme retrouvés.
SupprimerEspérons que tu vas vite guérir pour pouvoir repartir vers ces sommets qui t'attirent tant. Mais la tribu est sûrement contente d'avoir leur "deux pattes" à disposition. Bon courage et merci pour le reportage.
RépondreSupprimerOuais ce sera long, fracture d'un doigt....je souffre mais je suis surtout triste...et la Tribu n'a plus qu'une patte trois quart à disposition...bisous
SupprimerMerci pour ces belles photos et tous ces commentaires. Au mois de septembre je passe au pieds de Monsieur Canigou pour mes vacances à Rosas !!!!! Impatience !!!!
RépondreSupprimerGros bisous - Chantaloup
J'espère que ton pied va vite guérir pour que tu puisses reprendre tes superbes ascensions que tu relates avec enthousiasme et détails .J' ai lu tes deux reportages ,c'est magnifique !
RépondreSupprimerBelle soirée, bises Lison
Une recherche google sur la petite croix dans la cheminée, la brèche de durier et le canigõ me fait aboutir sur ton blog, il sera donc, avec les randonnées que tu as faites récemment, facile pour toi. Je vois finalement que c'est un rituel de monter sur la croix moi je pensais que c'était un manque de respect je n'ai vraiment pas la même vision des choses. Bises Chris
RépondreSupprimerAh oui, apparemment c'est un rituel qu'on ne voit nulle part ailleurs; il en est un de pire, c'est de scier la croix, spécialité du Carlit; perso je n'apprécie pas cette grimpe supplémentaire mais la bêtise humaine n'a point de limites fut elle en hauteur et en altitude. J'avais envie de monter là haut ce wE mais la chaleur d'en bas, bien que j'ai réduit mes activités m'a un peu éprouvée. Chose bizarre, j'ai envie de MER ! Bisounettes
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