samedi 20 août 2016

Trois filles pour deux Comalesbianas : 3014 m

 
Punta Alta de Comalesbianas : 3014 m
Préambule.

Sous ce nom amusant se cachent deux sommets dans une région où les pics ont pour nom Comaloforno, Comalesbianas, Coma Lespada, Coma las Torres, Comaltes. Pics, ruisseaux , lacs etc…Un même préfixe.
Situation géographique


Cette région d’ Espagne, située aux confins de Catalogne et Aragon, en dessous du Val d’Aran, se trouve à l’aplomb de la limite des départements français d’ Ariège et Haute Garonne.
En 2014, j’y étais allée pour tenter de gravir un des Besiberri à plus de 3000m, « rendez vous manqué.(clic)
                       





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Ce 13 août, à 6 h du matin, c’est branle bas de combat sur le parking au pied du barrage. Les nombreux fourgons ouvrent leurs portes et chacun se prépare en silence quand soudain un chien aboie et le parking devient un immense aboiement que des maîtres furibonds essaient de calmer ! Séquence désopilante.

Je pars à 7 h, à l’opposé des autres, vers une destination moins courue : les étangs de Comalesbianas et pourquoi pas ? Plus haut ? En reconnaissance seulement…alors que tout cet hiver je caresse le projet des 3014 m de la Punta Alta. Une reconnaissance aérienne sur Visor et une lecture de blogs m’ont calmée, ce ne sont que des blocs avec un passage délicat.

Je commence par un solide couloir de grimpe à 48 ° : sur 340 m de long on passe de 1800m à 2075 m. En une demi heure.

La pente 











Une rapide mise en jambes s’il en est qui se termine par une petite paroi de roche ; je rejoins deux randonneurs qui montent à peine un peu moins vite que moi, ce sont deux filles espagnoles à qui j’évite une erreur de parcours et c’est reparti pour une très raide montée d’abord en sous bois, puis le long du torrent de Comalesbianas et enfin à découvert, tantôt dans les éboulis, tantôt dans l’herbe reposante ce qui est appréciable.


Ombre portée sur la montagne en face

Le torrent de Comalesbianas

Chemin de pierre

Maria José et Laura

Comaloforno  et Besiberri plus de 3000 m
nos voisins d'en face...-))

Avec les filles, Laura et Maria José, nous cheminons tantôt ensemble tantôt séparément jusqu’à l’étang de Comalesbianas, 2621 m. Un petit casse croûte, on se concerte et elles acceptent que je monte avec elles. Maria José est déjà venue, elle m’évite une erreur car je ne situais pas bien la Punta Alta. Car c’est décidé : on y va.

En 2014 je m'étais arrêtée là; glacée et dans la brume
Etangs de Comalesbianas 2621 m


La Punta Alta c'est là haut !

Elle est tout là haut, au dessus de nous et si je ne la croyais pas là c’est qu’elle fait le dos rond alors que plus à droite, un fier éperon, le Crestell de Colieto, 2921 m (comme le Carlit) paraît bien plus haut justement parce qu’il est fièrement pointu. La montagne c’est souvent cela : de trompeuses illusions mais jamais de trompeuses espérances. Les espérances vont souvent au delà de nos rêves….La montagne est incroyablement sèche cette année : peu d'eau, peu de fleurs, des terres arides, c'est brûlé. De sécheresse.

Chemin de pierre où l'on cherche les cairns

Parfois chemin d'herbe attirant comme si on devait brouter !

Aujourd’hui je gagne un bon point : je gère à la perfection ma nutrition et donc ma glycémie et ma fatigue. Je suis en pleine forme, à peine le souffle court. Mon expérience passée  me montre encore une fois que marcher avec quelqu’un est plus reposant pour moi, mon rythme est peut être plus soutenu, en tout cas plus régulier. Maria José est en tête et repère « las fitas », les cairns : même pas le souci de chercher le chemin ! 



Fenêtre ouverte en crêtes voisines

Un mur 

Trop simple à mon goût de suivre tranquillement. Finalement, ces fitas étant peu visibles dans cet univers décoloré, je l’aide. Il me faut agir, j'ai l'habitude d'être active.

On monte régulièrement et fortement : la pente est à 44° sur 400m, un vrai couloir rendu glissant par les éboulis granitiques. 











Le temps est étincelant et les étangs qui s’amenuisent nous font souvent retourner comme s’ils devaient nous échapper ! Maria José y a des  heureux souvenirs de bivouac.

 Ces jeunes femmes qui pourraient amplement être mes filles sont d’agréables compagnes, je remercie « le ciel » nommé « hasard » qui les  a mises sur ma route.









Etangs de Comalesbianas

Crestell de Colieto 2921 m (au fond à gauche)

Nous voici au col. Il fait chaud et l’on boit beaucoup, faut dire que l’effort est intense !
On n'arrête pas de grimper du tout droit : pour preuve, nous avons parcouru 4 km et presque 1300 m de dénivelé! Sous un ciel cobalt, un soleil de feu, et dans l'absence de tout humain ou animal. Seule là au milieu ? Bien sûr je m'y serais vue ; un peu moins détendue...
Du col, la vue est splendide, je bave déjà d’envie devant ce couloir qui plonge sur l’autre versant et l’estany Nègre !

Au col : 2972 m : l'ouverture sur le couloir 


En attendant, Maria José essaie les crêtes et s’arrête, il lui semble impossible de continuer. 

Tout ce que j'aime ...


Alors je m’élance et en quelques exercices un peu acrobatiques, je me retrouve absolument seule tout en haut , j’en ai les larmes aux yeux d'émotion ! Un cairn de blocs pâles, une plate forme arrondie comme la poupe d’un navire, et le grand vide devant, à droite, à gauche… instant inexprimable….

3014 en 2016
J’appelle les filles qui déjà ont entamé ma voie et l’on se retrouve heureuses au milieu de la mer. Une mer de vide, de roches, de sommets, de lacs, un océan de joie. D’autant que je n’étais pas partie avec l’idée d’y arriver.

On a toutes les mêmes gestes !

On savoure le paysage à 360 ° avec émotion.

Le Montardo 2834 m et les Etangs de Monges et Mangades

Au sommet 

Massif de la Maladeta et Pic d' Aneto 3404 m

Etangs de Comalesbianas où l'on va retourner
Barrage de Cavallers ...en 2 yeux  liquides

Qu’eussé je fait toute seule ? Je me suis posé la question et je pense que j’y serais arrivée. J’aurais essayé d’escalader en gardant l’idée de la faculté à redescendre et j’y serais arrivée. Sans nul doute.
Mais je ne cache pas que le fait de n’être pas seule change la vie. Plus en confiance, plus rassurée, moins fatiguée.
Balade en crêtes
Le couloir vu d'en bas : quel parcours !!
On redescend au petit col et chacune sur son roc, c’est pause casse croûte. C’est là que vont se séparer nos chemins. Les filles doivent rentrer sur Tarragona, une longue route. La descente par le couloir qui tente aussi Maria José s’avère trop aléatoire, un couple danseur des cimes nous le confirme et on aura bien fait !


 Quand je le verrai d’en bas, plus tard, avec son goulet rocheux étranglé et serti d’un névé…brrr…



Je prends donc seule le « chemin » du Pic de Comalesbianas, tout à côté, 2993 m. 

Pic de Comalesbianas 2993 m où je vais aller : habité par 2 marcheurs

Qui dit chemin dit plus compliqué que pour la Punta. Car celui-ci est un vrai mur rocheux qui demande de l’escalade plus difficile . Saurais je redescendre au cas où ? Difficilement, là il faut trouver des prises pour les pieds.  Mais je sais qu’il y a un sentier de l’autre côté.
 Et puis ne suis je pas attendue ?-)) je pourrais toujours lui chanter : "Envole moi....envole moi..."

Je suis attendue au sommet !

Rares tapis de mousse dans cet univers minéral

Du sommet, désert, le point de vue est presque le même, juste un peu décalé. Je ne m’attarde guère, j’espère revoir les deux filles qui ont choisi la pente glissante de la montée. 

Univers lunaire avec eau

Barrage de Cavallers 1100m en dessous

 Effectivement ce sera plus facile pour moi, même si aussi raide : c’est un vrai sentier avec les acrobaties qu’il m’impose. Et qui me plaisent dans la plus parfaite solitude.



En montagne j’ai un double handicap : un surpoids de quelques kilos et surtout ma petite taille qui compromet mes enjambées et me demande plus de pas ou plus d’efforts au franchissement ou escalade.
Je descends mon sentier j’ai l’impression de danser entre terre, sables  et roches. Je croise deux marcheurs suant et soufflant : c’est que là haut il ne fait pas froid! J’ai un joli décor sous les yeux, du bonheur, ma solitude tant aimée et envie de me baigner.

Etang de Comalesbianas

Pourtant je manquerai le lac. Je quitte le sentier pour m’en rapprocher, mais les barres rocheuses sont malaisées je cherche les passages et finalement le lac me demanderait encore un détour.  Ce sera la douche chaude à l’arrivée au lieu du bain glacé.
Juste en bas, je retrouve les filles ; nos routes vont immédiatement diverger et j’entreprends seule le retour.
Un difficile retour : il y a le terrain glissant près du torrent qui me vaudra deux plongeons sur terre, et puis mon pied !
Ce pied qui déjà au col m’interdisait tout pas en avant alors qu’il me manquait l’escalade et le retour.
Ce pied qui me brûle, semble se durcir, se dessécher, devenir du bois et dont aujourd’hui je connais la pathologie. Une petite opération me permettra de repartir. D’un bon pied !



En attendant j'avale seule le grand dénivelé avec ce pied qui rend ma marche hésitante et peu sûre. Je constate avec déception ma régression depuis 2014. Donc depuis, j'ai pris l'affaire en main!

Pour l'heure la descente est un calvaire et je m'accroche en serrant les dents !Je les desserre quand même de temps en temps  pour ces offrandes de la montagne :-))

Sans légende !












Et J'atteins mon perchoir, au pied du barrage de Cavallers où j'ai fini par me sentir si bien alors que c'est d'un sinistre !!!

Au terme de :
dénivelé :1321 m
distance AR :8 km


Cavallers
Au pied du barrage, sur la Noguera de Tor: le parking

Aux filles..
A ustedes, Maria José y Laura muchas gracias para este paseito juntas entre piedra y cielo....


A tous...pardon pour la longueur....






17 commentaires:

  1. La longueur??? je ne m'en suis pas aperçue tant j'étais captivée par ton récit . Ton ascension tout d'abord avec de belles photos pierres lacs et montagnes lunaires et ensuite le sommet, quelle joie !!! Paysages époustouflants que j'ai savourés, les pics la neige waouh!!!. une belle rencontre que ses 2 jeunes filles souriantes , de bonne compagnie . la descente je souffrais avec toi et ce tapis de mousse avec ces fleurs si belles et insolites en ce lieu désert et de rocaille ... Merci , je me suis bien évadée ...bonne nuit bises et pleins de caresses à tes minous ..

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    1. Ce fut une rando vivante et exceptionnelle, et j'ai gardé un récit vivant pour en témoigner. Et puis avec le récit, je le revis. je n'ai même pas besoin de lire mes notes de voyage. Bisous de nous 7 + Icare le Vagabond

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  2. Cc ... La longueur, quelle longueur ... 2 fois plus long, j'aurais savouré de la même façon !!!
    Quelle merveilleuse escapade ... mais peut-on encore appeler cette montée et cette descente, une escapade ???
    Les photos sont magnifiques ... quelle vue ... sublime.
    Merci de me faire rêver :)
    Beau dimanche, Bisous et Câlins aux Félins (une pensée pour Lison...)

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  3. Oups ... Une sympathique rencontre avec ces 2 demoiselles espagnoles ... rencontre comme seule la montagne le permet !!!

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    1. Oui c'est vrai et la chance de parler leur langue. j'ai essayé de condenser : un blog est un exercice permanent de condensation pour moi mais faut aussi laisser passer les émotions. Oui une escapade même si elle est à la verticale c'en est une; j'attends déjà la prochaine avec impatience, ce sera cette semaine et pas loin mais ardu...j'ai pris des ailes faut pas attendre qu'elles se rognent! Bisous bisous

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  4. Il faut savoir varier les plaisirs. Ceux que procurent une solitude voulue et savourée et ceux qui viennent des rencontres agréables et des partages :-)

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    1. Tout à fait ça et j'ai apprécié. Ma solitude en montagne n'est pas toujours voulue, j'aimerais avoir parfois un(e) partenaire pour mes "délires" aériens, pas facile à rencontrer au vu de mon âge et de mes aspirations parfois en décalage. -))

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  5. Amédine Époustouflante L Ascencion Vous pourriez prétendre à L inscription au Livre des records :) Il ne doit pas Y avoir beaucoup de Femmes comme Vous qui crapahutent avec autant d aisance sur Les Sommets de Nos Belles Montagnes :) Il en faut Une C est Vous :) Le Bonjour à Maria José à Laura Calinous aux Minous Bisous à Vous Pensées pour Lison :)

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    1. Livre record des seniors hihi...Il doit y avoir des femmes qui crapahutent mieux que moi mais je ne les rencontre jamais hélas. J'aimerais bien parfois mais puisque non et bien j'y vais toute seule. Bisous Claudie et continuez à me suivre tout là haut

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  6. Je lis , je savoure , non non ce n'est pas trop long, un texte savoureux , de belles photos , on en a jamais assez ! Je me fais un peu l'effet d'une voyeuse , car moi par contre qui attend vos billets avec impatience , je ne sais jamais trop que dire pour exprimer mon sentiment .
    Je vais retrouver cette semaine nos belles Pyrénées , chouette ! Et j'espère y faire de nouvelles randonnées. Bonjour amical et caresses à toute la famille de chats ! Moi aussi j'ai un tigré tout mignon qui vient se balader avec ma chienne et moi !

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  7. Ce sont des personnes comme vous, qui m'attendent, qui me motivent aussi: partager. Vivre l'évènement est fabuleux, le faire partager, c'est le revivre, en mieux parfois car on ne garde que l'essentiel. La montée est parfois souffrance, oubliée dès qu'on est en haut. On est tout léger. C'est cette légèreté que j'aime communiquer. Bonnes vacances en Pyrénées

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  8. Qui parle de longueur, Amédine ? Tes récits sont tellement vivants et passionnants qu'on ne voit pas le temps passer en ta compagnie ! :-)
    Un immense plaisir encore de te lire. Merci ! :-)

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  9. Les superlatifs manquent pour dire combien c'est impressionnant ce que tu viens d'accomplir. Et quel récit ! Comme toujours d'ailleurs.
    Une question quand même, quel instrument as tu pour mesurer la pente tantôt à 48°, tantôt à 44° ? En général on dit 30 ou 45 ou 50, mais ta précision est surprenante.

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    1. J'ai trouvé la technique en marchant en montagne alors que je n'avais jamais réussi; et je me creusais la cervelle. Les + 3000 m'ayant éclairci les idées j'ai trouvé. Te le donnerai par mail. Grâce à géoportail ou Visor et courbes de niveau, triangle rectangle et rapporteur. Elémentaire mon cher Watson

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    2. Oui cela m’intéresse. Je sais qu'il existe des appareils pas cela fonctionne mieux sur de la neige où la pente est plus lisse.

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  10. Bonjour Lison:
    Toujours un récit captivant qui rend parfaitement compte des émotions et des beautés de ce massif granitique incomparable. Bravo aussi pour ton courage et ta persévérance!
    Il y a pas mal d'années, nous avions franchi le Comalesbienes avant la Punta Alta, pour revenir en boucle par l'Estany de la Roca et l'Estany Negre.
    Dans tous les cas, il faut en effet bien négocier le passage étroit entre les deux sommets et gérer l'effort qui est intense. Nous avions bien dormi le soir...
    Amitiés montagnardes.

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    1. Cher Lagrole, effectivement les topos disaient que passer du Pic à la Punta était compliqué et j'ai pu voir sur le terrain que c'était vrai, je l'ai fait en sens inverse, grimper est plus aisé que désescalader. Ces paysages minéraux et austères sont assez impressionnants, surtout en solo, mais je les aime plus que tout. Par contre après la Punta Alta, mes jambes ont tellement morflé que le MOntardo m'est passé sous le nez! J'ai réussi à force de volonté d'enfer à me traîner aux étangs de Tumeneia. Jamais de ma vie je n'ai souffert après un sommet comme ce jour là ! Amitiés montagnardes aussi.

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