jeudi 11 novembre 2021

Serdinya - 66- Du Castell à Pomerjana


 Chapitre 3 : une nouvelle page s'inscrit à mon récit, ce sera ce jour 7 novembre de l'inédit (encore) et du musclé (toujours).

Le but de la recherche est les terrasses de Pomerjana dont j'ai dressé une esquisse dans mon précédent article.


Le site  de Pomerjana, à droite de la gorge


Le site où je vais évoluer

Le départ se fera de Serdinya en montant vers Marinyans et là commencera l'inconnu, l'hypothétique jusqu'à retrouver le sentier "normal". Mais cette fois, au lieu de revenir en suivant la dangereuse 116, je choisirai un autre itinéraire, connu, balisé et sûr.

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C'est parti ! Serdinya flamboie sous un soleil d'or et vierge de tout vent, chez moi c'est plus de 100 à l'heure. La montée jusqu'à la ferme ruinée de la Guardia sera rapide et la tenue estivale s'impose vite, il fait étouffant.


Serdinya

De la ruine,  je salue le décor qui, à ma première rando était tout gris, cela flamboie dur et les couleurs blondes sont superbes. Puis, à droite toute, sur la piste. Tiens une rencontre ! Un ancien canal se perd à peine rencontré. Bien sûr, jadis l'eau venait de loin et de partout. A présent, cela grésille de soif.

Décor ensoleillé


Ancien canal ?


La Castell vu d'en bas



Je manque l'entrée de mon sentier, normal il est désaffecté; mais je m'en rends compte de suite et je rebrousse chemin, heureusement je l'ai vu de haut sinon il est introuvable. Pour qui le cherche, avant l'énorme chêne vert sur la piste, bifurquer au bord du champ et à quelques mètres, deviner l'entrée du sentier : dès qu'on le trouve cela donne ça


Ne pas se tromper


Le départ du sentier, cela donne ça














Il n'y a plus qu'à...le suivre. Plutôt abandonné, plutôt sympa, rasant les murs, il passe au pied du Castell que, finalement on ne voit que d'en haut. Attendez comme moi la fin du parcours. D'en bas je ne vois rien, je cherche un éventuel sentier entre les murettes qui sont légion, rien! Je resterai sur ma faim. A présent je sais...qu'il n'y en a pas et faut se le fabriquer en repérant bien les trois rocs. Du raide et musclé...

Rasant les murs


Et dans les murs, en haut, au zoom..
un chemin d'eau


Je reste donc sur mon sentier. Par bribes j'entrevois en contrebas le parcours du Rec Nou, parce que je le connais, sinon... la 116 et la vallée sont le décor, en haut, c'est de la muraille doublée de murettes, c'est beau car c'est un patrimoine qu'il ne faut pas enterrer. Oui le décor est beau car rude, coloré et escarpé, peuplé de murettes surprenantes, que soutenaient elles ?

Des murs

Encore des murs

Je parviens au ravin des Rocs Llisos et le paysage se corse : tourmenté, avec des murettes incompréhensibles qui grimpent à l'assaut...mais pour quoi faire ? Ah, croiser l'âme d'un ancien qui m'expliquerait. (Sans doute l'ai je croisée depuis car à présent je sais : à éviter les éboulements de terrain!)


Le sentier avant sa plongée dans le ravin: en bas ce roc
sera bien au dessus de moi

Le ravin vers l'amont

Derrière le roc, les murettes de Pomerjana

Zoom sur les murettes


Mais dans ces grandes solitudes c'est un silence de mort. je tourne le dos au paysage ouvert, je m'enfonce dans la paroi du Correc des Rocs Llisos, descente dans une profonde gorge évasée comme une corolle avant que de se rétrécir jusqu'à n'être qu'un goulet; c'est comme si moi aussi j'allais être compressée. J'avoue être un peu stressée. Je note quelques mots dans mon carnet: "Solennel. Silencieux. Inquiétant. Sombre et coloré à la fois. Vraiment impressionnant.". Les mots manquent à exprimer mon ressenti tandis que je désescalade un pan de sentier en roche, une petite cheminée grise. Quelques arbres mettent un peu de feu dans ce fond de vallée, véritable entonnoir où je finis par traverser le ravin réduit à un goulet gris, lissé par des millénaires d'eaux torrentueuses et je remonte avec soulagement sur la rive gauche ensoleillée, aride, surmontée de hautes falaises, Pomerjane striée de murettes. 


La cheminée sur le chemin
             



Le lit du ravin réduit à un mince goulet lisse

Ancienne courbe du ravin, en hauteur, 
plate forme aménagée par l'homme et 
étayée par un muret (abri ?)

Le paysage d'ici

Le ravin en pente raide vers sa confluence
vu depuis les murettes


Retour à la rivière



646 m, à 2 km de Serdinya.  Ces murettes ne soutiennent plus rien, il faut presque les avoir vues de loin pour connaître la morphologie du site. Il n'y a que des pans de murs abimés, et une terre sèche recouverte de touffes sèches, rien n'évoque la vie ici, je suis dans un cimetière, encore plus mort, car il n'y a pas d'âme. Je remonte le cours des murettes sur une trace de sente et j'arrive à la rivière, à nouveau, où des murettes se devinent encore. 

J'imagine qu'un petit canal devait prendre naissance par ici et parcourir les terrasses en distribuant une eau précieuse; vu la déclivité du ravin c'est la seule hypothèse . En courbes de niveau, les parcelles recevaient de l'eau


En bord de ruisseau









 Les hautes falaises ocres et pâles sont splendides. Elles ne racontent que des histoires d'eau, quand le cours de la rivière était plus en hauteur et créait des encorbellements dans la roche, Hautes de plusieurs dizaines de mètres, elles sont rongées de grottes ou d'excavations et j'entreprends de lentes et périlleuses escalades, m'aidant des buissons comme de cordes fixes. Ainsi, en escaladant autant de roche que de broussaille, je rencontre de petits trésors, et j'en laisse beaucoup, par force. En fait on ne voit pas trace de grotte, c'est juste le terrain et sa configuration qui me font deviner que au bout de ce goulet empli d'ombre et d'arbres, quelque chose pourrait se cacher...

Ce sont ces murailles escarpées qu'il faut escalader
Vue prise de la grotte


C'est un autre monde qui m'accueille, un monde secret, discret, réservé aux curieux musclés. Un monde enchanté quand même ne fut ce qu'au niveau des couleurs. Le coeur d'un relief karstique est un monde de couleurs. Même quand ce ne sont que modestes cavités qui n'ont rien à voir avec les belles grottes féériques de stalactites et autres. Oui, la modestie, pour ne pas dire la pauvreté de mes trouvailles est pour moi enchantement et ajoute de la couleur à cette journée resplendissante.

Et sortie sur vide
                                                                                               

Entrée sur ravin
                                                                         






C'est la magie des couleurs qui laisse pantois.

Départ en désescalade

Quelqu'un pourrait passer à 2 m de moi et ne pas me voir. Je choisis des falaises où je peux grimper, je me faufile dans des petits ravins où seuls les arbustes me permettent de monter en me tractant avec leurs branches et m'aideront de même à la descente. La corde ne me sera pas utile, les cordes sont multiples ici et ont pour nom buplèvre ligneux. Ma curiosité va me pousser à chercher les propriétés du buplèvre et là, surprise ! autant ce végétal peut m'aider dans mes escalades, autant il pourra m'aider autrement à soigner les méfaits de ces escalades : une plante complète ! Elle me permet de "m'esquinter" et va ensuite réparer cela...par son huile essentielle. Articulations, muscles, courbatures, un remède miracle.

Ainsi, ce jour, je vais naviguer de grotte en grotte, sinon d'approche en approche car plusieurs me résisteront. J'ai beaucoup appris sur le pourquoi de ces grottes mais j'en parlerai une autre fois, leur histoire est fabuleuse. 

C'est dans ces coins de falaises arborés et herbacés
que se cachent les ouvertures

Entre les grottes et cavités je retrouve mon sentier qui n'a de sentier qu'un vague tracé au plus près de la sécurité relative, mais qu'importe, c'est magnifique

On a dit "sentier". Dans le coin sombre entre les falaises se cache une grotte

La plus étroite des grottes est habitée...par trois seaux! Un seau en métal, devant l'entrée, un seau en plastique en pièces détachées et dans la grotte où ne se glisserait pas un humain en entier, une boite en métal semble attendre le goutte à goutte. Un ami me dira que ce sont peut être des spéléos qui ont tenté de déblayer. Et je l'imagine davantage qu'à puiser de l'eau ! Ensuite, mes recherches en documents m'ont aidée à comprendre...


La plus vaste je vais en faire mon restau avec vue panoramique ; peu profonde, mariant le calcaire et le schiste, je vais me prélasser un moment en observant un paysage encadré par des blocs rocheux. Belle lumière, belle couleur, loin de tout et proche à la fois du défilé de voitures, je suis comme un enfant ayant sa cabane.


Telle un bivalve prêt à me happer et se refermer sur moi !



Et je vais vraiment profiter de ce havre de paix



Progresser dans ces falaises est difficile : elles sont à pic et le sentier est une mince vire de terre, végétaux et cailloux à flanc de mur, vaut mieux éviter la glissade. Quelques points de couleur délavée, posés par les chasseurs il y a longtemps peuvent aider.



"Il est où le sentier il est où ?"...Pourtant il y est

J'en aurais eu pour 3 jours, à explorer, à condition de pouvoir grimper !


Ainsi je parviens à l'extrémité de Pomerjane et je me retrouve exactement là où j'avais bloqué à ma première sortie là bas, un petit sentier qui semblait sans issue. et que je nommai "perdifère". Finalement ces incursions sont des pièces de puzzle qui s'assemblent avec exactitude et perfection.


Vue impressionnante du ravin des Rocs Llisos plongeant vers la route et la Têt




la grande forêt de chênes verts



Je connais à présent le chemin et je vais retrouver celui qui descend sur la 116; et bien je n'en veux pas de ce retour par la route, alors je remonte, direction Els Horts. 










A la bifurcation vers la grande falaise du saut de l'eau, sentier devenu perdu, je fais un crochet pour aller explorer. Je ne serai pas déçue. Arrivée à la grande falaise, lumineuse ce jour, je traverse la rivière et vais explorer le sentier qui se devine de l'autre côté. Je vais remonter sur 200m un sentier soutenu de murs, taillé à flanc de falaise et fonçant droit sur Sant Père. Des murettes partout, muettes comme il se doit. Le sentier se perd dans des éboulis, je ne m'acharne pas, je reviendrai, il mérite d'être retrouvé et il me faudra être plus "fraîche" qu'en ce moment où je suis fatiguée et assoiffée. Ce sera une vraie découverte car ici aucun chasseur ne va, aucune marque ni trace. Je vais me régaler d'essayer de retrouver des indices : tracé, murettes, intuition de la cohérence. J'aime ces recherches, autant que de marcher. Une vraie enquête. A suivre...

Le sentier très désaffecté 


Même chose

Le décor dans lequel je devrai retrouver sa trace

La grande falaise, observée avec attention, révèle quelques vieilleries : des barreaux, une sangle de rappel, rien où je puisse me faufiler. Mais oui, entre muraille et arbres, il y a là aussi des excavations, signe du passage ancien des eaux du torrent, et des plates formes piétinées par des animaux. Et même le reste d'une clôture! 

La grande falaise et ses équipements inaccessibles



Excavation liée au passage de la rivière il y a ....longtemps

Inaccessible : un mur à l'intérieur ?

Un petit aparté pour dire que ces ravins sont affluents de la Têt et que la Têt dans des temps immémoriaux avait un lit bien plus élevé donc les ravins aussi, ce qui explique ces excavations bien au dessus de leur lit actuel. Le paysage s'est énormément creusé dans ce défilé de la Têt, mais ce sera une autre histoire, plus tard. Une histoire qui débute ici il y a près de 400 MA (millions d' années). Et qui s'inscrit du haut vers le bas du Massif du Coronat.

A présent, retour au "sentier aseptisé" qui conduit au village dels Horts. Les Ors, on pourrait dire, car les arbres ont leur parure dorée et la lumière est d'or. Le panorama est magnifique, très lumineux, la chaleur intense et la soif corrosive. Un seul litre d'eau c'est dérisoire, aujourd'hui il en aurait fallu deux et demi; je rationne, j'apprécie le prix de l'eau.

Els Horts (on voit la maison en ruine) au milieu dels ors


Sur le chemin, un lieu nommé La Cova (la grotte) présente un étroit couloir, ancien chemin d'eau, très vertical, coincé au pied d'une falaise creusée de grottes. C'est sombre, sinistre, peu attirant. C'est un peu fou mais j'entreprends l'escalade de ce couloir de roche, ce sera le "point chaud" du jour. Le demi tour s'impose vite, les grottes sont inaccessibles et si l'escalade est périlleuse, la désescalade est stressante, je n'ai pas envie d'accrocher la corde car il n'y a rien d'adéquat. Ravie de retrouver le sentier!
Vu de loin

Le site, au pied de la falaise, dans l'ombre


La meilleure vue des grottes est de loin :


La clé des songes
Une grotte habitée



Le déversoir
Mystérieuse


Tranquillement j'arrive à Els Horts, voie de contournement cette fois, un regard aux citernes sèches et le trajet du retour où le vent vient enfin à ma rencontre me plait beaucoup car il éveille la montagne muette, la fait vibrer et éteint ma soif. D'Els Horts, je m'octroie une séance lecture, de terrain veux-je dire. Le chemin pour le Pic de las Coves, hors sentier, les falaises qu'il va longer, semées de grottes, un nombre incalculable, comme le nom peut l'indiquer (cova= grotte). Els Horts est alangui sous le soleil, on pourrait presque entendre les paysans se glisser entre les murs, avec leurs bêtes, harassés et silencieux, et les enfants trainer leurs galoches, on pourrait, en écoutant bien, entendre bruisser les souvenirs entre les murs de pierre.

Le sommeil tranquille des vieilles pierres



Un prochain terrain de recherches, hors sentier, vers le Pic de las Coves


Et ses mystères

Le site de Pomerjana

Je passe en silence. Ne pas déranger et je poursuis mon chemin à la rencontre du vent fou surgi je ne sais d'où. Je fais une halte au Castell, scrutant du haut ce que je n'ai pas vu d'en bas. Je commence à descendre de murette en murette, je pourrais arriver en bas, en les suivant, je le sais mais l'envie n'y est pas. Une autre fois peut être.

Le site du Roc du  Castell: mon sentier du matin est en dessous de la piste

le sentier du retour passe entre ces murs


 Ma balade est assez riche, j'ai fait provision de découvertes et je n'ai pas envie de dévaler ce terrain croulant, je le ferai un jour en montant. Je me laisse donc porter vers Serdinya, plus très loin. Aujourd'hui est une journée particulière, rando découverte débutée tard dans la matinée. 
Et je me sens étrangement épuisée. Mais qu'ai je donc fait ? 

Marinyans, vestiges de l'église et Canigou

                                                                                                 A bientôt....    

En chiffres

Distance : 10.66 km

Dénivelé non calculé: faible (entre 400 et 500 m)

Temps de marche hors arrêts: 3h 36

La route : 110 km AR



En jaune, le trajet
En blanc les zones de recherches





4 commentaires:

  1. Encore un récit qui nous balade en ces endroits où je n'irai sans doute jamais. Donc je profite de tes mots, de ces photos qui me font t'accompagner tout au long de ta marche. Ta passion pour ces montagnes me rappelle celle qui fut la mienne il y a longtemps. Voir, écouter, sentir et respirer en ces chemins perdus apporte cette force intérieure qui s'exprime par des phrases simples, emplies d'un bonheur précieux. Celui de ta liberté d'être, d'aller, faire des kilomètres en solitaire pour bénéficier de ces instants fatigants mais magiques. "Ocell del bosc est i quedaràs sempre" ! Merci ! ASP

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  2. Et bien, j'apprécie ce commentaire qui montre que quelqu'un est sur la même longueur d'onde que moi. Pas facile d'être compris dans ces errances "qui ne servent à rien" ces endroits où "à quoi ça te sert de monter puisqu'il te faut redescendre". Bon c'est de la moquerie; si tu ne fais que l'utile dans la vie, quel ennui ! Moi c'est un grand voyage intérieur que j'ai entrepris au début et ce grand voyage m'a offert un autre regard, une curiosité nouvelle , qui étaient déjà fortement ancrés en moi et un goût marqué pour le partage, mais quand on vit comme moi, le partage tombe souvent dans le vide. En tout cas parmi mes lecteurs FBook certains se régalent et ça aussi c'est un moteur!. Quand je pars, je vous emmènes tous avec moi, amis virtuels ou pas, ma famille ne fait pas partie du voyage! Je t'embrasse très fort et j'aime beaucoup le "ocell del bosc" comme j'aime le AH que je donne un ami cher, en lien avec un célèbre explorateur contemporain. Re bises de l'Ocell del bosc

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  3. Un véritable jeu de piste dans un décor sauvage et très beau, bravo pour toutes ces découvertes. Les grottes, les murs en pierres sèches et les falaises sont attirants et les couleurs d’automne les colorent joliment. J’espère que que tu as ramené la plante miraculeuse en quantité… je suis preneuse, peut-être arrêterait-t-elle la toux…
    Bises.

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    1. La plante miraculeuse se récolte en fleurs donc faudra attendre le printemps. Et encore c'est huile essentielle donc ça je sais pas faire. Faut juste commander sur internet! Je tousse et n'ai rien trouvé pour ça...hélas. Il me reste dans ces montagnes le plaisir de la découverte, presque une exploration. Bises

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