jeudi 25 octobre 2018

Une coquille et deux arêtes aux Camporeils (1ere )

Préambule : mes amis montagnards sont bien plus jeunes que moi et mon récit va les faire sourire. Ils pratiquent montagne, roches et arêtes depuis très longtemps, et n'attendront pas d'avoir 68 ans pour commencer à aller danser sur des roches sommitales. C'est pourquoi, débutante vétérane, j'allie à la roche de la joie, du bonheur, de l'adrénaline et sans doute, de la difficulté là où il n'y en pas beaucoup. Ensuite, il est vrai que ce n'est pas un sentier de terre bordé de fleurs ! Mais on y trouve aussi, dans ces pentes, de la terre et des fleurs . Y marcher s'appelle "jardiner".. Avec ces parcours nouveaux, c'est de vocabulaire dont je m'enrichis aussi !
La seule question que je pourrais me poser, c'est : "Pourquoi éprouver le besoin (à mon âge surtout) de grimper là haut par le chemin le moins facile, alors que par le sentier cela se fait très bien ?". Je n'ai pas la réponse ...Je m'essaie juste à faire ce que je n'ai pu faire il y a trente ans quand j'étais "une chèvre" faite pour la montagne....Je coche "la liste de mes envies". Qui s'étoffe de jour en jour!
Donc je vous emmène faire un tour en arêtes, avec mon ressenti, mes émotions, mes craintes et ma joie : jeunes, s'abstenir ! (De me lire...).

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En ce matin glacé, je quitte le Lac de Matemale à l'heure bleue. je laisse Ana avec ses chiens et son fourgon dans l'obscurité, je file vers les pistes de ski de Formiguères. Je croise un troupeau de biches aux portes du village et je m'enfonce dans la forêt. C'est l'heure blanche du petit jour givré.
Juste quand j'atteins le parking, à 2100 m d'altitude, l'heure fauve m'accueille, exceptionnel moment de très courte durée, tout ceci est offert aux lève tôt.

Lac de Matemale : l'heure bleue

Lac de Puyvalador : l'heure blanche


Parking de montagne: l'heure fauve

Il n'y a encore personne, juste un couple d'ariégeois, que je retrouverai aux étangs. On a pris le même chemin et on finit par se croiser, c'est amusant mais j'ai pris les raccourcis en forêt!
La Serra de Mauri, nue, roussie et déserte est toujours un plaisir pour moi. Cet altiplano à 2400m, battu des vents, hérissé de glace l'hiver, bénéficie d'un climat "Sibérien"! mais de part et d'autre, on voit jaillir des sommets et des crêtes reptiliens. Oui une sorte de Toundra.

Depuis la Serra de Mauri, l'arête et le Pic de Baxouillade en Ariège, 2547 m

Les yeux de glace de la toundra

Quand, arrivée au bout, avant la descente, se dessine tout le cirque des Camporeils, ses lacs, ses pics, j'ai devant moi un des plus beaux décors du département. En hiver, c'est féerique.

Pérics et un des lacs de Camporeils

J'y scrute ma destination et je cherche la meilleure approche hors sentier, pour varier le trajet. Ce sera une bonne idée malgré le parcours accidenté : paysages désertiques et superbes : je vais dans la Coquille, un vallon séparant les Pérics  de la Portella Gran et du Pic de Camporells.



Ruisseau pavé vers l'amont




J'imagine un parcours facile, il le sera mais déroutant; encombré de moraines, ce vallon finira par m'apprivoiser, avec ses petites vallées parallèles où courent de gentils ruisseaux. On passe de l'un à l'autre , c'est vaguement cairné et ça conduit au fond du vallon , puis après une raide montée  à la côte 2606, un col. Où je n'irai pas.

et vers l'aval

C'est de l'Art

Sitôt laissés les beaux étangs de Camporeils, j'attaque le parcours hors sentier et je louvoie entre les moraines; soudain un cerf détale, magnifique avec ses grands bois. Je ne le reverrai pas et je ne rencontrerai plus personne de la journée.

Au milieu des moraines
Je remonte la Coquille, jusqu'au moment où j'estime judicieux de faire un virage à 90 ° pour rejoindre la base de l'arête. Elle ne me paraît pas engageante, hérissée, raide, et tout en remontant un gros éboulis, vestige de sérieux effondrements de pans entiers de montagne, je croise un bestiaire immobile.

Encore un ruisseau né de nulle part et le terminus de La Coquille, au fond
Un sentier permet de la franchir


Le poisson : normal quand on va manger de l'arête
et le chien
L'endroit est solennel, figé, silencieux, désert et plein de mystère . Pourquoi ces immenses éboulis, et surtout où vais je passer dans cette muraille. C'est la face sud de ce bastion que je vais remonter pour rejoindre la vraie arête en un lieu plus accueillant. J'arrive au cône de déjection proprement dit, fait de roches plus petites. En fait c'est schisteux et fait de grandes dalles, ce qui favorise les éboulements et autres effondrements en glissades.

Se frayer un passage dans ce champ de ruines
Pour n'avoir pas de regrets, j'inspecte la base de l'arête : c'est vertical, dentelé, pas du tout de mon niveau. Donc je bifurque et commence l'ascension.

Le départ de l'arête, pas pour moi !

Je la terminerai 50 mn plus tard, après avoir grimpé 166 m de terrain difficile.
Voici, vu  de loin, l'ensemble de la face sud et mon périple approximatif, une arête en quelque sorte, mais pas la principale:
Pris au zoom depuis la montée à  la Serra de Mauri 
Je commence donc  par un petit couloir rocheux que j'escalade sans difficulté et toute la suite de l'ascension sera faite de murs à monter en varappe, de quelques petits dièdres en opposition, et de vires herbeuses ou rocheuses me permettant le déplacement latéral. car en même temps que je grimpe, je dois sans cesse aller vers la gauche. Certains passages à grimper , avec les mains évidemment, me font un peu peur, bien que faciles, je m'assure bien que les prises des mains tiennent le coup car le schiste se délite aisément. Ainsi je me cramponne à un bloc d'une soixantaine de kg, pour m'assurer le temps de la photo et voilà que soudain il bouge ! Tout est fragile en schiste, c'est pour cela que les bases de montagnes sont si chaotiques.
En dessous de moi il y a de beaux lacs que je domine de plus en plus : ça grimpe raide!
Mais il y a aussi des pentes d'herbe et de terre, qui sont autant d'échappatoires au cas où...
Au dessus de moi, c'est impressionnant.
En images :
J'attaque la montée

Le relief 

Vers le bas

Vers le haut

Sur une des arêtes


Pause selfie

Un couloir / échappatoire entre deux arêtes

L'arête principale : infranchissable 


En fait cette chaîne montagneuse n'a pas UNE arête, mais des arêtes, parallèles et séparées comme par des couloirs. J'en franchis un peu mais ça ne m'inspire guère et je continue donc ma progression latérale en grimpant.

L'arête principale que j'évite , on comprend pourquoi !


La fatigue se fait sentir, cela demande de l'énergie, dans les bras surtout. Et puis je suis tendue... Pas vraiment à mon aise. Tiens, v'la du "jardin" !
Jardin vers le ciel : semé de "raisin d'ours", un médicament
En haut (droite) le gendarme

C'est tentant, facile et reposant, je pourrais presque arriver ainsi au sommet, de jardins en jardins, mais pas question, je veux du caillou. En voilà un d'attirant là haut, un "gendarme" qui m'accueille gentiment : il me permet même de belles vues originales.

Passage du gendarme
Depuis le gendarme, vue sur le grand Péric et sa tentante arête ouest

Après le gendarme se dévoile une vue magnifique

Je quitte le gendarme par une vire et je continue mon périple, tranquillement. Avec vues sur les arêtes parfaitement parallèles...C'est impressionnant comme morphologie.

Arêtes parallèles..je ne suis pas bien grande dans ce décor !
Une des vires du parcours








Voilà un autre gendarme, que j'évite pour le plaisir de grimper au mur; ce sera mon plus beau morceau de falaise. 5 mn de grimpe et je débouche sur la crête enfin!



Un des murs : j'ose !

Rassurée ? Euh...pour l'APN pas trop 

L'arête principale est à deux doigts



Je débouche enfin sur l'arête principale !
Il n'y a plus rien au dessus, sinon un paysage époustouflant à 360 ° . Je ne suis pas au sommet, juste au balcon d'une antécime. Perchée à 2650 m j'ai parcouru 145 m de dénivelé pour un peu plus de 200 m de chemin . A présent il ne me reste qu'à rallier le sommet, 2671 m, Le Pic de Camporeils,  en arête pure sur quelques dizaines de mètres  Le sommet ne sera qu'une aérienne formalité, battue d'un vent glacé dont m'avait protégée toute la montée en face sud.



Antécime sur l'arête sommitale  et étangs de Camporeils

On dirait que je suis sur la prairie, en fait je suis
à plus de 150 m au dessus


Sommet : 2671 m


Je me souviens de ma précédente venue ici, épuisée, au bord de l'asphyxie, avec ce coeur qui battait la chamade et ce vertige qui m'avait jetée à terre. Revenir en un lieu permet toujours de voir le chemin personnel parcouru : pour ma part, ici c'est vivifiant! Surtout par ce trajet inédit et peu emprunté je suppose.
Je file au restaurant où ma place est réservée mais je serai la seule convive à table d'un repas frugal.
J'ai le temps d'organiser la suite. Car suite je vais donner : j'ai le temps, l'énergie, et encore faim...d'arête s'il vous plait ! Une vraie, celle là !
Terrasse du restau, à l'abri du vent glacé du nord avec vue sur La Coquille
et les flancs des Pérics

Même lieu et les 2 Péric, 2810 m & 2690 m


J'observe longuement : Portella Gran? Peric par l'arête tourmentée que je vois ? Trop énergivore...Ou rendre une autre direction...il y a le choix....Enfin ça y est, j'ai décidé, ce sera....

                                                                                                             A suivre.....2 eme épisode


Pour le Pic des Camporeils par la voie normale (clic)




2 commentaires:

  1. J’ai randonné par procuration et j’ai adoré, le raisin d’ours je pense que c’est la plante que je prends en décoction pour lutter contre les coliques néphrétiques, je l’appelle oiselleraie des montagnes.
    Des paysages qui font rêver et un bestiaire immobile rigolo, que c’est beau ! Belle performance !
    Merci pour ce récit.

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    1. Exactement, Camille m'avait dit que c'était pour le système urinaire et les reins, je croyais n'en être pas sûre. Si tu veux aller en chercher de façon sportive tu as donc l'adresse...hihi. C'est un très beau coin que ce site des Camporeils; le ras de la Sal par contre ça fait très altiplano américain du sud. Bises

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