samedi 23 septembre 2017

Le fleuve de glace

(Sur des images de Banyuls sur mer en 66, glanées au fil des jours)


Je suis un fleuve de glace, depuis 47 jours, en plein été et ce n'est pas l'été austral. 


Panorama de Banyuls en fin de journée

 Le fleuve de glace entame sa nouvelle saison, celle qui conduit vers l'hiver boréal  mais j'espère qu'avant l'hiver mon fleuve dégèlera. Il ne dégèlera pas d'un coup; comme tous les fleuves de glace il charriera des glaçons, de moins en moins gros, et puis, majestueux il reprendra son cours, son débit, sa couleur, celle étincelante de la vie.
47 jours c'est peu. 47 jours c'est long à être figé par la glace; sous la glace l'eau de mon fleuve prisonnière bouillonne et se heurte à la glace plus épaisse, jusqu'au fond parfois. Alors des craquements se font entendre, la nuit surtout...Heureusement il y a la lumière des étoiles et de la lune. Pas toujours...


Anse du Fontaulé



Je suis un poisson dans un bocal, rouge ou bleu peu importe, je suis un poisson qui frotte ses écailles et ses arêtes aux parois du bocal, qui heurte ses nageoires et les corrode au fil des jours,47 jours...Si peu quand on voit le chiffre, tellement quand on tourne en rond depuis tout ce temps. Pourtant mon bocal devient parfois un aquarium, je deviens alors poisson chat et je m'envole un instant hors de mon aquarium...le temps d'arriver jusqu'à la mer où l'on soigne quelques heures mes nageoires émoussées...
Puis je rentre dans mon aquarium, ou mon bocal...C'est selon...


Banyuls et le Cap Bear  enbfond

Banyuls sur mer (ou de la Marenda)


Je suis un oiseau en cage qui heurte son bec aux barreaux depuis 47 jours et ses ailes aussi et qui griffe son perchoir dans ses serres dont l'une est malade. Je suis un oiseau aux plumes ternes qui regarde la vie striée par des barreaux, et le ciel aussi, derrière une coupole de fer,et j'attends; j'attends le jour où la cage s'ouvrira...Pourvu que mes ailes ne soient pas trop usées, ankylosées et mon souffle trop court pour monter là haut, encore plus haut...

Tour de Madeloc



Je suis une prisonnière avec des grands espaces en guise de prison : ma voiture, ma maison, ma rue, le bord de mer quand même et de somptueux paysages que j'engrange au fil des jours. 47 jours que je suis dans une prison sans barreaux visibles, juste l'enveloppe de mon corps qui est l'ensemble des barreaux de ma propre prison. Je suis dans une geôle dont je suis le maton, enfin presque, c'est la douleur qui est mon maton. Quel sévère maton...Un jour je tuerai ce maton et je quitterai la prison de mon corps, je retrouverai mes chemins de Liberté perdus depuis 47 jours...





Je suis...je suis...simplement invalidée...quoi de plus banal à mon âge?
Oui mais c'est la première fois, une nouveauté dont je me fusse bien passée...
Et que j'ai du mal à apprivoiser.



la Fille des Cimes est tombée dans l' Abîme..D'un coup, en quelques heures.
Tout cela pour des nerfs abîmés, une charpente un peu vérée, ce qui est somme toute très banal à mon âge..
47 jours pour quitter les 47 ans de ma tête et rencontrer les 67 de mon état civil.




Je suis passée par toutes les phases: la souffrance, folle, qui est partie , celle qui est restée au quotidien , lancinante, parce qu'elle m'a adoptée et qu'elle s'y plait , et qu'elle n'entend pas me quitter. La révolte, le désespoir, la déprime, la colère et les larmes. En 47 jours, quel parcours.

Tempête de tramontane, la mer échevelée

Et puis j'entre dans la résignation, l'acceptation, cet état bien plus reposant mais que j'aime moins car ce n'est plus moi, c'est quelqu'un que je ne connais pas, que je ne reconnais pas. J'ai changé plusieurs fois de "peau" dans ma vie, j'endosse une nouvelle peau qui me ressemble si peu. En perdant ma rage, vais je me perdre aussi ?

Le Sphinx (qui a perdu son nez dans une tempête)

J'ai ramassé un moule gris et lisse, juste un peu strié où j'ai logé mon corps, je l'ai rigidifié et je vais essayer d'y rester comme un bernard l'hermite qui choisit une coque étrangère. Voilà, une coque étrangère...Il y a des décennies ma mère essaya en vain de me faire entrer dans une coque étrangère à moi et je refusai de tout mon être. Au delà des décennies ses efforts perdurent toujours, contrés par mes appétits de vie, de liberté, d'indépendance, par ma rébellion enragée...Je fais juste une trêve, le temps du fleuve de glace, du petit poisson et de l'oiseau, le temps de mon incarcération, le temps de ma guérison.
Plage du Troc

Mais que c'est long...









10 commentaires:

  1. Amédine enfin des nouvelles il était temps :) Calinous aux Minous Bisous à Vous Pensées pour Lison :)

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    1. Ouais...pas terribles les nouvelles; bisous Claudie

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  2. tu as une imagination débordante , tu m'épates . un beau texte tu m'as communiqué ton ressenti et encore une peu de patience pour ta soif de liberté et d'espace , mais tu es encore un peu de glace , de poisson et d'oiseau. les cages vont s'ouvrir , il te faudra encore de la patience après la délivrance , soignes -toi bien . je t'embrasse bien fort et câlins à tes minous et minettes .

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    1. Merci Annie, tu sais quand on ne fait RIEN l'imaginaire galope..Remarque chez moi il galope sans cesse. Bisous

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  3. Les portes de ta cage ne sont pas closes, tu peux t'envoler même si ce n'est pas encore vers ces sommets qui t'attendent, Tu vis une expérience particulière dont tu te serais passée mais dont tu mesureras plus tard ce qu'elle t'a apporté en découvertes sur toi même et les autres. Amédine, merci de nous faire partager tes mille facettes. Fifi

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    1. Oh chère Fifi que je mesure déjà ! et je le trouve enrichissante, bien avant même d'avoir repris le dessus, car pour l'heure je l'ai repris; j'ai pris des tas de notes et ma maladie n'est que bénigne...enfin j'espère et que passagère...j'espère. Bisous

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    1. Merci cela me touche beaucoup même si je ne sais qui se cache sous ce WL ...mais je suppose...merci

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  5. Je comprends très bien, Amédine, toi la Fille des Cimes, comme tu le dis si bien. Prends le temps de te reposer, ce mal parviendra bien un jour ou l'autre à disparaître, il faut toujours garder espoir. Figure toi que je souffrais de vertiges positionnels dus à mes cervicales depuis plusieurs années, et depuis un mois ils ont disparu, je peux enfin retourner aux cours de yoga et de gymnastique, moi qui croyais que ce n'était plus pour moi. Alors tu vois, il faut toujours espérer. :-)
    Je t'embrasse fort, Amédine.

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    1. Voilà un message encourageant...Depuis ce texte, je vais mieux quand même. peu à peu et pas à pas; la semaine prochaine mon sort sera fixé , j'attends de remonter vers les cimes. Oui comme tu le dis si bien et l'as expérimenté le corps humain a des ressources et son mystère. Merci de tes encouragements, je t'embrasse fort.

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