samedi 18 juillet 2015

Mon ascension du Canigou (2ème partie)

Ce matin du 7 juillet, je me lève avec une pêche d'enfer que je compte bien emmener jusqu'au sommet et dans la foulée -pourquoi pas ? - ramener. Je n'ai pas très bien dormi dans le Land Rover à cause de la dureté du sol et j'ai pu voir le ciel étoilé. Au matin il y a un léger voile mais espérons qu'il s'évanouira.
 J'ai la tête dans les étoiles : je vais au Canigou, enfin !

Je me mets en route à 6h50, le parking est désert, mon chemin aussi. J'ai l'habitude.



20 mn plus tard je suis au refuge, animé, bruyant, tonitruant ; n'en doutons pas le sentier sera peuplé !

Je sais l'approche très longue , jusqu'à la cabane Arago, mais régulière et belle, en forêt, en suivant de près ou de loin le Cady bondissant et ses affluents allègres. Le printemps n'est pas éteint et resplendit de toutes ses couleurs; j'avais fait le chemin avec Camille, il m'avait présenté les fleurs comme si elles fussent ses Demoiselles d' Honneur.







 Cette randonnée là m'avait laissé de beaux et douloureux souvenirs, j(étais blessée aux côtes, sanglée comme un paquet et respirer était une corvée...pratique, en montagne !) Ce matin c'est encore chemin de douleur, la jambe proteste de l'inconfort de la nuit. Un petit soin et c'est oublié.







Le sentier est très fréquenté : un groupe de français, un de catalans et enfin un "troupeau" de basques espagnols, agiles, diserts et parlant cette langue inconnue. Je chemine tantôt avec les uns, avec les autres, tantôt seule. J'adore marcher seule mais je m'aperçois que marcher avec un groupe est bien plus reposant: le rythme est plus soutenu mais surtout plus régulier.
La cabane de l' Arago petit refuge de 4 places , à mi chemin, était en ruines: la voilà quasi achevée et, comble du luxe, dotée d'un joli poêle de céramique. C'est ici que se prend un peu de repos, à l'ombre des derniers arbres, près de la source, ici que se trouve un carrefour de sentiers , ici que commencent les choses sérieuses.





Le poêle en céramique 

















La "vraie" montée débute sur cette lande rase de genêts et pelouse; avec Camille nous étions partis pour une "rando un peu folle" (clic) cette fois c'est seule vers le Canigou. Je marche seule un grand moment et ne vois toujours pas le sommet, caché ...ah il se mérite celui là !


Soudain au détour d'un vallon il apparaît, revêtu de roche , habillé de murailles, coiffé d'une croix, chaussé d'éboulis dans lesquels se devine un sentier peuplé de "chèvres colorées " : les humains.






J'ai hâte mais j'ai passé la vitesse inférieure, bientôt ce sera crabotage.
Je me retourne souvent pour regarder le paysage traversé, le sentier parcouru, scruter la roche à la recherche d'isards qui depuis longtemps sont allés ailleurs, fuyant cette marée humaine.






Cela grimpe et glisse mais c'est grandiose ; le panorama est très réduit mais le dessert est convoité : la cheminée.





L'arrivée à la cheminée est très longue. la chaleur n'est pas insoutenable alors qu'en bas c'est canicule mais enfin, ce désert de pierre n'a rien de rafraîchissant. boire est indispensable et cette source au milieu du roc ressemble à un mirage !

Presque aussi surprenante est la flore dans ce désert; elle met une touche de couleur comme de petites taches au bout d'un pinceau.



Petites fleurs au ras du sol rouges , jaunes , mauves, comme saupoudrées avec parcimonie sur l'ocre et le blanc de la roche.

Oh quand on marche sur ces pentes on a le temps de tout voir!
Mais aussi celui, préférable,  d'éviter la chute .


Enfin j'arrive à la brèche Durier. 2696m
Etonnante histoire : Charles Durier (1830:1899), alpiniste et écrivain, Président du CAF décide de rendre accessible le sommet du Canigou sur une de ses faces en ouvrant une brèche déjà existante naturellement mais impraticable à sa sortie.
Le 18 Août 1896, à coup de dynamite récemment inventée, le sommet de la brèche est ouvert rendant ce chemin possible à l'alpinisme. La Brèche Durier est un haut lieu d'escalade hivernale aujourd'hui encore bien que le Canigou soit accessible  sans problème  par la cheminée, passage naturel. un à pic de 300m au dessus du cirque glaciaire

Je me contente de jeter un regard gourmand sur cette brèche haute de 300 m .

La brèche début 20 eme siècle


J'arrive enfin au moment tant attendu : la cheminée.
Les bâtons regagnent sagement le sac, on a besoin des mains ici !




C'est un joyeux pêle mêle, sans difficulté aucune (du moins pour ces grappes humaines)
88 m de haut et de véritables marches naturelles dans ces strates de schistes.


 Les croisements sont périlleux et la prudence de rigueur. Le seul danger peut venir de pierres détachées. Aujourd'hui c'est beau fixe. La présence d'humains me rassure mais je me hisse avec aisance.


Vers le bas


























Les témoins immobiles du défilé humain n'ont pas changé depuis un siècle, il serait effarant qu'ils nous tombent sur la tête, même s'ils courbent un peu l'échine.
















Totems de pierre dans un univers de crêtes déchiquetées que certains alpinistes se plaisent à "visiter" je pense.









Enfin , au bout de près de 5 heures de "route" j'aborde aux rivages convoités : les 2784 m du sommet du Canigou.

"Le restaurant"de plein air affiche complet : mes deux précédents voyages ici (par l'autre face) furent aussi surpeuplés. Forte densité au m2 d'une population gaie, bruyante, voire trop exubérante. Savourer le sommet n'est pas au menu estival. Une des surprises sera la température ; 23 ° au sommet et à l'ombre (des rocs). A 2784 m cela a de quoi surprendre ...

 Les anciens découvraient ceci en arrivant; la croix a supplanté l'abri après la 2nde Guerre Mondiale



Je quitte le sommet vers des cieux plus tranquilles à mes oreilles. L'éperon et sa grappe humaine s'éloignent ainsi que les cris stridents de cette adolescente victime d'ivresse des montagnes sans doute : elle beugle et rugit (des âneries) sans retenue, toute à sa joie !
Séquence casse croûte et contemplation :
Le point de vue porte fort loin par temps sec; hélas  (pour les connaisseurs) cela s'arrête aujourd'hui au barrage de Vinça cause brume...Je ne verrai pas ma maison ???!!!

Le sommet
Cerclé de rouge, le Chalet des Cortalets : 2150 m
Aujourd'hui
  Le chalet des Cortalets est un des plus anciens refuges de France ; inauguré en 1899, la route qui devait y conduire vit le jour en 1903. En 1944 il fut brûlé pendant l'occupation puis reconstruit. C'est un haut lieu de l'Histoire de la montagne et de l' Histoire.

Hier 
Le cirque glaciaire du Canigou





 Les reliefs Pyrénéens



 Les bacheliers en liesse !


Et celui ci ne supportant sans doute pas que le Canigou ait perdu 1 mètre  avec les mesures modernes  ! Et cherchant donc à le récupérer.
Le randonneur solitaire avec qui j'ai partagé la montée, le coin de restaurant sous le sommet et la descente dans la cheminée



Le retour s'impose : mon "voisin de table " m'a annoncé : 23.2 km de randonnée . Le calcul est simple il m'en reste 11.6 à faire ...le plus dur n'étant pas de descendre en bas là bas à 2300m
Ni même de redescendre la cheminée : pour tout dire ...je me régale...je referais bien le trajet encore une fois !

Ni encore de redescendre ce somptueux et élégant sentier.


Non le plus dur sera assurément la longue route vers le parking, sans grande déclivité , juste de celles qui n'en finissent jamais et qui usent les jambes.





Un dernier regard vers la muraille sur laquelle
 danse une marionnette humaine (j'en fus une, nostalgie déjà)....

Xavier et Ricky dans la cheminée




A ce moment là je ne savais pas encore que 8 jours plus tard, Xavier et Ricky , son Bichon Havanais, graviraient la cheminée et que Ricky ferait l'admiration de tous, montant et descendant seul ! Bravo Ricky !
Tant de racines...

 Marcher, marcher, la tête dans les nuages mais attentive aux pieds fatigués : ça glisse autrement que le verglas.



Retour en solitaire sur un chemin déserté ...où sont ils donc passés ? Beaucoup ne se hasardent pas à descendre la cheminée et font une grande boucle.

Croiser la route de l' arnica des montagnes qui m'attend sagement depuis le matin...Une petite récolte s'impose, parcimonieuse car c'est une denrée rare.

Frémir de peur un instant car l'orage s'annonce, gronde, s'égoutte juste un peu et s'enfuit au grand galop...Il n'avait pas le droit de gâcher ma fête et de me conforter dans ma peur  du Canigou.
Arnica Montana


 Et enfin, retrouver le vieux Land Rover bien frais cette fois , dispos pour les 65 km de route  (dont 3.5 km de piste) .



C'est promis, je reviendrai et vite....

Pas si vite, hélas...une vilaine blessure au pied , depuis, me prive de montagne ...
et pour un temps trop long....

En chiffres
Distance : 23.2 km
Dénivelé : 1300 m
temps de marche : environ 9 heures

15 commentaires:

  1. Je suis impressionnée par le nombre de km de randonnée .
    Maintenant soigne toi bien,
    Bisous

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    1. La vieillesse s'installe, Laurence !!! En fait je marche beaucoup pieds nus et j'ai cogné mon doigt de pied; sans doute une fêlure.... Bisous

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  2. Je viens de regarder les deux billets, je t'ai suivie en lisant ta randonnée.
    Ouf, je suis fatiguée rien qu'en lisant.
    Mais toujours de très belles, photos, du sourire et de l'émotion aussi avec ta photo de Camille.
    Et quand je vois, les km et les heures de marche, je te dis bravo et j'espère que ton pied va vite se rétablir.
    Gros bisous Lison.
    Gros câlins à la Tribu du Sujet.
    Ps : Bravo à Ricky !

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    1. merci Mireille pour ta fidélité. je crois que j'aurai le temps de visiter les blogs délaissés pour cause de trop d'activités. Me voilà réduite au minimum vital, je ne sais ce que j'ai mais je sais que je ne peux plus rien faire : ni travailler ni marcher, juste souffrir de plus en plus: j'enrage !Bisous. La Tribu y gagne en présence humaine !!!

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    2. Aie, il est cassé alors ? Il faut juste de la patience.....
      Bon courage

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  3. Bravo pour ce beau récit et cette belle ascension. Il y a longtemps que ce sommet te tendait les bras et que tu le boudais. A présent tu commences à en apprécier sa chaleur (pas celle du soleil mais du cœur). L'automne nous rendra notre Canigou quand tous ces touristes auront laissé la place au silence des cimes.

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    1. Boudé car redouté...mais je devais le gravir à l'automne passé je le gravirai à l'automne futur. Dans le silence des montagnes et le calme retrouvés.

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  4. Espérons que tu vas vite guérir pour pouvoir repartir vers ces sommets qui t'attirent tant. Mais la tribu est sûrement contente d'avoir leur "deux pattes" à disposition. Bon courage et merci pour le reportage.

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    1. Ouais ce sera long, fracture d'un doigt....je souffre mais je suis surtout triste...et la Tribu n'a plus qu'une patte trois quart à disposition...bisous

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  5. Merci pour ces belles photos et tous ces commentaires. Au mois de septembre je passe au pieds de Monsieur Canigou pour mes vacances à Rosas !!!!! Impatience !!!!

    Gros bisous - Chantaloup

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  6. J'espère que ton pied va vite guérir pour que tu puisses reprendre tes superbes ascensions que tu relates avec enthousiasme et détails .J' ai lu tes deux reportages ,c'est magnifique !
    Belle soirée, bises Lison

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  7. Une recherche google sur la petite croix dans la cheminée, la brèche de durier et le canigõ me fait aboutir sur ton blog, il sera donc, avec les randonnées que tu as faites récemment, facile pour toi. Je vois finalement que c'est un rituel de monter sur la croix moi je pensais que c'était un manque de respect je n'ai vraiment pas la même vision des choses. Bises Chris

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    1. Ah oui, apparemment c'est un rituel qu'on ne voit nulle part ailleurs; il en est un de pire, c'est de scier la croix, spécialité du Carlit; perso je n'apprécie pas cette grimpe supplémentaire mais la bêtise humaine n'a point de limites fut elle en hauteur et en altitude. J'avais envie de monter là haut ce wE mais la chaleur d'en bas, bien que j'ai réduit mes activités m'a un peu éprouvée. Chose bizarre, j'ai envie de MER ! Bisounettes

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