mardi 23 janvier 2018

Façon Yéti...Façon Tempête...altitude 2500

Samedi : la pluie est annoncée ? Je pars..
Le vent violent est annoncé ? Je pars...
La tempête est annoncée en montagne : je pars !

Me voilà à Setcases, sous la pluie bien sûr, petit village des Pyrénées Catalanes, au delà de la frontière. A 12 km se loge la station de Vallter 2000, altitude 2155 m. Cette fois je choisis de ne pas aller dormir au pied des pistes, j'y suis toujours secouée. Je suis partagée entre envie et regrets...
Setcases : nocturne

Dimanche matin. Il bruine, les montagnes sont chargées. Il ne fait pas froid. Un flot de voitures monte déjà vers la station et certaines redescendent aussitôt: la station est fermée pour cause de vent violent. J'ai choisi de venir, je choisis de monter. Il pleut, pas de vent. La neige habille le paysage, mi blanche mi rouille. Le vent me saute au visage en arrivant à Vallter. Des bourrasques violentes qui noient le paysage de poussière de neige et de pluies éparses. Ce sera sportif !

Arrivée à Vallter à 12 km de Setcases

J'avais préparé mes affaires et ma tenue à Setcases, je remballe le tout et je rhabille la bête façon Yéti noir. Les pisteurs consultés me laissent partir. 9 h 37 : 5 skieurs me précèdent. Tous ceux qui nous suivront feront demi tour.
Cinq courageux

Et une courageuse/ fêlée


Nous sommes donc six à emprunter la rouge. Disons que ce qui est rouge à Vallter est plutôt "piste rose" car il y a peu de déclivité  sur cette station et les vrais morceaux rouges sont épars.
J'ai mis les crampons en guise de freins (comme d'habitude) bien que  la neige ne soit pas gelée; il fait zéro degré. J'ai déjà fait ce parcours un jour de tempête , "cramponnée au blizzard" (clic).,en janvier 2016


Paysage ambiant : l' APN est déjà mouillé

Je cherche l'équilibre,
je ne joue pas la danse du cygne
Ce serait le cygne noir alors

facétie d'un ami
Version je marche sur la tête , sur un fil

Aujourd'hui c'est semblable avec un temps plus exécrable encore : cela me va .
J'avance façon tourmente : bousculée, chahutée, poussée, freinée, presque chavirée. J'écoute le souffle puissant qui mugit dans les arbres, roule dans les montagnes comme une avalanche, noie la piste de neige , noie mes yeux, secoue les arbres et les télésièges qui geignent lamentablement. Tout n'est que hurlements ponctués de rare silence. Souvent il faut stopper, se cramponner, se camper sur ses pieds, se recroqueviller et attendre que le grand coup de balai du vent soit passé. D'autant qu'on ne sait jamais de quel côté il va arriver.

Noyés dans le blizzard: le terminus et le toit du chalet à droite

Soudain il m'arrive la chose la plus extraordinaire de ma "carrière" de randonneuse. Le tronçon de piste rouge est fort ardu : le vent arrivé à l'arrière me soulève et me fait grimper la piste en sprint, je ne peux même pas freiner ! Les crampons glissent comme skis sur la neige et je me sens légère, légère...Sprinter en grimpant une piste rouge à 67 ans , le Guiness Book m'attend à l'arrivée. Je ferai encore quelques petits sprints. Les skieurs sont plus ennuyés, ils ne peuvent mordre la neige sinon de leurs dents. Je les vois proches de moi, ils hésitent, font des haltes au gré des coups de boutoir mais, vaillants, ils poursuivent.
La montagne n'est qu'une immense clameur ponctuée de rares silences qu'on finit par ignorer.
Je gère ma nourriture : il faut beaucoup d'énergie, plus encore que d'habitude. Mais poser les bâtons ou le sac est risqué , tout s'envole. Même l' APN que je pose au sol n'est pas sûr de tenir les 12 secondes !


Neige couleur Sahara
Le vent dénude les roches

En fait toute la montée, 2 km, se fera par à coups. Un cabanon nouvellement construit me permet une petite halte abritée, je suis à la côte 2400, presque arrivée. Je ne vois rien : aucun paysage, aucune des crêtes qui m'entourent (je suis dans un cirque au sens propre comme au figuré), les skieurs ont disparu, je suis absolument seule, c'est Divin. Mon champ visuel en marchant se réduit à mes pieds et aux dents de mes crampons.


 De mon corps, seuls les yeux sont à l'air libre. J'ai du ôter les lunettes. Je ne sens pas le froid du vent tous mes vêtements sont en double, c'est très confortable pour la balade.
Une balade de santé : air sain à respirer, les aiguilles acérées de la neige qui mordent cruellement le moindre soupçon de peau, tonifiant le sang, perso, j'adore, donc je suis dans mon élément. Bien sûr ce n'est qu'une petite balade sans prétention, sans fatigue, juste énergivore, mais ce jour, j'anticipe.

L' APN est enneigé, il est prêt à s'envoler
Me voici aux "Marmotes", le terminus, 2500 m; je cherche un soupçon d'abri derrière le chalet, un peu de carburant chaud dans mon sac et je prends le chemin du retour, ce sera musclé je présume. J'opte pour une bleue moins ardue et plus longue pour faire durer le plaisir. Personne à l'horizon mais il est tellement bouché !! Pluie et neige se sont invitées au menu. La neige est ocre et blanche en bandes, en strates, (précipitations du sud),  la piste , damée est ici par places déshabillée ce qui témoigne des zones de violence. Au loin j'entrevois un petit groupe de plus téméraires que moi qui s'orientent vers le col de la Marrane. Le connaissant, j'augure que s'ils y parviennent, ils ne redescendront pas à pied !!
Chalet fermé et désert

Le paysage ambiant!!






































Les Gra de Fajol me permettent quelques vues, et le Xalet Vieil  qui brave les tempêtes depuis un siècle est vaillant, il a vu pire.

Descente : le décor ambiant

Quelques secondes après


Les Gra de Fajol et la ruine du Xalet Vell

Détail


Je descends tranquillement, la tempête perd un peu de sa puissance et quelques sprints me font...reculer !! Je regrette que la fête se finisse .Mais je ne remonterais pas quand même !
Dans la descente, il pleut fort , je ne m'en aperçois pas, l' APN oui

Je m'apercevrai qu'il pleut très fort à mon arrivée au parking et je ne saurai jamais s'il pleuvait autant sur la piste , prise dans la tempête je ne me suis aperçue de rien.


Le parking, avant la pluie battante

Mon site de randonnée
Quelle surprise en mon camion : je me "déyétise" et tous mes vêtements sont trempés, jusqu'à la peau !  Je n'avais pas une once de peau sèche, sans avoir froid ni m'en apercevoir. Dans l'habitacle étroit de mon studio je fume comme braises sous l'ondée , comme un cheval à l'arrivée ! Il me sera impossible d'aller ranger mes affaires dans les coffres tant il pleut. Alors je me pose, je me prépare un bon repas chaud, je m'offre une séance lecture en regardant sous la pluie le joyeux désordre de la station car il y a foule quand même : Vallter est très prisé, petite station familiale sympathique.
Les montagnes environnantes se dénudent un peu, chantent la pluie de tous leurs ravins, c'est monochrome et beau à la fois.




La montagne ruisselle





















           La fête est finie, je rentre à la maison !

A travers le pare brise : et il pleut !!

En chiffres : 
Dénivelé 350 m
Distance : 4 km
Puissance du vent ...Ouille !..
La route : 280 km AR


8 commentaires:

  1. Brrrr ! Je préfère pour toi que pour moi !
    Mais les photos sont superbes !

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    1. Tu en fais de bien plus belles !! Ici c'est ouaté et sans relief, juste du documentaire pour rendre l'atmosphère. Bises

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  2. Waouh ! Même pas peur !
    Chapeau bas Madame !
    Tu me laisses rêveuse... je n'aurais pas osé, LOL !
    Douce soirée, gros bisous, gros câlins

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    1. Non parce que ça te paraît loin, irréel mais je t'assure : facile ! Sur des pistes de ski si tu tombes tu ne risques qu'une chose, la glissade vers le bas ! Bisous

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  3. Belles photos, une atmosphère très bien rendue, quelle aventure glaciale ! Tu avais besoin de ça pour évacuer... bravo d’avoir affronté la tempête avec courage et détermination. J’adore Vallter mais en été...
    Je t’embrasse Amédine, câlins à tes chats.

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    1. Curieux mais je n'aime Vallter qu'en hiver; je l'ai pratiqué une fois hors saison (début automne) avec Camille, beaucoup de complicité on avait abordé des thèmes existentiels, mais ma préférence c'est l'hiver: soit beau temps soit mauvais il y a une atmosphère inimaginable; j'attends de retourner au Géant 2883 m en neige. Bises

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  4. toujours risqué avec ce blizzard, tu aimes . moi je me suis glacée rien que par les magnifiques photos. Mais ce temps gris m’angoisse toujours ... une balade vivifiante. bises et à bientôt pour le Géant 2883 m tout de même , moi je ne peux plus monter si haut . caresses à ta tribu <3

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    1. Oui le Géant j'allais lui rendre visite chaque année; il y a plusieurs chemins et il est rude à grimper, je l'ai monté un jour de grande tempête comme celle là , c'était super sportif mais grand bleu ! J'adore ce sommet pour la vue et le côté sportif de la chose. Bisous

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