samedi 11 janvier 2020

Pic des 3 estelles (2099 m) et Serrat de la menta (2134 m) par Mantet (66)

Dans le secteur de Mantet, tout s'écrit Mentet, Menta, (de menta = menthe) il n'y a que le village qui subit par le passé une déformation de transmission entre catalan et français et hérita d'un a.



Mantet est un petit village du bout du monde qui mérite à lui seul le voyage, long voyage puisque au bout de 24 km de petite route de montagne. J'y ai fait de nombreuses randonnées, toujours vers le sud, vallées, hauts plateaux , sommets, et j'en ai encore d'autres en perspectives. Cependant, je vais en ce jour d'été au plein coeur de l'hiver, m'orienter dans la direction opposée, pour un sommet à 2099 m, le Pic des Tres Estelles que j'ai toujours négligé. J'ai fait la route de nuit, parce que cela me plait, avec mon petit camion et j'ai savouré la nuit hivernale, zéro degré quand même, sur mon parking à 1572 m d'altitude. Au matin je remonte au col, 1760 m, d'où part le sentier menant à ma destination.


Mantet et son décor, direction sud
Et je vais faire de cette journée, de cette randonnée, un cadeau somptueux, mais je ne le sais pas encore. Je le saurai très vite car le décor m'enchante tant que je décide de me laisser porter au gré de mes envies.
Le facteur temps sera banni de mon emploi du temps !
C'est là que je vais marcher (sans fils), le sentier part d'ici et va traverser ce décor

Il y a un peu de neige sur le sentier, en forêt, bien verglacée mais "sablée" par les marcheurs. Quand le soleil me rejoint, très vite c'est l'été! Tout étincelle, roches, végétaux, neiges, même l'air a une rare brillance.



Là haut le Col de la Menta, 1949 m

Massif du Canigou en décor
Anciennes terrasses cultivées
Je marche à flanc de montagne : de sévères  gardiens de pierre vêtus de pourpre, des granits colorés, surplombent mon sentier et chacun m'invite à le rejoindre : au retour Messieurs les Rochers, vous me tentez. En dessous de moi, la pente plonge vers les lacets gris de la route en une vertigineuse déclivité. Le silence ruisselle, le soleil aussi, je suis en tee shirt. Au col, très loin, d'immobiles silhouettes comme stylisées se découpent sur le ciel : des chevaux.

La route , dans l'ombre le matin
Au dessus de moi : le granit couleur rouille

Je fais de nombreuses pauses, juste pour contempler. Ce sentier en balcon offre le Massif du Canigou et ses prolongements vers le Pla Guillem. dans mon dos, c'est beau aussi : le cirque de Pomarola, les hauts plateaux et quelques esquisses de vallées . Où que se pose le regard, c'est enchanteur. Une simple balade devient conte de fées.

Vue vers l'arrière et les pics frontaliers (La Dona 2702 m)
Cirque de Pomarola et Cim de Pomarola

Soudain j'arrive au col, col de la Menta, 1949 m. Les chevaux n'ont pas bougé, mais le paysage s'enrichit : face à moi, la mer ! Bien souvent la mer fait partie du décor de nos montagnes et cela crée toujours une étrange sensation.


Vers le sud, Portella de Mentet et vallée de l'Allemany (au centre)

Massif du Canigou et la mer, vers l'est



Je fais la pose, me restaure un peu, je parle aux chevaux et, campée dans ce désert, je dessine la silhouette du Massif du Canigou, telle qu'en cette photo. Tout le temps de ma rando il sera présent et changera de couleurs et lumières.
Bisou équin

Séquence dessin

Un cheval vient me voir, regarde mon dessin par dessus mon épaule, me fait un bisou et s'en va...déçu ou satisfait ? C'est irréel...
J'ai repris le chemin, la mer dans les yeux cette fois, espérant ne voir arriver personne. Il y a des jours où on a envie de la montagne pour soi seule, égoïstement. On n'a nulle envie de partager ce décor, ces reliefs, ces couleurs, ces silences, ces lumières, même avec des inconnus de passage. On a envie de pouvoir capter et garder pour soi le moindre détail, et de parler aussi. Parler à ceux qui sont morts, dire aux vivants ce qu'on aimerait leur dire et qu'on ne dira jamais.  Faire quelques petits tours et détours dans sa propre histoire, se laisser aller à mi-voix à des conciliabules où personne ne viendra vous dire "Tais toi !", que personne n'entendra ni ne jugera. Mais aussi se taire, tout simplement. Les gens seuls ont parfois tellement envie de parler...Alors je parle aux montagnes, aux rochers, aux herbes, au sentier et aux animaux. Et à moi. Et c'est si bien...


Le regard vers la mer 

Vallée molletonnée de la Rotja
 Ainsi, longeant le Serrat de la menta, nu et blond, j'arrive à un très long passage enneigé et glacé qui requiert prudence.

Le pic des 3 estelles là haut




Un portail en fer s'ouvre et le Pic des Tres Estelles, 2099 m, s'offre à moi, nanti d'une croix, d'un drapeau et d'un belvédère à 360 °. Ouvrant sur plus de 200 ° de montagnes, enroulées comme un chat endormi autour des vallées, du Canigou au Madres en passant par les sommets catalans, capcinois, peut être ariégeois, enneigés et somptueux.
Et sur la mer !
A couper le souffle !



Vallée : Coma de Bacivers

Plaine du Roussillon et la mer


A l'abri, assise sur un tronc d'arbre, les pieds dans la neige, je grignote quelques nourritures terrestres avant d'entreprendre le retour que je veux original : en crêtes.
Pour ce faire, j'évite la forêt enneigée, où mes pieds se tremperaient, reprends le sentier de glace vive et enfin, pique en tout droit vers la crête, 50 m plus haut, à 2111 m, au moment même où trois promeneurs arrivent sur le sentier mais passeront sans me voir.


Le sentier est bien enneigé
 A présent me voilà en crête, une crête non effilée, arrondie, tapissée de neige ferme et je suis scrupuleusement cette dorsale jusqu'au Pic de la Menta, 2134 m, dominant le sentier, un grand étage au dessus. Ainsi la partie du paysage manquante à l'aller est bien présente, Roc dels Trepassats, dels Cimbells, Puig de Costa Llisa, un relief tourmenté creusé de profonds sillons, révélant même un faux volcan dans une parfaite illusion d'optique gardant jalousement l'anonymat.
Hors piste : sur la crête à plus de 2100 m d'altitude

Blanche solitude


Vers l'est : en fond Pic des 3 Estelles (2099), au milieu, pic sans nom 2114 m depuis le Serrat de la Menta, 2134 m

Vers l'Ouest , massifs cerdans

Au zoom

Illusion de volcan

Serrat de la Menta, point culminant du jour

Me voici au point culminant : 2134 m, le Serrat de la Menta . Pas trace de menthe, évidemment. Ici, la crête plonge abruptement 150 m plus bas.

2134 m : Cahier de notes, face au Canigou  (le cahier Leonard de Vinci)
Je n'y rencontre ni âme ni vivant mais une esquisse de sentier humain que je finirai par perdre dans un champ de neige, les traces filent à droite et moi résolument à gauche, pleine pente pour récupérer le sentier à 1860 m d'altitude, 274 m en dessous. Une plongée que j'étoffe de quelques passages rocheux, histoire de saluer les gardiens de pierre du matin.

Hors piste : descente

Tout droit en gispet (végétal)

Salut les rochers !
 J'aurais pu essayer de suivre la crête rocheuse et tourmentée jusqu'au parking mais j'aime aussi ce que Didier appelle "Les sentiers d' Amédine", ces tout droits tourmentés au milieu de nulle part où je me régale.

Terrain accidenté; dans le cercle, le parking du Col de Mantet, 1760 m


Sentinelles de pierre
Retrouver le sentier après 270 m de descente hors piste, est comme fouler un tapis après ce parcours "casse pattes", j'apprécie et tranquillement je rejoins le parking, où ce sera la déception de la journée, j'aurais du filer ! Et vite !
De belles leçons d'impolitesse seront au rendez vous de mon restaurant sous ce grand soleil d'été, bien loin de l'exquise délicatesse des chevaux. J'ai bien fait de faire de cette rando une journée d'exception, la douceur de vivre ce n'est pas parmi ces humains là qu'on peut la trouver. Et je les ai vite oubliés.


A Guy Vila qui m'a fait découvrir ce pic en images

En chiffres
Distance 11 km
Dénivelé cumulé positif : 500 m
Temps de descente : 2 h
Temps de montée : non chiffré 



4 commentaires:

  1. Quel bonheur de te lire étant momentanément allitée, tu me fais rêver dans ces montagnes si belles...Bon dimanche

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    1. Merci et je te souhaite prompt rétablissement; je reviens à nouveau de là haut, en face cette fois, vallée de l'Allemany, c'est Encore ! l'été mais il a neigé il y a 2 jours.

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  2. Un récit pétillant et de belles photos, tu mets en valeur ce beau belvédère et la sauvage vallée de Mantet. J’ai gravi les 3 estelles en été, l’atmosphère y est très différente, merci pour ce reportage hivernal plein de charme. Les chevaux ont remplacé tes chats en cette journée d’été en hiver... bises et caresses à ta tribu.

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    1. Et oui, je ne suis pas adoptée par des biches moi...hihi...j'ai adoré cette balade et je vais vite la refaire je pense, par Escaro (escarpée oui). Bises à ta singulière tribu

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