Le vent s'est levé dans la nuit d'
Espinavell, petit village catalan. De mon lit , je vois le grand arbre nu secouer ses branches auxquelles sont accrochées des étoiles, les étoiles d'Orion . Le ciel est d'encre et les étoiles pétillent comme des diamants. Mais ce ne sont pas encore ceux du Costabonne qui veille quelque part là haut, glacé dans la nuit glacée. Le vent, par bourrasques, me secoue et les étoiles d' Orion, enfin libérées, poursuivent leur course doucement vers le sud. Je m'éveille dans une aube glacée, 1° dans ma chambre, j'allume le chauffage et j'attends que la dernière étoile d'Orion ait basculé derrière la colline. Alors je peux aller à la rencontre du Costabonne. Le vent furieux compromet mes chances de le gravir mais au moins j'irai à sa rencontre. Au gré du vent glacé. Au gré de mes envies.
|
Depuis Espinavell, le Costabonne |
Une piste de 9 km commencée à la lumière des phares, m'élève vers les hauteurs où un paysage grandiose m'accueille aux premiers rayons du soleil levant sur la mer qui teinte tout d'ocre quelques minutes seulement. C'est grandiose, le vent est puissant.
|
Les Pyrénées comme si leurs volcans se réveillaient |
|
Lever de soleil sur la mer (et les nuages) |
|
La piste et le Costabonne, des couleurs de Colorado |
Se garer et extraire les affaires des coffres est déjà un sport, il faut loger le camion dans l'axe du vent. Je suis à 1991 m: La Collada Fonda. je comprends vite que ce sera la tenue exceptionnelle: "la tenue Yéti". Tout est en double et ayant oublié la cagoule, j'improvise, le minimum de peau au vent sera de sortie. Bien sur cela donne une allure de cachalot mais c'est du "cache au vent".
Deux filles se garent à côté de moi, nous partons ensemble et avons l'air de trois fétus de paille...Autant en emporte le vent. Seul le chien tient le coup, normal, son centre de gravité...n'est ce pas ? Je change de cap, je tourne le dos au parcours prévu et je me "cache" derrière la montagne, plein est, relativement sous le vent.
|
Le Yéti sur un des sentiers |
|
Vers l'est : les lieux de ma promenade de la semaine dernière J'ai pris de la hauteur |
Une esquisse de sentier domine ma dernière balade et j'avance sur une pelouse grillée émaillée de sources gelées. Le yéti noir n'a pas froid, avance bien et arrive de ce pas sur la ligne frontière. Devant moi, les mines du Costabonne côté français sont d' anciennes mines de grenats puisque le Costabonne est une
terre à grenats (clic en mon blog ). Pourtant depuis mon départ je marche sous une pluie de diamants. Tous les sommets environnants sont noyés d'averses de neige qui les cachent à la vue (Canigou, Bastiments etc..) et seul le Costabonne se dore au grand soleil,
sous une pluie de diamants.
|
Côté ouest : les Bastiments et Gra de Fajol sont sous les averses de neige |
Des nuées de flocons apportés par le vent fou tourbillonnent, m'habillent et étincellent au radieux soleil froid , c'est féerique! Je suis seule, les filles ont renoncé depuis longtemps et j'attaque la montée le long de la crête frontière. Le vent est supportable j'ai fait le bon choix. Je n'ai pas froid, je n'ai pas mal. J'ai la forme .Le top ! Mais ...je débouche sur un col et là le vent furieux me prend à bras le corps. Altitude 2183 m. Pla de la Serre. Un petit en cas et je redémarre : les festivités commencent, rien ne me protège du vent mais je sais qu'envers et contre tout je monterai au sommet.
|
Casse croûte de yéti noir |
"Envers", c'est facile : un sentier un peu escarpé, à découvert, avec des vues plongeantes vers l'est, grimpe sans fioritures vers le Pic, soit en presque tout droit mais je coupe et fais du tout droit. "Contre tout"c'est pas facile : le vent est violent, il faut tenir l'équilibre, il faut "fendre l'air" qui a tendance à me rejeter en arrière et surtout ne pas tomber. Parfois j'ai du mal à progresser, j'hésite comme un bébé à ses premiers pas, enfin le vent me jette à terre mais je continue.
En redoublant de précautions car je n'ai pas envie de retourner au pays de l'invalidité !!
|
Quartz laiteux |
|
Un autre avec des cristaux
|
|
ça c'est la glace : le massif compte plusieurs sources |
|
Piste vers le ciel |
|
Le pas lent face au vent |
|
Reliefs côté France |
|
La vallée du Tech |
Enfin je vois se profiler
le sommet et ses ornements païens ou religieux.
Depuis un moment j'entends une rumeur d'océan déchaîné qui enfle et mugit, là haut, derrière le sommet. Un navire en plein océan de tempête. Bien sûr...je me régale ! Je suis venue pour ça !
J'arrive cahotante et titubante en vue du sommet, les deux derniers mètres je les fais à 4 pattes et je m'arrime à la croix. Je vogue en plein océan, les yeux clos, j'ai l'impression de tanguer...Les diamants ont disparu. Je suis heureuse, un de mes paris tenus ! Je suis encore en rééducation, non ? Comme le sommet est double, je rejoins le suivant et un autre courageux coureur, surgi de la bourrasque, aussi "fou" que moi, me crie "Ne reste pas là, descends vite ". Avant que de filer...à la vitesse du vent...Ahh...aurait il eu peur du yéti noir ? Il est cagoulé lui aussi!
|
Sommet battu des vents: la manche à air est agitée! |
|
Le sommet (2465 m) et le coureur des cimes, yéti orange |
|
Les âmes du sommet |
|
Joie au sommet |
Le temps de quelques photos sur ce sanctuaire où reposent des âmes dont les cendres sont depuis longtemps envolées, et je descends...de 2 mètres; lovée dans un creux de rochers, je resterai là 20 minutes, en séquence solitaire et contemplative...je suis relativement abritée, Il fait moins 7, le vent mugit, il a la puissance et le ressenti de la tramontane à 130 en bas, c'est un vacarme phénoménal, une course folle qui se perd sur la nudité roussie du terrain. J'adore...Je savoure...
J'ai un ressenti de froid à -15°, plus peut être mais il ne me gêne pas plus que ça.
|
A mes pieds; et la piste de la Collada Fonda (Espinavell à Setcases) |
|
Scintillement de la mer tout au fond |
Puis je me lance dans la pente :
Je n'ai mal nulle part, juste les cuisses raides de froid. La pente est assez soutenue, un bon 20°, je croise le sentier 5 fois, à la 6 eme je me pose dessus et là...je n'ai pas envie de rentrer. Alors j'oblique vers l'ouest et je me rends au
refuge de Costabonne (2150 m), tout proche. J'ai l'intention d'y rester au grand soleil de sa terrasse mais il est habité par un jeune homme disert et épris de solitude. Donc je le laisse à notre goût commun et je rentre. Dommage...
|
2150 m : refuge du Costabonne au dessus d'une ancienne mine de grenats |
C'est là que je rencontre
les grenats; ce refuge doit être une ancienne cabane de mineurs. Je marche sur le sentier que j'ai évité ce matin: il est à présent au grand soleil et point trop venté. Une belle balade les pieds dans le caillou. Voire dans les grenats. Cette montagne est un véritable musée géologique.
|
Grenats et lichens : mimétisme |
Et les yeux sur le paysage qui m'entoure.
|
Le Gra de Fajol a mis son écharpe |
|
Les Gra de Fajol (Petit & Gran) et leurs voisins |
Et soudain c'est l'attaque : violente, déséquilibrante; il est de retour, plus vindicatif que jamais: le VENT. Je regarde arriver mon camion, comme un havre de paix, de chaleur et de silence et pourtant, me croirez vous ?
|
Retour au bercail |
J'ai déjà du regret de quitter cette tourmente....
Mon camion aussi, qui, dos au vent pourtant, renâcle un peu.
Alors que fait on après l'effort ?
En chiffres :
Dénivelé : 580 m
Distance : 7 km
Une petite rando mais sévère à cause de la météo
|
Envers et endroit du décor : Costabonne et Espinavell chacun vu depuis l'autre |
que de belles photos c'est magique . MERCI superbe voyage derrière mon écran vers ces lieux que je n'irai jamais. Un bon repas pour te ressourcer dans ce beau village et une bonne crème catalane ...un régal . bon vent ! et de belles excursions pour l'avenir Bisous et caresses à ta tribu
RépondreSupprimerune belle balade mais pas enviable par ce temps; franchement faut être un peu "dérangé" pour aller là haut. ce que je me dis avec le recul. Mais sur le moment, l'exaltation et l'envie ont fait le reste. Sans doute parce que j'ai été trop privée de montagne . Bisous, la prochaine sera plus calme...?
SupprimerM
RépondreSupprimerMagnifiques photos, récit très réaliste, je me croyais au Costabonne, je voyais presque les grenats... Tu as affronté les éléments déchaînés, bravo. Tu es prête à gravir tous les sommets maintenant. Repas très appétissant et bien mérité pour finir. Nous espérons reprendre bientôt la rando...
RépondreSupprimerBisous et câlins à tes félins.
Les Dinausores en hibernation....
Et bien je pense faire une rando inspirée par vous : Querroig, ce WE je suis "de garde". J'ai retrouvé les jambes, il semblerait que j'aie aussi retrouvé la tête, les mots et la main donc ...lol. Bisous mes Dinosaures de coeur
SupprimerQuelle volonté admirable. Le Yéti Noir, c'est trop drôle.
RépondreSupprimerPour info, le refuge est à plus de 2150 mètres.
https://randoludo.blog4ever.com/refuge-du-costabonne-en-hivernale
Et bien il y avait marqué (il me semble) 1880, mais c'est vrai qu'à côté sur le sentier, mon GPS a indiqué 2200...oups, je corrige, j'ai mal lu , en fait j'ai lu de sur le côté! Ah j'irai voir ton hivernale à toi, moi c'est de l'hivernale (pas celui là, le précédent) façon mémé...hihi
Supprimer