Jour 1: Pour économiser des forces et du chemin, la veille nous avons établi nos quartiers à
la cabane de Coma Joan, bordée par un joli ruisseau, sur le "chemin des ingénieurs", menant au barrage de Lanoux. 300m de dénivelé en moins pour les Pics de coll Roig car le trajet face nord est musclé.
C'était ma première "nuit en cabane", tout un programme, tout un poème !
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Jour 2 : 7 h du matin, nous démarrons, chargés au minimum, pour le parcours que connaît Marcel, soit presque entièrement hors sentier. Quelques nuages habillent le ciel. Sans importance.
Je suis très impatiente : voilà longtemps que j'avais recherché un hypothétique sentier pour gagner ces pics par cette face, attrayante à mes yeux car particulièrement raide. J'ai eu de la chance de rencontrer Marcel.
On quitte la cabane, traverse le grand pierrier et juste après on s'enfonce dans une sorte de couloir ardu et boisé cap sud/est. Marcel se met, selon ses dires, "en mode promenade" il n'en démordra pas, moi je dis "mode dromadaire" et si c'est lent, c'est à ce prix qu'il ménage sa monture. Donc la mienne.
On monte sans souffrir, bonne mise en jambes avec cette pente à 25 °; il y a encore quelque balisage jaune puis le balisage nous quitte pour un sentier aujourd'hui oublié. On va avancer aux cairns.
On entre alors dans un joli vallon,
le vallon de coll Roig, fait de pelouse et forêt clairsemée : une cascade saute à grand bruit des hauteurs verticales mais nous ne verrons pas la moindre goutte d'eau, elle s'enfouit dans le sol, cette même eau qui plus loin, rejaillit en cascadant pour arroser la prairie de Coma Joan. Sur cette partie de montagne, l'eau est malicieuse aussi. Les nuages ont décidé de s'évaporer, comme l'eau. Tout est bien ....
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Pic de Font Vive 2673 m |
La prairie est plaisante, elle remonte vers un cirque fermé de montagnes, au gré des moraines ; tous les ingrédients sont réunis : moraines, rocs épars, forêt clairsemée et rhododendrons à profusion. Nous on lit le trajet : ce trajet doit nous faire traverser le cirque et nous conduire au pied d'une paroi qu'il va falloir escalader. Elle est entaillée de couloirs, pas profonds, juste esquissés: autant de chemins possibles, tous utilisables plus ou moins aisément. L'un me plait mais Marcel l'écarte résolument, à juste titre: long, tout en roches délitées, c'est le genre "3 pas en avant 3 en arrière" il aura raison.
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Il faut retrouver le couloir d'accès |
Enfin il reconnaît "son" couloir, cairné, et on commence à gravir. Bien sûr je suis à mon aise. Lui, moins, il préfère descendre ce mur pentu à souhait et glissant au possible. Je grimpe autrement, en roche, en escalade facile, tout en photographiant ce "jardin de couloir", multicolore. C'est un des temps forts du parcours, j'adore ce genre d'exercice, musclé et énergivore. Je le nommerai
"le couloir Marcel".
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Approche pentue du couloir |
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ça grimpe dur ! |
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Jardin de couloir |
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On prend de l'altitude : au fond, le vallon d'où l'on vient, à 2250 m (environ) |
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escalade : auto photo |
Arrivés au sommet,le couloir se prolonge par un petit vallon herbu entre 2 crêtes, on choisit la crête nord car la vue y est magnifique. Le caillou est omniprésent, en lamelles brunes, c'est du schiste .
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Sortie du couloir 2445 m: on vient de la vallée |
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Le couloir se prolonge par un petit vallon entre 2 crêtes |
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Je contemple : |
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L'étang de Lanoux : 2200 m |
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Le cirque de moraines : en fond le Pic Carlit , 2921 m |
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Zoom sur Carlit |
Quelques névés subsistent et une trentaine d'isards, dans un galop effréné, courent sur la crête en face, c'est superbe.
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Ecureuil de pierre |
Le Pic de Coll Roig occidental, dôme arrondi et noir, coiffe le terminus de ce chemin de pierres, comme un chapeau qui n'aurait rien de mou : une forteresse de pierre, crénelée et déchiquetée à une extrémité.
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Le Pic Occidental de Coll Roig 2833 m |
Il serait vain d'y chercher un sentier, Marcel m'a annoncé voilà quelques jours une dalle à escalader. J'attends ça avec impatience.
Ce chemin de crêtes, s'il offre de belles vues, se redresse et devient ardu. C'est simplement usant.
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En plein effort : altitude 2700 m |
Mais ça se grignote. Pour tromper ma faim de dalle et de terminus, je dévore des yeux le paysage. Je bois les yeux bleus des lacs d'en bas, tandis que ceux d'en haut (Lanoux et Coma d' Orlu) sont plutôt sombres. Le paysage a quelque chose de martien : ocre, rouge, brun, absolument minéral, comme le sont nos paysages d'altitude côté nord.
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Il contemple |
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Festons de crêtes: en fond l'étang du Passet 1700m (gauche) et celui de Font Vive (droite)1896 m |
Enfin nous voilà au pied de la paroi : la dalle noire brille d'un reflet d'argent et je l'empoigne à pleines mains, traçant mon chemin avec aisance , je suis dans mon élément.
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L'arête sommitale et la dalle noire, en bout de névé |
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Dalle et blocs, mon terrain de jeu |
Je prolonge le plaisir en continuant l'escalade de quelques jolis blocs et ainsi nous arrivons sur l'arête sommitale : quelle beauté ! Un point de vue à 360 °, on est quand même à 2833 m d'altitude.
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Sommet 2833 m |
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Partie du cirque de Coll Roig, face sud |
Proche,
le Carlit est bien peuplé déjà. C'est au nord qu'est le plus beau paysage : sommets ariégeois et Pyrénéens, le Montcalm et la Pique d' Estats sont les plus lointains et puis, malgré un fond de l'air légèrement voilé, au sud ça ne manque pas de charme .
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Pique d' Estats et Moncalm, les + 3000 m |
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Pics de Coma d'Or (2826 m) et Pedros (2842 m) |
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Panorama vers l'Ariège |
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Lanoux et étang de la coume d'Orlu |
Je n'énoncerai pas les sommets, j'en reconnais beaucoup à présent. Mais je suis heureuse de me retrouver tout en haut de ce cirque fendillé de couloirs que j'admire depuis des années du haut de mes perchoirs ! A ses pieds un lac rectangulaire orné d'une cabane, le lac de coll Roig; ne cherchons pas d'imagination dans les noms.
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Face sud : étang de Coll Roig et au fond, Cambre d' Ase, Puigmal etc...chaîne frontalière |
Tout près d'ici se trouve le second pic de Coll Roig que Marcel, fatigué, n'a aucune envie d'aller saluer. Qu'à cela ne tienne, on se donne rendez vous au col et je file en courant dans la pente. Je pose mon sac au col comme sur un quai de gare et je monte résolument les 79 m du
Pic Oriental de Coll Roig , 2804 m, moins typé que son voisin mais creusé aussi de couloirs, face nord cette fois. Des fenêtres noires ouvrant sur un vide vertigineux. C'est l'heure du repas pour tout le monde, je descends au trot vers mon quai de gare ! Qui devient restaurant.
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Col de Coll Roig, 2725 m |
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Du Pic oriental de Coll Roig (2804 m), vue sur le pic occidental (2833m) |
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Un des couloirs nord |
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Impressionnant relief |
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Déjeuner sur l'herbe |
Petit repas au col, en fait, avec Marcel on randonne ensemble mais on s'alimente en décalé : cet homme ne mange jamais et moi, peu et plus souvent. Mais à chacun sa gestion du carburant. Je ne sais pas encore ce qui nous attend ! Cette fois il ne m'a pas "annoncé la couleur" mais c'est rouge brique. Et pas que ça !
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Coquelicot des montagnes Dans les schistes du Col Roig |
Quand je le vois prendre tout droit, j'ai un moment d'angoisse : quoi ?
On va descendre ça ?
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Vue vers le haut |
ça, c'est
un mur de pierres dont on ne voit pas tout, caché par des surplombs. On en voit les côtés mais ce n'est pas engageant. Pourtant je m'engage avec prudence en répétant "on n'y arrivera jamais" mais Marcel n'a aucun mal à faire la sourde oreille : le tintement des rocs que chacun met en branle évite d'entendre quoi que ce soit ! ça ne roule pas, ce sont des dalles plates ou des blocs tout aussi plats qui glissent. Un gros bloc file sous mes pieds et dévale sans pouvoir s'arrêter. Je descends en biais et assez vite finalement, j'ai apprivoisé la pente, même si par endroits le mur est incurvé et on ne voit rien. Des cheminements d'animaux, délestés de roche permettent de descendre en grappillant un peu de repos : ah c'est un art de descendre ça !
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Vue vers le bas |
Plus de 400 m de dénivelé pour un peu plus de 600 m linéaires cela fait du 45°, un bon couloir! Je prends le rythme, le mouvement, l'assurance. Que doit ce être de remonter cela ? Marcel l'avait fait puis s'était mis au bord de ce cirque pour s'aider des rochers en place, comme moi au Canal Cristall.
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Aperçu de la pente et du terrain |
Finalement, malgré la fatigue et l'usure des genoux, je me régale. Marcel à sa manière aussi, qui entreprend en ramasse un long névé ! Sous mon regard effrayé, mais il fut alpiniste , lui !
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Il file à toute vitesse |
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Au pied du mur, on retrouve les fleurs |
Un peu usés nous retrouvons le plancher de vaches et la longue descente dans le vallon, sous un brûlant soleil. On se laisse porter, en silence: qu'est ce que j'aimerais que la rivière refasse surface . Ce ne sera qu'à la cabane qu'on pourra enfin se délasser dans l'eau glacée.
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Col Roig en haut , le mur descendu et la douceur du vallon |
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Retour vers la cabane |
La journée n'est pas finie !! On recharge les sacs, un peu moins lourds qu'hier à la montée et c'est parti pour un interminable retour en sentier.
Je songe sans mot dire, à ces horizons ouverts devant mes yeux, comme un beau livre d'images à feuilleter dans le futur. Les lacs de la Coma d' Orlu, enchâssés dans un joli cirque dominé par la Serra de las Ximeneas pourraient en être la première page ....
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La 1ere page , dans le futur... Lacs de Coume d'Orlu |
Récit de ma " nuit en cabane" ici , en un clic
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En chiffres
Dénivelé positif : 872 m, en 2.6 km soit du 20° de moyenne (comme pour la Punta Alta)
Dénivelé négatif (avec retour au pk) : 1183 m
Distance aller retour des pics: 6.4 km
Temps de marche : 5 h 30 pour les pics
Distance totale avec retour au parking : 10, 2 km
Encore une fois, toute mes félicitations Amédine. Pour ceux qui ne connaissent pas ce type de terrain, il faut dire que seuls les animaux s'y sentent bien. Ce n'est pas pour des bipèdes à station verticale, à moins d'être "atrabit" comme toi. Quelle leçon de vie tu nous donnes !
RépondreSupprimerMerci Ludo, ton point de vue sans ostentation de ma part m'importait. En plus je m'y sens comme un poisson dans l'eau...euh...pourtant il n'y a pas d'eau et de poissons seulement les humains nés sous ce signe... J'en redemande aussi de ce terrain là, y per molts anys
SupprimerUne montagne comme je les aime, elle se gagne et ce n’est pas gagné d’avance. Bravo Amédine ! Nous, nous nous sommes arrêtés au lac après nous être égarés... nous étions partis de Brancoli. Une roche rouge qui attire l’oeil et un belvédère que l’on a envie d’atteindre, nous ferons un nouvel essai....
RépondreSupprimerMerci pour ce récit, on te sentait euphorique de tutoyer ces sommets, tu as une forme olympique !
Je t’embrassez Amédine, je me suis régalée de te lire.
Vrai qu'en ce moment j'ai une forme olympique que je cultive à la vigne: chacun de ces 2 mondes si différents prépare à l'autre, il y a des similitudes d'endurance, de travail des bras et des fessiers, des cuisses et des mains. Ainsi mes travaux à la machine à dos pendant 4 h sont une belle rando avec sac à dos de poids. ce terrain me convenait parfaitement, pour la beauté et la difficulté, je ne fais que commencer à y évoluer. Bises.Si ça vous dit...y compris la cabane...
SupprimerOui, ça nous dit et même la cabane, c’est mieux qu’un refuge, on adore cette ambiance très près de la nature. Il y a longtemps que l’on a envie d’y arriver à ces Col Roig. Bises Amédine
RépondreSupprimerAlors faut les faire, c'est du musclé mais je ne mets pas en doute vos capacités...on emmènera une corde !! lol..je dis pas pour qui...Bises
SupprimerNous attendrons la rando pour savoir à qui servira la corde, suspens... bises.
RépondreSupprimerA personne elle servira, évidemment !!! Bisous.
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