mercredi 20 mars 2019

Jujols : rando entre "cledes i pedres" (bergeries et rochers)

De cette randonnée, au fil des heures s'estompe le sentiment de "rando sans grande envergure" pour céder le pas à un goût de "revenez-y" entêtant. Car elle fut belle et me laisse sur une faim : en savoir plus, en voir davantage. Bien que j'ai déjà été pas mal servie!
Avec à la clé une incroyable Histoire  !

En arrivant à Jujols : vue d'ensemble des terrains où je randonne, là haut
Lever de soleil, je démarre




7 h 35, pile à l'heure comme un TGV (le soleil, lui, est en avance), je démarre du parking de Jujols, (950 m), sans avoir lu ma check list.






Une centaine de mètres plus loin, je passe en ma tête la liste et horreur ! J'ai oublié le casse croûte : rien à manger dans mon sac que je trouvais anormal au départ. Retour case départ et c'est le garde manger garni  que je prends enfin l'envol. Je traverse Jujols endormi et à l'intuition je prends un sentier pas prévu du tout, à l'opposé même ! Je croyais bien faire et ce sera réussi. J'adore suivre mon flair, plus rapide que mon cerveau.


Je ne suis pas rapide : que ça grimpe !! Mais au moins je prends de la hauteur! Le sentier louvoie avec la piste, la coupe à plusieurs reprises et je dois le surveiller de près car à un moment ce sera à l'intuition que je devrai naviguer : je compte sur la carte et l'altimètre de mon GPS. Le paysage est très dégagé, j'adore.
La piste bordée de bergeries modernes

C'est là haut que je vais !




Le temps est superbe, à peine plus frais que dimanche dernier, mais vite le short et le marcel quitteront le sac pour ma peau. Et je marche : mon objectif ne me quitte pas des yeux, il m'attire comme un aimant. Un amas de rocs, en aiguilles, en dômes, en falaises, en arêtes, en éboulis et en couleur, du caillou, quoi, un site sans nom, sur 200 m de haut entre 1400 et 1600 m. Un site coloré, assez dénudé et relativement hostile pour qui n'aime pas ça. Par chance, j'aime.
Face à moi


Dans mon dos 
L'oeil sur l'altimètre j'arrive au "Partint dels camins" 1240 m (partage des chemins) fidèle au RDV. Je vais encore couper la poire en deux avec un peu de grimpe hors sentier pour aller voir une bergerie ruinée, laquelle m'en indiquera une seconde, du même état.


Les "clèdes" ou bergeries (1,2 & 3 la même)
Peu me chaut, j'ai le temps. Chaut...oui et chaud : je suis déjà en short.
Revenue sur le sentier non des vaches mais des anciens paysans, une 3 eme "clède" me salue d'en haut et aussi un grand vol de vautours dont l'un d'eux se pose sur un roc et m'observe, c'est sûr!
Je n'ai pas envie de finir dans son frigo.

Les vautours



Paysage vers le sud, vallée de la Têt et chaîne des Pyrénées


Sous le couvert des arbres je me sens à l'abri et je vais cheminer un moment dans la forêt, ce que je n'aime pas vraiment car la visibilité y est nulle. Elle a beau être belle et sentir bon....








Un croisement de sentiers : au nez, je prends à gauche, puis plus loin à droite, je me fie à l'orientation et à la déclivité car rien n'est indiqué. La signalétique jaune s'est perdue mais pas moi et j'avance toujours sous les grands pins.




Une bergerie ? Cela paraît étrange , il n'y a pas de pâtures, même anciennes. Une cascade noircie, sèche comme tout ici et ailleurs dans la région. Mais un peu d'eau sourd du sol, la seule que je rencontrerai de toute la journée.





Bergerie ? Abri sous roche ?




Enfin je sors du couvert et je découvre ce qui sera mon décor, des rocs, des falaises etc...Je bifurque à gauche, car ça monte, bien que le sentier de droite soit superbe, en corniche. Alors va commencer ce pour quoi je suis venue.
La cascade sèche









Pyrénées

Jujols "vu du ciel "

le sentier en corniche que je délaisse

Chemin muletier
Il est étrange ce sentier car construit de main de maître par l'homme : des murs, des virages en épingle, soutenus par des murs, confort pour l'homme et les animaux : mais à quel transport servait-il ? Je me poserai la question jusqu'au terminus, parce que je n'aurai jamais la réponse: pas de trace d'extraction des minéraux, pas de carrière, pas de mines, mystère. Mais un chemin magnifique. Qu'une drôle de lecture me permettra d'identifier : le chemin muletier reliant Nohèdes à Jujols, à travers les montagnes!



Extrait de la fabuleuse histoire du curé de Nohèdes
en l'an 1881; (quel trajet !!)
"Le crime du curé de Nohèdes" par Pierre Bécat, 1981









Il va grimper et louvoyer entre les parois rocheuses; une fois je vais le quitter et faire un tout droit en varappe, puis le suivre sous couvert ou à découvert, avec des vues sublimes sur les montagnes, les vides, les falaises.






Une autre fois je le quitte à nouveau  pour gravir une falaise ruisselante de coulées colorées : il y a des orifices dans cette falaise, je ne grimpe qu'au premier étage et là, une cuvette pleine d'herbe sèche, de fientes et de crottes d'isard m'explique une histoire que je ne sais décoder. Ah ma curiosité !


Au 1er plan, le nid
en bas de la coulées claire
Le nid perché avec des crottes d'isard ?

Mon Dieu, si j'en avais eu l'énergie, combien de fois eussé-je quitté le sentier pour aller explorer! Mais je suis fatiguée. Je sais qu'il y a des grottes, des sources (euh tout est sec), il y en a des choses à voir...Sauf des humains. Deux isards, trompés par le vent, sont surpris de ma soudaine arrivée tout près d'eux : vent de panique! Ils s'enfuient puis, curieux comme tout isard, stoppent, m'attendent, et disparaissent dans les arbres et les rocs.





J'essaie de leur emboîter le pas et je grimpe des éboulis, par curiosité, à cause d' une falaise.
Pas facile ! Je redescends en trottant dans la pierraille et je reprends mon sentier : je regarde des étages de murettes vers le ciel, c'est le sentier ? Ou pas ? Alors je fais un tout droit, escalade une paroi de quelques mètres et me retrouve tout en haut, sur le sentier muletier. Je vais le suivre tantôt en balcon, tantôt enfoui dans les pins qui chantent en choeur la chanson du vent ; c'est beau, il fait chaud, c'est lumineux, pas angoissant bien que je sois à des lieues de toute vie.


Les murettes soutiennent les virages du sentier; il passe au pied de la falaise là haut
Je grimpe en tout droit et en mur de roche aussi, à gauche


Sous un ciel impeccable, il a souffert
par le passé, de la violence des vents
Paysage sublime : on voit le sentier haut perché que j'ai parcouru
Chemin muletier de Nohèdes à Jujols

En balcon



Drôle de col ! La prochaine fois j'y vais

Des murs de pierre calcaire me surplombent, pâles, rouges, bleus, c'est selon. J'aimerais bien aller explorer ces falaises, on doit bien pouvoir y grimper, par un couloir, par une extrémité...Mais chaque incursion est si aride et ardue...Ici c'est un musée géologique extraordinaire...ah faire la balade avec un géologue...quel rêve !

Calcaire


Roche inconnue : calcaire gris sur l'extérieur, poli et coloré
sous la couverture , doux au toucher, comme vitrifié

Strates schisteux, mais peut être est ce une autre
 variété de roche

Oui, déception assurément, pour les vélos !



Alors je continue le sentier qui va bientôt déboucher sur la piste, c'est sûr ! Et la voilà, celle que je n'ai pas voulu suivre la semaine dernière: cette fois je saurai si j'avais vraiment fait le bon choix . Un peu de neige parsème les sous bois, je suis à 1755 m; je pousse en direction opposée jusqu'à la Collada qui me déçoit, aucun point de vue .


Depuis la piste


Mon terrain de rando : la prochaine fois c'est en haut !

Je reviens sur mes pas et entreprends le retour, cherchant un lieu sympathique pour manger; on dirait qu'il a été créé pour moi, au Peiró : une prairie qui grimpe vers le ciel bleu, des arbres épars, des bergeries semi ruinées, j'ai l'embarras du choix pour le restau. Ce sera finalement au grand soleil, sur un rocher, un peu à l'abri du vent : mais quel bel endroit !!

Repas au grand soleil, pied nu pour la douleur
Le Peiró

Son décor face nord : le Capcir et pic Carlit, le toit du 66
Sans oublier quelques "clèdes" car il en est d'autres, 
bien cachées mais...je ne peux être partout !
Je m'y attarde, j'étudie la carte, je me restaure, je délasse mon pied qui grogne et enfin je reprends le chemin ; je lis : Jujols 1 h 20. Que ça ?? Est ce possible ?
Le chemin du retour me semblera bien long, se prêtant peu à la marche nu pied . C'est une piste forestière, la piste interdite, très pentue, ravinée à souhait, sauvage, très étouffée par les arbres, pas vraiment hospitalière.

Sous un pin effondré
Puis à ma déception je retrouve le chemin de la montée, j'aurais aimé un parcours différent. Pourtant je saurai l'apprécier; d'abord je rencontre la vie humaine, un groupe important qui va voir les vautours, du coup la population au Km2 devient vertigineuse.
Ensuite un beau sofa de pierre me tend les bras, dans lesquels je me vautrerai  5 minutes

Et dans ce paysage dorment des clèdes (bergeries) en ruines

Les clèdes ruinées
Le sofa du Canigou
 Et enfin, à bout de douleur(s), après 1 h 14 de parcours, arrêts compris, j'entre dans Jujols, retrouvant ainsi une petite Nina endormie. "Déjà là ?" me dit la coquine ....



En chiffres :
Distance : env 12 km
Temps de marche : 5 h env
Dénivelé : 850 m


Pour en savoir un peu plus sur le crime du Curé de Nohèdes: 

Version courte : (clic)
Un peu plus détaillé : 'clic)
Cette histoire truculente et croustillante fut contée par Christophe Hondelatte le 15 Février 2017 sur Europe 1
Un supplément ? La vie d'Alexandrine clic ici), la jeune institutrice amante du curé







9 commentaires:

  1. Tu es revenue à Jujols pour notre grand plaisir ! Quel dommage que ces bergeries soient en ruine, elles sont magnifiques ! La géologie de cet endroit mériterait c’est vrai les commentaires d’un géologue. Tu as trouvé un trône digne de toi ! Lol ! Nina t’a attendue sagement, elle est magnifique. Calinous à tes chats, bises Amédine et continue ton œuvre d’écriture, c’est super ce que tu fais. Et que de belles photos !

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    1. Et bien oui, mais à présent je quitte Jujols, partagée entre envie de montagne enneigée avec crampons et piolet et besoin de me reposer. Alors je suis en "panne" pour ce WE. Je pense que ce sera repos; je me régale d'écrire mes petites balades. Exercice commencé en ...1975 ! Sur albums papier à l'époque, textes et photos. ça ne date pas d'hier mais l'exercice du blog est bien plus difficile; j'ai peur d'ennuyer mes lecteurs par la longueur, personne n'aime lire, alors je varie avec des photos. Bisous à vous deux.

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  3. quel plaisir que de lire ces récits ! et de découvrir ces beaux paysages !
    merci pour ce partage !

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    1. Cela me fait plaisir Magali, à bientôt sur une autre histoire peut être

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  4. Encore un peu de notre histoire des PO, embellie par des photos, des anecdotes. Surtout continue ď écrire, pour toi et tes fidèles lecteurs.

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  5. Que c'est beau ! Et ce beau temps ! Avec un peu plus de verdure, on aurait pu penser que cette sortie datait de début juillet. Sur la photo en gros plan sur le Capcir, il s'agit du CARLIT.

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    1. C'est d'une effarante sécheresse; même les plantes grasses des murs, les nombrils de Vénus sont déshydratées, je ne les ai jamais vues ainsi. Pas une goutte d'eau dans cette rando; celle de la semaine dernière avait encore un filet d'eau dans les ruisseaux.Là c'est la cata !Tu as raison; étude comparative faite c'est le Carlit; mon relevé à la boussole m'a déboussolée-))

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